Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/08/La Neuvaine Eucharistique

LA NEUVAINE EUCHARISTIQUE




Voici une des plus consolantes lettres que j’ai reçues depuis ma conversion. Son auteur me pardonnera, j’en suis sûre, si je la publie ; et je le fais avec toute la discrétion nécessaire. Mais, en vérité, j’ai quelque droit de le dire, la Neuvaine Eucharistique est mon écrit de prédilection ; plus vénérables ministres de Dieu m’affirment que cet opuscule fait grand bien aux âmes, et, — pourquoi le cacherais-je ? — j’en suis tout heureuse. Je remercie le Divin Maître, qui, malgré mon indignité, me comble ainsi de ses bontés les plus douces ; car rien n’est plus allègre au cœur que d’aider au salut de son prochain ; rien n’a une suavité plus pénétrante, lorsqu’on songe surtout à l’abîme d’où les prières d’autres m’ont arrachée.

Quand on aura lu ces lignes de l’excellent et humble prêtre, on comprendra que je n’y aie rien ajouté, l’effusion de mon bonheur ne se pouvant traduire par la plume.


Z…, ce 4 février 1896.
(En la fête de Sainte Jeanne de Valois.)


Mademoiselle,


Cette lettre aura-t-elle l’heureuse fortune d’arriver entre vos mains ? J’ai quelque espoir que Dieu et votre bon ange la conduiront jusqu’à vous, pour vous faire partager, s’il est possible, un peu du bonheur que vous nous avez donné, sans vous en douter, ces derniers jours.

Je suis, Mademoiselle, un de ces prêtres nombreux qui, sans être connus de vous, vous ont pour ainsi dire suivie pas à pas ces dernières années, ne cessant d’appeler de leurs vœux les plus ardents, de leurs prières et de leurs larmes, l’heureux jour où enfin, par un miracle de l’infinie miséricorde de Dieu, vous nous criez dans vos Mémoires : « Amis, je suis vraiment vôtre. » Depuis, je dévore les pages de ces fascicules qui, tout en jetant un jour si étrange au milieu des temps troublés où nous sommes et des pénibles incertitudes de l’avenir, nous consolent si délicieusement, au merveilleux récit de votre venue parmi nous.

C’est avant tout votre Neuvaine Eucharistique, qui me fait écrire aujourd’hui.

L’autre jour, donc, que je la relisais seul, tout ému, à votre exemple au pied du Tabernacle, une idée à laquelle je n’avais jamais encore songé me fut soudainement inspirée : « Voici ton Adoration perpétuelle qui approche, me disais-je ; on est si bien ici avec ce petit livre. Eh ! qui donc t’empêcherait d’inaugurer solennellement dans ta petite paroisse l’Adoration nocturne de réparation, qui précéderait l’adoration du jour ? tu y inviterais personnellement tous les hommes, qui viendraient tour à tour donner une heure aux pieds du Saint-Sacrement. » Ce qui fut résolu là, auprès du Divin Maître, de concert avec le petit livre, c’est-à-dire avec vous, Mademoiselle, fut mis en œuvre ; et le 30 janvier au soir, dès les dix heures, mes braves gens, même de ceux que je ne voyais jamais, étaient pour la plupart là, à genoux aux pieds de Jésus exposé dans son ostensoir. Et là, durant les neuf heures de la nuit, j’ai fait passer vos pages toutes brûlantes de l’amour de Notre Seigneur, à travers ces âmes qui en ont fait leurs délices.

Comme vous, et avec vous, Mademoiselle, nous avons adoré, médité, réparé. Je lisais lentement, avec arrêts fréquents… et quelques mots en dehors du texte, laissant surtout à la réflexion le temps de travailler ces âmes. Je n’ai pas été déçu ! quel bonheur a été le mien, de voir l’émotion gagner ces cœurs, de pouvoir pleurer avec eux devant notre autel transfiguré !… Vous dirai-je qu’à notre gré la nuit a paru courte et ses heures trop rapides !

Après Dieu, auteur de tout bien, à vous, chère Mademoiselle, mes remerciements pour l’heureuse inspiration qu’a fait naître en moi votre Neuvaine Eucharistique, et les salutaires mouvements de la grâce qu’elle a provoqués autour de moi. Cette nuit inoubliable me fait présager des retours chez mes retardataires. Béni soit le vénéré prêtre, votre conseiller, qui n’a pas voulu et avec raison voir ces pages ensevelies dans le monastère où vous les avez écrites, et puissent le bien qu’elles nous font, et l’amour de Jésus-Hostie qu’elles réveillent en nous et réveilleront encore, vous consoler, vous dédommager des pénibles souvenirs du passé qui vous afflige, mais que Dieu a permis, pour en retirer, vous le voyez bien, un plus grand bienfait en faveur des âmes dont il se fera aimer.

Votre bonté qui s’est toujours révélée dans vos écrits me pardonnera, je le sais, de vous avoir distraite un moment de vos travaux ; mais, par votre livre, vous avez été avec moi au travail de la sanctification des miens ; j’ai voulu vous faire part du bonheur de les savoir comme moi réchauffés ainsi par vous, au pied du Tabernacle. Voilà pourquoi j’ai écrit.

Permettez-moi, en finissant, Mademoiselle, de me recommander à vos généreuses prières. Le doux Maître qui vous a tant aimée alors que vous n’étiez pas encore à Lui, n’a fait évidemment que redoubler d’affection pour vous, depuis l’heureux jour ; mais à la vue du bien qui se fait par votre entremise, que pourrait-Il refuser à vos vœux et à vos prières, surtout pour les prêtres qui L’ont si instamment sollicité pour vous, et qui chaque matin encore à l’autel sont si heureux de vous être intimement unis dans la plus vive reconnaissance ?

Que la Vénérable Jeanne d’Arc, votre sainte de prédilection, et l’ange qui veille sur vous, vous protègent et vous gardent contre vos ennemis, qui sont aussi les nôtres ; qu’ils vous conservent, pour le succès de votre œuvre de combat, à l’affection de vos amis.

Daignez agréer, Mademoiselle, avec tous mes respects, mes humbles et dévoués hommages en N.-S.

X*** curé de …


P.-S. — Avez-vous remarqué, bonne Mademoiselle, que le grand coup de grâce du 13 juin, Fête-Dieu, a coïncidé aussi avec le jour de Saint Antoine de Padoue ? Si vous saviez pourtant tout ce qu’on a dit pour vous à ce charitable Saint, et tout ce qu’on lui a fait faire, vous ne seriez pas à bout des détails merveilleux de votre conversion.