Mémoires d’une danseuse russe/T3-01-1

Sous les galeries du Palais Royal (1 à 3p. 5-16).



IIIème PARTIE.

À L’ACADÉMIE IMPÉRIALE DE DANSE.












Bandeau typographique
Bandeau typographique

I

L’INSTITUT DE DANSE



L e lendemain une voiture m’emportait à l’Institut de Danse. Les glaces du coupé étaient opaques, et empêchaient de voir dans la rue, et les passants de plonger un regard indiscret sur les voyageuses. C’était le commencement de ma prison et de mon isolement d’avec le monde extérieur. La voiture roula sur le pavé d’une voûte, et s’arrêta dans une cour intérieure.

On ouvrit la portière. Une femme de chambre m’attendait sur le perron. Elle me conduisit au salon d’essayage, qui se trouvait au premier étage. Je n’avais que le costume que je portais, mais comme il n’était pas d’ordonnance, on devait le retourner à la modiste.

On me passa une chemise et un peignoir, et on me conduisit au bain dans cette tenue, les pieds nus dans des babouches. Là, deux servantes, qui étaient vêtues d’un peignoir pour la circonstance, me lavèrent et me relavèrent, me passant à deux eaux parfumées, nettoyant chaque fois les deux bijoux voisins, l’un sur les bords, l’autre jusqu’aux combles. Bien que je fusse dans l’eau, la seconde descente me causa une émotion palpable pour mes deux baigneuses, qui se mirent à rire comme des folles.

— En voilà une facile à branler.

Je dus sortir du bain. Les deux servantes m’épongèrent avant de m’essuyer. Déjà l’éponge avait produit un petit émoi, aussi quand le linge brûlant vint essuyer cette partie si sensible, le même tressaillement se reproduisit. Elles retirèrent aussitôt le linge, et s’aperçurent qu’il était mouillé.

Alors ces deux filles me branlèrent l’une après l’autre en y mettant deux doigts. Elles me firent jouir une fois chacune en moins de deux minutes.

Elles me firent prendre un bain de siège, et n’osèrent pas recommencer, craignant que çà n’y parut. Elles me recommandèrent de ne pas les dénoncer, disant qu’on les fouetterait jusqu’au sang, si l’on savait qu’elles s’étaient livrées à une pratique défendue sous peine du fouet.

J’étais trop enchantée de leurs bons offices pour leur vouloir du mal. Alors ces deux femmes, qui avaient bien trente ans, s’agenouillèrent, l’une à l’orient, l’autre à l’occident, et je connus pour la première fois de ma vie la double volupté, si bien complétée l’une par l’autre. Je frétillai comme sous deux outils virils, sous ces deux langues expertes, qui jouaient leur rôle à merveille.

Je me retournai pour qu’elles n’eussent pas à se déranger pour intervertir l’ordre des actrices. Les deux langues se valaient pour les deux services. Elles durent m’éponger de nouveau. Tout çà, bain compris, n’avait pas duré dix minutes.

Elles me ramenèrent au salon d’essayage, où l’on me mit toute nue. L’essayeuse en chef me prit elle-même les mesures, elle ne confiait la chose à personne, à cause des responsabilités encourues par son postérieur.

Elle prit d’abord le tour de ma ceinture, puis de mes hanches, et enfin de mes fesses par le milieu du ventre. Elles mesuraient une envergure de cent vingt-deux centimètres. Elle me fit porter les pieds à un mètre d’écart, et me pencher en avant. Avec les fesses rebondies et élargies, le centimètre marqua cent trente.

Elle prit la mesure de la hanche au talon, puis celle d’entre-cuisses. Les deux servantes, qui m’avaient assistée au bain, semblaient se demander s’il n’allait pas m’arriver quelque accident. Il y avait trop peu de temps que j’en avais éprouvé plusieurs, et puis cette main de femme, au lieu de me paraître caressante, me semblait au contraire rude et sèche. Elle prit le tour de ma cuisse sous le creux, elle avait soixante douze centimètres de circonférence.

Elle alla ensuite prendre dans un carton numéroté un maillot à ma taille. On me mit un corset de toile gommée qui laissait à découvert les trois quarts de la gorge. Les deux femmes de chambre vinrent m’essayer le maillot.

Je dus m’asseoir sur le bord d’un canapé. L’une me souleva la jambe, me tenant le pied tendu, l’autre fit glisser le maillot jusqu’à ce que le pied et la jambe fussent emprisonnés. Elle en fit autant à l’autre. Puis l’on me mit des babouches aux pieds, et je dus me mettre debout.

Elles durent se mettre à deux pour enfermer mes cuisses, qui étaient serrées dans cette soie collante, puis les fesses et le ventre qui entrèrent difficilement jusqu’au milieu. Comme le maillot était taillé pour s’ajuster à la ceinture, à partir de la cime des fesses, il avait la forme d’un entonnoir renversé. Depuis le milieu du ventre il était fendu pour que la circonférence put passer, et on le laçait comme un corset car il fallait qu’il collât de partout.

Le mien était outrageusement collant, j’étais serrée comme dans un fourreau. L’essayeuse me fit marcher pour savoir si le maillot ne faisait pas de pli. Elle m’inspecta sur toutes les coutures. Elle savait que le moindre défaut apparent lui valait une correction immédiate de la main des Grands Ducs, dans un des appartements qu’ils s’étaient réservés dans l’Institut qui leur appartenait. On leur conduisait aussi celles dont on changeait le maillot.

Elle me fit écarter les pieds à un mètre de distance. Puis elle fit un signe à l’une des aides qui la secondaient dans ses essayages. L’ouvrière me prit par les épaules et me fit incliner peu à peu vers le parquet. Je sentais la soie se tendre sur mes fesses qui s’élargissaient rebondies. Je n’étais pas encore dans la posture horizontale, que les coutures craquèrent sur toute la longueur des fesses, laissant dans le milieu une langue de chair de dix centimètres.

Je m’attendais à recevoir une dégelée de claques, mais quand je me relevai sur l’ordre de l’essayeuse, je m’aperçus qu’elle était ravie de ce qui m’arrivait, car debout les deux morceaux d’étoffe présentaient encore un écart de cinq ou six centimètres. C’était bien là le maillot qui me convenait. Elle prenait ses précautions pour éviter les reproches, qui lui auraient été indifférents, s’ils n’avaient pas eu une suite fâcheuse pour son postérieur. Elle faisait essayer les maillots jusqu’à ce qu’elle en trouvât un dont les coutures craquaient dans cette posture.

Pour le reste, jupes de gaze, jupes pour la danse, costume d’intérieur, les mesures furent plus vite prises. Quand au corset, c’était un corset de toile gommée qu’en serrait à la taille et qui était évasé ainsi que la chemise, les tétons devaient se reposer sur le bord, la pointe en dehors.

Quand c’était une belle gorge rebondie, les trois quarts des gros seins devaient être en dehors, de façon qu’ils pussent ballotter à l’aise pendant la danse, les pointes dressées en avant. Les jupes de gaze étaient très courtes, très empesées, c’était nécessaire pour la tenue de la répétition, et aussi pour celle de la scène, pour que les spectateurs des deux sexes, car l’un y est aussi intéressé que l’autre, pussent découvrir sous le ballonnement tous les appas à nu, car les maillots étaient couleur de chair.

Dès que je fus équipée de pied en cap, l’essayeuse me passa elle-même le maillot. Elle confia l’ajustement de mon corset de toile à une des filles de chambre, qui me passa également ma jupe de gaze. Puis l’essayeuse me passa une jupe de soie rouge vif, formant corsage, très évasé, la gorge nue.

Ensuite elle me conduisit dans l’un des appartements, que s’étaient réservés les Grands Ducs dans l’Institut, où nous dûmes attendre plus d’une heure, moi dans l’immobilité la plus complète, pour ne pas déranger la symétrie de l’ajustement, elle confortablement assise, attendant le bon plaisir des maîtres.

Une voiture roula dans la cour. Un timbre résonna. Elle se leva, pour attendre l’entrée des maîtres.

Un grand jeune homme blond, qui paraissait vingt-cinq ans environ, entra seul.

— C’est la nouvelle acquisition, dit-il, en me regardant d’un œil indifférent ?

— Oui, monseigneur.

— Elle se nomme.

— Mariska, monseigneur.

Il s’approcha de moi, regarda un instant ma gorge, la prit dans ses mains, palpa mes nichons pour s’assurer s’ils étaient durs, toujours avec la même indifférence. Il vint derrière, tâta mes fesses et mes cuisses, dut trouver la soie bien ajustée, car il ne fit pas d’observation. Il me fit incliner, la soie se tendit.

Lui aussi, me fit écarter les pieds à la distance réglementaire, et l’essayeuse vint, comme la fille de chambre dans le salon d’essayage, me faire pencher peu à peu appuyant sur mes épaules. Le maillot éclata au même endroit de la descente.

L’essayeuse continuait à me courber vers le parquet, le maillot se décousait de haut en bas, et mes grosses fesses qui se dilataient à l’aise, maintenant qu’elles n’étaient plus serrées dans la soie, se montrèrent dans toute leur ampleur, avec tous les alentours. Elle me maintint un moment la tête entre les jambes.

— Bien, dit le Grand-Duc, en m’appliquant cinq ou six fortes claques sur mes fesses nues, c’est bien là le maillot qui convient à ce gros postérieur.

Il tourna sur ses talons, pendant que l’essayeuse et moi l’imitant, nous nous inclinions jusqu’à terre. Elle me ramena au salon d’essayage où je repris les vêtements d’intérieur.

Les Grands Ducs, qui étaient les propriétaires de l’Institut et par conséquent les maîtres absolus, ne venaient que rarement aux répétitions. La direction en était confiée à l’Intendant général, celui qui avait couché avec moi pour reconnaître la valeur de la marchandise. Il était aidé dans ses fonctions par la directrice, une femme d’une quarantaine d’années, par un maître de ballets, des professeurs des deux sexes.

Mais les professeurs mâles n’assistaient pas à la répétition. Ils donnaient des leçons en particulier dans la même tenue aux retardataires, et ne se gênaient pas pour appliquer des claques à la moindre faute sur les fesses nues des délinquantes. Comme je n’ai jamais eu à passer par leurs mains, je ne connais la valeur de leurs claques que par ouï-dire, et par les cuisses et les fesses rouges que rapportaient leurs élèves.

Il y avait aussi des surveillantes, des filles de chambre, des filles de cuisine, des jardinières, toute une série de postérieurs susceptibles de recevoir le fouet.