Mémoires d’une danseuse russe/T1-07

Sous les galeries du Palais Royal (1 à 3p. 136-152).

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VII

LE PILORI.



M ina racontait ses amours à son amie Rita, qui était sa compagne de lit, Nous couchions deux à deux. J’avais pour camarade une gamine de huit ans qui ne faisait qu’un somme. Les deux amies aimaient les douceurs du tête à tête. Elles attendaient l’extinction des feux pour se livrer à leurs doux épanchements, étouffant les soupirs qui auraient pu révéler leurs tendres relations, dont la maîtresse prenait prétexte quand on les découvrait pour les fouetter jusqu’au sang, reliées l’une à l’autre sur une plate forme tournante comme sur un pilori.

Mina, malgré les faveurs dont la comblait le jeune barine, ce dont elle paraissait aussi fière qu’heureuse, se livrait à sa passion pour son amie avec une ardeur sans égale. Rita lui rendait sa ferveur avec usure.

La gouvernante jusqu’ici n’avait pas pu les surprendre, bien qu’elle les soupçonnât de quelque chose. Elle faisait des rondes de nuit, marchant sur la pointe des pieds, glissant doucement sa main sous les draps, la portant brusquement sur le corps du délit. Les deux dormeuses prenaient la précaution de s’écarter avant de s’endormir. Aussi n’étaient-elles jamais prises en flagrant délit, elles se réveillaient en sursaut à ce contact imprévu.

Par une chaude nuit d’été, elles avaient repoussé le drap de dessus et s’étaient mises à deux de jeu, ce qu’on appelle je crois tête bêche dans votre pays. Dans le divertissement les deux amies se réjouissaient de compagnie. Elles avaient dû poursuivre le duel, en intervertissant les rôles, jusqu’à extinction de chaleur vitale, sans doute, se reposant avant de retourner la feuille, et après le dernier duel, elles durent s’endormir ainsi.

En ce moment un rayon de lune entrait par la fenêtre en même temps que la gouvernante par la porte. Elle se dirigea vers le lit des deux amies. Le spectacle qui s’offrit à ses yeux dut lui mettre du baume dans le cœur. Elle savait que le boyard, la boïarine, et le jeune barine, qui revenaient du théâtre de la ville, n’étaient pas encore couchés. Elle leur annonça la chose, ils voulurent aller constater le flagrant délit sur le champ.

La gouvernante avait pris une lanterne sourde. Ils se portèrent à pas de loup vers le lit des deux amies. Elles n’avaient pas changé de posture, ce qui prouvait qu’elles ne s’étaient pas réveillées. La gouvernante dirigea le rayon de sa lanterne vers la croupe qui était à califourchon sur la figure de son amie. Les trois mains se levèrent ensemble et retombèrent dans un accord parfait sur les larges fesses en montre, qui réveillées en sursaut bondirent et retombèrent sur la figure écrasée.

La cavalière sauta à terre en poussant des cris épouvantés qui réveillèrent la chambrée, composée de quatre autres lits doublement occupés. Quand je dis la chambrée, je parle de mes camarades. Je m’étais réveillée à l’entrée de la patrouille, me demandant ce qu’on nous voulait. Je vis qu’elle s’arrêtait devant le lit des deux amies.

Lorsque la gouvernante dirigea le rayon de sa lanterne sur le couple endormi, comme rien ne masquait le groupe, je vis alors une chose anormale, les deux amies couchées dans une posture bizarre. Au lieu d’être côte à côte comme toutes les compagnes de lit, elles dormaient l’une sur l’autre mais à l’envers. L’une était couchée comme tout le monde, celle qui était dessous, l’autre à l’inverse le cul à cheval sur la figure du côté du traversin, la tête vers les pieds. Pourtant elles se couchaient comme tout le monde. Ce devait être en rêvant qu’elles prenaient cette étrange posture.

J’aurais dû me douter cependant de ce qu’elles faisaient. J’étais suffisamment éclairée là dessus par deux faits, l’histoire de Léna, et mon aventure avec les dames. Mais je ne connaissais d’autre posture que celle de l’agenouillement devant le sanctuaire où l’on doit prier. Puis je me figurais que c’était un vice qui ne florissait que chez les grandes dames, qui avaient des serves dressées à cette corvée. « Quantim mutata ab illo » comme vous me le disiez, quand je vous racontais quelque naïveté de mon adolescence.

Les claques continuaient sur les cuisses, sur les fesses, sur les joues qui enflaient à vue d’œil, sur la gorge, partout où elles pouvaient attraper. Ce fut une avalanche de soufflets retentissants, qui teignirent tout le corps en rouge, et qui se termina par l’annonce de cinquante coups de verges le lendemain sur le pilori.

Elles savaient ce que c’était que le pilori. Les coups de verges appliquées aux deux coupables sur les fesses étaient toujours assénés avec rigueur, et précédés d’une flagellation des reins et des cuisses avec un martinet fait de lanières du cuir larges et épaisses.

On nous introduisit vers deux heures dans la salle du fouet. Toutes les filles susceptibles d’être fouettées étaient présentes. Le pilori était comme la scène d’un théâtre derrière un rideau, qui se levait à un signal donné.

Ce jour-là nous attendîmes plus longtemps que de coutume. Il y avait au château des invités qui avaient dû faire plusieurs lieues en voiture, pour assister à une fête qui se donnait le soir. Ils furent naturellement enchantés du supplément que le hasard leur offrait, car c’est un vrai régal pour les friands du fouet, que ce tableau vivant qui change de ton à chaque tour de roue.

On attendit que les invités fussent confortablement assis dans des fauteuils voluptueux pour lever le rideau. Dès que le signal fut donné, la toile monta, et l’on vit sur l’estrade les deux filles de chambre, toutes nues, les cheveux tordus en chignon, seins contre seins, les jambes liées ensemble, les bras attachés par les poignets, un large collier de cuir embrasse les deux cous, bouclé un peu lâche. Des anneaux de cuir, glissés sous les aisselles, attachés à des cordes qui descendent d’une petite plaque tournante scellée au plafond comme deux anneaux de gymnase, les soutiennent pour les empêcher de tomber mais non de se balancer.

À gauche, en dehors de la plaque tournante, à la portée des corps nus, le jeune barine est armée d’un martinet d’un aspect formidable, fait de quinze lanières larges et épaisses, qui doivent assommer les chairs qu’elles flagellent.

Le jeune bourreau brandit le martinet, la plaque se met aussitôt à tourner, les quinze longes de cuir retombent, cinglant les blanches épaules de Mina, comme si c’eut été l’une de nous. On entendit le froissement des chairs assommées. Rita apparut à son tour, les lanières s’abattirent avec fracas sur le dos qui passait.

Lorsque Mina reparut, elle avait une large plaque livide entre les deux épaules. Les lanières la cinglèrent au-dessous, amenant le sang à fleur de peau. Les deux dos passèrent et repassèrent, à chaque tour de roue, la ligne rouge descendait plus bas et cependant les deux patientes, malgré la torture inséparable d’une flagellation aussi sévère, avec un instrument de supplice de ce calibre, n’avaient pas poussé un cri.

Quand la ligne de démarcation fut bien tranchée au bas des reins, lorsque Mina reparut, le jeune barine se pencha et appliqua un coup formidable sous le bombement des fesses à la naissance des cuisses, là où la peau est si tendre. La jeune fille pincée au vif poussa un cri strident, ses fesses bondirent soulevées par la cruelle cinglée.

Le jeune maître semblait se venger d’un affront. Parbleu, il était jaloux de l’amie, et il fouettait sa maîtresse en amant jaloux. Il n’épargnait pas davantage l’amie, car elle poussa un cri de détresse, quand les lanières vinrent la cingler sous les fesses.

Il descendit ainsi, flagellant les cuisses, puis les jambes, ne s’arrêtant qu’aux talons. Tout le corps, à l’exception des fesses épargnées, qui avaient gardé leur neige immaculée, était cardinalisé.

Les invités applaudirent. Ça faisait un drôle d’effet que ces deux corps vêtus de pourpre, avec une grande lune d’argent suspendue dans le milieu, qui passaient et repassaient sous nos yeux. Il leur laissa faire quelques tours ainsi, comme s’il se reposait avant de prendre les verges.

Le jeune barine avait choisi un faisceau de verges très lourd, qu’il brandissait depuis un moment, effleurant les fesses quand elles passaient à sa portée. On les voyait frissonner au sifflement menaçant qui fendait l’air.

Enfin elles retombèrent. Ce fut Mina qui reçut la première cinglée sur ses pauvres fesses blanches juste au milieu. La violence du coup repoussa la croupe en avant, le corps ployé, on aurait dit qu’il allait se rompre. Quand la croupe de Rita s’offrit à la verge levée, elle se présentait soulevée par la pression qu’exerçait Mina, toujours sous l’impression du terrible coup, et elle reçut la cinglée sur la chair tendue à éclater.

Mina repassa dans la même posture cambrée, les verges la fouaillèrent au même endroit, ce qui la fit revenir en arrière, en soulevant ses grosses fesses. Le jeune barine semblait se complaire à la torture qu’il infligeait aux deux pauvres filles, qui maintenant ne cessaient de pousser des cris de détresse, à chaque coup qui leur meurtrissait les chairs. Elles se secouaient, se tordant sous les affreuses piqûres, les fesses bondissaient en avant, faisant heurter les ventres si fort qu’on entendait le choc.

Les spectateurs applaudissaient à ce jeu cruel, car les fesses empourprées se couvraient de rubis, qui dégouttaient sur les cuisses aux derniers coups plus cruellement cinglés que les autres. Puis il les cingla visiblement entre les cuisses deux ou trois fois, leur arrachant des cris de damnées. Les spectateurs et surtout les dames applaudirent de plus belle, ce qui encouragea le cruel garçon à y détacher après le compte réglé, deux autres coups qui ensanglantèrent les bords.

Quand la séance fut terminée, on nous fit défiler devant le tableau vivant qui passait et repassait sous nos yeux. Elles geignaient pitoyablement, ayant le feu partout, le corps était incendié de la tête aux pieds. Les fesses plus maltraitées ressemblaient à deux soleils couchants constellés de taches de sang.

Le jeune barine, seul de la société qui avait assisté à la séance, était resté là, se délectant à la vue des corps nus, qu’il avait si bien accommodés.

La plaque tourna ainsi pendant un long quart d’heure. Lorsqu’on les détacha, elles gémissaient encore, et quand elles passèrent toutes nues près de nous, les grandes filles de mon clan eurent un sourire dont je ne compris la cause, que lorsqu’on me l’expliqua le soir. Cette union intime des deux corps nus, enlacés, s’embrassant, seins contre seins, les ventres se heurtant, avait eu l’issue que l’on constatait à leurs poils.

Le jeune barine les suivit dans leur chambre dont il poussa le verrou. Que se passa-t-il entre ces trois personnes, entre le bourreau et les victimes ? On ne le sut pas tout de suite. Mais le jeune maître ne sortit de là que deux heures après y être entré.

Les deux amies eurent des soins, qu’on ne prodigue pas d’ordinaire aux fessiers maltraités. Au lieu de les séparer, comme il en avait l’intention, on les mit ensemble dans une chambre isolée. Elles furent dispensées de toute besogne pendant huit jours jusqu’à la complète guérison de leurs fesses meurtries, que deux femmes de chambre leur fomentaient deux fois par jour.

Cette faveur inusitée avais bien lieu de nous surprendre, surtout après la torture infligée par le jeune barine aux deux filles nues sur le pilori. D’ailleurs depuis ce jour désastreux pour les fesses des deux amies, je n’eus pas l’occasion de revoir leurs postérieurs troussés jusqu’à mon départ du château. Si on les fouettait c’était en particulier, mais jamais en public.

Le jeune maître les avait suivi dans leur chambre pour leur reprocher leur inconduite, leur promettant de les séparer, et que si jamais il les retrouvait ensemble, il ne leur laisserait pas un morceau de peau sur les fesses.

Mais pendant qu’il les sermonnait, elles étaient toutes nues, et il était lui-même dans un état de surexcitation qui ne lui permit pas d’aller plus loin dans sa harangue, et une fantaisie bizarre le prit. Il se déculotta et ordonna à Mina de lui présenter ses fesses qu’il voulait enclouer.

Mina, qui était déjà passée par là, se pencha en avant, lui ouvrant la porte, et le jeune barine, grâce aux doigts complaisants de la pauvre fille qui souffrait le martyre, l’encula, c’est le mot propre ou sale, entrant plus facilement qu’il ne l’aurait cru dans cet étroit asile déjà visité, qu’il trouva brûlant, s’appuyant sur des fesses saignantes. Dans le feu de l’action il commanda à Rita de faire à son amie ce qu’elle lui faisait cette nuit.

Rita ne se fit pas prier. Elle s’agenouilla devant le chat aimé de sa bonne amie, et le traita si bien, en si peu de temps, que le jeune barine, qui était entré assez facilement dans le logis, se trouva fort à l’étroit, serré par la contraction du muscle occasionnée par l’extrême plaisir que goûtait en ce moment la logeuse. Il dut faire escale avant d’entrer au port.

Il ne put se remettre à naviguer, que quand le basin s’élargissant lui permit de voyager à l’aise dans le canal. Il était plongé jusqu’aux entrailles, lorsque la contraction se reproduisit, l’arrêtant de nouveau dans sa promenade. Mais cette fois il y goûta un tel plaisir, que lorsqu’on lui apprit la cause de cette contraction si bienfaisante, il voulut se loger dans les fesses de Rita. Mais pour le mettre en état les deux amies durent lui prodiguer leurs caresses.

Rita elle aussi était passé par là ; mais le jeune barine n’entra ici encore que grâce au concours complaisant des doigts qui devaient lui ouvrir l’huis resserré. Ici aussi il entra dans un gîte brûlant se heurtant à des fesses saignantes.

Il sentit le fourreau se contracter deux fois, l’obligeant à deux escales avant d’entrer au port. Ce ne fut qu’à la troisième qu’il fut du voyage. Ce n’était pas surprenant avec le feu qui leur flambait les fesses.

Il voulut les voir à l’œuvre l’une après l’autre, puis les deux ensemble comme on les avait surprises cette nuit. Mais cette posture, elles ne pouvaient guère la prendre à cause de l’état de leurs fesses et l’on renvoya le jeu d’ensemble au lendemain.

Il avait pris à les voir jouer leur solo des forces suffisantes pour prendre Rita, mais debout toujours pour la même raison qu’elle ne pouvait pas s’étendre sur le dos. L’amie pendant l’action caressait les réservoirs du jeune maître d’une main glissée entre ses fesses.

Mina avait ensuite insisté si longtemps, prenant l’objet dans sa bouche, enveloppant même les bourses, qu’elle eût son lot, malgré le jeune âge du jouteur. Rita, tout en jouant avec les rouleaux, postillonnait le jeune barine qui trouva cette façon exquise.

Aussi garda-t-il les deux amies pour ses plaisirs. Il obtint de sa mère, qui le gâtait comme un fils unique, de faire soigner les postérieurs qu’il avait endommagés. Au bout de huit jours, ils étaient redevenus luisants et du plus blanc satin. Il se contentait pour s’exciter à la lutte, d’appliquer pendant qu’elles se livraient un duel de claques sur les fesses des lutteuses. Chacune recevait sa dose car elles variaient les poses à chaque reprise.

Puis quand il était en train il grimpait sur le lit, venant enclouer la croupe empourprée qui était dessus, toujours grâce à l’aide complaisante des doigts de l’enclouée. Il naviguait un moment, puis il s’étendait paresseusement sur la croupe, s’allongeant sur les reins nus, attendant que l’issue vint toute seule. C’était quelquefois à la troisième pression qu’elle arrivait. Il ne manquait jamais, à ce moment là de les mordre à la nuque, les crocs y paraissaient toute la journée.

C’était Rita, qui me racontait tout ça deux mois après leur aventure. Elle me montra ses fesses, pour me prouver qu’elles étaient en bon état. Cette découverte eut pour moi un résultat inattendu. Je me mis à les embrasser avec plaisir.

Alors Rita se retourna, m’empoigna, me renversa sur son lit, car nous étions dans sa chambre, leva mes jupes, et vint me faire ce que la dame de quarante ans avait exigé de moi. Je n’aurais jamais soupçonné qu’on put éprouver autant de plaisir par ce procédé. Elle recommença deux fois me causant toujours plus de plaisir.

J’essayai de la payer de retour tant bien que mal, plutôt mal que bien, car depuis cette réciprocité de bons procédés, elle me donna du plaisir en cachette, mais ne voulut rien accepter de moi. Je ne devais pas faire son affaire. J’avais à lui faire oublier une langue trop raffinée, qui lui parlait trop bien tous les jours.

J’avais treize ans et deux mois. C’était la première fois que je goûtais du plaisir par les sens.


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