Mémoires (Saint-Simon)/Tome 16/21


CHAPITRE XXI.


Le parlement arrive aux Tuileries. — Attention sur les sorties du cabinet du conseil et sur ce qui s’y passe. — On va prendre le roi. — Marche au lit de justice. — Le roi sans manteau ni rabat. — Séance et pièce du lit de justice aux Tuileries dessinée, pour mieux éclaircir ce qui s’y passa le vendredi matin 26 août 1718. — J’entre au lit de justice, et, allant en place, je confie l’affaire des bâtards à quelques pairs. — Spectacle du lit de justice. — Maintien de M. le duc d’Orléans, de M. le Duc et de M. le prince de Conti. — Maintien du roi et du garde des sceaux. — Lettres de garde des sceaux. — Discours du garde des sceaux au parlement sur sa conduite et ses devoirs. — Cassation de ses arrêts. — Présence d’esprit et capacité d’esprit de Blancmesnil, premier avocat général. — Remontrance envenimée du premier président, confondue. — Réduction des bâtards au rang de leurs pairies. — Rétablissement uniquement personnel du comte de Toulouse. — M. de Metz et quelques autres pairs mécontents sur le rétablissement du comte de Toulouse. — Je refuse d’une façon très marquée d’opiner, tant moi que tous les pairs, comme étant parties, dans l’affaire des bâtards. — Discours du régent et de M. le Duc pour demander l’éducation du roi. — Lourde faute d’attention de ces deux princes en parlant. — M. le Duc obtient sa demande. — Enregistrement en plein lit de justice de tout. — Le roi très indifférent pour le duc du Maine. — Levée du lit de justice.


Enfin le parlement arriva, et, comme des enfants, nous voilà tous deux aux fenêtres. Il venoit en robes rouges, deux à deux, par la grande porte de la cour qu’il croisa pour aller gagner la salle des Ambassadeurs, où le premier président, venu en carrosse avec le président d’Aligre, les attendoit. Il avoit traversé de la petite cour d’auprès, pour avoir moins de chemin à faire à pied. Tandis que nos deux fenêtres s’entassoient de spectateurs, j’eus soin de ne pas perdre de vue le dedans du cabinet, à cause des conférences et de peur des sorties. Des Granges vint à diverses fois dire à quoi les choses en étoient, sans qu’il y eût de difficultés, moi toujours me promenant et considérant tout avec attention. Soit besoin, soit désir du défendu, quelques-uns demandèrent l’un après l’autre à sortir pour des besoins. Le régent le permit à condition du silence et du retour sur-le-champ. Il proposa même à La Vrillière de s’aller précautionner en même temps que le maréchal d’Huxelles et quelques autres suspects ; mais en effet pour ne les perdre pas de vue, et il l’entendit et l’exécuta très bien. J’en usai de même avec les maréchaux de Villars et Tallard, et, ayant vu Effiat ouvrant la petite porte du roi pour le maréchal de Villeroy, j’y courus, sous prétexte de lui aider, mais au vrai pour empêcher qu’il ne parlât à la porte et qu’il n’envoyât quelques messages aux bâtards. J’y restai même avec Effiat jusqu’à ce que le maréchal de Villeroy fût rentré, pour éviter le même inconvénient à cette autre ouverture de la porte, que je refermai bien après ; et il faut avouer que cette occupation de tête et de corps, d’examen et d’attention continuelle à interrompre, à prévenir, à être en garde sur toute une vaste pièce et un nombre de gens qu’on veut contenir et déranger sans qu’il y paroisse, ne fut pas un petit soin ni une petite fatigue. M. le duc d’Orléans, M. le Duc et La Vrillière en portoient leur part, qui ne diminuoit guère la mienne.

Enfin le parlement en place, les pairs arrivés, et les présidents ayant été en deux fois prendre leurs fourrures derrière des paravents disposés dans la pièce voisine, des Granges vint avertir que tout étoit prêt. Il avoit été agité si le roi dîneroit en attendant, et j’avois obtenu que non, dans la crainte qu’entrant aussitôt après au lit de justice, et ayant mangé avant son heure ordinaire, il ne se trouvât mal, qui eût été un grand inconvénient. Dès que des Granges eut annoncé au régent qu’il pouvoit se mettre en marche, Son Altesse Royale lui dit de faire avertir le parlement, pour la députation à recevoir le roi, au lieu du bout de la pièce des Suisses, où elle avoit été réglée, et dit tout haut à la compagnie qu’il falloit aller prendre le roi.

À ces paroles, je sentis un trouble de joie du grand spectacle qui s’alloit passer en ma présence, qui m’avertit de redoubler mon attention sur moi. J’avois averti Villars de marcher avec nous, et Tallard de se joindre aux maréchaux de France, et de céder à ses anciens, parce qu’en ces occasions les ducs vérifiés n’existent pas. Je tâchai de me munir de la plus forte dose que je pus de sérieux, de gravité, de modestie. Je suivis M. le duc d’Orléans, qui entra chez le roi par la petite porte, et qui trouva le roi dans son cabinet. Chemin faisant, le duc d’Albret et quelques autres me firent des compliments très marqués, avec grand désir de découvrir quelque chose. Je payai de politesse, de plaintes de la foule, de l’embarras de mon habit, et je gagnai le cabinet du roi.

Il étoit sans manteau ni rabat, vêtu à son ordinaire. Après que M. le duc d’Orléans eut été quelques moments auprès de lui, il lui demanda s’il lui plaisoit d’aller : aussitôt on fit faire place. Le peu de courtisans revenus là, faute d’avoir trouvé où se fourrer dans le lieu de la séance, s’écarta, et je fis signe au maréchal de Villars, qui prit lentement le chemin de la porte, le duc de La Force derrière lui, et moi après, qui observai bien de marcher immédiatement avant M. le prince de Conti. Monsieur le duc le suivoit, et M. le duc d’Orléans après. Derrière lui les huissiers de la chambre du roi avec leurs masses, puis le roi environné des quatre capitaines des gardes du corps, du duc d’Albret grand chambellan, et du maréchal de Villeroy son gouverneur. Derrière, venoit le garde des sceaux, parce qu’il n’étoit pas enregistré au parlement, puis les maréchaux d’Estrées, Huxelles, Tallard et Besons, qui ne pouvoient entrer en séance qu’à la suite, et non devant Sa Majesté. Ils étoient suivis de ceux des chevaliers de l’ordre et des gouverneurs et lieutenants généraux des provinces qu’on avoit avertis pour le cortège du roi, qui devoient seoir en bas, découverts et sans voix, sur le banc des baillis. On prit en cet ordre le chemin de la terrasse jusqu’à la salle des Suisses, au bas de laquelle se trouva la députation du parlement, de quatre présidents à mortier et de quatre conseillers à l’accoutumée.

Tandis qu’ils s’approchèrent du roi, je dis au duc de La Force et au maréchal de Villars que nous ferions mieux d’aller toujours nous mettre en place, pour éviter l’embarras de l’entrée avec le roi. Ils me suivirent alors un à un en rang d’ancienneté, marchant en cérémonie. Il n’y avoit que nous trois à pouvoir marcher comme nous fîmes, parce que d’Antin n’y venoit pas ; le duc de Guiche étoit démis, Tallard point pair, et les quatre capitaines des gardes étoient autour du roi avec le bâton en ces grandes cérémonies. Mais avant d’en dire davantage, je crois à propos de donner le dessin figuré du lit de justice dont la disposition éclaircira d’un coup d’œil ce qui va être raconté.

EXPLICATION. Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/458

A. Le roi sur son trône.

B. Marches du trône avec son tapis et ses carreaux.

C. Le grand chambellan couché sur ces carreaux, sur les marches, couvert et opinant.

D. Hauts sièges à droite et à gauche.

E. Petit degré du roi couvert de la queue de son tapis de pied sans carreaux.

F. Le prévôt de Paris avec son bâton, couché sur ces degrés.

G. Les huissiers de la chambre du roi à genoux, leurs masses de vermeil sur le col.

H. Le garde des sceaux dans sa chaire à bras sans dos.

J. Un petit bureau devant lui.

K. Marches pour monter aux hauts sièges.

L. Porte d’entrée ordinaire, mais condamnée ce jour-là, par laquelle MM. de Troyes et de Fréjus et M. de Torcy virent la séance debout et reculés. Devant eux, un peu à côté en dedans, M. d’Harcourt debout et découvert, avec le bâton de capitaine des gardes sans opiner.

M. Fenêtres à gradins pour les spectateurs ; les duchesses de Ventadour et de La Ferté, les sous-gouverneurs du roi, le premier gentilhomme de la chambre et le capitaine des gardes du régent étoient dans celle de derrière lui.

N. Le maréchal de Villeroy sur un tabouret, comme gouverneur du roi, couvert et opinant.

O. Le duc de Villeroy, capitaine des gardes, assis, en quartier, couvert et opinant.

P. Beringhen, premier écuyer, tenant la place du grand écuyer, assis, mais découvert, sans opiner.

Ces deux places à cause de l’âge du roi, ainsi que celle de son gouverneur.

Q. Les hérauts d’armes en cotte, etc.

R. Le grand maître ou le maître des cérémonies, assis mais découvert, sans opiner.

S. Entrée des hauts sièges à gauche pour les évêques-pairs et les officiers de la couronne.

T. Parquet ou espace vide au milieu de la séance.

V. Passage de plain-pied aux sièges hauts qui les communique des deux côtés.

Y. Banc redoublé dans les sièges en cas de besoin pour les pairs laïques.

Z. Greffier en chef du parlement enregistrant les déclarations à la fin.

Je pense qu’il seroit inutile d’entrer dans une explication plus détaillée de la séance, et que celle-ci suffit, tant pour la faire entendre que pour éclaircir par le local ce qui va être raconté. J’ai seulement observé d’y nommer les pairs par le nom de leurs pairies, comme il se pratique en prenant leurs voix, et non par celui qu’ils portent d’ordinaire, et sous lequel ils sont connus dans le monde. M. de Laon étoit Clermont-Chattes, et M. de Noyon Châteauneuf-Rochebonne, mort depuis archevêque de Lyon avec brevet de conservation de rangs et d’honneurs. Il n’y eut sur le banc redoublé des pairs laïques que les ducs de La Feuillade et de Valentinois qui s’y mirent après que le roi fut arrivé.

Comme le parlement étoit en place et que le roi alloit arriver, j’entrai par la même porte. Le passage se trouva assez libre, les officiers des gardes du corps me firent faire place, et au duc de La Force, et au maréchal de Villars, qui me suivoient un à un. Je m’arrêtai un moment en ce passage, à l’entrée du parquet, saisi de joie de voir ce grand spectacle, et les moments si précieux s’approcher. J’en eus besoin aussi, afin de me remettre assez pour voir distinctement ce que je considérois, et pour reprendre une nouvelle couche de sérieux et de modestie. Je m’attendois bien que je serois attentivement examiné par une compagnie dont on avoit pris soin de ne me pas faire aimer, et par le spectateur curieux, dans l’attente de ce qui alloit éclore d’un secret si profond, dans une si importante assemblée, mandée si fort à l’instant. De plus, personne n’y pouvoit ignorer que je n’en fusse instruit, du moins par le conseil de régence dont je sortois.

Je ne me trompai pas : sitôt que je parus, tous les yeux s’arrêtèrent sur moi. J’avançai lentement vers le greffier en chef, et reployant entre les deux bancs, je traversai la largeur de la salle par-devant les gens du roi qui me saluèrent d’un air riant, et je montai nos trois marches des sièges hauts où tous les pairs, que je marque, étoient en place, qui se levèrent, dès que j’approchai du degré ; je les saluai avec respect du haut de la troisième marche. En m’avançant lentement, je pris La Feuillade par l’épaule, quoique sans liaison avec lui, et lui dis à l’oreille de me bien écouter et de prendre garde à ne pas donner signe de vie ; qu’il alloit entendre une déclaration à l’égard du parlement, après laquelle il y en auroit deux autres ; qu’enfin nous touchions aux plus heureux moments et les plus inespérés ; que les bâtards étoient réduits au simple rang d’ancienneté de leurs pairies, le comte de Toulouse seul rétabli sans conséquence, pas même pour ses enfants. La Feuillade fut un instant sans comprendre, et saisi de joie à ne pouvoir parler. Il se serra contre moi, et comme je le quittois, il me dit : « Mais comment, le comte de Toulouse ? — Vous le verrez, » lui répondis-je, et passai, mais en passant devant le duc d’Aumont, je me souvins de ce beau rendez-vous qu’il avoit pour l’après-dînée ou le lendemain, avec M. le duc d’Orléans, pour le raccommoder avec le parlement, et finir galamment tous ces malentendus, et je ne pus m’empêcher, en le bien regardant, de lui lâcher un sourire moqueur. Je m’arrêtai entre M. de Metz, duc de Coislin, et le duc de Tresmes, à qui j’en dis autant. Le premier renifla, l’autre fut ravi et me le fit répéter d’aise et de surprise. J’en dis autant au duc de Louvigny, qui n’en fut pas si étonné que les autres, mais au moins aussi transporté. Enfin, j’arrivai à ma place entre les ducs de Sully et de La Rochefoucauld. Je les saluai, et nous nous assîmes tout de suite ; je donnai un coup d’œil au spectacle, et tout aussitôt je fis approcher les têtes de mes deux voisins de la mienne, à qui j’annonçai la même chose. Sully y fut sensible au dernier point ; l’autre me demanda sèchement pourquoi l’exception du comte de Toulouse. J’avois plusieurs raisons de réserve avec lui, et bien que depuis l’arrêt de préséance que j’avois obtenu sur lui, il en eût parfaitement usé à cet égard, je sentois bien que cette préséance lui faisoit mal au cœur. Je me contentai donc de lui répondre que je n’en savois rien, et sur le fait, ce que je pus pour le lui faire goûter. Mais, s’il trouvoit ma préséance indigeste, il pardonnoit beaucoup moins au comte de Toulouse d’avoir eu sa charge de grand veneur. Son froid fut tel, que je ne pus m’empêcher de lui en demander la cause, et de le faire souvenir de toute l’ardeur qu’il avoit témoignée sur cette même affaire dans nos premières assemblées chez M. de Luxembourg, au temps qu’il avoit la goutte, et dans les autres dont notre requête contre les bâtards étoit sortie et dont il alloit, au delà de nos espérances, voir enregistrer les conclusions. Il répondit ce qu’il put, toujours sec et morne ; je ne pris plus la peine de lui parler.

Assis en place dans un lieu élevé, personne devant moi aux hauts des sièges, parce que le banc redoublé pour les pairs, qui n’auroient pas eu place sur le nôtre, n’avançoit pas jusqu’au duc de La Force, j’eus moyen de bien considérer tous les assistants. Je le fis aussi de toute l’étendue et de tout le perçant de mes yeux. Une seule chose me contraignit, ce fut de n’oser me fixer à mon gré sur certains objets particuliers ; je craignois le feu et le brillant significatif de mes regards si goûtés ; et plus je m’apercevois que je rencontrois ceux de presque tout le monde sous les miens, plus j’étois averti de sevrer leur curiosité par ma retenue. J’assenai néanmoins une prunelle étincelante sur le premier président et le grand banc, à l’égard duquel j’étois placé à souhait. Je la promenai sur tout le parlement ; j’y vis un étonnement, un silence, une consternation auxquels je ne me serois pas attendu, qui me fut de bon augure. Le premier président, insolemment abattu, les présidents déconcertés, attentifs à tout considérer, me fournissoient le spectacle le plus agréable. Les simples curieux, parmi lesquels je range tout ce qui n’opine point, ne paraissoient pas moins surpris, mais sans l’égarement des autres, et d’une surprise calme ; en un mot, tout sentoit une grande attente, et cherchoit à l’avancer en devinant ceux qui sortoient du conseil.

Je n’eus guère de loisir en cet examen, incontinent le roi arriva. Le brouhaha de cette entrée dans la séance, qui dura jusqu’à ce que Sa Majesté, et tout ce qui l’accompagnoit, fût en place, devint une autre espèce de singularité. Chacun cherchoit à pénétrer le régent, le garde des sceaux et les principaux personnages. La sortie des bâtards du cabinet du conseil avoit redoublé l’attention, mais tous ne la savoient pas, et tous alors s’aperçurent de leur absence. La consternation des maréchaux, de leur doyen sur tous dans sa place de gouverneur du roi, fut évidente. Elle augmenta l’abattement du premier président, qui, ne voyant point là son maître, le duc du Maine, jeta un regard affreux sur M. de Sully et sur moi, qui occupions les places des deux frères précisément. En un instant tous les yeux de l’assemblée se posèrent tout à la fois sur nous, et je remarquai que le concentrement et l’air d’attente de quelque chose de grand redoubla sur tous les visages. Celui du régent avoit un air de majesté douce, mais résolue, qui lui fut tout nouveau, des yeux attentifs, un maintien grave mais aisé ; M. le Duc, sage, mesuré, mais environné de je ne sais quel brillant qui ornoit toute sa personne et qu’on sentoit retenu. M. le prince de Conti triste, pensif, voyageant peut-être en des espaces éloignés. Je ne pus guère, pendant la séance, les voir qu’à reprises et sous prétexte de regarder le roi, qui étoit sérieux, majestueux, et en même temps le plus joli qu’il fût possible, grave avec grâce dans tout son maintien, l’air attentif et point du tout ennuyé, représentant très bien et sans aucun embarras.

Quand tout fut posé et rassis, le garde des sceaux demeura quelques minutes dans sa chaire, immobile, regardant en dessous, et ce feu d’esprit qui lui sortoit des yeux sembloit percer toutes les poitrines. Un silence extrême annonçoit éloquemment la crainte, l’attention, le trouble, la curiosité de toutes les diverses attentes. Ce parlement, qui sous le feu roi même avoit souvent mandé ce même d’Argenson et lui avoit, comme lieutenant de police, donné ses ordres debout et découvert à la barre ; ce parlement, qui depuis la régence avoit déployé sa mauvaise volonté contre lui, jusqu’à donner tout à penser, et qui retenoit encore des prisonniers et des papiers pour lui donner de l’inquiétude ; ce premier président, si supérieur à lui, si orgueilleux, si fier de son duc du Maine, si fort en espérance des sceaux ; ce Lamoignon qui s’étoit vanté de le faire pendre à sa chambre de justice, où lui-même s’étoit si complètement déshonoré, ils le virent revêtu des ornements de la première place de la robe, les présider, les effacer, et entrant en fonction, les remettre en leur devoir et leur en faire leçon publique et forte, dès la première fois qu’il se trouvoit à leur tête. On voyoit ces vains présidents détourner leurs regards de dessus cet homme qui imposoit si fort à leur morgue, et qui anéantissoit leur arrogance dans le lieu même d’où ils la tiroient, et rendus stupides par les siens qu’ils ne pouvoient soutenir.

Après que le garde des sceaux se fut, à la manière des prédicateurs, accoutumé à cet auguste auditoire, il se découvrit, se leva, monta au roi, se mit à genoux sur les marches du trône, à côté du milieu des mêmes marches où le grand chambellan étoit couché sur des oreillers, et prit l’ordre du roi, descendit, se mit dans sa chaire et se couvrit. Il faut dire une fois pour toutes qu’il fit la même cérémonie à chaque commencement d’affaire, et pareillement avant de prendre les opinions sur chacune et après ; qu’au lit de justice lui ou le chancelier ne parlent jamais au roi autrement, et qu’à chaque fois qu’il alla au roi en celui-ci, le régent se leva et s’en approcha pour l’entendre et suggérer les ordres. Remis en place après quelques moments de silence, il ouvrit cette grande scène par un discours. Le procès-verbal de ce lit de justice, fait par le parlement et imprimé [1], qui est entre les mains de tout le monde, me dispensera de rapporter ici les discours du garde des sceaux, celui du premier président, ceux des gens du roi et les différentes pièces qui y furent lues et enregistrées. Je me contenterai seulement de quelques observations. Ce premier discours, la lecture des lettres de garde des sceaux et le discours de l’avocat général Blancmesnil qui la suivit, les opinions prises, le prononcé par le garde des sceaux, l’ordre donné, quelquefois réitéré, d’ouvrir, puis de tenir ouvertes les deux doubles portes, ne surprirent personne, ne servirent que comme de préface à tout le reste, à en aiguiser la curiosité de plus en plus, à mesure que les moments approchoient de la satisfaire.

Ce premier acte fini, le second fut annoncé par le discours du garde des sceaux, dont la force pénétra tout le parlement. Une consternation générale se répandit sur tous leurs visages. Presque aucun de tant de membres n’osa parler à son voisin. Je remarquai seulement que l’abbé Pucelle, qui, bien que conseiller-clerc, étoit dans les bancs vis-à-vis de moi, fut toujours debout toutes les fois que le garde des sceaux parla, pour mieux entendre. Une douleur amère et qu’on voyoit pleine de dépit, obscurcit le visage du premier président. La honte et la confusion s’y peignit. Ce que le jargon du palais appelle le grand banc pour encenser les mortiers qui l’occupent, baissa la tête à la fois comme par un signal, et bien que le garde des sceaux ménageât le ton de sa voix, pour ne la rendre qu’intelligible, il le fit pourtant en telle sorte qu’on ne perdit dans toute l’assemblée aucune de ses paroles, dont aussi n’y en eut-il aucune qui ne portât. Ce fut bien pis à la lecture de la déclaration. Chaque période sembloit redoubler à la fois l’attention et la désolation de tous les officiers du parlement, et ces magistrats si altiers, dont les remontrances superbes ne satisfaisoient pas encore l’orgueil et l’ambition, frappés d’un châtiment si fort et si public, se virent ramenés au vrai de leur état avec cette ignominie, sans être plaints que de leur petite cabale. D’exprimer ce qu’un seul coup d’œil rendit dans ces moments si curieux, c’est ce qu’il est impossible de faire, et, si j’eus la satisfaction que rien ne m’échappa, j’ai la douleur de ne le pouvoir rendre. La présence d’esprit de Blancmesnil me surprit au dernier point. Il parla sur chaque chose où son ministère le requit, avec une contenance modeste et sagement embarrassée, sans être moins maître de son discours, aussi délicatement ménagé que s’il eût été préparé [2].

Après les opinions, comme le garde des sceaux eut prononcé, je vis ce prétendu grand banc s’émouvoir. C’étoit le premier président qui vouloit parler et faire la remontrance qui a paru pleine de la malice la plus raffinée, d’impudence à l’égard du régent et d’insolence pour le roi. Le scélérat trembloit toutefois en la prononçant. Sa voix entrecoupée, la contrainte de ses yeux, le saisissement et le trouble visible de toute sa personne, démentoient ce reste de venin dont il ne put refuser la libation à lui-même et à sa compagnie. Ce fut là où je savourai avec toutes les délices qu’on ne peut exprimer, le spectacle de ces fiers légistes, qui osent nous refuser le salut, prosternés à genoux, et rendre à nos pieds un hommage au trône, tandis qu’assis et couverts, sur les hauts sièges aux côtés du même trône, ces situations et ces postures, si grandement disproportionnées, plaident seules avec tout le perçant de l’évidence la cause de ceux qui, véritablement et d’effet, sont laterales regis contre ce vas electum du tiers état. Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes, parcouroient tout ce grand banc à genoux ou debout, et les amples replis de ces fourrures ondoyantes à chaque génuflexion longue et redoublée, qui ne finissoit que par le commandement du roi par la bouche du garde des sceaux, vil petit gris qui voudroit contrefaire l’hermine en peinture, et ces têtes découvertes et humiliées à la hauteur de nos pieds. La remontrance finie, le garde des sceaux monta au roi, puis, sans prendre aucuns avis, se remit en place, jeta les yeux sur le premier président, et prononça : « Le roi veut être obéi, et obéi sur-le-champ. » Ce grand mot fut un coup de foudre qui atterra présidents et conseillers de la façon la plus marquée. Tous baissèrent la tête, et la plupart furent longtemps sans la relever. Le reste des spectateurs, excepté les maréchaux de France, parurent peu sensibles à cette désolation.

Mais ce ne fut rien que ce triomphe ordinaire en comparaison de celui qui l’alloit suivre immédiatement. Le garde des sceaux ayant, par ce dernier prononcé, terminé ce second acte, il passa au troisième. Lorsqu’il repassa devant moi, venant d’achever de prendre l’avis des pairs sur l’arrêt concernant le parlement, je l’avois averti de ne prendre point leur avis sur l’affaire qui alloit suivre, et il m’avoit répondu qu’il ne le prendroit pas. C’étoit une précaution que j’avois prise contre la distraction à cet égard. Après quelques moments d’intervalle depuis la dernière prononciation sur le parlement, le garde des sceaux remonta au roi, et, remis en place, y demeura encore quelques instants en silence. Alors tout le monde vit bien que l’affaire du parlement étant achevée, il y en alloit avoir une autre. Chacun, en suspens, tâchoit à la prévenir par la pensée. On a su depuis, que tout le parlement s’attendit à la décision du bonnet en notre faveur, et j’expliquerai après pourquoi il n’en fut pas mention. D’autres, avertis par leurs yeux de l’absence des bâtards, jugèrent plus juste qu’il alloit s’agir de quelque chose qui les regardoit ; mais personne ne devina quoi, beaucoup moins toute l’étendue.

Enfin le garde des sceaux ouvrit la bouche, et dès la première période il annonça la chute d’un des frères et la conservation de l’autre. L’effet de cette période sur tous les visages est inexprimable. Quelque occupé que je fusse à contenir le mien, je n’en perdis pourtant aucune chose. L’étonnement prévalut aux autres passions. Beaucoup parurent aises, soit équité, soit haine pour le duc du Maine, soit affection pour le comte de Toulouse ; plusieurs consternés. Le premier président perdit toute contenance ; son visage, si suffisant et si audacieux, fut saisi d’un mouvement convulsif ; l’excès seul de sa rage le préserva de l’évanouissement. Ce fut bien pis à la lecture de la déclaration. Chaque mot étoit législatif et portoit une chute nouvelle. L’attention étoit générale, tenoit chacun immobile pour n’en pas perdre un mot, et les yeux sur le greffier qui lisoit. Vers le tiers de cette lecture, le premier président, grinçant le peu de dents qui lui restoient, se laissa tomber le front sur son bâton, qu’il tenoit à deux mains, et, en cette singulière posture et si marquée, acheva d’entendre cette lecture si accablante pour lui, si résurrective pour nous.

Moi cependant je me mourois de joie. J’en étois à craindre la défaillance ; mon cœur, dilaté à l’excès, ne trouvoit plus d’espace à s’étendre. La violence que je me faisois pour ne rien laisser échapper étoit infinie, et néanmoins ce tourment étoit délicieux. Je comparois les années et les temps de servitude, les jours funestes où, traîné au parlement en victime, j’y avois servi de triomphe aux bâtards à plusieurs fois, les degrés divers par lesquels ils étoient montés à ce comble sur nos têtes ; je les comparois, dis-je, à ce jour de justice et de règle, à cette chute épouvantable, qui du même coup nous relevoit par la force de ressort. Je repassois, avec le plus puissant charme, ce que j’avois osé annoncer au duc du Haine le jour du scandale du bonnet, sous le despotisme de son père. Mes yeux voyoient enfin l’effet et l’accomplissement de cette menace. Je me devois, je me remerciois de ce que c’étoit par moi qu’elle s’effectuoit. J’en considérois la rayonnante splendeur en présence du roi et d’une assemblée si auguste. Je triomphois, je me vengeois, je nageois dans ma vengeance ; je jouissois du plein accomplissement des désirs les plus véhéments et les plus continus de toute ma vie. J’étois tenté de ne me plus soucier de rien. Toutefois je ne laissois pas d’entendre cette vivifiante lecture dont tous les mots résonnoient sur mon cœur comme l’archet sur un instrument, et d’examiner en même temps les impressions différentes qu’elle faisoit sur chacun.

Au premier mot que le garde des sceaux dit de cette affaire, les yeux des deux évêques pairs rencontrèrent les miens. Jamais je n’ai vu surprise pareille à la leur, ni un transport de joie si marqué. Je n’avois pu les préparer à cause de l’éloignement de nos places, et ils ne purent résister au mouvement qui les saisit subitement. J’avalai par les yeux un délicieux trait de leur joie, et je détournai les miens des leurs, de peur de succomber à ce surcroît, et je n’osai plus les regarder.

Cette lecture achevée, l’autre déclaration en faveur du comte de Toulouse fut commencée tout de suite par le greffier, suivant le commandement que lui en avoit fait le garde des sceaux en les lui donnant toutes deux ensemble. Elle sembla achever de confondre le premier président et les amis du duc du Maine, par le contraste des deux frères. Celle-ci surprit plus que pas une, et à qui n’étoit pas au fait, la différence étoit inintelligible : les amis du comte de Toulouse ravis, les indifférents bien aises de son exception, mais la trouvant sans fondement et sans justice. Je remarquai des mouvements très divers et plus d’aisance à se parler les uns aux autres pendant cette lecture, à laquelle néanmoins on fut très attentif.

Les importantes clauses du consentement des princes du sang et de la réquisition des pairs de France réveillèrent l’application générale, et firent lever le nez au premier président de dessus son bâton, qui s’y étoit remis. Quelques pairs même, excités par M. de Metz, grommelèrent entre leurs dents, chagrins, à ce qu’ils expliquèrent à leurs confrères voisins, de n’avoir pas été consultés en assemblée générale sur un fait de cette importance, sur lequel néanmoins on les faisoit parler et requérir. Mais quel moyen de hasarder un secret de cette nature dans une assemblée de pairs de tous âges, pour n’en rien dire de plus, encore moins d’y en discuter les raisons ? Le très peu de ceux qui en furent choqués alléguèrent que ceux de la régence avoient apparemment répondu pour les autres sans mission, et cette petite jalousie les piquoit peut-être autant que la conservation au rang, etc., du comte de Toulouse. Cela fut apaisé aussitôt que né : mais rien en ce monde sans quelque contradiction.

Après que l’avocat général eut parlé, le garde des sceaux monta au roi, prit l’avis des princes du sang, puis vint au duc de Sully et à moi. Heureusement j’eus plus de mémoire qu’il n’en voulut avoir : aussi était-ce mon affaire. Je lui présentai mon chapeau à bouquet de plumes au-devant, d’une façon exprès très marquée, en lui disant assez haut : « Non, monsieur, nous ne pouvons être juges, nous sommes parties, et nous n’avons qu’à rendre grâces au roi de la justice qu’il veut bien nous faire. » Il sourit et me fit excuse. Je le repoussai avant que le duc de Sully eût eu loisir d’ouvrir la bouche ; et regardant aussitôt de part et d’autre, je vis avec plaisir que ce refus d’opiner avoit été remarqué de tout le monde. Le garde des sceaux retourna tout court sur ses pas, et sans prendre l’avis des pairs en place de service, ni des deux évêques pairs, fut aux maréchaux de France, puis descendit au premier président et aux présidents à mortier, puis alla au reste des bas sièges ; après quoi, remonté au roi et redescendu en place, il prononça l’arrêt d’enregistrement, et mit le dernier comble à ma joie.

Aussitôt après M. le Duc se leva, et, après avoir fait la révérence au roi, il oublia de s’asseoir et de se couvrir pour parler, suivant le droit et l’usage non interrompu des pairs de France : aussi nous ne nous levâmes pas un. Il fit donc debout et découvert le discours, qui a paru imprimé à la suite des discours précédents, et le lut peu intelligiblement, parce que l’organe n’étoit pas favorable. Dès qu’il eut fini, M. le duc d’Orléans se leva et commit la même faute. Il dit donc, aussi debout et découvert, que la demande de M. le Duc lui paraissoit juste ; et après quelques louanges ajouta que, présentement que M. le duc du Maine se trouvoit en son rang d’ancienneté de pairie, M. le maréchal de Villeroy, son ancien, ne pouvoit plus demeurer sous lui, ce qui étoit une nouvelle et très forte raison, outre celles que M. le Duc avoit alléguées. Cette demande avoit porté au dernier comble l’étonnement de toute l’assemblée, au désespoir du premier président et de ce peu de gens qui, à leur déconcertement, paraissoient s’intéresser au duc du Maine. Le maréchal de Villeroy, sans sourciller, fit toujours mauvaise mine, et les yeux du premier écuyer s’inondèrent souvent de larmes. Je ne pus bien distinguer le maintien de son cousin et ami intime le maréchal d’Huxelles, qui se mit à l’abri des vastes bords de son chapeau enfoncé sur ses yeux, et qui d’ailleurs ne branla pas. Le premier président, assommé de ce dernier coup de foudre, se démonta le visage à vis, et je crus un moment son menton tombé sur ses genoux.

Cependant le garde des sceaux ayant dit aux gens du roi de parler, ils répondirent qu’ils n’avoient pas ouï la proposition de M. le Duc, sur quoi, de main en main, on leur envoya son papier, pendant quoi le garde des sceaux répéta fort haut ce que le régent avoit ajouté sur l’ancienneté de pairie du maréchal de Villeroy au-dessus du duc du Maine. Blancmesnil ne fit que jeter les yeux sur le papier de M. le Duc et parla, après quoi le garde des sceaux fut aux voix. Je donnai la mienne assez haut et dis : « Pour cette affaire-ci, monsieur, j’y opine de bon cœur à donner la surintendance de l’éducation du roi à M. le Duc. » 

La prononciation faite, le garde des sceaux appela le greffier en chef, lui ordonna d’apporter ses papiers et son petit bureau près du sien pour faire tout présentement et tout de suite, et en présence du roi, tous les enregistrements de tout ce qui venoit d’être lu et ordonné, et les signer. Cela se fit sans difficulté aucune, dans toutes les formes, sous les yeux du garde des sceaux, qui ne les levoit pas de dessus ; mais, comme il y avoit cinq ou six pièces à enregistrer, cela fut long à faire.

J’avois fort observé le roi lorsqu’il fut question de son éducation, je ne remarquai en lui aucune sorte d’altération, de changement, pas même de contrainte. Ç’avoit été le dernier acte du spectacle, il en étoit tout frais lorsque les enregistrements s’écrivirent. Cependant, comme il n’y avoit plus de discours qui occupassent, il se mit à rire avec ceux qui se trouvèrent à portée de lui, à s’amuser de tout, jusqu’à remarquer que le duc de Louvigny, quoique assez éloigné de son trône, avoit un habit de velours, à se moquer de la chaleur qu’il en avoit, et tout cela avec grâce. Cette indifférence pour M. du Maine frappa tout le monde et démentit publiquement ce que ses partisans essayèrent de répandre que les yeux lui avoient rougi, mais que, ni au lit de justice ni depuis, il n’en avoit osé rien témoigner. Or, dans la vérité, il eut toujours les yeux secs et sereins et il ne prononça le nom du duc de Maine qu’une seule fois depuis, qui fut l’après-dînée du même jour, qu’il demanda où il alloit d’un air très indifférent, sans en rien dire davantage, ni depuis ni nommer ses enfants ; aussi ceux-ci ne prenoient guère la peine de le voir, et, quand ils y alloient, c’étoit pour avoir jusqu’en sa présence leur petite cour à part et se divertir entre eux. Pour le duc du Maine, soit politique, soit qu’il crût qu’il n’en étoit pas encore temps, il ne le voyoit que les matins, quelque temps à son lit, et plus du tout de la journée, hors les fonctions d’apparat.

Pendant l’enregistrement je promenoir mes yeux doucement de toutes parts, et, si je les contraignis avec constance, je ne pus résister à la tentation de m’en dédommager sur le premier président, je l’accablai donc à cent reprises, dans la séance, de mes regards assenés et forlongés avec persévérance. L’insulte, le mépris, le dédain, le triomphe lui furent lancés de mes yeux jusqu’en ses moelles ; souvent il baissoit la vue quand il attrapoit mes regards ; une fois ou deux il fixa le sien sur moi, et je me plus à l’outrager par des sourires dérobés, mais noirs, qui achevèrent de le confondre. Je me baignois dans sa rage et je me délectois à le lui faire sentir. Je me jouois de lui quelquefois avec mes deux voisins, en le leur montrant d’un clin d’œil, quand il pouvoit s’en apercevoir ; en un mot, je m’espaçai sur lui sans ménagement aucun autant qu’il ne fut possible.

Enfin, les enregistrements achevés, le roi descendit de son trône et dans les bas sièges, par son petit degré, derrière la chaire du garde des sceaux, suivi du régent et des deux princes du sang et des seigneurs de sa suite nécessaire. En même temps les maréchaux de France descendirent par le bout de leurs hauts sièges, et, tandis que le roi traversoit le parquet, accompagné de la députation qui avoit été le recevoir, ils passèrent entre les bancs des conseillers, vis-à-vis de nous, pour se mettre à la suite du roi, à la porte de la séance par laquelle Sa Majesté sortit comme elle y étoit entrée ; en même temps aussi les deux évêques pairs, passant devant le trône, vinrent se mettre à notre tête et me serrèrent les mains et la tête, en passant devant moi, avec une vive conjouissance. Nous les suivîmes, reployant deux à deux le long de nos bancs, les anciens les premiers, et descendus des hauts sièges par le degré du bout. Nous continuâmes tout droit, et sortîmes par la porte vis-à-vis. Le parlement se mit après en marche, et sorti par l’autre porte, qui étoit celle par où nous étions entrés séparément et par où le roi étoit entré et sorti. On nous fit faire place jusqu’au degré. La foule, le monde, le spectacle resserrèrent nos discours et notre joie. J’en étois navré. Je gagnai aussitôt mon carrosse, que je trouvai sous ma main, et qui me sortit très heureusement de la cour, en sorte que je n’eus point d’embarras, et que de la séance chez moi je ne mis pas un quart d’heure.


  1. Le recueil des Anciennes lois françaises (t. XXI, p. 159 et suiv.) contient les différents édits qui furent enregistrés dans ce lit de justice. On peut aussi comparer le Journal de l’avocat Barbier, à la date du mois d’août 1718.
  2. Voyez note II.