Mélanges d’histoire des religions/Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion et la magie

ÉTUDE SOMMAIRE
DE
LA REPRÉSENTATION DU TEMPS
DANS LA RELIGION ET LA MAGIE

Le problème, qui fait l’objet de ce mémoire, a été posé dans le tome V de l’Année sociologique[1]. Nous supposions que les actes et les représentations de la religion, et l’on peut ajouter de la magie, comportaient des notions du temps et de l’espace assez différentes de la notion normale. Étant donné disions-nous, que les rites et que les événements mythiques se passent dans l’espace et dans le temps, il faut se demander comment on peut concilier à leur égard l’émiettement théorique du temps et de l’espace avec l’infinité et l’immutabilité du sacré, où ils se passent également. Pour simplifier notre vocabulaire, nous donnons au mot de sacré toute l’extension possible ; nous entendons par là à la fois le sacré religieux et le sacré magique, le sacré proprement dit et le mana, bien que nous en ayons déjà fait ailleurs la distinction[2]. Nous avons admis jusqu’à présent par hypothèse, que le sacré, sans acception d’espèces, s’il est susceptible d’une infinité de limitations, est théoriquement indivisible et que, dès qu’il se réalise, il se réalise intégralement[3]. C’est par là que nous avons expliqué la présence réelle dans le sacrifice, ainsi que les vertus indéfinies des choses et des actes magiques.

M’étant proposé d’étudier cette année dans mon cours ce que l’on sait des divisions primitives de l’année chez les anciennes nations germaniques, j’ai essayé de grouper en manière de préface, les anomalies que présente, en général, le décompte du temps dans la religion. Ces anomalies, qui trahissent la contradiction des caractères respectifs du temps normal et du sacré, sont de nature à mettre sur la piste de la notion du temps religieux. Je supposerai acquis que cette notion religieuse de temps est celle qui a présidé à l’élaboration des calendriers. Il n’est pas à démontrer en effet que ceux-ci se sont formés dans les religions.

Ils comportent, en outre, dans la distinction et la détermination des dates et des périodes, un réseau confus de particularités, dont ni l’observation des durées concrètes, ni l’idée abstraite que nous avons du temps, c’est-à-dire l’idée d’une grandeur continue, indéfiniment divisible en parties successives, homogènes et impénétrables, ne saurait rendre compte parfaitement. C’est la substance de ces leçons que je donne ici.

Il ne s’agit pas, dans ce mémoire, de psychologie, ni, par conséquent, de décrire les jugements variables que les individus portent, chacun pour soi, sur les durées, ou d’expliquer l’incohérence de ces jugements. Les représentations sur lesquelles porte mon étude ont quelque chose de conceptuel et aussi de conventionnel  ; elles appartiennent en commun à des collectivités ; elles ont une sorte de rigidité législative. — Je ne prétends pas davantage pousser l’analyse de l’idée de temps jusqu’à la métaphysique. Je cherche à savoir simplement ce qu’elle a été en fait et cela seulement dans certaines classes de jugements et de raisonnements, qui, jusqu’à un certain point, relèvent de la religion et de la magie.

Les faits sur lesquels sont fondées mes conclusions sont de ceux dont le choix m’est imposé par le cadre même de mon cours. Pour ne pas élargir les dimensions de ce mémoire, j’en ai réduit l’exposé autant que possible. Les religions grecque et romaine, le christianisme m’ont fourni des exemples et des points de comparaison. J’étais naturellement porté à me préoccuper d’abord des faits qui se sont produits dans ces religions, en raison des rapprochements historiques, qui ont eu lieu entre elles et celles des Germains. Il y aurait lieu d’étendre ces recherches et particulièrement dans les divers domaines de l’ethnographie.

I

Nous poserons en principe que le temps est une condition nécessaire des actes et des représentations magiques et religieuses. On a déjà, à diverses reprises, attiré l’attention sur ce fait que les rites s’accomplissent dans des conditions de temps, constantes pour un même rite, qui contribuent à définir leur milieu spécifique[4]. Les rites périodiques sont, par définition, associés à des dates fixes du calendrier ou à la récurrence régulière de certains phénomènes. Les rites occasionnels s’accomplissent également à des moments déterminés. Beaucoup donnent lieu à des prises d’horoscope, qui quelquefois sont compliquées au delà du vraisemblable ; il arrive aussi que, à cet égard, les exigences se réduisent à l’extrême ; mais le rite garde toujours le minimum de détermination temporelle, que lui donne sa relation avec l’occasion qui le provoque. L’examen d’un rituel quelconque suffira pour montrer que les rites varient en raison de leurs circonstances de temps, sinon dans leur structure essentielle, du moins dans leurs particularités accessoires, dans les préparations et l’attitude qu’ils exigent.

Les événements des mythes, il est vrai, se passent, semble-t-il, hors du temps ou, ce qui revient au même, dans l’étendue totale du temps, puisque, comme le montre en particulier leur répétition dans les fêtes, ils réussissent à être également contemporains de dates espacées dans le temps normal. Cependant toutes les mythologies ont fait effort pour situer cette éternité dans la série chronologique. On l’a placée, en général, au commencement des temps, quelquefois à la fin. C’est pour cette raison que les mythes, quels qu’ils soient, sont des mythes d’origine ou des mythes eschatologiques. Ils rendent compte de l’origine ou de la fin des choses, non pas que telle soit essentiellement leur fonction de mythes, mais parce qu’ils sont dans le temps. D’ailleurs, ils sont indifféremment fixés à l’une ou à l’autre place et ne se différencient en cela que secondairement ; en effet, on a remarqué très justement que les mythes de l’origine et de la fin du monde comportaient des éléments communs[5]. Une suite de ce phénomène est que, partout, les mythes tendent à se systématiser sous forme de traditions relatives à l’origine des sociétés qui les produisent ; le corps des mythes constitue une préhistoire de l’humanité, de la tribu ou de la nation ; les dieux sont la souche des familles humaines. La synthèse des divers courants de représentations religieuses se réalise sous cette forme, non pas parce que les mythes en général sont issus de la divinisation des ancêtres, mais parce qu’ils sont pensés sous l’espèce du temps. C’est pour la même raison que les fêtes sont généralement données comme la commémoration des mythes qui leur sont attachés. Elles reproduisent indéfiniment un événement qui est censé s’être passé en un point du temps, à une date fixée.

Mais, situer les mythes à l’origine des temps, « dans la nuit des temps », n’est-ce pas une simple et grossière figuration de leur éternité ? On serait en droit de le penser, s’il ne se produisait un autre phénomène, également fréquent, à savoir le rajeunissement des mythes. Nous en avons des exemples dans les fêtes qui sont pourvues de plusieurs mythes, ou dont l’institution est rattachée tour à tour à des causes et à des dates diverses, échelonnées dans le temps. À Rome, les Poplifugia ont commémoré successivement la fuite du peuple à la mort de Romulus, une autre fuite des Romains dans une guerre contre les Fidénates, puis, à partir de 42 av. J.-C., en vertu d’un sénatus consulte, le jour de naissance, conventionnel peut-être, de Jules César[6]. Dans l’Europe chrétienne, on a souvent rajeuni les saints patrons des fêtes paroissiales ; un saint plus jeune se juxtapose, parfois se substitue à un saint défraîchi. C’est ainsi que, par exemple, en Sicile, en Provence, le culte de François de Paule[7] s’est étendu. À Lezoux (Puy-de-Dôme), le patron de la paroisse est en train de céder la place à un Jésuite, son homonyme, martyrisé en Chine il y a cinquante ans. Les combats rituels des fêtes populaires deviennent des figurations dramatiques de combats historiques, souvenirs des invasions arabes et normandes en Sicile, arabes et anglaises en France[8]. Nombre de fêtes qui sont données comme des anniversaires de la fondation des églises paroissiales, semblent être d’anciennes fêtes agraires à fonctions complexes ; au lieu de commémorer un fait mythique, repoussé à l’origine des temps, elles commémorent un fait historique. D’ailleurs, le mythe rajeuni est toujours le point de départ de la célébration périodique du rite ; car, ou bien le souvenir des périodes antérieures est aboli, ou bien l’on imagine une consécration nouvelle et plus efficace de la date choisie. — En dehors de l’histoire des fêtes, les exemples du même phénomène sont également abondants. Dans le pays de Galles la figure à demi historique d’Arthur s’est substituée à celle de quelque dieu endormi dans les cavernes des montagnes[9] et, de même, Frédéric Barberousse a remplacé, dans un thème semblable, des personnages mythiques[10].

Ainsi, les mythes se rajeunissent dans l’histoire. Ils y puisent des éléments de réalité, qui consolident la croyance dont ils sont l’objet en tant que mythes. Mais ce n’est pas parce que la vérité mythique se distingue mal pour les croyants de la vérité historique que les mythes s’évhémérisent ; c’est parce qu’ils demandent à être situés dans le temps avec une précision qui doit croître avec la précision croissante de la représentation des choses dans le temps. Le rajeunissement des mythes n’est pas un phénomène différent du phénomène général de leur localisation dans le passé, mais une forme particulière du même phénomène.

Mais ce n’est pas tout. Les faits, magiques ou religieux, qu’ils soient des rites ou des images, ne sont pas simplement conçus comme se passant avant, après ou pendant d’autres faits. Ils sont situés dans un temps milieu, relativement abstrait et détaché des choses qui durent. À vrai dire, l’image de celles-ci se mêle encore à sa notion. Représentation semi-concrète, elle conserve le souvenir des durées réelles. Le rythme du temps idéal est peut-être indiqué, à l’origine, par certaines de ces durées. Mais il ne laisse pas de les dominer, il leur impose à toutes des limites, théoriques ou pratiques. L’idée de ce temps-milieu entre comme un élément distinct dans les spéculations de la magie et de la religion.

Le temps est d’ordinaire représenté comme un système de dates et de durées successives, système qui se reproduit périodiquement et dont les différentes grandeurs sont supposées égales par séries et symétriques de période à période. La notation des points et des intervalles, compris dans une période limitée et répétable, constitue le calendrier.

Le calendrier est-il, pour la religion et la magie, un système de mesure du temps ? Les actes religieux ou magiques y sont-ils répartis à la façon dont paraissent l’être les actes de notre vie civile ? La religion et la magie ont-elles trouvé dans un système élaboré à d’autres fins des points de repère commodes pour l’accomplissement des actes qui doivent être répétés ? Je ne le crois pas. En effet, il existe des systèmes calendaires, qui ont été divisés spécialement pour régler la périodicité des actes religieux ou magiques et sont, ou ont été employés, parallèlement aux calendriers usuels, pour cette fin spéciale ; tel est le tonalamatl de 260 jours qui, chez les Aztèques courait parallèle à l’année solaire ; tel est encore le calendrier de semaines qui sert à établir chez nous la date de Pâques, calendrier qui lui-même est devenu le modèle du calendrier civil en Islande[11]. L’existence de ces systèmes atteste la nécessité d’un rythme spécifique, qui préside à l’éparpillement dans le temps des actes religieux. Pour la religion et la magie, le calendrier n’a pas pour objet de mesurer, mais de rythmer le temps.

Ainsi, d’une part, les rites sont nécessairement répartis dans un temps divisé par des points fixes, régulièrement espacés ; d’autre part, les représentations religieuses, outre qu’elles assignent des limites aux éternités divines et qu’elles laissent mourir les dieux, supposent également un rythme au temps où s’écoulent les durées de toute espèce et les durées divines en particulier. Les divers millénarismes, celui des judéo-chrétiens, celui des zoroastriens, le système des kalpas hindous en sont la preuve. Nos contes de fées, et spécialement ceux où il s’agit d’enlèvements, laissent à penser que les esprits repassent périodiquement aux mêmes endroits ; c’est alors que se dénouent les charmes qui d’abord s’y étaient noués. Les princesses des châteaux engloutis peuvent être désensorcelées à une heure magique, qui sonne d’intervalle en intervalle. En résumé, les éternités mythiques sont à périodes[12].

Ce n’est pas à dire qu’elles aient une mesure, et, moins encore, une commune mesure avec le temps normal. Les comparaisons révèlent une dissemblance profonde. Le calcul du temps présente, tout particulièrement dans les contes, d’incroyables incohérences. Un conteur macédonien assure, sans sourciller, qu’un héros, qui a mis trois ans pour descendre aux antipodes, douze ans pour en remonter, sans y avoir fait un séjour d’une longueur appréciable, est resté trente ans hors de son pays[13]. La contradiction ne le choque pas, car c’est un conte de fées, αὐτὸ ’ναι παραμύθι.

C’est à l’aide de semblables contradictions que se concilie l’antinomie du temps divisible et du sacré indivis qui s’égrène dans le temps. Mais, pourrait-on penser, ces synthèses se font peut-être en trichant simplement avec la rigueur quantitative de la notion commune de temps. Nous ne le croyons pas, mais nous supposons au contraire qu’elles dénotent l’existence d’une autre notion, dont les caractères, constants et définissables, sont à peu près ceux que nous allons décrire.

II

Considérant tour à tour les éléments différenciés de la représentation du temps, dates critiques et intervalles, nous allons établir un certain nombre de propositions, relatives à leurs propriétés intrinsèques ou à leurs rapports réciproques, qui nous serviront à caractériser l’ensemble de la notion. Nous ne donnerons pas ces propositions comme absolues, et ce serait peine perdue que de chercher des exceptions qui les infirment. Nous ne prétendons pas que la notion de temps, en religion et en magie, diffère toujours de la notion commune ; il nous suffit qu’elle en diffère fréquemment et que les différences en question soient régulières. Leur examen montrera que, pour la magie et la religion : les parties successives du temps ne sont pas homogènes, que les parties qui nous paraissent égales en grandeur ne sont pas nécessairement égales, ni même équivalentes ; sont homogènes et équivalentes les parties considérées comme semblables en raison de leur place dans le calendrier. D’où il suit que la notion du temps n’est pas ici celle d’une quantité pure, mais qu’elle est plus complexe que la notion qui lui correspond dans le cours ordinaire de notre vie mentale. Il n’est pas possible de l’étudier in abstracto. Les propriétés des parties du temps se déduisent de leurs relations avec les durées concrètes qu’elles encadrent.

Ajoutons, pour plus de clarté, qu’il ne s’agit pas uniquement, dans cette étude, des divisions du calendrier. Par dates critiques, nous n’entendons pas seulement les termes extrêmes des sections calendaires, mais tout moment qui se trouve l’objet d’une considération spéciale. Le cycle des termes calendaires n’est que l’un des systèmes particuliers de dates critiques et d’intervalles, qui tournent dans le temps.

1o Les dates critiques interrompent la continuité du temps. C’est ce qu’on peut prouver en montrant qu’elles brisent les durées particulières. Une société, qui divise le temps en périodes, dont la longueur est exprimée par un nombre, sept ou neuf par exemple, ce jours, de mois, d’années[14], impose les mêmes coupures rythmiques à des durées, qui n’ont pas d’autre raison d’être ainsi limitées et coupées que la loi ci-dessus énoncée.

Si les durées en question ne se terminaient pas effectivement à la date critique, leur interruption réelle était quelquefois formellement exprimée par des rites. À Sparte, les rois étaient, de neuf ans en neuf ans, soumis à une ordalie : les éphores s’assemblaient par une nuit de nouvelle lune, considérant le ciel ; si une étoile filante le traversait, le roi, suspect de faute religieuse, était provisoirement déposé, jusqu’à ce que l’oracle de Delphes se fût prononcé sur son cas[15]. Ce rythme novénaire, auquel était assujetti de la sorte le pouvoir des rois de Sparte, paraît avoir été généralement usité dans la sphère d’extension de la civilisation crétoise. Or la tradition veut que Minos également ait été astreint à se rendre tous les neuf ans à la grotte de l’Ida, pour y renouveler sa délégation royale[16].

Ce n’est qu’un exemple entre l’infinité des exemples possibles, car le phénomène est général. À l’expiration des magistratures en fin d’année, il faut joindre l’extinction annuelle ou cyclique des feux, le renouvellement de la vaisselle ou des vêtements, la consommation complète ou la destruction des provisions et passer de là à la série des représentations. L’exemple choisi l’a été à dessein, parce que, dans ce cas, la date critique n’est pas une fête, au sens spécial du mot, qui pourrait avoir, comme telle, des conséquences de ce genre, mais simplement le terme d’une période, dont l’observation ne paraît même pas être déterminée par le système chronologique dominant. Il montre que les dates critiques du temps-milieu brisent les durées concrètes, qui, par elles-mêmes en sont indépendantes, avec une sorte de nécessité ; à plus forte raison brisent-elles la durée abstraite, dont elles font partie. Elles sont réellement critiques et dangereuses : pour les médecins antiques, les maladies et la vie humaine en général se nouaient, se dénouaient et se renouaient à des intervalles périodiques de sept jours, de sept mois, de sept années[17]. Bref, le temps où se passent les choses magiques et religieuses est discontinu ; il y a des à-coups dans sa marche.

Ce n’est pas tout. On voit déjà que les parties qu’on y distingue ne sont pas homogènes. En effet, le moment qui constitue la date critique diffère par là même d’un moment quelconque des durées qui précèdent ou qui suivent, et, d’autre part, les durées séparées par les dates critiques diffèrent entre elles, puisque des actes ou des événements cessent ou commencent par le seul fait de leur apparition.

2o Les intervalles compris entre deux dates critiques associées sont, chacun pour soi, continus et insécables. — Un premier indice de leur continuité est fourni par des rites d’entrée et de sortie dont ils ont souvent été l’objet. Ces rites, comparables à ceux qui marquent le commencement et la fin des cérémonies religieuses, leur donnent l’apparence d’un tout continu dont toutes les parties sont solidaires comme celles d’un sacrifice. L’année romaine s’ouvrait aux calendes de mars par une série d’auspications ; elle se terminait en janvier et en février par une série de jours néfastes et de cérémonies expiatoires[18]. La forme la plus remarquable et la plus significative de ces rites est réalisée dans les cas, dont notre folklore européen présente un grand nombre, où l’année, la saison qui commence et celle qui finit sont personnifiées, pour être dramatiquement introduites ou expulsées[19] ; ici, l’individualité des parties du temps va jusqu’à la personnalité. L’extinction et l’allumage des feux au passage d’une période à l’autre, dont il a été déjà fait mention, sont également des rites d’entrée et de sortie comparables aux précédents. Ces rites, d’ailleurs, valent ou peuvent valoir à la fois pour les durées elles-mêmes et pour les choses qui s’y passent : on éteint un feu que l’usage a profané, on expulse les fautes commises dans l’année, on inaugure les travaux des saisons. Il serait trop long de démontrer que cette confusion ne doit pas nous inquiéter pour le moment. Durées abstraites et durées concrètes s’identifient en effet.

Au surplus, des associations idéales sont établies entre les diverses sortes de périodes et de choses qui durent, associations où la période-forme est l’unité de temps de la durée-matière. Cette remarque nous sert de point d’appui pour faire un pas de plus.

Non seulement on s’efforce d’égaliser la durée des faits et des choses à celle des périodes du temps, d’inaugurer les actes au commencement de celles-ci[20], mais encore on évite, ou l’on interdit d’entamer certaines entreprises graves, une guerre par exemple, au cours d’une période. Il y en a des exemples fameux. C’est Arioviste, qui ajourne les hostilités actives jusqu’à la nouvelle lune[21] ; ce sont les Spartiates, qui attendent la pleine lune pour entrer en campagne[22] et les Athéniens le septième jour du mois[23].

Ces interdictions attestent la préoccupation de donner au temps, où se passent les rites, le caractère spasmodique, qui doit résulter de la succession des points d’arrêt décrits plus haut et de leurs intervalles insécables. Les hommes, dans la crainte de troubler l’ordre des choses par une initiative malencontreuse, s’imposent des règles pour préserver, autant qu’il dépend d’eux, ce même ordre nécessaire, que leurs croyances leur montrent parfaitement réalisé dans le monde. C’est, en effet, une idée généralement constatée, qui domine et trouble l’expérience et dont nos ancêtres ont fait une véritable loi scientifique, qu’un certain nombre de phénomènes, s’ils commencent au début d’une certaine période, durent toute la période et qu’ils attendent le début d’une période pour commencer. Les on-dit météorologiques sont un type assez bon de ces traditions pseudo-scientifiques[24].

Ainsi, si l’on admet qu’une association formelle s’établit entre la durée de certaines choses concrètes et certaines périodes du temps abstrait, considérées comme leur mesure, comme leur unité de temps, on constate que ces périodes sont remplies totalement par les durées en question ou les excluent absolument. La longueur des durées concrètes est entièrement assimilée à celle des périodes correspondantes. On peut toujours, pour l’expliquer, recourir à l’hypothèse d’une nécessité magico-religieuse déterminant arbitrairement la longueur des durées. Mais nous expliquons cette nécessité même, si nous supposons, comme nous l’énoncions, que les diverses unités de temps sont conçues comme insécables : car, dans ce cas, la période-forme coïncidera intégralement avec celle de la durée-matière dont elle est la mesure rythmique ; ce sont, en effet, deux grandeurs, qui ne pourront pas être divisées, l’une par rapport à l’autre, en grandeurs plus petites. En imposant de n’entreprendre certains actes qu’au commencement de périodes correspondantes, le rituel essaye simplement de conformer l’activité des hommes aux habitudes de leur pensée. Il va de soi que les périodes ne peuvent être représentées comme insécables que prises à part et chacune pour soi, ou seulement dans leur rapport avec les événements qui sont censés de nature à les remplir tout entières. Chaque intervalle de dates critiques est, en effet, divisé par d’autres dates critiques en intervalles plus petits. À ce point de vue, les durées sont comparables aux nombres, qui sont considérés tour à tour comme l’énumération d’unités inférieures ou comme des sommes capables de servir d’unités pour la composition de nombres supérieurs. La continuité leur est donnée par l’opération mentale qui fait la synthèse de leurs éléments. Nous admettons qu’une pareille synthèse mentale embrasse d’un seul coup la longueur des périodes-formes et des durées-matières.

Cette réserve faite, nous conclurons d’abord : que les parties du temps sont conçues comme n’étant pas indéfiniment divisibles en parties successives ; et ensuite, que chaque subdivision est constante par rapport à elle-même et hétérogène par rapport aux subdivisions de la même série qui la précèdent et qui la suivent.

3o Les dates critiques sont équivalentes aux intervalles qu’elles limitent. — On déduira de la proposition précédente que, lorsqu’un phénomène ou un acte qualifié se produit à un moment quelconque de la période qui lui est conventionnellement assignée, il est censé la remplir de ses qualités, la contaminer tout entière. Les interdictions, citées plus haut, d’entamer une série d’actes graves, comme la guerre, en période commencée, laissent à penser que cette conclusion a été tirée en effet : on a pu craindre, en vertu de cette contamination fatale, le heurt d’actes contradictoires dans un même temps, non moins vivement que la rupture de sa continuité.

Ce qui est probable pour un moment quelconque d’une durée, ne peut l’être moins pour les moments caractéristiques de cette durée. La présomption est d’autant plus forte à cet égard, que les points critiques, qui définissent ladite durée, constituent des éléments essentiels de sa représentation. En fait, on accomplit, au commencement d’une période, des rites, rites prophylactiques[25], vœux[26], bénédictions[27], rites sympathiques qui valent pour toute la période[28]. Dans un autre ordre d’idées, les phénomènes qui se passent à cette heure décisive donnent des pronostics pour la durée qu’elle inaugure[29]. Le début engage la suite ; ce qui doit se produire dans toute l’étendue de cette durée est réalisé à son ouverture, tout au moins en représentation et réciproquement. La croyance à la persistance pour un temps défini des effets produits en un moment donné est le principe du déplacement des rites et de la concentration, sur des dates choisies, de ceux qui pourraient être indéfiniment répétés. Cette croyance tient donc une place importante dans les représentations de la magie et de la religion. Il leur est indifférent, en somme, que le rite soit accompli au début d’une durée ou dans toute sa longueur. La date critique et la période qui la suit sont assimilées. En d’autres termes, elles sont homogènes et susceptibles d’être tenues pour équivalentes, abstraction faite de leurs dimensions.

La raison de cette assimilation est celle que nous donnions plus haut. Entre le fait en question et la période à laquelle il est mentalement associé, il n’y a pas de mesure possible ; il n’y en a pas davantage entre l’instant où il se passe et la période dont cet instant fait partie ; ce ne sont ni des grandeurs comparables, ni des éléments antithétiques ; moment et durée, fait et durée sont identifiés dans une même opération mentale, qui est absolument synthétique. Une preuve de cette assimilation parfaite des dates critiques et de leurs intervalles est fournie par les noms mêmes du temps qui désignaient originairement et proprement des dates critiques[30]. Intervalles et instants rentrent les uns dans les autres.

Une objection reste à écarter, c’est que les effets et les phénomènes en question, étant conçus comme durables, se prolongent nécessairement au delà du moment où ils ont commencé. Qu’à cela ne tienne ! L’essentiel est qu’ils ne durent que le temps d’une période définie, dont tous les moments, conformément à notre deuxième proposition, constituent un tout indistinct et qu’ils s’arrêtent précisément à l’une de ces dates critiques qui, conformément à notre première proposition, interrompent cette continuité.

Nous enregistrons donc un nouveau résultat : non seulement les durées ne sont pas conçues comme indéfiniment divisibles en parties distinctes et homogènes, mais ces parties ne sont pas impénétrables les unes aux autres.

4o Les parties semblables sont équivalentes. — Peuvent être définies comme semblables entre elles les parties symétriques du temps, à savoir celles qui occupent la même position dans le calendrier, et, d’autre part, les durées de grandeurs différentes qui sont prises tour à tour comme unités de temps : la semaine, le mois, la saison, l’année, le cycle d’années sont donnés, dans certains cas, comme semblables entre eux.

Les dates critiques et les intervalles qu’elles limitent, dont nous venons de démontrer l’homogénéité et l’équivalence, occupant la même position relative dans le calendrier, sont semblables ; c’est un premier point. Pour le reste, l’équivalence des parties semblables est démontrée par le fait que la similitude chronologique entraîne ou permet la répétition des mêmes événements ; les mêmes représentations s’y attachent, de telle sorte qu’elles paraissent l’exacte reproduction les unes des autres : elles tendent vers l’identité. Dans les légendes de châteaux, villes, monastères, églises engloutis, la malédiction n’est jamais définitive : elle se renouvelle périodiquement ; tous les ans, tous les sept ans, tous les neuf ans, à la date même de la catastrophe, la ville ressuscite, les cloches tintent, la châtelaine sort de sa retraite, les trésors s’ouvrent, les gardiens s’endorment : mais à l’heure dite le charme se referme et tout s’éteint. Ces rechutes périodiques suffisent presque à montrer que les mêmes dates ramènent les mêmes faits. Toute l’astrologie, une partie de la science antique ou populaire sont fondées sur ce principe. Inversement, les mêmes actes religieux ou magiques s’accomplissent dans les mêmes circonstances de temps, à savoir en des points symétriques d’un système, quel qu’il soit, de division du temps, calendrier commun ou calendrier spécial, astronomique ou autre. C’est ce que prouve suffisamment le soin qui est apporté, dans les rituels complets, à indiquer pour chaque rite ses conditions temporelles. Les mêmes fêtes enfin se célèbrent aux mêmes dates.

Mais il y a des degrés de similitude, et l’exactitude de la ressemblance croît avec l’importance des rites. L’intensité de l’attention, dont elle est l’objet dans certains cas, montre bien quel prix on y attache et quelle efficacité religieuse on lui suppose. Ainsi, la détermination de la date de Pâques a été l’une des préoccupations centrales du christianisme naissant. La Pâque chrétienne, qui perpétuait, d’une part, la Pâque juive et le sacrifice pascal, de l’autre, le sacrifice du Calvaire et la résurrection du Christ, devait être célébrée exactement au même point du temps que les faits qu’elle reproduisait, c’est-à-dire en un point exactement symétrique à celui où ils s’étaient d’abord produits. Problème délicat ! puisqu’il fallait trouver ces points symétriques dans deux calendriers différents et dont le désaccord variable ne pouvait être calculé rigoureusement. Au choix d’une solution approximative on apporta des scrupules infinis[31].

Le dimanche hebdomadaire commémore, c’est-à-dire renouvelle avec moins de solennité, mais autant d’efficacité que la fête annuelle de Pâques, le sacrifice du Christ. Ce que le dimanche est à Pâques, la semaine l’est à l’année et, dans la mesure où l’année représente le cours entier du temps, la semaine le représente[32]. Dans l’Inde, les douze premiers jours du mois équivalaient aux douze mois qui suivent ; en effet, un sacrifice continu, se développant au long de ces douze jours, était l’équivalent d’un semblable sacrifice qui aurait duré l’année tout entière ; il valait pour cette même année[33].

Lorsque toutes les équivalences possibles sont entrées en jeu, le temps finit par être représenté comme une suite de points équivalents, équivalant eux-mêmes aux intervalles qui les séparent, lesquels s’équivalent entre eux, et comme une suite de parties d’inégales grandeurs, emboîtées les unes dans les autres, qui s’équivalent de la même façon, chaque point et chaque période valant respectivement pour le tout. De telle sorte que les actes religieux et magiques peuvent cesser sans être finis, se répéter sans changer, se multiplier dans le temps tout en restant uniques et au-dessus du temps, qui n’est plus, en réalité, qu’une suite d’éternités.

5o Des durées quantitativement inégales sont égalisées et des durées égales inégalisées. — L’expression de durées indéterminées par des nombres précis, 7, 9, 50, etc., est un fait constant et bien connu, dont il est inutile de donner des exemples. Les nombres conventionnels, employés de cette façon, correspondent à la longueur exacte de périodes déterminées par certains systèmes usités ou désuets de division du temps[34] : les semaines de sept et de neuf jours, coupures du mois ou de la lunaison, ont été le type de périodes de sept et de neuf jours, de sept et de neuf ans, dont la longueur est évidemment conventionnelle. Grandeurs fixes et grandeurs vagues sont représentées comme égales. D’autre part, c’est un lieu commun de mythologie et de folklore, — fait qui a sa contre-partie dans notre expérience individuelle —, que les durées, suivant les circonstances, ne s’écoulent pas avec la même rapidité. Celle-ci change au passage du surnaturel à la vie normale des hommes[35]. Un berger qui s’endort pour une heure se réveille au bout de cent ans ; au retour d’une visite chez les fées il ne retrouve plus au village que des générations nouvelles. Inversement, les héros peuvent vivre des années de vie magique en une heure de vie humaine. Le temps ne compte pas plus que l’espace dans leur course à travers le monde. Les parties numériquement correspondantes des kalpas hindous ne sont pas conçues comme étant de même grandeur[36].

III

Il résulte de ces faits non pas que le temps, pour la magie et la religion, ne soit pas une quantité, ou susceptible d’être considéré comme telle, mais que ce n’est pas une quantité pure, homogène dans toutes ses parties, toujours comparable à elle-même et exactement mesurable. Dans les jugements qui portent sur le temps, il entre autre chose que des considérations de plus, de moins et d’autant ; il entre des considérations d’aptitude, d’opportunité, de continuité, de constance, de similitude et les équivalences, dont nous avons parlé, n’étaient pas des égalités. Les unités de temps ne sont pas des unités de mesure mais les unités d’un rythme, où l’alternance des diversités ramène périodiquement au semblable.

Les subdivisions du temps ne sont pas des grandeurs définies uniquement par leur dimension et leur position relative. Il entre dans leur notion d’autres éléments qui expliquent leurs anomalies quantitatives, à savoir la notion de qualités actives, dont la présence les rend, les unes par rapport aux autres, homogènes ou hétérogènes. Si dans la représentation de chacune des sections du temps entre celle d’une certaine qualité, celle-ci sera naturellement conçue comme également distribuée dans toutes ses parties ; chaque période, si l’on ne considère en elle que cette qualité, sera donc nécessairement homogène par rapport à elle-même. L’homogénéité du temps cessera à la fin de chaque période, la suivante apportant avec elle de nouvelles qualités différentielles. Les parties semblables seront équivalentes et homogènes ou plutôt identiques, parce qu’elles auront la même qualité. Enfin, la valeur relative des durées ne dépendra pas seulement de leur grandeur absolue, mais aussi de la nature et de l’intensité de leurs qualités.

Bref, les propositions ci-dessus énumérées cessent d’être contradictoires, dès qu’on cesse de considérer le temps comme un milieu sans qualités. Aussi bien, n’est-ce pas un pur concept, une sorte de lieu géométrique, distingué par abstraction de la masse des durées particulières, mais une sorte de chose, dont la forme a son efficacité comme celle d’un acte magique, existant objectivement, distincte des phénomènes successifs et durables, puisqu’elle les coupe à sa mesure, et dont les divisions ne sont pas simplement idéales, mais réelles et effectives, puisqu’elles interrompent brutalement la matière qu’elles encadrent.

À vrai dire, les qualités dont nous avons parlé sont celles des parties du temps. Il y a lieu de se demander si la notion du temps en général ne comporte pas, elle aussi, de qualités analogues et même si les particularités qui distinguent les parties sont autre chose que les diverses modalités d’une qualité commune du temps. Toutefois il est malaisé d’apercevoir au premier abord quelles peuvent être les qualités de ce temps religieux et magique. Peut-être, n’a-t-il, pris dans son ensemble, qu’une aptitude à recevoir des qualités. Mais il nous suffit, pour le moment, de mettre en lumière la nature qualitative attribuée au temps en général par la constatation des qualités reconnues à ses parties. Celles-ci sont bien apparentes et se font valoir l’une l’autre par leurs contrastes. Les parties du temps ne sont pas indifférentes aux choses qui peuvent s’y passer ; elles les attirent ou elles les excluent. De là, d’une part, une inépuisable série de pronostics fondés sur la seule distinction des dates, de l’autre une série de prescriptions positives ou négatives relatives aux jours[37]. Les plus typiques sont les prescriptions négatives, autrement dit les tabous du temps. Ce qui vient d’être dit des jours vaut pour les périodes. Les mois par exemple ont, l’un par rapport à l’autre, une teneur qualitative constante, qui leur donne une véritable individualité[38]. À la rigueur, leur place dans l’année solaire, la diversité des opérations, agricoles ou autres, qui, par la force des choses, s’y accomplissent, peut passer pour le principe de leur différenciation. Mais, cette défalcation faite, il subsiste un résidu de prescriptions différentielles, telle, entre autres, l’interdiction du mariage au mois de mai, où se révèlent des qualités qui leur appartiennent en propre. Nous admettrons donc provisoirement que les parties du temps et le temps en général sont conçus comme doués ou susceptibles de qualités.

IV

Notre investigation se rapproche ici d’analyses philosophiques, dont la représentation de la durée dans la conscience individuelle a récemment été l’objet. Dans ses Données immédiates de la conscience, M. Bergson est arrivé à conclure que la notion de temps n’est pas uniquement celle d’une quantité, mais qu’elle est qualitative. Dans les subtiles arabesques de Matière et mémoire, il substitue, comme élément générateur de la représentation du temps, aux notions de grandeur, de position, de succession celle de la tension active par laquelle, d’une part, se réalise dans la conscience l’harmonie des durées indépendantes de rythmes différents et, de l’autre, se distribuent et circulent les images entre les différents plans de cette même conscience. Ainsi s’achève dans son système, le transport de l’idée de temps du domaine de la quantité pure à celui de la qualité.

Nous nous rapprocherons davantage encore de cette théorie du temps considéré comme échelle des tensions de la conscience, si nous essayons de nous rendre compte, avec un peu plus de précision, de ce que sont les qualités qui, pour la magie et pour la religion, entrent dans la composition de la notion du temps. Pour aborder cette étude par son côté le plus accessible, ne considérons provisoirement que les qualités différentielles des parties du temps. Moments ou durées, leurs qualités ne sont définies que par les faits avec lesquels ils sont nécessairement et constamment en relation positive ou négative. Il y a, d’un côté, des phénomènes naturels, astronomiques ou autres, choisis comme jalons du temps, ou des nombres, qui expriment la longueur théorique des périodes[39] ; de l’autre, il y a des représentations, que la récurrence des premiers termes entraîne ou repousse nécessairement, et des actes, qu’on accomplit ou qu’on évite pour réaliser, autant qu’il est en soi, les associations crues nécessaires. Les éléments ainsi associés sont intimement unis, l’un entraîne l’autre, et tant que dure le premier, dure le second[40]. Ce système de relations est, à proprement parler, un système de signatures. Les dates sont, en tant que telles, le signe et la signature des choses qui s’y passent[41], au même titre que telle conjonction de planète est la signature de tel événement ou de tel rite. Ainsi, qualités différentielles du temps et signatures temporelles sont des expressions équivalentes. En cherchant à concevoir ce que peuvent être les éléments qualitatifs de la représentation du temps en magie et en religion, on ne rencontre donc au premier abord que des images associées et dont l’association est retenue en vue d’actes possibles.

Ce premier résultat concorde avec l’analyse de M. Bergson, qui aboutit à concevoir un temps dont la représentation se compose d’images d’inégale tension, placées en série par degré de tension et dont la tension est réglée par l’action et ses nécessités. Mais l’examen superficiel d’un seul ordre de données peut-il nous assurer qu’il n’entre dans la représentation du temps, au moment de son développement où nous essayons de la saisir, que de semblables agglomérations d’images particulières et la tension variable dont ces images sont susceptibles ? S’il en est ainsi, nous laisserons volontiers le dernier mot aux philosophes, et nous leur demanderons l’explication des faits qui nous ont arrêtés. Peuvent-ils nous la donner ?

Il est naturel, somme toute, que les philosophes réduisent à des termes fort simples les éléments primordiaux de la notion de temps. Leur objet n’est-il pas de briser la lourde carcasse de nos opérations mentales, pour en dégager ce qu’elle recouvre de réel ? Cette vie profonde de l’esprit humain est décelée par les inconséquences, auxquelles arrive le jeu logique des notions superficielles. Dans le cas présent, le jeu de notions, qui déguise la réalité psychologique des images successives, consiste dans l’ajustement de deux séries de représentations. L’une est constante et périodique : c’est le calendrier et la chronologie avec leurs points de repère et toutes les particularités qu’ils enregistrent. L’autre se construit perpétuellement par l’apport de représentations nouvelles. L’esprit travaille constamment à associer dans une même tension certains éléments de ces deux séries. Le tout est dominé par des notions générales de durée, de période, de date, qui sont douées d’une certaine objectivité et qui entrent, avec cette objectivité, comme éléments essentiels dans les opérations mentales en question.

Ce schématisme artificiel est précisément un objet d’étude qui nous intéresse, en tant que sociologues, par ce qu’il comporte de fixe, de résistant, de conceptuel, d’appris ; et, en nous limitant d’ailleurs au domaine de la religion et de la magie, le problème qui nous inquiète est de savoir si l’on peut en expliquer la formation et le fonctionnement, sans supposer autre chose que des images enregistrées et la tension variable des consciences individuelles qui les embrassent. Ne faut-il pas recourir encore à un autre principe, qui n’est pas intégralement donné dans la conscience de l’individu, mais qui se développe et agit au cours de la vie collective ? Pour nous dispenser de cette dernière hypothèse, il faudrait pouvoir démontrer que le calendrier n’enregistre que des expériences d’individus et que la tension des images en vue de la pratique rend compte de l’accord constamment établi entre les deux séries psychologiques considérées. Voyons donc si, en réalité, la constitution de la série fixe des images classées dans le temps ne suppose que des expériences individuelles.

V

Le préjugé commun veut que la division du temps soit fournie à l’expérience par certains phénomènes astronomiques, faciles à observer. En fait, il y a deux façons de déterminer les divisions du temps, qui sont concurremment usitées. D’une part, on fait coïncider les termes calendaires soit avec des phénomènes qui indiquent approximativement le changement réel des saisons, apparition de la première violette[42], du premier hanneton, de la première hirondelle[43], des cigognes, chant du coucou[44], etc., soit avec les moments critiques du cours de certains astres, lune, soleil, Sirius, Vénus, etc. ; dans ces divers cas, il est incontestable que les signes choisis comme index du temps sont objets d’expérience. D’autre part, on marque les points de division en comptant progressivement de l’un à l’autre un nombre fixe d’unités de temps. Notre système de division hebdomadaire est un type parfait de division courante en périodes numériquement égales. Dans ce cas, l’index du temps paraît être, au premier abord, entièrement conventionnel. Toutefois on prétend que les nombres générateurs de périodes calendaires sont suggérés par la connaissance expérimentale de la longueur réelle de certaines périodes astronomiques[45]. D’ailleurs, les deux procédés se combinent et, dans un système complet de divisions du temps, on trouve toujours des index numériques associés aux index phénoménaux.

Mais l’emploi même de ceux-ci ne va pas sans conventions. Le choix du signe est déjà l’objet d’une première espèce de convention. Celle-ci paraît réduite au minimum, quand on se règle sur le cours du soleil et de la lune. Elle est au contraire prépondérante, quand il s’agit de choisir entre les multiples phénomènes de la vie végétale ou animale, qui marquent les limites flottantes des saisons. Une convention préliminaire fixe le choix sur l’hirondelle, le coucou, la cigogne ou la violette. D’autres ont pour but de rendre valable pour tous le signe observé par un petit nombre. Il y a eu des règles pour l’observation des sigues en question[46] et d’autres à l’effet de consacrer, légitimer et autoriser l’observation faite.

L’emploi des index astronomiques laisse également une large place à l’arbitraire. En ce qui concerne la longueur de la lunaison, une première cause d’incertitude vient de ce qu’elle ne commence pas toujours à la même heure du jour ; une autre, de ce que la révolution sidérale et la révolution synodique de la lune diffèrent à peu près de deux jours[47]. Cette différence a réellement préoccupé et troublé les peuples, qui ont pris le mois lunaire comme base de leur calendrier ; beaucoup se sont efforcés de choisir entre les données discordantes de leur expérience, ou de les concilier en attribuant à la lunaison une longueur moyenne. Les termes de la révolution solaire sont plus difficiles encore à fixer que ceux de la révolution lunaire. Ils ne peuvent être déterminés qu’à l’aide de points de repère, de véritables instruments, à la suite d’observations longues, patiemment accumulées. La réputation astronomique des Assyro-Babyloniens fait considérer leur calendrier comme le type parfait d’un système de division du temps fondé sur le cours des astres. Or, on a, récemment mis en doute que leur année de 365 jours ait été, dès l’origine, une année solaire pure, à base expérimentale[48]. Parallèle à cette année de 365 jours, on leur connaît une année civile de 360 jours, dont l’élément primordial est apparemment une période de 60 jours, correspondant à la base sexagésimale de leur numération et de leur système métrique[49]. Le cycle annuel, formé par la multiplication de cette base numérique, a été accordé approximativement avec l’année solaire réelle. C’est ainsi que les cycles mexicains, fondés sur les bases numériques 13 et 20, ont été accordés à peu près avec la période vénusienne et que des accords conventionnels s’établissent ailleurs entre le mois lunaire de 29 jours et le mois schématique de 30 jours[50]. L’expérience, d’où sont nées les divisions du temps fondées sur l’astronomie, est facilitée par l’existence de comptes conventionnels préalables, qui ont permis d’apprécier la longueur des révolutions astrales ; elle se présente, en quelque sorte, comme la vérification d’une prévision.

Pour réduire la part de l’arbitraire, on se retranchera sans doute derrière une théorie de l’origine expérimentale des nombres rituels. On dira, par exemple, que les nombres 7 et 9 sont obtenus par la division, respectivement en quatre et en trois parties, l’un de la révolution synodique, l’autre de la révolution sidérale de la lune[51]. Mais voilà beau temps que les américanistes nous ont appris que ces nombres pouvaient être obtenus autrement, c’est-à-dire par l’addition des points cardinaux de l’espace[52], que ces sommes de points cardinaux étaient figurées par divers symboles, qui servaient à représenter dans le rituel l’espace total, que le svastika était l’un de ces symboles, correspondant au chiffre 9. Rien n’empêche d’admettre que, dans l’Asie occidentale et en Europe, ces mêmes nombres aient été composés de la même façon ; d’ailleurs, là encore, on retrouve le svastika mystique et, justement, sur certains points de l’aire où le svastika est répandu, le nombre 9 est également usité comme nombre rituel. L’étude de la numération des primitifs conduit dès maintenant à rejeter en doute l’idée que cette suite de nombres et, en général, tous ceux qui servent de bases aux systèmes de numération, tous ceux, en somme, qui sont l’objet d’une considération particulière soient des comptes fortuits d’objets totalisés[53] et à penser, au contraire, que ce sont des synthèses subjectives, opérées par des sociétés entières, synthèses qui, chacune pou soi, sont capables de représenter un ensemble quelconque et même l’univers, sans que cet ensemble se décompose naturellement en autant de parties que le nombre considéré embrasse d’unités inférieures. Une pareille théorie suppose que les nombres ont, à l’origine, précisément la même valeur qu’ils ont, à notre connaissance, dans la mystique arithmétique tardive. S’il en est ainsi, on admettra sans peine que les nombres, qui président à la division du temps, sont essentiellement conventionnels.

Bref, la division du temps comporterait un maximum de convention et un minimum d’expérience. L’expérience précise viendrait à son heure lui donner un supplément d’autorité. Mais le souci d’exactitude expérimentale, qui s’applique quelquefois au calendrier, n’est jamais durable. De même que, en astrologie[54], les observations effectives font place à des schèmes d’observations simplifiées, appliqués mécaniquement, de même, en matière de temps, la nécessité de vérifier la coïncidence des périodes calendaires avec les périodes astrales cesse progressivement d’être sentie. Les termes de l’année officielle s’écartent insensiblement des termes de l’année réelle. Ainsi, la semaine lunaire des Chaldéens est devenue la semaine courante des Hébreux.

Nous ne pouvons pas assister aux conventions primitives qui ont institué les termes fondamentaux des calendriers. Mais nous pouvons nous en approcher, en constatant comment l’autorité sociale intervient dans leur fonctionnement. Les incertitudes sur le commencement réel de la lunaison sont tranchées, en Mésopotamie, par les astrologues royaux préposés à l’enregistrement des présages[55], en Judée, par l’autorité sacerdotale et le concours du peuple[56], à Rome, par les pontifes[57]. Ce que nous savons des débats qui s’élevèrent dans les sociétés qui ont hésité entre plusieurs repères du temps[58], nous apprend que l’expérience, dont ils étaient l’objet, ne les imposait pas nécessairement comme régulateurs des durées. Enfin, nous avons une juste idée de l’autorité donnée à ces index par les conventions qui les instituaient, toutes les fois que nous voyons les vieux calendriers, tombés en désuétude, se survivre longuement à eux-mêmes dans la religion et dans la magie.

Il y a d’autres jours qualifiés que ceux qui sont des termes de la division du temps. Une bonne partie semblent devoir leurs qualités à des événements, qui sont censés s’être une fois passés à pareille date. Ainsi, dans le calendrier romain, l’anniversaire de la défaite de l’Allia est un jour néfaste. Dans le christianisme, en tant que les qualités des jours dépendent des saints qui y président, elles paraissent résulter également d’événements historiques commémorés, mort ou déposition du saint, fondation de son sanctuaire. De même le vendredi, étant le jour de la crucifixion, tient du fait qui s’y commémore une partie de ses qualités. L’association entre les dates et leurs qualités est donc, au moins pour l’opinion commune, fondée dans ces divers cas sur des expériences générales, qui, apparemment, ne diffèrent en rien des expériences d’individus. Mais il y a toujours lieu de se demander si une fête de commémoration historique n’est pas une vieille fête rajeunie, telle la Saint-Martin du 11 novembre, ou si la qualification du jour considéré ne tient pas à de tout autres associations. Le vendredi, par exemple, est resté le jour de Vénus planète. De ce côté encore, on retombe sur des conventions. Ainsi, nombreuses sont les dates d’observances dont l’institution a été expliquée par des événements de l’histoire, mais il en est très peu qui n’aient pas d’autres raisons d’être. En règle générale, ce ne sont pas les faits qui fixent les dates. Celles-ci sont les temps marqués d’un rythme, qui coupe en durées finies la durée vague. Un rythme, de même nature, détermine la répétition à l’infini des dates établies, quelles qu’elles soient. La représentation du temps est essentiellement rythmique.

Mais n’a-t-on pas déjà montré que, dans le travail, dans la poésie et le chant, le rythme était le signe de l’activité collective, d’autant plus fortement marqué que la collaboration sociale était plus étendue et plus intense[59] ? Si cela est vrai, il nous est permis de supposer que le rythme du temps n’a pas nécessairement pour modèles les périodicités naturelles constatées par l’expérience, mais que les sociétés avaient en elles-mêmes le besoin et le moyen de l’instituer.

VI

Si le choix qui détermine les jours qualifiés est arbitraire, leur qualification particulière ne l’est pas moins. Leurs qualités, définies comme elles le sont, par l’association sympathique des dates et de leurs effets, positifs ou négatifs, sont conventionnelles au même titre que toutes les autres espèces d’associations sympathiques[60]. Entre la multitude des associations possibles, c’est l’arbitraire qui décide, et cet arbitraire n’est pas celui d’un individu qui choisit pour lui-même, mais de sociétés entières.

Il y a plus. S’il s’agit bien ici d’associations sympathiques entre des faits considérés comme nécessairement concomitants, il doit entrer dans ces associations autre chose que les images associées. Il faut s’attendre à y voir intervenir, à quelque titre, l’idée de pouvoir magique, de mana ou de sacré, qui fonde la croyance dont sont l’objet, en magie et en religion, les autres associations de la même espèce. Il faut que les associations qui définissent les qualités des temps, aient un caractère sacré, ainsi que les termes qui les composent, autrement dit que les dates ou leurs signes aient un pouvoir magico-religieux et que les choses signifiées, événements ou actes, participent à la nature de ce pouvoir. Cette chose vague, mais très réelle, qui n’est, comme nous l’avons dit ailleurs, ni substance, ni qualité, ni acte, mais à la fois tout cela[61], doit apparaître ici, au moins par éclair, sous l’une ou sous l’autre des formes dont elle est susceptible. C’est ce que nous allons vérifier sommairement. Or cette notion de sacré, nous l’avons déjà à moitié démontré, ne peut pas se former dans l’esprit de l’individu, en tant que tel ; elle résulte d’expériences subjectives de la collectivité.

On constate d’abord que, si la qualification d’une date quelconque paraît définie par un nombre limité d’associations sympathiques, impératives ou persuasives, cette limitation n’est qu’apparente. Il y a bien pour une date donnée, dans une aire donnée, un noyau fixe de prescriptions et d’attentes ; mais on voit s’en allonger la liste à mesure que s’allonge celle des documents[62]. En réalité, les dates attirent à elles les actes et les images, en raison de la considération dont elles sont l’objet. Elles sont investies d’une sorte de qualification générale qui s’exprime avec des déterminations particulières. Celles-ci, d’ailleurs, se confondent souvent et s’effacent parfois totalement dans la généralité de la qualification commune. Sans affaiblir ce que nous avons dit de l’association nécessaire entre les faits et les temps, nous devons reconnaître que les jours qualifiés sont échangeables et que les rites passent de l’un à l’autre. Dans l’histoire des fêtes populaires en Europe, on assiste à d’interminables échanges entre la Saint-Martin, la Saint-Michel, la Saint-Nicolas, Noël, l’Épiphanie, la Saint-Antoine, etc. Les qualités différentes des jours qualifiés sont, somme toute, les degrés et les modes d’une même qualité. Ce : te qualité est d’ailleurs ambiguë et produit les effets contradictoires dont on a observé depuis quelques années que les choses sacrées sont capables. Nous sommes déjà arrivés ailleurs à une conclusion semblable dans l’étude des propriétés magiques. Ainsi ; derrière les qualités distinctives des parties du temps, nous trouvons une qualité commune, celle de sacré, à laquelle elles se réduisent exactement, dès qu’on fait abstraction des associations spéciales, qui s’attachent aux dates et aux périodes, ou dès qu’on les multiplie à l’infini. Mais gardons-nous de penser qu’affirmer ce trait commun revienne à nier leur hétérogénéité foncière ; car nous savons que cette qualité générique est susceptible de degrés et de modes qui sont un principe suffisant de différenciation ; nous savons, en outre, que les choses sacrées ont, par définition même, une raison de se séparer, de se singulariser aussi, puisqu’elles ne demeurent telles qu’en vertu de l’effort constant au prix duquel on les distingue du profane, d’abord, et, ensuite, les unes des autres.

Si nous considérons maintenant les prescriptions impératives dont les dates sont l’objet, nous constatons d’autres indications du caractère sacré qui s’y attache. Les rites d’entrée et de sortie, dont nous avons parlé plus haut, en sont une : les durées qu’ils encadrent sont comparables, à cet égard, aux cérémonies sacrées.

Le propre des choses sacrées est d’être entourées d’interdictions. Or, outre les interdictions spéciales attachées à certaines dates qualifiées, il y a des interdictions générales d’activité qui pèsent périodiquement sur le temps. Le sabbat[63] en fournit un exemple typique. On connaît la période annuelle d’impuissance qui immobilisait les guerriers de l’Ulster[64]. Concentrées sur quelques points du calendrier ces interdictions, en vertu du fait, déjà connu, que le sacré est éminemment déplaçable, d’autre part en raison des rapports étroits qui unissent les dates en question avec les durées qui les suivent, peuvent être considérées comme rachetant ces mêmes durées d’un interdit qui les frapperait également[65] : d’où il suit que celles-ci nous paraissent à leur tour investies d’un des caractères essentiels du sacré. En poursuivant ce raisonnement, on arriverait à la notion d’un temps essentiellement religieux, dangereux et grave, qui resterait impropre à l’action, si l’interdit, qui affecte sa totalité, ne pouvait être levé momentanément et distribué intégralement sur quelques-unes de ses parties. Cette notion serait la représentation presque concrète d’une durée pure, existant en soi et tout à fait objective, au moins en ce qui concerne les actes humains, puisque le rythme de son écoulement ne serait pas marqué par leur succession, d’ailleurs non moins inerte, immobile et endormie que l’homme dont elle emprisonnerait l’engourdissement craintif : véritable éternité où, seule, la nécessité d’agir pour vivre engendrerait le temps, en y découpant des éternités successives, images rétrécies, mais substituts parfaits de la plus grande éternité.

Somme toute, les jours qualifiés sont des fêtes, et c’est peut-être parce qu’il n’y a pas de jour qui ne soit qualifié à quelque titre que, en latin, feria a fini par désigné chacun des jours de la semaine. En tout cas, les dates critiques du calendrier ont la même nature qualitative que les fêtes proprement dites. On constate ou bien qu’elles sont choisies pour la célébration des rites, ou bien qu’elles sont sanctifiées par des rites. Leur caractère religieux se manifeste de la même façon, que celui des fêtes : par des rites positifs, des interdictions[66], la présence du surnaturel[67], en un mot par tout ce qui constitue l’anormal[68], par tout ce qui peut les distinguer de la masse des jours qui coulent sans bruit. Inversement les fêtes proprement dites ont été ou tendent à être des pivots du calendrier. Ce balancement, cet échange de caractères et de fonctions entre les dates calendaires et les fêtes est tout particulièrement facile à observer dans les époques d’incertitude, telles que les premiers siècles du moyen âge, où s’établissait l’équilibre des institutions romaines, chrétiennes, germaniques et celtiques, dans l’Europe du Nord et de l’Ouest. On voit, par exemple le 1er janvier, fête des Calendes, prendre décidément les traits d’une fête du type de la Saint-Jean[69] et, par contre, des fêtes sans fonction calendaire à l’origine, Pâques et Noël, se substituer progressivement, comme termes de la division du temps, aux vieilles fêtes saisonnières telles que la Saint-Martin.

Ainsi, les parties du temps où se passent les choses religieuses sont sacrées comme ces choses elles-mêmes. Cette convention essentielle préside à la formation des conventions énumérées d’abord, qui ont précisément pour objet de définir les conditions dans lesquelles se réalise cette qualité de sacré qui s’attache au temps avec les diverses modifications dont elle est susceptible. En résumé, le tableau qualitatif du temps est formé par un grand nombre de conventions qui établissent entre les phénomènes qui s’y passent et le temps lui-même, par abstraction, des relations de cause à effet, lesquelles, en dernière analyse, sont des relations d’identité.

VII

Mais, en retrouvant la notion de sacré à la racine des représentations qualitatives enregistrées par ce tableau, nous sommes arrivés à une forte présomption que les conditions émotionnelles et logiques, dans lesquelles a pu se développer, en magie et en religion, la notion de temps, sont fort différentes de celles où elle semble devoir apparaître normalement chez des individus. À supposer qu’elle ait surgi toute formée dans chaque homme en particulier, ces conditions sont telles, qu’elle doit en avoir subi des modifications remarquables. Il faut tenir compte, en effet, de ces états d’agitation collective où nous supposions naguère que s’était formée la notion du sacré. Les modifications profondes, que nos propres émotions apportent à notre conscience de la durée, nous aident à nous figurer comment les émotions multipliées d’une société ont pu affecter celle de tous ses membres de la même façon, mais avec plus d’intensité et pour plus longtemps. Ces émotions primitives, exceptionnelles et momentanées, ont laissé derrière elles un résidu de croyance, qui renouvelle ou entretient certains de leurs effets, quand la cause en est atténuée. Elles se perpétuent et continuent à conditionner la pensée par la force logique des catégories et des concepts.

À ces divers titres, la notion de sacré entre comme un élément perturbateur dans les jugements où il s’agit de temps. Par là même qu’elle introduit parmi leurs termes l’idée d’un pouvoir magique qui n’est limité que par lui-même, elle justifie a priori toutes les anomalies possibles. D’autre part, les propriétés qu’on lui connaît permettent d’expliquer analytiquement celles que nous avons dit, au commencement de ce travail, être les propriétés de la notion magico-religieuse du temps. Nous avons vu déjà qu’elles cessaient d’être contradictoires si l’on substituait à la notion d’un temps quantitatif celle d’un temps qualitatif, à plus forte raison si la qualité, dont ce temps est essentiellement susceptible, est d’être sacré. S’agit-il de l’homogénéité qualitative des parties du temps, il n’est pas seulement absurde de supposer que ces parties, étant distinctes, puissent n’être pas, chacune pour soi, qualitativement homogènes, mais encore il est criminel, sacrilège de troubler cette homogénéité sacrée ; c’est le même crime que d’enfreindre un tabou. Les parties symétriques ne sont plus seulement équivalentes en tant que qualitativement semblables, mais, en raison de la facilité avec laquelle le sacré se substantialise en s’objectivant, elles sont réellement et substantiellement identiques. Il est naturel qu’une partie d’une durée puisse être prise pour le tout, non plus seulement parce que la qualité, dont le tout est investi, se retrouve tout entière dans les parties, mais parce que, substantiellement, la qualité de cette durée peut en être détachée et fixée sur sa partie. Enfin, les dates critiques interrompent les durées, d’une part, parce que, étant sacrées, elles sont réellement ce qu’elles sont verbalement, c’est-à-dire séparatrices, et, d’autre part, pour la même raison, elles comportent les inhibitions qu’entraînent avec elles toutes les choses sacrées et dont les interdictions du sabbat sont le type.

La réponse à la question posée en tête de ce travail est que la magie et la religion ont concilié la contradiction flagrante qu’il y a entre la notion de sacré et la notion de temps, aux exigences desquelles elles étaient également soumises, en attribuant conventionnellement au temps et à ses parties, moments ou périodes, la qualité d’être sacrées. Elles ont mis le sacré dans le temps et constitué ainsi la chaîne ininterrompue d’éternités, le long de laquelle leurs rites pouvaient se disperser et se reproduire en restant immanquablement identiques.

VIII

Les expressions dont nous venons de nous servir ne peuvent être satisfaisantes qu’à la condition de supposer que, en dehors de ce travail collectif qui donne au temps de la magie et de la religion sa valeur qualitative, les individus sont pourvus d’une notion de temps qu’ils ont abstraite chacun pour soi de leur conscience. Mais, parmi les expériences subjectives qui les ont instruits, il faut nécessairement compter celles qui se sont produites au milieu de la collectivité exaltée. On sait déjà avec quelle objectivité se dégage, par abstraction, de ces états d’exaltation, sous des formes semi-concrètes ou tout à fait concrètes et personnelles, la représentation subjective, la conscience du pouvoir magique. Tout ce qui, dans les mêmes conditions, est l’objet de la même attention intense se prête aux mêmes phénomènes d’abstraction et de généralisation ; on les voit se produire dans la série des associations sympathiques, mais à des degrés divers d’élaboration[70]. Pour ce qui est du temps, de même que, de la conscience d’efficacités particulières, a surgi la notion générale du mana, qui est l’ordre des efficacités, de même, de la perception aiguë des concomitances changeantes, s’est dégagée peut-être la notion générale du temps, qui est l’ordre des concomitances possibles. Les faits de conscience dont il s’agit sont objectivés, parce qu’ils se passent à la fois dans la conscience de plusieurs, qui ont conscience du même coup de leur accord et de sa fatalité. L’objectivité de ces faits résulte de leur subjectivité partagée et subie. D’autre part, leur abstraction est parallèle à leur objectivation. Enfin, la première notion, celle de mana ou de sacré, prête de sa réalité à la deuxième, celle de temps. Mais, étant donné que les conditions du milieu mystique sont telles que toute conception y devient efficacité et réalité, toutes les fois que, dans ce milieu, il y a lieu de concevoir la notion abstraite et générale de temps, ce temps se trouve réalisé absolument ; d’où il suit, une fois de plus, que les choses religieuses, qui se passent dans le temps, sont légitimement et logiquement considérées comme se passant dans l’éternité.

Que la même abstraction ait pu se former dans d’autres conditions, nous n’en savons rien et nous nous gardons bien de le nier. Nous prétendons seulement montrer que celles-ci sont particulièrement favorables à sa production, en raison de l’objectivité qu’elles sont capables de lui donner, tout d’abord, et, en outre, parce qu’elles se prêtent à la formation des conventions qui créent les mots, sans lesquels il n’y a pas d’abstraction qui tienne. L’abstraction qui en sortirait répondrait bien aux caractères de la notion de temps, puisque sa formation serait parallèle à celle d’un système de points successifs, définis par les concomitances décrites et dont les positions relatives, réglées par la loi du rythme, puisqu’il s’agit de représentations sociales, constitueraient un tableau du temps.

À supposer que les conditions énoncées ci-dessus, pouvoir d’abstraire et de généraliser, constatation en commun de coïncidences, travail collectif des consciences, notions de sacré et de pouvoir magique, aient pu suffire à donner à la magie et à la religion la notion de temps dont elles font état, faut-il en inférer que les mêmes phénomènes d’activité collective soient nécessaires à la formation de la notion de temps, qui fonctionne dans nos consciences, en dehors de toute préoccupation de magie ou de religion ?

Nous sommes bien loin de le prétendre, et nous n’avons aucun intérêt à spéculer là-dessus. En tout cas, si l’on considère non plus ce qu’il y a de plus simple et de plus abstrait dans notre notion de temps, mais la complexité réelle de celles de nos représentations où elle est impliquée telle qu’elle résulte du passé et de la tradition, il est incontestable que les formes spéciales de cette notion qui viennent d’être étudiées ont largement contribué à l’élaboration des autres.

D’ailleurs, notre représentation réelle du temps, qui, comme nous le disions, suppose une sorte de tableau fixe dont les points semblent avoir la propriété de monter, les uns après les autres dans le présent de notre conscience, se détache mal ou, du moins, ne se détache que par une abstraction, toujours imparfaite, de notre système de mesure du temps et tout spécialement du calendrier. Or, en fait, la véritable fonction originelle des calendriers est religieuse ou magico-religieuse. Ils servaient essentiellement à prévoir le retour des faits, dont on croyait qu’ils entraînent nécessairement avec eux la célébration de tels rites ou la production de tel phénomène auquel la religion devait avoir égard. S’il est difficile de prouver qu’ils ont été réellement institués pour assurer l’observation régulière des concomitances fatales d’images et de rites, on peut observer toutefois que les rectifications auxquelles ils ont donné lieu, même assez récemment, ont eu pour objet de retrouver la régularité de ces concomitances, ce qui constitue au moins une forte présomption en ce qui concerne la nature de leur institution première. Le but des réformes julienne et grégorienne du calendrier a été essentiellement religieux. C’est également pour des raisons religieuses, que ces réformes ne sont pas acceptées sans opposition et qu’il subsiste toujours quelque chose des calendriers abolis. L’autorité de la convention qui crée le calendrier lui donne une réalité égale à celle des phénomènes sur lesquels on prétend le régler. Bref, le calendrier est l’ordre de la périodicité des rites. Son histoire nous apprend, d’autre part, qu’il est le code des qualités du temps. Les premiers calendriers sont des almanachs, qui enregistrent, jour par jour, les pronostics et les prescriptions magico-religieuses[71].

Ainsi l’institution des calendriers n’a pas pour objet unique, ni sans doute pour objet premier de mesurer l’écoulement du temps considéré comme quantité. Elle procède non pas de l’idée d’un temps purement quantitatif, mais de l’idée du temps qualitatif, composé de parties discontinues, hétérogènes et tournant sans cesse sur lui-même, dont nous avons exposé plus haut les caractères. À dire le vrai, la fructification continue de cette deuxième notion était de nature, en fin de compte, à produire la première. La multiplication des points qualifiés, la différenciation progressive des parties énumérables, la confusion même des qualités, que nous avons déjà décrite, devait conduire à l’analyse des synthèses premières. En somme, le travail d’abstraction, d’où est sortie la notion du temps objectif, quantitatif et abstrait, est peut-être la suite de celui qui a détaché des choses le temps qualitatif et à demi concret.


  1. Année sociologique, t. V, 1900-1001, p. 248.
  2. H. Hubert et M. Mauss, Esquisse d’une théorie générale de la magie, dans Année sociologique, t. VII, 1902-1903, p. 108 sq.
  3. H. Hubert et M. Mauss, Essai sur la nature et la fonction sociale du sacrifice, dans Année sociologique, t. II, p. 29 sq. ; id., o. l., ibid., t. VII, p. 1 sq. ; M. Mauss, L’origine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes, 1904, passim.
  4. H. Hubert et M. Mauss, Le Sacrifice, l. l., p. 58 ; id., La Magie, l. l., p. 47.
  5. H. Gunkel, Zum religionsgeschichtlichen Verständniss des Neuen Testaments, p. 32.
  6. Warde Fowler, Roman Festivals in the Time of the Republic, p. 176.
  7. Pitré, Feste patronali in Sicilia, p. 49, passim. Cf. Année sociologique, t. IV, p. 246 sq. Cf. R. Wünsch, Das Frühlingsfest der Insel Malta, p. 20. (Remplacement de la fête de saint Jean par la fête de saint Grégoire.)
  8. E. K. Chambers, The mediaeval Stage, ch. ix (The sword-dance) ; Pitré, o. l. passim.
  9. J. Rhys, Celtic Folklore, ch. viii (Welsh cave legends), p. 473 sq.
  10. E. H. Meyer, Mythologie der Germanen, p. 386.
  11. G. Bilfinger, Untersuchungen über die Zeitrechnung der alten Germanen, I. Das altnordische Jahr, p. 1 sq.
  12. Limitation périodique du séjour chez les esprits : Mannhardt, Germanische Mythen, p. 172, 177 ; Sébillot, Le Folklore de France, t. I, p. 305, 463, etc.
  13. G. F. Abbott, Macedonian Folklore, p. 271.
  14. W. H. Roscher, Die enneadischen und hebdomadischen Fristen und Wochen der ältesten Griechen, Abh. d. ph. h. Kl. d. kgl. sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, t. XXI ; J. H. Graf, Über Zahlenaberglauben, p. 16 sq.
  15. Plutarque, Agis, 11.
  16. Roscher, o. l. p. 22. Cf. O. Müller, Die Dorier, p. 100. — Autres exemples de la même périodicité imposée aux magistratures : A. B. Cook, The European Sky-God, Folk-Lore, 1904, p. 394, sq.
  17. Roscher, o. l. passim.
  18. Warde Fowler, o. l. p. 33 sq. (mensis Martius) ; p. 277 sq. (mensis Januarius). — Caractère auspicatoire des rites du début de l’année : Macrobe, I, 12, 6 ; Ovide, Fasti, III, 135.
  19. J. G. Frazer, The Golden Bough, 2e édit., t. I, p. 70 sq. ; t. III, p. 95 sq.
  20. Par exemple, le rythme septénaire de l’éducation en Grèce : Platon, Axiochos, 366 d ; Alcib. I, 124 e ; Quintil., I, 15.
  21. César, De B. Gall., I, 50.
  22. Hérodote, VI, 106.
  23. Zénobios, III, 19 : ἐντὸς ἑβδόμης ; cf. Hésych., Suidas. — Cf. Xénoph., Anab., I, 7, 18 : le devin Silanos assure au jeune Cyrus ὅτι βασιλεύς οὐ μαχεῖται δέκα ἡμερῶν.
  24. Théoph. p. 6, 33 : ἐὰν ἕωθεν ἀστράπτῃ εἴωθε παύεσθαι τριταῖος [ὁ νότος], οἱ δὲ ἄλλοι πεμπταῖοι, ἑβδομαῖοι, ἐνναταῖοι (suivant des rythmes locaux de division du temps) : id., 6, 8, μεταβάλλει γὰρ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ ἐν τῇ τετράδι, ἐὰν δὲ μὴ ἐν τῇ ὀγδόῃ, εἰ δὲ μὴ πανσελήνῳ…
  25. A. Wuttke, Der deutsche Volksaberglaube, 75.
  26. A. Wuttke, l. l. ; Mannhardt, Germanische Mythen, p. 519 (L’heure du vœu revenant tous les sept jours, Islinsk aefintŷri, p. 44).
  27. A. Wuttke, l. l. ; Grimm, Deutsche Mythologie, 4e édit., t. III, p. 441, n. 197 ; cf. id., t. II, p. 563 sq.
  28. A. Wuttke, l. l. ; Sidney Hartland, The Legend of Perseus, t. II, p. 119, 125, etc. ; Pline, N. H., XXVIII, 260 ; cf. Martial, V, 29, 1 ; Hist. Aug., Alex. Sever., 38.
  29. A. Wuttke, l. l. ; Grimm, o. l., t. III, p. 446, n. 374 ; cf. Revue des traditions populaires, 1904, p. 22 ; Pineau, Revue des traditions populaires, 1904, p. 294. De Nore, Traditions des provinces de France, p. 263.
  30. Mal : H. Paul, Deutsches Wörterbuch, p. 202 ; Fr. Kluge, Etymologisches Wörterbuch der deutschen Sprache, p. 257. — Dheihs, thing = tempus : cf. Fr. Kluge, English etymology, p. 210. — Stunde : Grimm, Deutsche Mythologie, t. II, p. 660.
  31. H. Kellner, Heortologie, p. 26 sq.
  32. H. Kellner, o. l., p. 26 sq.
  33. A. Weber, Omina et Portenta, p. 388 ; Indische Studien, XVII, p. 224 ; Sitzungsberichte d. kgl. pr. Ak. d. Wiss. zu Berlin, ph. h. Kl., 1898, XXXVII, 2 sq. Nous n’admettons pas l’équivalence proposée par Weber entre ces douze premiers jours de tous les mois et le Dodekahemeron de l’année chrétienne.
  34. W. H. Roscher, o. l., passim.
  35. Mannhardt, Germanische Mythen, p. 440 (7 jours = 7 ans) ; Sébillot, Le Folklore de France, t. I, p. 257, 465.
  36. Cf. Thibaut, dans Grundriss der Indo-Arischen Philologie, t. II, fasc. 9, p. 28.
  37. Cf. Macrobe, Saturn., I, xv : Aptitudes des Calendes, Ides et Nones ; Plutarque, Quaest. Rom., 100, fête de Diane Aventine (les femmes se lavent la tête) ; De Nore, o. l., p. 278 (jours à choisir et à éviter pour les saignées).
  38. Warde Fowler, o. l., observations générales sur chacun des mois.
  39. Cf. pour le symbolisme numérique, Lydus, De mensibus, I, 15 ; II, 6.
  40. Talmud Babli, Sanhedr. 41 b, 42 a (hésitations relatives à la longueur réelle de la période pendant laquelle doit se prononcer la bénédiction de la nouvelle lune) : cité par Fr. Bohn, Der Sabbat im Alten Testament, p. 35. Les deux jours de Rosch haschana ayant donné lieu aux mêmes hésitations sont considérés comme étant « d’une seule sainteté », Buxtorf, Synagoga judaïca, p. 494.
  41. Lydus, De mensibus, III, 5, 9, 10. Cf. la tentative faite pour fixer la date de Pâques à un jour déterminé du calendrier julien, le 25 ou le 27 mars : Kellner, o. l., p. 39. Cf. Revue des traditions populaires, 1904, p. 118, 218, 244, 248, 301, 432.
  42. Grimm, Deutsche Mythologie, t. II, p. 635 sq.
  43. Cf. Athénée, VIII, 360 b, c.
  44. Grimm, o. l., p. 605 sq., 636.
  45. Roscher, o. l., p. 1 sq.
  46. Grimm, o. l., p. 636 ; Hans Sachs, IV, 3, 43 sq. ; Falck, Neues Staatsbürgerliches Magazin, I (Schleswig, 1832), p. 655 : (cité par Grimm, o. l., p. 636) ; Abbott, Macedonian Folklore, p. 16 sq.
  47. Roscher, o. l., p. 4 sq. Talmud Babli, Pesachim, 111 a : ibid., Schabou’ot, 9 a.
  48. G. Kewitsch, Zweifel an der astronomischen und geometrischen Grundlage des 60-Systems, Zeitschrift fur Assyriologie, 1904, {{nobr|p. 73-95.
  49. Cf. H. Winckler, Die Weltanschauung des alten Orients, p. 20. Cf. Ed. Meyer, Ægyptische Chronologie, 1904.
  50. Lydus, De mens. III, 14 (considérations de mystique arithmétique sur le nombre 30).
  51. Roscher, o. l.
  52. Cf. : Nord, Sud, Est, Ouest, Zénith, Nadir, Centre = 7.
  53. Mc Gee, Primitive Numbers, 19th Annual Report of the Bureau of Ethnology, II, p. 821-852.
  54. Bouché-Leclercq, L’Astrologie grecque, p. 517 sq.
  55. Thompson, The reports of the magicians and astronomers of Nineveh and Babylon, Introduction, p. xviii sq.
  56. Schürer, Gesch. d. jüd. Volkes, I, 2e édit., 616 sq.
  57. Varron, L. L., 6, 27 ; Macrobe, Sat., I, 15, 9.
  58. Concurrence entre le système lunaire et le système solaire, Ben Sira, 43, 1-10 ; Livre des Jubilés, c. vi, fin ; Talmud Babli, Soukka, 29 ab.
  59. K. Bücher, Arbeit und Rythmus ; Fr. B. Gummere, The beginnings of poetry : cf. M. Mauss, dans Année sociologique, t. VI, p. 560 (compte-rendu du précédent ouvrage).
  60. H. Hubert et M. Mauss, La Magie, l. l., p. 65 sq.
  61. H. Hubert et M. Mauss, ibid., p. 109.
  62. Cf. Pineau, Revue des traditions populaires, p. 430 sq. (Touraine).
  63. Le sabbat est proprement, comme l’étymologie du mot l’indique, une fin de période, cf. Fr. Bohn, o. l., p. 2.
  64. E. Hull, Old Irish Tabus, or Geasa, Folk-Lore, 1908, p. 58. Cf. G. Pinza, La conservazione delle teste umane e le idee e costumi coi quali si connette, p. 78 ; cf. Archiv für Religionswissenschaft, 1904, VII, p. 459.
  65. Cf. Année sociologique, t. II, p. 266. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 2e édit., p. 284.
  66. Wuttke, o. l., 75 ; Rawlinson, Western Asias Inscriptions, V, 48, 49.
  67. Pouvoirs spéciaux de certains êtres aux dates critiques : Wuttke, l. l. ; Eckhart, Südhannoversches Sagenbuch, p. 28 (pouvoir des enfants nés le dimanche). — Circulation des esprits : Wuttke, l. l. ; Peal, Zeitschrift für Ethnologie, 1899, p. 355 (retour des âmes, chez les Nâgas, à la nouvelle lune de décembre) ; Talmud Babli, Baba Batra 74 a (retour des âmes tous les trente jours).
  68. Interruption de l’ordre social aux fins de périodes : cf. Gessert, Globus, 1898, II, p. 250.
  69. A. Tille, Yule and Christmas, p. 81 sq. et passim.
  70. H. Hubert et M. Mauss, La Magie, l. l., p. 61, sq.
  71. Cf. Chabas, Le calendrier des jours fastes et néfastes de l’année égyptienne.