SECTION ONZIÈME.
DU MOUVEMENT DES FLUIDES INCOMPRESSIBLES.
1. On pourrait déduire immédiatement les lois du mouvement de ces fluides de celles de leur équilibre, que nous avons trouvées dans la Section VII de la première Partie ; car, par le principe général exposé dans la Section II, il ne faut qu’ajouter aux forces accélératrices actuelles les nouvelles forces accélératrices dirigées suivant les coordonnées rectangles
Ainsi, comme, dans les formules de l’article 10 et suivants de la Section VII citée, on a supposé toutes les forces accélératrices du fluide déjà réduites à trois,
dans la direction des coordonnées il n’y aura, pour appliquer ces formules au mouvement des fluides, qu’à y substituer
au lieu de Mais nous croyons qu’il est plus conforme à l’objet de cet Ouvrage d’appliquer directement aux fluides les équations générales données dans la Section IV pour le mouvement d’un système quelconque de corps.
§ I. — Équations générales pour le mouvement des fluides incompressibles.
2. On peut considérer un fluide incompressible comme composé d’une infinité de particules qui se meuvent librement entre elles sans changer de volume ; ainsi la question rentre dans le cas de l’article 17 de la Section citée ci-dessus.
Soient donc la masse d’une particule ou élément quelconque du fluide ; les forces accélératrices qui agissent sur cet élément, réduites, pour plus de simplicité, aux directions des coordonnées rectangles et tendantes à diminuer ces coordonnées ;
l’équation de condition résultante de l’incompressibilité ou de l’invariabilité du volume une quantité indéterminée, et S une caractéristique intégrale correspondante à la caractéristique différentielle et relative à toute la masse du fluide ; on aura, pour le mouvement du fluide, cette équation générale (Sect. IV)
SS
Il faut maintenant substituer dans cette équation les valeurs de et de et, après avoir fait disparaître les différences des variations, s’il y en a, égaler séparément à zéro les coefficients des variations indéterminées
Retenons la caractéristique pour représenter les différences relatives à la situation instantanée des particules contiguës, tandis que la caractéristique se rapportera uniquement au changement de position de la même particule dans l’espace ; il est clair qu’on peut représenter le volume de la particule par le parallélépipède ainsi, en nommant la densité de cette particule, on aura
De plus, il est visible que la condition de l’incompressibilité sera contenue dans l’équation
de sorte qu’on aura
et par conséquent
Pour déterminer cette différentielle, il faut employer les mêmes consi-
dérations que dans l’article 11 de la Section VII de la première Partie ; ainsi, en changeant
en
dans les formules de cet endroit, on aura
Cette quantité étant multipliée par et intégrée relativement à toute la masse du fluide, on aura la valeur de S dans laquelle il faudra faire disparaître les doubles signes par les mêmes procédés déjà employés dans l’article 17 de la Section citée. On aura ainsi
SS
SS
S
Faisant donc ces substitutions dans le premier membre de l’équation générale, elle contiendra premièrement cette formule intégrale totale
(a)
S
dans laquelle il faudra faire séparément égaux à zéro les coefficients des variations ce qui donnera ces trois équations indéfinies, pour tous les points de la masse fluide,
(A)
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|
Il restera ensuite à faire disparaître les intégrales partielles
SSS
lesquelles ne se rapportent qu’à la surface extérieure du fluide ; et l’on en conclura, comme dans l’article 18 de la Section VII citée, que la valeur de devra être nulle pour tous les points de la surface où le fluide est libre ; on prouvera de plus, comme dans l’article 31 de la même Section, que, relativement aux endroits où le fluide sera contenu par des parois fixes, les termes des intégrales précédentes se détruiront mutuellement, en sorte qu’il n’en résultera aucune équation ; et, en général, on démontrera, par un raisonnement semblable à celui des articles 32, 38, 39, que la quantité rapportée à la surface du fluide, exprimera la pression que le fluide y exerce, et qui, lorsqu’elle n’est pas nulle, doit être contre-balancée par la résistance ou l’action des parois.
3. Les équations qu’on vient de trouver renferment donc les lois générales du mouvement des fluides incompressibles ; mais il y faut joindre encore l’équation même qui résulte de la condition de l’incompressibilité du volume pendant que le fluide se meut : cette équation sera donc représentée par
de sorte qu’en changeant
\delta
en dans l’expression
\delta(\operatorname Dx\operatorname Dy\operatorname Dz)
trouvée ci-dessus, et égalant à zéro, on aura
(B)
|
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|
Cette équation, combinée avec les trois équations (A) de l’article précédent, servira donc à déterminer les quatre inconnues et
4. Pour avoir une idée nette de la nature de ces équations, il faut considérer que les variables qui déterminent la position d’une particule dans un instant quelconque doivent appartenir à la fois à toutes les particules dont la masse fluide est composée ; elles doivent donc être des fonctions du temps et des valeurs que ces mêmes variables ont eues au commencement du mouvement, ou dans un autre instant donné. Nommant donc les valeurs de lorsque égale zéro, il faudra que les valeurs complètes de soient des fonctions de De cette manière, les différences marquées par la caractéristique se rapporteront uniquement à la variabilité de et les différences marquées par l’autre caractéristique se rapporteront simplement à la variabilité de Mais comme, dans les équations trouvées, il y a des différences relatives aux variables mêmes il faudra réduire celles-ci aux différences relatives à ce qui est toujours possible ; car on n’a qu’à concevoir qu’on ait substitué dans les fonctions, avant la différentiation, les valeurs mêmes de en
5. En regardant donc les variables comme des fonctions de et représentant les différentielles selon la notation ordinaire des différences partielles, on aura
et, regardant en même temps la fonction comme une fonction de et comme une fonction de on aura
ces deux expressions de devant être identiques, si l’on substitue dans la première les valeurs de en il faudra que les coefficients de soient les mêmes de part et d’autre,
ce qui fournira trois équations qui serviront à déterminer les valeurs de
en
ce sera la même chose si l’on substitue dans la seconde expression de
les valeurs de
en
tirées des expressions de ces dernières quantités ; alors la comparaison des termes affectés de
donnera immédiatement les valeurs de
Or, par les règles ordinaires de l’élimination, on a
en supposant
Faisant donc ces substitutions dans l’expression
et comparant ensuite avec l’expression identique
on aura
Ainsi, substituant ces valeurs dans les trois équations (A) de l’article 2, elles deviendront de cette forme, après avoir multiplié par
(C)
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où il n’y a, comme l’on voit, que des différences partielles relatives à
Dans ces équations, là quantité qui exprime la densité est une fonction donnée de sans puisqu’elle doit demeurer invariable pour chaque particule ; et si le fluide est homogène, sera alors une constante indépendante de Quant aux quantités qui représentent les forces accélératrices, elles seront le plus souvent données en fonctions de
6. Mais on peut réduire les équations précédentes à une forme plus simple, en ajoutant ensemble, après les avoir multipliées respectivement et successivement par par et par car, d’après les expressions de données ci-dessus, il est aisé de voir qu’on aura
ensuite
et ainsi de suite ; de sorte que, par ces opérations et ces réductions, on aura les transformées
(D)
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[1] On aurait pu parvenir directement à ces dernières équations, en introduisant dans les formules de l’article 2, au lieu des variations celles des coordonnées de l’état initial, car, en regardant comme fonctions de on aura
On fera ces substitutions dans la formule (a) de l’article 2, et l’on égalera à zéro les quantités multipliées par
En observant que, étant fonction de on a, par rapport à
on aura tout de suite les équations dont il s’agit, lesquelles, dans le cas où
est une différentielle complète représentée par
peuvent se mettre sous cette forme plus simple
7. On transformera, d’une manière semblable, l’équation (B) de l’article 3 ; et, pour cela, comme, d’après la remarque de l’article 4, les différentielle ne sont relatives qu’à la variable on les réduira d’abord aux différences partielles en sorte que l’équation dont il s’agit, étant divisée par sera de la forme
Or, par les formes trouvées ci-dessus pour les valeurs de on aura pareillement, en substituant à la place de
et comme, dans le second membre de cette équation, la quantité est regardée comme une fonction de on aura
et ainsi des autres différences partielles de de sorte qu’on aura simplement
On trouvera des expressions semblables pour les valeurs de
et
et il n’y aura pour cela qu’échanger, dans la formule précédente,
en
et
Faisant donc ces substitutions dans l’équation ci-dessus, elle deviendra, après y avoir effacé le dénominateur commun
Le premier membre de cette équation n’est autre chose que la valeur de comme on peut s’en assurer par la différentiation actuelle de l’expression de (art. 5).
Ainsi l’équation devient
dont l’intégrale est
Supposons, dans cette équation, et soit ce que devient alors la quantité on aura par conséquent, l’équation sera
Or nous avons supposé que, lorsque on a
donc on aura aussi alors
Ces valeurs étant substituées dans l’expression de
(
art. 5), on a
donc
Donc, remettant pour sa valeur dans l’équation dont il s’agit, elle sera de la forme
(E)
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|
Cette équation, combinée avec les trois équations (C) ou (D) des \piticles 5 et 6, servira donc à déterminer les valeurs de en fonctions de
Cette équation peut aussi se trouver d’une manière plus simple, sans passer par l’équation différentielle (B) de l’article 3. En effet, l’équation (B) exprime seulement que la variation du volume de la particule est nulle, tandis que le temps varie ; de sorte que la valeur de doit être constante et égale à la valeur primitive Or nous avons donné dans l’article 5 les expressions de en mais il faut remarquer que, dans la formule la différence doit être prise en y regardant et comme constantes ; que, de même, la différence doit être prise en regardant et comme constantes, et qu’enfin la différence suppose et constantes, ce qui est évident en considérant le parallélépipède rectangle représenté par
Supposons donc d’abord et constantes, et, par conséquent, et nuls ; on aura les deux équations
d’où l’on tire
ces valeurs, substituées dans l’expression de
donneront
Pour avoir de même la valeur de on supposera et ce qui donne
d’où l’on tire
et cette valeur ainsi que celle de égale à étant substituées dans l’expression de donneront
Enfin, pour avoir la valeur de on fera ce qui donne
et par conséquent,
Multipliant ensemble ces valeurs de on aura
Faisant donc on aura tout de suite l’équation (E).
Il est bon de remarquer que cette valeur de est celle qu’on doit employer dans les intégrales triples relatives à lorsqu’on veut y substituer, à la place des variables des fonctions données d’autres variables
8. Comme les équations dont il s’agit sont à différences partielles, l’intégration y introduira nécessairement différentes fonctions arbitraires et la détermination de ces fonctions devra se déduire en partie de l’état initial du fluide, lequel doit être supposé donné, et en partie de la considération de la surface extérieure du fluide, qui est aussi donnée si le fluide est renfermé dans un vase, et qui doit être représentée par l’équation lorsque le fluide est libre (art. 2).
En effet, dans le premier cas, si l’on représente par l’équation des parois du vase, étant une fonction donnée des coordonnées de ces parois et du temps si les parois sont mobiles ou d’une forme variable, en y mettant pour ces variables leurs valeurs en on aura une équation entre les coordonnées initiales et le temps laquelle représentera, par conséquent, la surface que formaient dans l’état initial les mêmes particules qui, après le temps forment la surface représentée par l’équation donnée Si donc on veut que les mêmes particules qui sont une fois à la surface y demeurent toujours et ne se meuvent que le long de cette surface, condition qui paraît nécessaire pour que le fluide ne se divise pas, et qui est reçue généralement dans la théorie des fluides, il faudra que l’équation dont il s’agit ne contienne point le temps par conséquent, la fonction de devra être telle, que y disparaisse après la substitution des valeurs de en
Par la même raison, l’équation de la surface libre ne devra point contenir ainsi la valeur de devra être une simple fonction de sans
Au reste, il y a des cas, dans le mouvement d’un fluide qui s’écoule d’un vase, où la condition dont il s’agit ne doit pas avoir lieu ; alors les déterminations qui résultent de cette condition ne sont plus nécessaires.
9. Telles sont les équations par lesquelles on peut déterminer directement le mouvement d’un fluide quelconque incompressible. Mais ces équations sont sous une forme un peu compliquée, et il est possible de les réduire à une plus simple, en prenant pour inconnues, à la place des coordonnées les vitesses dans la direction des coordonnées, et en regardant, ces vitesses comme des fonctions de
En effet, d’un côté, il est clair que, puisque sont fonctions de les quantités seront aussi fonctions des mêmes variables donc, si l’on conçoit qu’on substitue dans ces fonctions les valeurs de en tirées de celles de en on aura exprimées en fonctions de et
D’un autre côté, il est clair que, pour la connaissance actuelle du mouvement du fluide, il suffit de connaître à chaque instant le mouvement d’une particule quelconque qui occupe un lieu donné dans l’espace, sans qu’il soit nécessaire de savoir les états précédents de cette particule ; par conséquent, il suffit d’avoir les valeurs des vitesses en fonctions de
D’ailleurs, ces valeurs étant connues, si on les nomme on aura les équations
entre lesquelles, étant ensuite intégrées de manière que deviennent lorsque donneront les valeurs mêmes de en
Au reste, si l’on chasse de ces équations différentielles, on aura ces deux-ci
lesquelles expriment la nature des différentes courbes dans lesquelles tout le fluide se meut à chaque instant, courbes qui changent de place et de forme d’un instant à l’autre.
10. Reprenons donc les équations fondamentales (A) et (B) des articles 2 et 3, et introduisons-y les variables
regardées comme des fonctions de
Il est clair que les quantités peuvent être mises sous la forme où les quantités sont censées des fonctions de
En les regardant donc comme telles, on aura, pour la différence de
et ainsi des autres ; mais en les regardant comme fonctions de et les désignant par leurs différences complètes seront
et ainsi des autres différence ; donc, si dans ces dernières expressions on met pour leurs valeurs en il faudra qu’elles deviennent identiques avec les premières ; mais, étant regardé comme fonction de on a
où est évidemment en supposant qu’on mette dans les valeurs de en
Ainsi l’on aura
et, de même,
Substituant ces valeurs dans l’expression de la différence complète de les termes affectés de seront
lesquels devant être identiques avec le terme correspondant ou bien on aura
et l’on trouvera de la même manière
On fera donc ces substitutions dans les équations (A) ; et comme dans ces mêmes équations les termes représentent des différencies partielles de relativement à en supposant constant, on y pourra changer la caractéristique en
On aura ainsi les transformées
(F)
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À l’égard de l’équation (B) de l’article 3, dans laquelle les différences marquées par sont relatives à et celles qui sont marquées par sont relatives à il n’y aura qu’à y mettre à la place de leurs valeurs et, changeant la caractéristique en puisque la caractéristique est indifférente dans les différences partielles, on aura sur-le-champ, à cause de constant,
(G)
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On voit que ces équations sont beaucoup plus simples que les équations (C) ou (D) et (E) auxquelles elles répondent ; ainsi il convient de les employer de préféreiice dans la théorie des fluides.
Ces quatre équations (F) et (G) donneront et en fonctions de et de regardé comme constant dans leur intégration. Et si l’on voulait ensuite avoir les valeurs de en fonctions de et des coordonnées primitives comme dans la première solution, il n’y aurait qu’à intégrer les équations
en y introduisant comme constantes arbitraires les valeurs initiales de
11. Dans les fluides homogènes et de densité uniforme, la quantité qui exprime la densité est tout à fait constante ; c’est le cas le plus ordinaire, et le seul que nous examinerons dans la suite.
Mais, dans les fluides hétérogènes, cette quantité doit être une fonction constante relativement au temps pour la même particule, mais variable d’une particule à l’autre, selon une loi donnée. Ainsi, en considérant le fluide dans l’état initial où les coordonnées sont la quantité sera une fonction donnée et connue de donc, si l’on regarde comme fonction de et il faudra qu’en y substituant les valeurs de en fonctions de et la variable disparaisse, et, par conséquent, que la différentielle de par rapport à soit nulle. On aura donc, à cause de fonctions de l’équation
où il faudra mettre pour leurs valeurs
Ainsi on aura l’équation
(H)
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qui servira à déterminer l’inconnue dans les équations (F), parce que dans ces équations on doit traiter comme une fonction de
À cet égard, elles sont moins avantageuses que les équations (C) ou (D), dans lesquelles on peut regarder comme une fonction connue de
12. Ce que nous venons de dire relativement à la fonction il faudra l’appliquer aussi à la fonction en tant que est l’équation des parois du vase et qu’on suppose que le fluide contigu aux parois ne peut se mouvoir qu’en coulant le long de ces parois, de manière que les mêmes particules restent toujours à la surface ; car cette condition demande, comme on l’a vu dans l’article 8, que devienne une fonction de sans de sorte qu’en regardant cette quantité comme une fonction de on aura aussi l’équation
(I)
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Pour les parties de la surface où le fluide sera libre, on aura l’équation (art. 2) ; il faudra, par conséquent, pour satisfaire à la même condition, relativement à cette surface, que l’on ait aussi
(K)
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13. Voilà les formules les plus générales et les plus simples pour la détermination rigoureuse du mouvement des fluides. La difficulté ne consiste plus que dans leur intégration ; mais elle est si grandie que jusqu’à présent on a été obligé de se contenter, même dans les problèmes les plus simples, de méthodes particulières et fondées sur des hypothèses plus ou moins limitées. Pour diminuer autant qu’il est possible cette difficulté, nous allons examiner comment et dans quels cas ces formules peuvent encore être simplifiées ; nôus en ferons ensuite l’application à quelques questions sur le mouvement des fluides dans des vases ou des canaux.
14. Rien n’est d’abord plus facile que de satisfaire à l’équation (G) de l’article 10 ; car, en faisant
elle devient
laquelle est intégrable relativement à et donne
il n’est point nécessaire d’ajouter ici une fonction arbitraire, à cause des quantités indéterminées et
Ainsi l’équation dont il s’agit sera satisfaite par ces valeurs
lesquelles étant ensuite substituées dans les trois équations (F) du même article, il n’y aura plus que trois inconnues et et même il sera très facile d’éliminer par des différentiations partielles. De sorte que, de cette manière, si la densité est constante, le problème se trouvera réduit à deux équations uniques entre les inconnues et et, si la densité est variable, il y faudra joindre l’équation (H) de l’article 11. Mais l’intégration de ces équations surpasse les forces de l’Analyse connue.
15. Voyons donc si les équations (F), considérées en elles-mêmes, ne sont pas susceptibles de quelque simplification.
En ne considérant dans la fonction que la variabilité de on a
Donc, substituant pour leurs valeurs tirées de ces équations, on aura
Le premier membre de cette équation étant une différentielle complète, il faudra que le second en soit une aussi, relativement à et la valeur de qu’on en tirera satisfera à la fois aux équations (F).
Supposons maintenant que le fluide soit homogène, en sorte que la densité soit constante ; et faisons-la, pour plus de simplicité, égale à l’unité.
Supposons, de plus, que les forces accélératrices soient telles que la quantité soit une différentielle complète. Cette condition est celle qui est nécessaire pour que le fluide puisse être en équilibre par ces mêmes forces, comme on l’a vu dans l’article 19 de la Section VII de la Ire Partie. Elle a d’ailleurs toujours lieu lorsque ces forces viennent d’une ou de plusieurs attractions proportionnelles à des fonctions quelconques des distances aux centres, ce qui est le cas de la nature, puisqu’en nommant les attractions et les distances on a, en général (Ire Partie, Sect. V, art. 7),
Faisant donc
et
l’équation précédente deviendra
(L)
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et il faudra que le second membre de cette équation soit une différentielle complète, puisque le premier en est une. Cette équation équivaudra aussi aux équations (F) de l’article 10.
Or, en considérant la différentielle de prise relativement à il n’est pas difficile de voir qu’on peut donner au second membre de l’équation dont il s’agit cette forme
et l’on voit d’abord que cette quantité sera une différentielle complète, toutes les fois que le sera elle-même ; car alors sa différentielle par rapport à savoir le sera aussi, et, de plus, les conditions connues de l’intégrabilité donneront
D’où il suit qu’on pourra satisfaire à l’équation (L) par la simple supposition que soit une différentielle complète : et le calcul du mouvement du fluide sera par là beaucoup simplifié. Mais, comme ce n’est qu’une supposition particulière, il importe d’examiner, avant tout, dans quels cas elle peut et doit avoir lieu.
16. Soit, pour abréger,
il ne s’agira que de rendre une différentielle exacte la quantité[2]
En regardant comme des fonctions de on peut supposer
les quantités étant des fonctions de sans
Ces valeurs étant substituées dans les trois quantités elles deviendront
en supposant
Ainsi la quantité
deviendra, après ces différentes substitutions, et en ordonnant les termes par rapport aux puissances de
et comme cette quantité doit être une différentielle exacte, indépendamment de la valeur de il faudra que les quantités qui multiplient chaque puissance de soient, chacune en particulier, des différentielles exactes.
Cela posé, supposons que soit une différentielle exacte ; on aura, par les théorèmes connus,
donc
donc la première quantité qui doit être une différentielle exacte se réduira à et l’on aura, par conséquent, ces équations de condition
Alors la seconde quantité qui doit être une différentielle exacte deviendra et il résultera de là les nouvelles équations
De sorte que la troisième quantité qui doit être une différentielle
exacte sera
d’où l’on tirera pareillement les équations
et ainsi de suite. Donc, si est une différentielle exacte, il faudra que
soient aussi, chacune en particulier, des différentielles exactes. Par conséquent, la quantité entière sera, dans ce cas, une différentielle exacte, le temps étant supposé fort petit.
17. Il s’ensuit de là que, si la quantité est une différentielle exacte lorsque elle devra l’être aussi lorsque aura une valeur quelconque ; donc, en général, comme l’origine des est arbitraire, et qu’on peut prendre également positif ou négatif, il s’ensuit que, si la quantité est une différentielle exacte dans un instant quelconque, elle devra l’être pour tous les autres instants. Par conséquent, s’il y a un seul instant dans lequel elle ne soit pas une différentielle exacte, elle ne pourra jamais l’être pendant tout le mouvement ; car, si elle l’était dans un autre instant quelconque, elle devrait l’être aussi dans le premier.
18. Lorsque le mouvement commence du repos, on a alors lorsque donc sera intégrable pour ce moment et, par conséquent, devra l’être toujours pendant toute la durée du mouvement.
Mais s’il y a des vitesses imprimées au fluide au commencement, tout dépend de la nature de ces vitesses, selon qu’elles seront telles que
soit une quantité intégrable ou non ; dans le premier cas, la quantité
sera toujours intégrable ; dans le second, elle ne le sera jamais.
Lorsque les vitesses initiales sont produites par une impulsion quelconque sur la surface du fluide, comme par l’action d’un piston, on peut démontrer que doit être intégrable dans le premier instant. Car il faut que les vitesses que chaque point du fluide reçoit en vertu de l’impulsion donnée à la surface soient telles que, si l’on détruisait ces vitesses en imprimant en même temps à chaque point du fluide des vitesses égales et en sens contraire, toute la masse du fluide demeurât en repos ou en équilibre. Donc il faudra qu’il y ait équilibre dans cette masse, en vertu de l’impulsion appliquée à la surface et des vitesses ou forces appliquées à chacun des points de son intérieur ; par conséquent, d’après la loi générale de l’équilibre des fluides (Ire Partie, Sect. VII, art. 19), les quantités devront être telles que soit une différentielle exacte. Ainsi, dans ce cas, la même quantité devra toujours être une différentielle exacte dans chaque instant du mouvement.
19. On pourrait peut-être douter s’il y a des mouvements possibles dans un fluide, pour lesquels ne soit pas une différentielle exacte.
Pour lever ce doute par un exemple très simple, il n’y a qu’à considérer le cas où l’on aurait
étant une constante quelconque. On voit d’abord que, dans ce cas, ne sera pas une différentielle complète, puisqu’elle devient qui n’est pas intégrable ; cependant l’équation (L) de l’article 15 sera intégrable d’elle-même, car on aura
et toutes les autres différences partielles de et seront nulles ; de sorte que l’équation dont il s’agit
dont l’intégrale donne
valeur qui satisfera donc aux trois équations (F) de l’article 10.
À l’égard de l’équation (G) du même article, elle aura lieu aussi, puisque les valeurs supposées donnent
Au reste, il est visible que ces valeurs de représentent le mouvement d’un fluide qui tourne autour de l’axe fixe des coordonnées avec une vitesse angulaire constante et égale à et l’on sait qu’un pareil mouvement peut toujours avoir lieu dans un fluide.
On peut conclure de là que, dans le calcul des oscillations de la mer en vertu de l’attraction du Soleil et de la Lune, on ne peut pas supposer que la quantité soit intégrable, puisqu’elle ne l’est pas lorsque le fluide est en repos par rapport à la Terre, et qu’il n’a que le mouvement de rotation qui lui est commun avec elle.
20. Après avoir déterminé les cas dans lesquels on est assuré que la quantité doit être une différentielle complète, voyons comment, d’après cette condition, on peut résoudre les équations du mouvement des fluides.
Soit donc
étant une fonction quelconque de et de la variable laquelle est regardée comme constante dans la différentielle on aura donc
et, substituant ces valeurs dans l’équation (L) de l’article 15, elle
deviendra
dont l’intégrale, relativement à est évidemment
On pourrait y ajouter une fonction arbitraire de puisque cette variable est regardée dans l’intégration comme constante ; mais j’observe que cette fonction peut être censée renfermée dans la valeur de car, en augmentant d’une fonction quelconque de les valeurs de demeurent les mêmes qu’auparavant, et le second membre de l’équation précédente se trouvera augmenté de la fonction qui est arbitraire. On peut donc, sans déroger à la généralité de cette équation, se dispenser d’y ajouter aucune fonction arbitraire de
On aura donc, par cette équation,
valeur qui satisfera à la fois aux trois équations (F) de l’article 10 ; et la détermination de dépendra de l’équation (G) du même article, laquelle, en substituant pour leurs valeurs devient
Ainsi toute la difficulté ne consistera plus que dans l’intégration de cette dernière équation.
21. Il y a encore un cas très étendu, dans lequel la quantité
doit être une différentielle exacte c’est celui où l’on suppose que les vitesses
soient très petites et qu’on néglige les quantités très petites du second ordre et des ordres suivants. Gar il est visible que, dans cette hypothèse, la même équation (L) se réduira à
où l’on voit que, devant être intégrable relativement à la quantité devra l’être aussi. On aura ainsi les mêmes formules que dans l’article précédent, en supposant une fonction très petite et négligeant les secondes dimensions de et de ses différentielles.
On pourra de plus, dans ce cas, déterminer les valeurs mêmes de pour un temps quelconque, car il n’y aura pour cela qu’à intégrer les équations (art. 9)
dans lesquelles, puisque sont très petites et que, par conséquent, sont aussi très petites du même ordre vis-à-vis de on pourra regarder comme constantes par rapport à De sorte qu’en traitant seul comme variable dans les fonctions et ajoutant les constantes on aura sur-le-champ
Donc faisant, pour abréger,
et changeant dans les variables en on aura simplement
où la fonction devra être prise de manière qu’elle soit nulle lorsque afin que soient les valeurs initiales de
Ce cas a lieu dans la théorie des ondes et dans toutes les petites oscillations.
22. En général, lorsque la masse du fluide est telle que l’une de ses dimensions soit considérablement plus petite que chacune des deux autres, en sorte qu’on puisse regarder, par exemple, les coordonnées comme très petites vis-à-vis de et cette circonstance servira dans tous les cas à faciliter la résolution des équations générales.
Car il est clair qu’on pourrait donner alors aux inconnues la forme suivante
dans lesquelles seraient des fonctions de sans de sorte qu’en faisant ces substitutions on aurait des équations en séries, lesquelles ne contiendraient que des différences partielles relatives à
Pour donner là-dessus un essai de calcul, supposons de nouveau qu’il ne s’agisse que d’un fluide homogène, où et commençons par substituer les valeurs précédentes dans l’équation (G) de l’article 10 ; en ordonnant les termes par rapport à on aura
De sorte que, comme ne doivent point contenir on aura ces équations particulières
par lesquelles on déterminera d’abord les quantités et
les autres quantités
demeureront encore indéterminées.
On fera les mêmes substitutions dans l’équation (L) de l’article 15, laquelle équivaut aux trois équations (F) de l’article 10, et il est aisé de voir qu’elle se réduira à la forme suivante
en faisant, pour abréger,
et ainsi de suite.
Donc, pour que le second membre de cette équation soit intégrable, il faudra que les quantités
soient chacune intégrables en particulier.
Si donc on dénote par une fonction de sans on aura ces conditions
Alors l’équation intégrée donnera
et il ne s’agira que de satisfaire aux conditions précédentes par le moyen des fonctions indéterminées
Le calcul deviendrait plus facile encore si les deux variables et étaient très petites en même temps vis-à-vis de car on pourrait supposer alors
les quantités étant de simples fonctions de
Faisant ces substitutions dans l’équation (G) et égalant séparément à zéro les termes affectés de et de leurs produits, on aurait
Ensuite l’équation (L) deviendrait de la forme
en supposant
et l’on aurait pour l’intégrabilité de cette équation les conditions
moyennant quoi elle donnerait
Enfin on pourra aussi quelquefois simplifier le calcul par le moyen des substitutions, en introduisant à la place des coordonnées d’autres variables lesquelles soient des fonctions données de celles-là ; et si, par la nature de la question, la variable par exemple, ou les deux variables et sont très petites vis-à-vis de on pourra employer des réductions analogues à celles que nous venons d’exposer.
§ II. — Du mouvement des fluides pesants et homogènes dans des vases ou
canaux de figure quelconque.
23. Pour montrer l’usage des principes et des formules que nous venons de donner, nous allons les appliquer aux fluides qui se meuvent dans des vases ou des canaux de figure donnée.
Nous supposerons que le fluide soit homogène et pesant, et qu’il parte du repos ou qu’il soit mis en mouvement par l’impulsion d’un piston appliqué à sa surface ; ainsi les vitesses de chaque particule devront être telles, que la quantité soit intégrable (art. 18) ; par conséquent, on pourra employer les formules de l’article 20.
Soit donc [3] une fonction de et déterminée par l’équation
on aura d’abord, pour les vitesses de chaque particule suivant les directions des coordonnées ces expressions
Ensuite on aura
quantité qui devra être nulle à la surface extérieure libre du fluide
(art. 2).
Quant à la valeur de qui dépend des forces accélératricesdu fluide (art. 15), si l’on exprime par la force accélératrice de la gravité, et qu’on nomme les angles que les axes des coordonnées
font avec la verticale menée du point d’intersection de ces axes et dirigée de haut en bas, on aura
je donne le signe aux valeurs des forces parce que ces forces sont supposées tendre à diminuer les coordonnées Donc, puisque
on aura, en intégrant,
24. Soit maintenant ou l’équation d’une des parois du canal, étant une fonction donnée de sans ni Pour que les mêmes particules du fluide soient toujours contiguës à cette paroi, il faudra remplir l’équation (I) de l’article 12, en y supposant On aura donc
équation à laquelle devra satisfaire la valeur Chaque paroi fournira aussi une équation semblable.
De même, puisque est l’équation de la surface extérieure du fluide, pour que les mêmes particules soient constamment sur cette surface, on aura l’équation
laquelle devra avoir lieu et donner, par conséquent, une même valeur de que l’équation Mais cette équation ne sera plus nécessaire dès que la condition dont il s’agit cessera d’avoir lieu.
25. Cela posé, il faut commencer par déterminer la fonction Or, l’équation d’où elle dépend n’étant intégrable, en général, par aucune méthode connue, nous supposerons que l’une des dimensions de la masse fluide soit fort petite vis-à-vis des deux autres, en sorte que les coordonnées par exemple, soient très petites relativement à et Par le moyen de cette supposition, on pourra représenter la valeur de par une série de cette forme
où seront des fonctions de sans
Faisant donc cette substitution dans l’équation précédente, elle deviendra
De sorte qu’en égalant, séparément à zéro les termes affectés des différentes puissances de on aura
Ainsi l’expression de deviendra
dans laquelle les fonctions et sont indéterminées, ce qui fait voir que cette expression est l’intégrale complète de l’équation proposée.
Ayant trouvé l’expression de on aura par la différenciation celles de comme il suit :
Et substituant ces valeurs dans l’expression de de l’article 23, elle deviendra de cette forme
dans laquelle
et ainsi de suite.
26. Maintenant, si est l’équation des parois, étant une fonction fort petite de et sans l’équation de condition pour que les mêmes particules soient toujours contiguës à ces parois (art. 24) deviendra, par les substitutions précédentes,
laquelle, devant avoir lieu lorsqu’on fait
se réduira à cette forme plus simple
et il faudra que cette équation soit vraie dans toute l’étendue des parois données.
27. Enfin l’équation de la surface extérieure et libre du fluide, étant sera de la forme
et l’équation de condition pour que les mêmes particules demeurent à la surface (art. 24) sera
Chassant de ces deux équations, on en aura une qui devra subsister d’elle-même pour tous les points de la surface extérieure.
Application de ces formules au mouvement d’un fluide qui coule
dans un vase étroit et presque vertical.
28. Imaginons maintenant que le fluide coule dans un vase étroit et à peu près vertical, et supposons, pour plus de simplicité, que les abscisses soient verticales et dirigées de haut en bas ; on aura (art. 23)
donc
Supposons de plus, pour simplifier la question autant qu’il est possible, que le vase soit plan, en sorte que, des deux ordonnées et les premières soient nulles, et les secondes soient fort petites.
Enfin, soient et les équations des deux parois du vase, et étant des fonctions de connues et fort petites. On aura, relativement à ces parois, les deux équations (art. 26)
lesquelles serviront à déterminer les fonctions et
Nous regarderons les quantités comme très petites du premier ordre, et nous négligerons, du-moins dans la première approximation, les quantités du second ordre et des ordres suivants. Ainsi les deux équations précédentes se réduiront à celles-ci
lesquelles, étant retranchées l’une de l’autre, donnent
équation dont l’intégrale est
étant une fonction arbitraire de laquelle doit être très petite du premier ordre.
Or il est visible que est la largeur horizontale du vase, que nous représenterons par Ainsi on aura
et, intégrant de nouveau par rapport à
en désignant par une nouvelle fonction arbitraire de
Si l’on ajoute ensemble les mêmes équations et qu’on fasse
on en tirera
ou, en substituant la valeur de
D’où l’on voit que, puisque sont des quantités très petites du premier ordre, sera aussi très petite du même ordre.
Donc, en négligeant toujours les quantités du second ordre, on aura, par les formules de l’article 25, la vitesse verticale
la vitesse horizontale
Ensuite, à cause de la quantité sera aussi très petite du premier ordre. Par conséquent, la valeur de se réduira (art. 25) à
Cette valeur, égalée à zéro, donnera la figure de la surface du fluide ; et comme elle ne renferme point l’ordonnée mais seulement l’abscisse et le temps il s’ensuit que la surface du fluide devra être à chaque instant plane et liorizontale.
Enfin l’équation de condition pour que les mêmes particules soient toujours à la surface se réduira, par la même raison, à celle-ci (art. 27)
savoir
laquelle ne contient pas non plus mais seulement et
29. Pour distinguer les quantités qui se rapportent à la surface supérieure du fluide de celles qui se rapportent à la surface inférieure, nous marquerons les premières par un trait et les secondes par deux traits. Ainsi seront l’abscisse, la largeur du vase, … pour la surface supérieure ; seront de même l’abscisse, la largeur du vase, … à la surface inférieure.
Donc aussi, dénoteront dans la suite les valeurs de pour les deux surfaces ; de sorte que l’on aura, pour la surface supérieure, l’équation
et, pour la surface inférieure, l’équation semblable
Enfin
sera l’équation de condition pour que les mêmes particules qui sont une fois à la surface supérieure y restent toujours, et
sera l’équation de condition pour que la surface inférieure contienne toujours les mêmes particules du fluide.
Cela posé, il faut distinguer quatre cas dans la manière dont un fluide peut couler dans un vase ; et chacun de ces cas demande une solution particulière.
30. Le premier cas est celui où une quantité donnée de fluide coule dans un vase indéfini. Dans ce cas, il est visible que l’une et l’autre surface doit toujours contenir les mêmes particules, et qu’ainsi on aura pour ces deux surfaces les équations
et, de plus,
quatre équations qui serviront à déterminer les variables en
L’équation étant différentiée, donne
donc
substituant cette valeur dans l’équation
et divisant par on aura
On trouvera de même, en combinant l’équation avec l’équation
celle-ci
Donc on aura
équations séparées ; par conséquent, on aura, en intégrant,
étant une constante, laquelle exprime évidemment la quantité donnée du fluide qui coule dans le vase. Cette équation donnera ainsi la valeur de en
Maintenant, si l’on substitue, dans l’équation pour sa valeur elle devient
laquelle, étant multipliée par donne celle-ci
qu’on voit être intégrable et dont l’intégrale sera
On trouvera de la même manière, en substituant à la place de dans l’équation et multipliant par une nouvelle équation intégrable, et dont l’intégrale sera
Retranchant ces deux équations l’une de l’autre, pour en éliminer le terme on aura celle-ci
dans laquelle les quantités et expriment les intégrales de et de prises depuis jusqu’à et où est une constante.
Cette équation donnera donc en puisque est déjà connue en par l’équation trouvée plus haut. Ayant ainsi en on trouvera aussi en par l’équation dont l’intégrale est
étant une constante arbitraire.
À l’égard des deux constantes et on les déterminera par l’état initial du fluide. Car, lorsque la valeur de sera donnée par la position initiale du fluide dans le vase ; et si l’on suppose que les vitesses initiales du fluide soient nulles, il faudra que l’on ait lorsque pour que les expressions (art. 28) deviennent nulles. Mais si le fluide avait été mis d’abord en mouvement par des impulsions quelconques, alors les valeurs de et seraient données lorsque puisque la quantité rapportée à la surface du fluide exprime la pression que le fluide y exerce, et qui doit être contrebalancée par la pression extérieure (art. 2). Or on a (art. 29)
donc, en faisant
on aura une équation qui servira à déterminer la valeur initiale de
Ainsi le problème est résolu, et le mouvement du fluide est entièrement déterminé.
31. Le second cas a lieu lorsque le vase est d’une longueur déterminée et que le fluide s’écoule par le fond du vase. Dans ce cas, on aura, comme dans le cas précédent, pour la surface supérieure, les deux équations
mais, pour la surface inférieure, on aura simplement l’équation puisque, à cause de l’écoulement du fluide, il doit y avoir à chaque instant de nouvelles particules à cette surface. Mais, d’un autre côté, l’abscisse pour cette même surface, sera donnée et constante ; de sorte qu’il n’y aura que trois inconnues à déterminer, savoir, et
Les deux premières équations donnent d’abord, comme dans le cas précédent, celles-ci
ensuite l’équation donnera
où l’on remarquera que et sont des constantes, que nous dénoterons, pour plus de simplicité, par Ainsi, en substituant à sa valeur multipliant ensuite par on aura l’équation
Donc retranchant de celle-ci l’équation précédente, pour en éliminer les termes on aura
équation qui ne contient que les deux variables et et par laquelle on pourra donc déterminer une de ces variables en fonction de l’autre.
Ensuite on aura exprimé par la même variable, en intégrant l’équation
et l’on déterminera les constantes par l’état initial du fluide, comme dans le problème précédent.
32. Le troisième cas a lieu lorsqu’un fluide coule dans un vase indéfini, mais qui est entretenu toujours plein à la même hauteur par de nouveau fluide qu’on y verse continuellement. Ce cas est l’inverse du précédent ; car on aura ici pour la surface inférieure les deux équations
et, pour la surface supérieure, on aura simplement l’équation à cause du changement continuel des particules de cette surface. Ainsi il n’y aura qu’à changer dans les équations de l’article précédent les quantités en et prendre pour les valeurs données de
Au reste, nous supposons que l’addition du nouveau fluide se fait de manière que chaque couche prend d’abord la vitesse de celle qui la suit immédiatement, et qu’ainsi l’augmentation ou la diminution de vitesse de cette couche, pendant le premier instant, est la même que si le vase n’était pas entretenu plein à la même hauteur durant cet instant.
33. Enfin, le dernier cas est celui où le fluide sort d’un vase de longueur déterminée ; et qui est entretenu toujours plein à la même hauteur. Ici les particules des surfaces supérieure et inférieure se renouvellent entièrement ; par conséquent, on aura simplement, pour ces deux surfaces, les équations
mais en même temps les deux abscisses et seront données et constantes, en sorte qu’il n’y aura que les deux inconnues et à déterminer en
Soit donc
les deux équations deviendront
d’où, chassant on aura
d’où l’on tire
équation séparée, et qui est intégrable par des arcs de cercle ou des logarithmes.
34. Les solutions précédentes sont conformes à celles que les premiers auteurs auxquels on doit des théories du mouvement des fluides ont trouvées, d’après la supposition que les différentes tranches du fluide conservent exactement leur paralléli\sine en descendant dans le vase. (Voir l’Hydrodynamique de Daniel Bernoulli, l’Hydraulique de
Jean Bernoulli, et le Traité des fluides de d’Alembert.) Notre analyse fait voir que cette supposition n’est exacte que lorsque la largeur du vase est infiniment petite, mais qu’elle peut, dans tous les cas, être employée pour une première approximation, et que les solutions qui en résultent sont exactes, aux quantités du second ordre près, en regardant les largeurs du vase comme des quantités du premier ordre.
Mais le grand avantage de cette analyse est qu’on peut par son moyen approcher de plus en plus du vrai mouvement des fluides, dans des vases de figure quelconque ; car, ayant trouvé, ainsi que nous venons de le faire, les premières valeurs des inconnues, en négligeant les secondes dimensions des largeurs du vase, il sera facile de pousser l’approximation plus loin, en ayant égard successivement aux termes négligés. Ce détail n’a de difficulté que la longueur du calcul, et nous n’y entrerons point quant à présent.
Applications des mêmes formules au mouvement d’un fluide contenu dans un canal peu profond et presque horizontal, et en particulier au mouvement des ondes.
35. Puisqu’on suppose la hauteur du fluide fort petite, il faudra prendre les coordonnées verticales et dirigées de haut en bas ; les abscisses et les autres ordonnées deviendront horizontales, et l’on aura (art. 23)
En prenant les axes des et dans le plan horizontal formé par la surface supérieure du fluide dans l’état d’équilibre, soit l’équation du fond du canal, étant une fonction de et
Nous regarderons les quantités et comme très petites du premier ordre, et nous négligerons les quantités du second ordre et des suivants, c’est-à-dire celles qui contiendront les carrés et les produits de et
L’équation de condition relative au fond du canal donnera (art. 26)
d’où l’on voit que est une quantité du premier ordre.
Ensuite la valeur de la quantité se réduira à (art. 25) ; et il faudra négliger dans l’expression de les quantités du second ordre, et dans celle de les quantités du premier. Ainsi, à cause de
on aura, par les formules du même article,
On aura donc (art. 27), pour la surface supérieure du fluide, l’équation
et ensuite l’équation de condition
L’équation donne sur-le-champ pour la figure de la surface supérieure du fluide à chaque instant, et, comme l’équation de condition doit avoir lieu aussi relativement à la même surface, il faudra qu’elle soit vraie en y substituant à cette même valeur
Cette équation deviendra donc par là de cette forme
et, substituant encore pour sa valeur trouvée ci-dessus, elle se réduira à celle-ci
dans laquelle il n’y aura plus qu’à mettre à la place de sa valeur
et l’on aura une équation aux différences partielles du second ordre, qui servira à déterminer en fonction de
Après quoi on connaîtra la figure de la surface supérieure du fluide, par l’équation
et si l’on voulait connaître aussi les vitesses horizontales de chaque particule du fluide, on les aurait par les formules (art. 25)
36. Le calcul intégral des équations aux différences partielles est encore bien éloigné de la perfection nécessaire pour l’intégration d’équations aussi compliquées que celle dont il s’agit, et il ne reste d’autre ressource que de simplifier cette équation par quelque limitation.
Nous supposerons pour cela que le fluide, dans son mouvement, ne s’élève ni ne s’abaisse au-dessus ou au-dessous du niveau qu’infiniment peu, en sorte que les ordonnées de la surface supérieure soient toujours très petites, et qu’outre cela les vitesses horizontales et soient aussi infiniment petites. Il faudra donc que les quantités soient infiniment petites, et qu’ainsi la quantité soit elle-même infiniment petite.
Ainsi, négligeant dans l’équation proposée les quantités infiniment petites du second ordre et des ordres ultérieurs, elle se réduira à cette forme linéaire
et l’on aura
Cette équation contient donc la théorie générale des petites agitations d’un fluide peu profond, et, par conséquent, la vraie théorie des ondes formées par les élévations et les abaissements successifs et infiniment petits d’une eau stagnante et contenue dans un canal ou bassin peu profond. La théorie des ondes que Newton a donnée dans la proposition xlvi du Livre II des Principes étant fondée sur la supposition précaire et peu naturelle que les oscillations verticales des ondes soient analogues à celles de l’eau dans un tuyau recourbé, doit être regardée comme absolument insuffisante pour expliquer ce problème.
37. Si l’on suppose que le canal ou bassin ait un fond horizontal, alors la quantité sera constante et égale à la profondeur de l’eau, et l’équation pour le mouvement des ondes deviendra
Cette équation est entièrement semblable à celle qui détermine les petites agitations de l’air dans la formation du son, en n’ayant égard qu’au mouvement des particules parallèlement à l’horizon, comme on le verra dans l’article 9 de la Section suivante. Les élévations au-dessus du niveau de l’eau répondent aux condensations de l’air, et la profondeur de l’eau dans le canal répond à la hauteur de l’atmosphère supposée homogène, ce qui établit une parfaite analogie entre les ondes formées à la surface d’une eau tranquille, par les élévations et les abaissements successifs de l’eau, et les ondes formées dans l’air, par les condensations et raréfactions successives de l’air, analogie que plusieurs auteurs avaient déjà supposée, mais que personne jusqu’ici n’avait encore rigoureusement démontrée.
Ainsi, comme la vitesse de la propagation du son se trouve égale à celle qu’un corps grave acquerrait en tombant de la moitié de la hauteur de l’atmosphère supposée homogène, la vitesse de la propagation des ondes sera la même que celle qu’un corps grave acquerrait en descendant d’une hauteur égale à la moitié de la profondeur de l’eau dans le canal. Par conséquent, si cette profondeur est d’un pied, la vitesse des ondes sera de pieds par seconde ; et si la profondeur de l’eau est plus ou moins grande, la vitesse des ondes variera en raison sous-doublée des profondeurs, pourvu qu’elles ne soient pas trop considérables.
Au reste, quelle que puisse être la profondeur de l’eau[4] et la figure de son fond, on pourra toujours employer la théorie précédente, si l’on suppose que, dans la formation des ondes, l’eau n’est ébranlée et remuée qu’à une profondeur très petite, supposition qui est très plausible en elle-même, à cause de la ténacité et de l’adhérence mutuelle des particules de l’eau, et que je trouve d’ailleurs confirmée par l’expérience, même à l’égard des grandes ondes de la mer. De cette manière donc, la vitesse des ondes déterminera elle-même la profondeur à laquelle l’eau est agitée dans leur formation ; car, si cette vitesse est de pieds par seconde, on aura
pieds.
On trouve, dans le Tome X des anciens Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, des expériences sur la vitesse des ondes, faites par M. de la Hire, et qui ont donné un pied et demi par seconde pour cette vitesse, ou plus exactement pieds par seconde. Faisant donc on aura la profondeur de de pied, savoir de de pouce, ou lignes à peu près.