Mécanique analytique/Partie 1/Section 8

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIp. 231-236).
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Première partie


SECTION HUITIÈME.

DE L’ÉQUILIBRE DES FLUIDES COMPRESSIBLES ET ÉLASTIQUES.


1. Soient, comme dans l’article 10 de la Section précédente, les forces qui agissent sur chaque point de la masse fluide, réduites aux directions des coordonnées et tendantes à diminuer ces coordonnées ; on aura d’abord

S

pour la somme de leurs moments.

Dans les fluides élastiques il y a, de plus, une force intérieure qu’on nomme élasticité ou ressort et qui tend à les dilater ou à augmenter leur volume. Soit donc l’élasticité d’une particule quelconque cette force, tendant à augmenter le volume de la même particule, aura ou pourra être censée avoir pour moment la quantité par l’article 9 de la Section II. Je donne ici le signe au moment de cette force, parce que celle-ci tend à augmenter la variable tandis que les forces tendent à diminuer les variables Ainsi la somme des moments provenant de l’élasticité de toute la masse fluide sera exprimée par S

Donc la somme totale des moments des forces qui agissent sur le fluide sera

SS

et comme il n’y a ici aucune condition particulière à remplir, on aura l’équation générale de l’équilibre en égalant simplement cette somme à zéro.

2. On aura donc pour l’équilibre des fluides élastiques une équation de la même forme que celle que l’on a trouvée dans la Section précédente (art. 10) pour l’équilibre des fluides incompressibles, puisque l’on a, dans celle-ci (art. 11),

ce qui rend le terme S provenant de la condition de l’incompressibilité, entièrement semblable au terme S dû au moment des forces élastiques.

Il s’ensuit de là que les formules trouvées pour l’équilibre des fluides incompressibles s’appliquent immédiatement et sans aucune restriction à l’équilibre des fluides élastiques, en y changeant simplement le coefficient en c’est-à-dire en supposant que la quantité qui exprimait la pression dans les fluides incompressibles, étant prise négativement, exprime la force d’élasticité de chaque élément d’un fluide élastique.

3. L’élasticité dépend de la densité et de la température de chaque particule du fluide, et l’on doit la regarder comme une fonction connue de ces deux quantités ; mais la densité de chaque particule est inconnue, parce qu’elle dépend du rapport de la masse de la particule son volume et le Calcul différentiel ne peut déterminer ce rapport, qui dépend du nombre de particules élémentaires contenues dans l’élément différentiel de la masse fluide.

On ne peut donc connaître la valeur de l’élasticité qu’à posteriori, par le moyen des forces qui tiennent le fluide en équilibre. Ainsi il faudra déterminer la valeur de comme on a déterminé celle de dans l’article 19 de la Section précédente.

4. En changeant en on aura par cet article les équations

lesquelles donnent

et, par conséquent,

S

Ainsi la quantité doit être une différentiellc complète pour l’équilibre des fluides élastiques, comme pour celui des fluides incompressibles.

De là on conclura aussi, comme dans l’article 20 de la Section précédente, que, lorsque la quantité est elle-même une différentielle complète, la densité devra être uniforme dans chaque surface de niveau.

5. En désignant par la chaleur qui a lieu dans chaque endroit de la masse fluide, on suppose ordinairement, pour l’air, proportionnelle à en faisant abstraction des autres causes, telles que les vapeurs, l’électricité, qui peuvent influer sur son élasticité.

Substituons dans l’équation

pour sa valeur elle deviendra

La chaleur étant produite par des causes locales, la quantité sera une fonction donnée de et il faudra, pour que l’équation précédente puisse subsister, que la quantité

soit une différentielle exacte.

6. Donc, dans le cas de la nature où

(sect. VII, art. 20), il faudra que soit une fonction de par conséquent, on aura lorsque d’où il suit que la chaleur doit être constante dans chaque surface de niveau à laquelle la pesanteur est perpendiculaire, autrement il sera impossible que l’atmosphère puisse être en équilibre. Ainsi il faudrait, pour que l’air pût être en repos, que la température fût égale sur toute la surface de la Terre, et qu’elle ne variât, en s’élevant dans l’atmosphère, que d’une couche de niveau à l’autre.

7. À l’égard de l’équation aux limites pour la surface du fluide, en employant la réduction de l’article 32 de la Section précédente, elle devient

S

et, sous cette forme, elle est évidente par elle-même, car à la surface il n’y a à considérer que la force d’élasticité qui agit suivant la ligne perpendiculaire à la même surface ; et si le fluide est contenu dans un vase, les variations sont nulles, et l’équation a lieu d’elle-même mais, si une partie de la surface était libre, il faudrait que l’élasticité y fût nulle ; autrement le fluide, n’étant pas contenu, se dissiperait.

8. L’élasticité dans l’atmosphère, est proportionnelle à la hauteur du baromètre, que nous désignerons par Soit la force de la pesanteur prenons l’ordonnée perpendiculaire à la surface de la Terre et dirigée de bas en haut ; l’équation de l’article 5 deviendra

laquelle donne par l’intégration, en prenant pour la hauteur du baromètre lorsque

l’intégrale étant supposée commencer au point où

On voit par là que le logarithme du rapport des hauteurs du baromètre ne donne rigoureusement qu’une quantité proportionnelle à la valeur de l’intégrale comprise entre les hauteurs des deux stations, et que, pour en déduire la différence de hauteur des stations, il faut supposer connue la loi de la chaleur en fonction de

9. On sait que la pesanteur décroît en raison inverse du carré de la distance au centre de la Terre. Donc, prenant pour le rayon de la Terre et supposant que soient les hauteurs verticales au-dessus de la surface de la Terre, on a

étant la gravité à la surface de la Terre ; et, de là,

en faisant de sorte qu’on aura

et la difficulté se réduit à avoir en fonction de

10. En supposant constante et faisant, pour abréger, on trouvera

et l’on aura la valeur de par la formule

Si l’on néglige le terme qui est toujours insensible pour les hauteurs qui ne sont pas très grandes, on a simplement ce qui donne la règle ordinaire pour la mesure des hauteurs par le baromètre.

Le coefficient doit être déterminé par l’observation. M. Deluc avait trouvé, pour la température uniforme de du thermomètre de Réaumur, ce coefficient égal à en prenant les logarithmes des Tables et les hauteurs en toises. Pour les autres températures, il l’augmentait ou le diminuait de sa partie, pour chaque degré au-dessus ou au-dessous de et, pour les températures variables d’une station à l’autre, il se contentait de prendre la moyenne arithmétique entre les températures des deux stations. Depuis, on a perfectionné cette règle par des données plus exactes et par de nouvelles corrections appliquées au coefficient

11. Au reste, en prenant, pour la température uniforme, la moyenne arithmétique entre les températures extrêmes de la colonne d’air, on suppose que la chaleur diminue en progression arithmétique. Pour voir ce que cette hypothèse donne, on fera ou plutôt pour simplifier les calculs, étant la température lorsque Substituant cette valeur dans la formule intégrant et remettant ensuite pour sa valeur tirée de l’équation précédente, on aura

en faisant et prenant pour une température fixe et pour les degrés du thermomètre au-dessus de cette température.

La formule de l’article 9 donnera ainsi, en faisant et ne poussant l’approximation que jusqu’aux secondes dimensions de et

Les deux premiers termes répondent à la règle de Deluc et le troisième sera presque toujours insensible.


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