Traduction par Isabelle de Montolieu.
chez Arthus Bertrand (tome 2p. 111-134).

CHAPITRE XIV

Quand Ludovico entra chez le général Villars, il s’adressa au portier, et le pria de demander le valet de chambre Dermot.

Ah ! ah ! dit le portier avec un accent écossais, c’est l’Irlandais que tu demandes ; je sais cela. Il m’a parlé hier pendant une heure de toi, et puis d’un grand tableau qu’il a pendu je ne sais où. Je ne l’ai pas trop écouté ; il y aurait bien à faire à entendre tout ce qu’il dit ; mais pourtant je me rappelle qu’il devait venir un petit bon-homme le demander, et c’est toi, sans doute. Attends-là, mon enfant, deux minutes seulement, pas plus, et Dermot va venir. Ludovico, bien content, s’assit sur une marche ; car il avait fait un long trajet, et les tableaux encadrés ne laissaient pas d’être pesans. Les deux minutes durèrent au moins une heure, qui parut longue au pauvre enfant. Pendant ce temps-là, des domestiques de toutes les espèces sortaient de la maison, y rentraient, portaient des paquets : tout était dans un grand mouvement. Il en sut bientôt la cause. Le portier écossais était tout aussi babillard que le valet de chambre irlandais : il n’y avait de différence que dans leur accent. Il raconta au jeune homme que toute la famille était sur le point de partir pour le midi de la France, où les médecins envoyaient la femme du général pour sa santé ; et comme c’était le moment d’une courte paix, il n’y avait pas de temps à perdre, et ils partaient le lendemain, ou peut-être le jour même.

Hélas ! pensa Ludovico, que puis-je donc espérer ? si mon ami Dermot, qui dit tant de choses, m’avait dit ce prompt voyage, je me serais bien gardé de venir. Ils ne feront nulle attention à moi dans ce moment de départ, et n’achèteront sûrement pas des tableaux. Je voudrais bien n’être pas venu, dit-il tout haut dans sa détresse.

Patience ! patience ! mon bon petit ami, dit l’Écossais ; lève la tête, ouvre les yeux, tu verras Dermot qui vient enfin, et je suis garant qu’il te fera entrer. C’est un bon diable que Dermot, quoiqu’il soit Irlandais et qu’il cause trop ; mais il n’a que ces deux défauts.

La physionomie gaie, franche, ouverte de Dermot, et le bon accueil qu’il fit à Ludovico, ranimèrent son cœur et ses esprits. Eh bien ! M. Lewis, dit-il, j’ai parlé de vous et du beau tableau au général, et il veut vous voir ; quand je dis vous c’est vos peintures ; mais vous les apporterez vous-même. Montrez-les auparavant à M. Jack, le portier. Je lui ai si souvent parlé du beau tableau d’Irlande ; n’est-ce pas, Jack ? Eh bien ! vous allez voir si je mens. C’est-à-dire, ce n’est pas celui-là que vous allez voir ; mais c’est à peu près de même, puisque c’est le mème habile homme qui les a faits : montres donc. Ludovico les découvrit, et Dermot resta en extase à la vue des cadres dorés. Diable ! M. Lewis, c’est bien autre chose que hier ! Des cadres dorés comme pour le Vice-Roi ! Est-ce beau cela, Jack ? que vous avais-je dit ? Mais que je suis fâché de n’avoir rien su de ces cadres, j’en aurais-parlé au général ; enfin il les verra : allons. Je suis fâché, mon ami Jack, de vous ôter si vîte le plaisir de voir ces beaux cadres ; mais quand on a affaire, on n’a le temps ni de regarder ni de causer. Le portier lança un coup d’œil significatif au jeune homme, qui suivit son protecteur. Il était bien un peu honteux de paraître dans son triste équipage ; mais ses tableaux étaient parés, et Dermot assurait qu’on ne regarderai pas autre chose. Tout en montant escalier, il ne cessa de vanter la beauté de ces bordures : cet éloge n’aurait pas flatté le peintre, mais Ludovico en prit plus de courage.

Dermot l’introduisit dans un grand salon dont il ouvrit les deux battans, en criant : Avancez-donc. Il avait besoin de le dire, le pauvre enfant était si interdit qu’il n’osait faire un pas et à peine lever les yeux.

Plaise à votre honneur, dit Dermot à son maitre, voilà le jeune garçon dont j’ai tant parlé hier au soir à votre honneur en le déshabillant, le fils du beau tableau d’Irlande, c’est-à-dire de celui qui l’a peint ; et voilà aussi les deux petits tableaux qu’il voudrait vendre. À mon avis, à présent qu’ils sont en cadres d’or, ce sont les plus beaux tableaux que votre honneur ait jamais vus ; de cela, j’en suis bien sûr. Il prit le paquet, le déploya, et plaça les tableaux en face des fenêtres.

Le général Villars était un homme d’environ cinquante ans, ayant toute la tournure d’un brave militaire, le teint halé, le regard plein de feu, une taille imposante, mais un air de bienveillance. Il rit de la harangue de son valet de chambre ; et jetant sur Ludovico un regard plein de bonté, il lui dit de diriger Dermot pour placer les tableaux dans leur jour : C’est la peinture que je veux voir, dit-il, et non pas la dorure.

Véritablement, dit Dermot, votre honneur a peut-être raison ; mais une personne aime une chose, et une autre, une autre. Quant à moi, un beau cadre doré me paraît être ce qui fait valoir un tableau, c’est-à-dire la sauce de la peinture ; et il faut avouer que le cadre de celui d’Irlande n’est pas aussi beau que ceux-ci.

Au milieu du salon était une assez grande table, autour de laquelle trois dames étaient assises. La plus âgée, que Ludovico, à sa maigreur, supposa être la femme du général, se leva pour regarder les tableaux, et posa un livre dans lequel elle lisait. C’était une très-belle édition du poëme du Ménestrel, de Béattie. La table était couverte d’une quantité d’objets divers prêts à être empaquetés pour le voyage. C’étaient, pour la plupart, des choses si jolies, si belles, si brillantes et si nouvelles pour Ludovico, qu’il ne pouvait s’empêcher de les regarder. Là plusieurs bijoux de poche, à différens usages, en ivoire, en nacre, en ébène, incrustés d’or ; ici des parures de pierreries resplendissantes ; plus loin d’élégantes boîtes à couleurs et à parfumeries ; à l’un des bouts, des fruits confits, des conserves, des sucreries de différentes espèces, etc., etc. Deux jeunes dames étaient très-occupées à ranger le tout dans des cassettes de voyage. Quand elles entendirent le général faire avancer Ludovico, elles se regardèrent, et placèrent promptement tous les objets précieux plus près d’elles, comme pour les mettre en sûreté. Madame Villars vit ce regard et ce mouvement ; alors elle tourna les yeux sur Ludovico, avec l’air d’étudier sa physionomie, et s’adressant ensuite aux jeunes dames : « Je suis sa caution, dit-elle à demi-voix ; n’appréhendez rien, » Puis, reprenant son livre, elle lut du même ton cette strophe du poëme :

 « Le pauvre Edwin n’est point un enfant ordinaire :
« Examine ses yeux, aisément on y lit
« Les vertus de son cœur, le feu de son esprit.
« La pauvreté chez lui n’offre rien de vulgaire. »

« Nous verrons s’il ressemble à Edwin (dit la plus jeune, qui avait l’air vif et mutin) ; mais j’en doute, et j’aime autant ne pas tenter sa vertu par la vue de nos bijoux : quant à son esprit, comme il n’a pas encore ouvert la bouche, ni levé les yeux que pour regarder toutes ces choses, vous me permettrez, Maman, de m’en défier aussi. »

Madame Villars ne répondit rien ; mais lut encore à demi-voix la seconde strophe :

« Plus il sent vivement, moins il sait l’exprimer.
« Edwin pense beaucoup et garde le silence ;
« Timide, simple, doux, mais plein d’intelligence,
« Quand on regarde Edwin, comment ne pas l’aimer ?

Et le portrait d’Edwin, et son application, et les soupçons de la jeune miss Villars ne donnèrent à Ludovico ni orgueil ni honte ; il ne les écoutait pas. Dès qu’il entendit les dames parler ensemble, il se retira discrètement à quelque distance : il n’était d’ailleurs occupé que de la crainte de ne pas vendre ses tableaux, et du soin d’observer si le général en était content. Il paraissait l’être infiniment. Un des deux surtout l’enchantait ; c’était celui où se trouvaient l’église et le presbytère de Newkichdale, qu’Alfred avait peints avec tant de plaisir. Le général demanda à Ludovico si c’était une vue d’après nature. Alors le jeune homme rompit son modeste silence, et madame Villars put se convaincre qu’elle ne s’était pas trompée en le comparant au jeune héros de son livre. Ludovico répondit avec promptitude, avec précision ; mais aussi avec retenue, attendant des questions nouvelles. Il nomma tous les sites, tous les villages représentés dans le tableau. Sa mère l’en avait si souvent entretenu, qu’il les connaissait aussi bien qu’elle. Il parla de ce pays si beau et si pittoresque, avec l’enthousiasme qu’elle lui avait inspiré, et l’éloquence naturelle à un cœur plein de son sujet, accoutumé à parler et à entendre le meilleur langage. Le général était à la fois surpris et charmé. Sa femme triomphait d’avoir si bien jugé ; et les jeunes miss suspendirent leur importante occupation, pour mieux entendre cet enfant si méprisé il n’y avait qu’un instant. Comme une expiation, la cadette avança quelques bijoux de prix au bord de la table ; l’aînée dit doucement : « Maman a toujours raison. »

— Vous avez donc beaucoup vécu dans le Cumberland, dit le général, puisque vous le connaissez si bien ?

— Je n’y suis jamais allé, Monsieur, répondit Ludovico, quoique j’en aie toujours eu un vif désir ; mais ma mère y est née et s’y est mariée. Elle aime passionnément cette contrée, et me l’a si souvent décrite, qu’ayant de plus les peintures de mon père, je dois bien la connaître.

— Pourquoi votre mère a-t-elle quitté le lieu de sa naissance, demanda madame Villars avec intérêt ?

— Pour suivre le sort de mon père, Madame : son état l’appelait ailleurs. Elle n’a pas encore pu y retourner.

— Ses parens ne vivent plus, sans doute ?

— Pardonnez-moi, Madame, ils vivent encore tous les deux. Mon grand-père que je n’ai jamais vu, est… (Il avançait le doigt pour le montrer, mais il ne le posa que sur l’église. Une réflexion rapide l’empêcha de dire qu’il vendait un tableau où son grand-père était représenté ; et cette pensée le fit rougir.) : mon grand-père est pasteur de Newckichdale, dit-il après un instant d’hésitation. Voilà son église.

— Et voilà un homme en habit d’ecclésiastique, un livre à la main, là dans ce sentier, dit la jeune miss Villars ; est-ce votre grand-père ? Sa mère lui lança un regard désapprobateur. La rougeur du jeune homme en augmenta, et ses yeux s’humectèrent. — Il est possible, dit-il que mon père ait eu cette idée pour faire plaisir à maman ; mais une aussi petite figure n’a aucune ressemblance.

— Et je suis sûre, dit la petite étourdie, que c’est aussi votre père et votre mère qui sont là-haut sur cette colline.

Il ne répondit rien. Madame Villars prit la parole.

— Est-ce qu’il y a long-temps que votre père est artiste en peinture, lui demanda-t-elle avec bonté ?

— Oui, madame : il s’est voué à cet art dès son enfance ; mais ce n’est pas son seul talent ni sa seule occupation, il est aussi poëte.

— Tant pis pour lui, dit le général. Ludovico rougit excessivement. Il craignait d’avoir fait tort à son père dans l’esprit du général, qui, sans doute, n’aimait pas les vers. Je voulais seulement dire, reprit le général, qu’il est bien malheureux qu’un gentilhomme (car je sais que votre père l’est) ne puisse pas se livrer à l’un de ces talens, dont l’un doit nécessairement nuire à l’autre ; et peut-être tous les deux doivent-ils souffrir d’être exercés tour à tour. Deux talens tels que la peinture et la poésie, pour être perfectionnés, ne peuvent pas occuper le même individu ; et je crains qu’il ne soit pas aussi bon poëte que bon peintre. Je suis fâché que mon départ, fixé à demain, me prive du plaisir de connaître toutes ses productions, et lui-même. À mon retour, je les verrai sûrement. Ce n’est pas trop le moment non plus d’acheter des tableaux. Quand on va voyager, on a besoin de son argent ; mais je ne puis résister à garder celui-ci, si votre père veut le laisser pour vingt guinées.

Vingt guinées pour un seul de ces tableaux, que Sinister voulait avoir tous les deux pour seize ! Ludovico accepta au nom de son papa, et remercia le général. Pour moins de rien, il lui aurait dit qu’il le payait trop ; mais M. Villars le prévint. Je me connais en peinture, dit-il, c’est pourquoi j’ai pris la liberté de le taxer sans demander son prix. Peut-être votre père l’estime-t-il plus haut ; et peut-être a-t-il raison. Mais, dans ce moment, je n’en puis donner davantage ; seulement je paierai le cadre à part. Dermot m’a dit qu’il n’y en avait point hier : sans doute vous les avez achetés ; ils sont très-beaux. Combien vous ont-ils coûté ?

Ludovico dit le prix que lui avait fait l’artisan. Pendant que le général ouvrait un bureau pour y prendre l’argent, sa femme dit à Ludovico : Je voudrais savoir, mon cher enfant, ce qui vous plaît le plus de tout ce qu’il y a sur cette table. Regardez bien ; je veux savoir votre opinion et votre goût.

— Les boîtes à couleurs, dit Ludovico, sont je crois ce qu’il y a de plus utile, mais… Il s’arrêta. — Mais, reprit la bonne dame ; quoi donc ? Dites-moi votre pensée librement, avec franchise ; je suis sûre que vous avez une opinion décidée.

— Eh bien ! Madame, je voulais dire que quoique les boîtes à couleurs soient ce que je devrais préférer, le livre que vous lisiez est-ce que j’envierais le plus sur cette table.

Madame Villars regarda encore les jeunes personnes, comme pour dire : avais-je tort ? Et pendant que Ludovico recevait l’argent du général, elle ferma une des plus jolies boîtes à couleurs, enveloppa le volume de poésie dans une feuille de papier ; et quand le jeune homme eut fini avec son mari, elle s’avança vers lui et lui mit ces deux paquets dans la main. « Voilà, lui dit-elle, pour vous faire penser à nous. Vous ferez, j’en suis sûre, des vœux pour que notre voyage soit heureux, et un bon usage de ce que je vous donne. »

Ludovico tressaillit de surprise. Il regarda madame Villars ; et des larmes remplissant ses yeux coulèrent bientôt en abondance sur ses joues. Il voulait parler ; lui exprimer sa vive reconnaissance ; il ne put articuler un seul mot. Ses lèvres tremblaient, ses pleurs arrêtaient sa voix. L’émotion d’une bonté si inattendue en était la cause ; mais il s’y mêlait aussi un sentiment douloureux. Ce qu’elle lui avait dit sur leur voyage lui en rappela la cause ; et la maigreur de cette excellente femme serra son cœur.

Affectée aussi par la sensibilité du jeune garçon, voulant surmonter cette impression et lui donner le temps de se calmer, elle lui dit en souriant. Pourquoi ces pleurs, mon cher ? Quel est votre nom ? Je voudrais que ce fût Edwin.

— Je le voudrais aussi, Madame, puisque ce nom vous plaît. Le mien n’est pas commun en Angleterre ; il faisait rire tout le monde, et m’a souvent fait pleurer… Je m’appelle Ludovico Carrache.

— Carrache ! répétèrent les jeunes filles en éclatant de rire. C’est le nom d’un grand peintre italien, dit Madame Villars d’un ton sérieux.

— C’est pourquoi mon père a voulu que je le portasse, dit Ludovico. Il croyait par-là me donner de l’émulation. Mais j’ai si peu ressemblé à mon parrain, qu’il a bien voulu consentir à en retrancher la moitié ; on ne me nomme plus que Ludovico. Mon frère qui se nommait Raphaël, aurait peut-être mieux mérité ce nom ; mais il est mort il y a bien des années. Et il soupira profondément.

— Eh bien, donc ! Ludovico, dit madame Villars, vous n’avez nul talent pour le dessin ? Fils d’un aussi bon peintre, j’en suis surprise ! Ne vous a-t-il pas enseigné son art ?

— Oui, Madame ; mais je suis bien loin d’avoir son talent. Je n’ai pas fait de paysages ; seulement, j’ai peint bien des fois ma mère et ma petite sœur.

Les jeunes filles éclatèrent encore de rire. Il n’y faisait plus attention. Son ame entière était avec leur bonne mère qui lui montrait tant d’affabilité. — Ah ! vous avez une petite sœur, lui dit-elle, en se rapprochant de la table et faisant un paquet de plusieurs sucreries : portez-lui cela de ma part, et à votre mère aussi. Puisque vous les avez peintes si souvent, vous avez sûrement encore quelques-uns de ces portraits. Envoyez m’en un en échange ; je veux juger de votre talent. Dermot, prenez ce tableau : accompagnez chez lui ce jeune garçon ; vous me rapporterez un de ses dessins. Vous le voulez bien, mon cher petit Ludovico ?

— Ah ! madame ! tout, tout ce que j’ai, tout, tout ce dont je suis capable.

Dermot avait empaqueté le tableau. Ils sortirent ensemble ; et bien sûrement la ville de Londres ne renfermait pas un jeune garçon aussi heureux que Ludovico.

Le bon Dermot ne l’était pas moins du succès de sa recommandation : Eh bien ! mon ami, disait-il avec fierté, quand je vous assurais que tout irait bien, avais-je tort ? Ah ! ah ! monsieur le général connaît le brave Irlandais, comme ils m’appelent tous, et il fait cas de ses avis. Je croyais bien qu’il garderait les deux tableaux ; mais à la veille d’un voyage, on a besoin de tout son argent ! et peut-être sera-t-il long. Lady Villars est si malade !

— Puisse-t-elle retrouver la santé ! dit Ludovico ; c’est un ange, que votre maîtresse ! Je n’oublirai jamais sa bonté ; et je garderai toute ma vie le livre qu’elle m’a donné.

Et les éclats de rire des jeunes miss, vous les rappelerez-vous aussi ? Quelle maligne petite pièce que cette miss Lucy ! comme elles se moquait de vous ! Son père lui souffre tout, parce qu’elle est plus jolie et plus drôle que sa sœur Mary, qui est assez bonne fille ; mais miss Lucy est un petit démon de malice.

— Elle ne ressemble donc guère à sa mère ? dit Ludovico.

— À sa mère ! Lady Villars n’est pas sa mère. Elles sont d’un premier mariage du général. N’avez-vous pas vu qu’elle est trop jeune pour avoir d’aussi grandes filles ? Et miss Lucy ne la respecte guère, quoiqu’elle soit la meilleure des belles-mères.

— Je n’ai vu que ses bontés et sa maigreur, répondit Ludovico. La jeune miss était gaie, c’est de son âge ; et J’étais d’abord si honteux, si déconcerté, qu’il était bien permis de se moquer de moi. Quand ensuite lady Villars m’a encouragé avec tant d’affabilité, je n’ai plus vu qu’elle.

— Pauvre ame ! reprit Dermot ; combien elle a désiré un fils ! Elle en a perdu un en naissant, la première année de son mariage ; et c’est depuis lors qu’elle est malade. Je suis bien sûr qu’en vous faisant tant d’amitiés, elle pensait : Que n’est-il mon fils !

— Et moi, dit Ludovico, moi… je pensais que ses enfans étaient heureux comme moi ; Car j’ai aussi la meilleure des mères, et je n’en désire aucune autre. Mais puisse la bonne lady Villars se rétablir et avoir un fils ! Tous les jours je prierai Dieu pour cela.