Louÿs — Littérature, Livres anciens, Inscriptions et belles lettres/Notes littéraires 4.

Slatkine reprints (p. 179-180).

LAMARTINE


Le poète que je connais le moins.

Nonchalance de son écriture. Monotonie de son rythme. Vanité qu’il a de ne rien comprendre à son propre génie.

L’idée mère de ses meilleurs poèmes est écrite n’importe comment. À propos du souvenir, il veut un paradis :


Non plus grand, non plus beau, mais pareil,
                                                  mais le même.


Il ne fait aucun effort pour donner un peu moins de lourdeur, un peu plus d’élan, à son vers le plus affectueux.

Mais, à Côté du sujet, comme au hasard, et dès la seconde page de ce long poème, il a trouvé en passant :


Le linceul même est tiède au cœur enseveli.


Admirable vers, improvisé dans le tas ; pas placé.

L’idée était bien ; l’image, quelconque ; et la merveilleuse douceur des syllabes, éveille douze fois, comme une rime, la douceur de la pensée.

De même, ces deux vers d’échos : l’un sur la cloche, écho de la méditation 1820 :


Ah ! c’est moi, pour moi seul, là-haut, retentissant !


l’autre sur les rives du lac :

Dans l’écho de tes bords par tes bords répété.


qui est le meilleur vers de la pièce et fait tache parce qu’il n’est pas dans le ton des autres.

Voilà un vers où l’on ne peut rien changer, pas même la place des mots. Si l’on supprime la petite inversion, pour écrire «… de tes bords, répété par tes bords » ou « répété de tes bords par tes bords », cela devient mauvais. Mais la perfection d’un vers inutile fait mieux sentir le laisser-aller des autres.