Lotus de la bonne loi/Notes/Chapitre 3

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 361-373).
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Notes du chapitre III

CHAPITRE III.

f. 35 b.J’éprouve de la satisfaction.] Le mot de satisfaction n’est peut-être pas ici la traduction exacte de âudvilya, puisque Çâriputtra exprime quelques lignes plus bas son profond chagrin. Ce serait plutôt curiosité ou même trouble qu’il faudrait dire. Voyez ci-dessus chap. i, f. 4 b, p. 308.

f. 36 a.Je me retrouve toujours avec cette même pensée.] Je traduis ainsi les mots anênâiva vihârêna viharâmi, d’après la paraphrase poétique dont le texte en prose est suivi, et notamment d’après la stance 3. L’interprétation littérale serait, « je réside toujours dans cette résidence ou dans ce Vihâra ; » mais on comprend sans peine que cette expression puisse recevoir au figuré le sens que je lui attribue.

Dans le domaine de lois semblables à nous.] J’ai traduit aussi littéralement que j’ai pu ce texte obscur tulyanâma dharmadhâtu pravêçê, et je l’ai compris comme si le disciple de Bhagavat voulait dire qu’en les introduisant dans une loi qui est de même nature qu’eux, qui n’est pas plus élevée qu’eux, le Buddha s’est servi d’un véhicule misérable pour les transporter hors du monde, ou même plutôt pour les exclure de la possession d’une loi supérieure. L’examen de la version tibétaine ne paraît cependant pas justifier cette interprétation du mot tulya. Si je ne me trompe pas en effet sur le sens de ces termes tchhos-kyi dbyings-la hdjug-pa mtshungs-na, ils signifient « dans une égale introduction au domaine de la loi. » Il résulterait de cette version que tulyanâma ne se rapporterait pas à dharmadhâtu, comme on est naturellement conduit à le penser, mais à pravêçê. Dans cette supposition, on devrait traduire, « en nous introduisant également [tous] dans le domaine de la loi. » Il se présente cependant encore une troisième interprétation qui est un peu différente de celle de la version tibétaine, si tant est que je la comprenne bien. Cette interprétation repose sur le sens purement métaphysique de tulya, qui comme sama, « semblable, » est une épithète très-fréquemment jointe au mot dharma, « loi, condition, être. » Ainsi on rencontre à tout instant cette définition, que les lois ou les êtres sont sama, « semblables entre eux, » et tulya, « égaux entre eux. » Des expressions de ce genre reviennent plusieurs fois dans la partie du Mémoire de Deshauterayes consacrée à la métaphysique des Buddhistes. Ainsi quand Çâkyamuni parvient après de longues méditations à la perfection d’un Buddha, Deshauterayes, s’appuyant sur ses autorités chinoises, s’exprime ainsi : « Il acquit la véritable sagesse qui égalise ou identifie toutes choses[1]. » Dans un autre endroit on lit cette invocation au Buddha : « Ô Fo, vous égalisez ou identifiez toutes choses ; n’admettant aucune différence entre elles, vous rendez également heureux les hommes et les habitants des cieux[2]. « Si c’était là le sens qu’on dût attribuer à tulya dans la phrase qui nous occupe, l’épithète de tulya, « égal, » appliquée aux lois serait une qualification absolue et non relative à la situation de celui qui parle.

f. 36 b.St. 4. Semblables à moi.] Le texte se sert du mot tulya, à l’explication duquel est consacrée la note précédente.

St. 5 et 6. Les trente-deux signes de beauté… et les signes secondaires.] Voyez sur ces caractères d’un Buddha une note étendue à l’Appendice, no VIII.

f. 37 a.St. 6. Les lois homogènes au nombre de dix-huit.] Lisez, « les lois indépendantes. » Le terme dont se sert le texte est âvêṇika, sur lequel on trouvera une note à l’Appendice, sous le no IX.

St. 10. Dans la pure essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « sur le trône de la Bôdhi. »

f. 38 a.Je vais te témoigner mon affection.] J’avais cru pouvoir traduire ainsi l’expression du texte ârôlchayâmi tê, que la version tibétaine rend par ces mots : khyod mos-par-byaho, « tu auras une attention respectueuse, ou de l’inclination. » Je pensais qu’un des emplois les plus ordinaires du sanscrit rutch (yadi tê rôtchatê, « si cela te plaît ») m’autorisait à traduire littéralement la phrase ârôtchayâmi tê par « je fais quelque chose qui te plaise, » et tropiquement, « je te témoigne mon affection. » Mais depuis l’impression de ma traduction je me suis convaincu que la forme causale du radical rutch avait encore moins conservé de sa valeur primitive que je ne le croyais, et qu’elle signifiait simplement dans le sanscrit buddhique, « j’annonce, je déclare. » J’ai rencontré de très-nombreuses preuves de ce fait en traduisant sur le texte du Divya avadâna l’histoire de Pûrṇa que j’ai publiée dans mon Introduction à l’histoire du Buddhisme indien[3] ; et ces preuves se sont trouvées confirmées par la version tibétaine, qui au lieu d’employer dans le cours du Hdul-va-gji l’interprétation que je citais en commençant, se sert simplement d’un verbe comme smras, « dire. » J’ajoute enfin que les textes pâlis emploient également ce terme dans le sens d’annoncer, faire connaître, comme on peut s’en convaincre par les deux passages suivants, sabbam̃ brâhmaṇassa pôhkliarasâdissa ârôtchêsi, « il annonça le tout au Brahmane « Pôkkharasâdi[4] ; » Bhagavatô kâlam ârôtchêsi, « il fit connaître à Bhagavat que le temps était venu[5]. » Je m’aperçois que Spiegel avait déjà fait cette remarque en ce qui touche le pâli, et l’avait appuyée d’un certain nombre de passages empruntés au Mahâwanso de Turnour[6]. Je prie donc le lecteur de remplacer l’expression « je vais te témoigner mon affection, » par celle-ci, « je vais te parler, » d’abord dans le passage qui fait l’objet de cette note, puis dans les passages suivants : ch. vi, f. 79 b ; f. 82 a, st. 17 ; f. 82 b ; f. 84 a ; ch. vii, f. 102 b.

Grâce à la bénédiction.] Le mot du texte est adhichṭhânêna, que la version tibétaine représente ainsi byin-kyi rlabs-kyis, « en vertu de la bénédiction. » Ce mot se trouve avec cette même signification dans le pâli des Buddhistes du Sud, et j’en citerai un exemple emprunté au Thûpa vam̃sa : Sa raññôtcha thêrassatcha sâsanam̃ gahêtvâ thêrassa adhiṭṭhânavasêna êkadivasên adjambukôlapaṭṭhânam̃ gatvâ nâvam abhiruhitvâ. « Lui, ayant reçu l’ordre du roi et du Thêra, étant arrivé en un jour à Djambukôla paṭṭhâna par l’effet de la bénédiction de ce dernier, monta sur un vaisseau[7]. »

f. 38 b.La terre de Buddha.] Le mot dont se sert le texte pour désigner la terre où paraît un Buddha, est Buddha kchêtra ; je ne me souviens pas d’avoir jamais rencontré dans les textes sanscrits du Népal le mot kchmâ, que M. Rémusat croyait être le correspondant sanscrit du terme par lequel les Buddhistes chinois désignent la terre d’un Buddha[8]. Selon les Singhalais, la terre sur laquelle s’exerce l’action d’un Buddha, varie d’étendue selon le point de vue sous lequel on l’envisage. Ainsi le commentateur du Djina alam̃kâra expliquant le terme tibuddhakhêttêkadivâkarô, « soleil unique des trois terres d’un Buddha, » s’exprime ainsi : « Il y a trois espèces de terres d’un Buddha : la terre de la naissance, la terre du commandement, la terre de l’objet[9] ; » ce qui veut dire : la terre où est né le Buddha, celle sur laquelle s’étend sa puissance, et celle où il est connu[10]. Puis il ajoute : « La terre de la naissance se compose de dix mille enceintes de mondes (tchakkavâla[11]) ; la « terre du commandement se compose de cent mille kôṭis d’enceintes de mondes ; la terre où il est connu se compose d’un nombre infini et incommensurable d’enceintes de « mondes. »

Enceintes tracées en forme de damiers, etc.] Le mot que je traduis ainsi est suvarṇasûtrâchṭâpada nibaddham, pour l’interprétation duquel je n’ai, quant à présent, rien de mieux à proposer. Je regarde le mot achṭâpada, qui a le sens « d’étoffe à carreaux pour jouer aux dames ou aux dés, » comme désignant au figuré des enclos tracés en quinconce, dont les divisions, semblables à celles d’une étoffe sur laquelle on joue aux dés, sont marquées par des cordes d’or. Le composé tout entier doit, dans cette supposition, se traduire ainsi littéralement, « terre sur laquelle des damiers sont fixés par des cordes d’or. » Nous retrouverons cette même image au commencement du chapitre vi, f. 80 a. Cette manière de se représenter la surface du sol divisée en carrés comme un damier, n’aurait-elle pas donné l’idée du symbole que l’on remarque sur une classe de médailles buddhiques, où l’on voit l’image du Tchâitya ? Ce symbole que Wilson a défini un piédestal carré divisé en compartiments[12], figure une enceinte quadrangulaire divisée en quatre carrés intérieurs du milieu desquels s’élève l’arbre Bôdhi[13].

f. 39 a.Au temps où le Kalpa dégénère.] C’est l’expression que j’ai expliquée plus haut ch. ii, f. 27 a ; elle signifie littéralement, « dans la souillure d’un Kalpa, » kalpa kachâyê. La version tibétaine dit d’une manière plus positive encore, « dans la lie d’un Kalpa. » Cela veut dire ici que le Kalpa où doit paraître un jour ce Buddha, ne sera pas, comme celui où vécut Çâkyamuni, un âge de misère et de péché.

À l’exception toutefois.] Le mot dont se sert le texte est anyatra, dont j’ai expliqué la valeur dans une note de l’Appendice, no X, sur le mot anyatra. Je me contente, quant à présent, de faire remarquer que le mot anyatra, en pâli annatra, « sauf, excepté, » a souvent pour synonyme en pâli ṭhapêtvâ[14], que je vais expliquer tout à l’heure dans la première note sur le f. 39 b.

Se lèveront, pour marcher, de dessus des lotus de diamant.] Le texte se sert d’une expression un peu obscure, ratna­padmavikrâminô bhâvichyanti. Je crois aujourd’hui que le sens véritable est, « marcheront sur des lotus de diamant, » pour dire, « feront croître sous leurs pas des lotus de diamant. » Les Siamois croient que quand Çâkyamuni marchait, des lotus bleus naissaient spontanément sous ses pas, pour empêcher ses pieds de toucher la terre[15].

f. 39 b.En laissant de côté.] Le mot que je traduis ainsi est le participe sthâpayitvâ, « ayant placé debout, » pour dire, « ayant mis de côté, ayant excepté. » C’est encore là un de ces participes employés adverbialement qui abondent dans le style buddhique. Il n’est pas moins fréquemment usité dans le dialecte pâli des Buddhistes méridionaux. On en peut déjà voir un exemple dans une stance relative à la sagesse de Çâriputra, que Turnour a citée d’après Mahânâma, au début de son introduction au Mahâvamsa ; le participe en question s’y trouve sous cette forme ṭhapêtvâna[16], qui est synonyme de ṭhapêtvâ que donne le Mahâvamsa même[17]. J’en citerai encore quelques exemples empruntés aux textes que j’ai entre les mains : Tam̃ Bhagavantam sammâsambuddham̃ ṭhapêtvâ ko aññô vattam̃ samatthô. « À l’exception du Bienheureux, parfaitement et complètement Buddha, quel autre est capable de le dire[18] ? » Le Thupa vam̃sa me fournit deux autres passages qui ne sont pas moins caractéristiques, voici le premier : Kassapassa pana Bhagavatô aparabhâgê ṭhapêtvâ imam̃ sammâsambuddham̃ aññô Buddhô nâma natthi. « Or depuis le temps qui a suivi le bienheureux Kassapa, il n’existe pas d’autre être du nom de Buddha, sauf ce Buddha parfaitement accompli[19]. » Voici le second exemple : tê sabbê Asôkô attanâ saddhim̃ êkamâtikam̃ tissakumâram̃ ṭhapêtvâ ghâtêsi. « Asôka les fit tous tuer, sauf Tissakumâra qui était de la même mère que lui[20]. » Enfin je renverrai, pour terminer, à un passage du commentaire pâli sur les stances dites Uraga sutta qui ont été publiées par Spiegel[21].

L’image de cette bonne loi.] L’expression consacrée pour exprimer l’idée que je rends par « l’image de la bonne loi, » est saddharmapratirûpaka ; c’est une allusion à une opinion touchant la durée de la loi d’un Buddha, qui a cours chez les Buddhistes de toutes les écoles, et qui est uniformément adoptée par eux, sauf quelques différences dans les nombres. Le célèbre de Guignes est le premier qui ait exposé cette théorie sur la durée de la loi d’un Buddha ; ses matériaux étaient exclusivement empruntés aux sources chinoises. Pendant la durée d’un Kalpa, la loi du Buddha a des destinées diverses. Elle se divise en trois époques, dont la première se nomme « la période de la première loi. » En ce qui touche le dernier Buddha Çâkyamuni, cette période a commencé à sa mort et a duré cinq cents ans. La seconde époque est nommée « la loi des figures ou des images, » et elle a duré mille ans. La troisième époque nommée « la loi dernière » doit durer trois mille ans[22]. On voit que le total de ces trois périodes donne quatre mille cinq cents ans pour la durée de la loi du Buddha.

Selon M. A. Rémusat, on entend un peu différemment ces trois époques. Après l’extinction du Tathâgata, la loi doit demeurer dans le monde ; Buddha avait dit à Ananda : « Après mon Nirvâṇa, la loi des témoignages durera mille ans. » Or « la loi des témoignages, » c’est celle que pratiquent les hommes qui ont reçu la doctrine, et qui par là rendent témoignage des fruits qu’ils en tirent : c’est la période que de Guignes nomme « la première loi. » Il n’y a de différence que sur la durée, qui est suivant de Guignes de cinq cents ans, suivant Rémusat, de mille. La seconde période se nomme « la loi de la ressemblance, « parce que pendant qu’elle subsiste, il y a, comme dans la première, des hommes qui ayant reçu la loi savent encore la pratiquer. Rémusat n’indique pas la durée de cette seconde période, qui est bien celle que de Guignes nomme « la loi des figures ou images. » Enfin la troisième période est celle de « la loi finissante ou en déclin ; » pendant cette période les hommes mêmes qui auront reçu la loi ne seront plus en état de la pratiquer ni de lui rendre témoignage[23]. Cette époque est celle que de Guignes nomme « la loi dernière, » et dont il fixe la durée à trois mille ans, ce dont A. Rémusat ne parle pas. Suivant ce dernier auteur, les Chinois auraient connaissance d’un autre calcul qui admet cinq périodes de cinq cents ans chacune, à partir du Nirvâṇa de Çâkyamuni. Deux de ces périodes sont assignées à la première loi, deux de même à la seconde loi ; la troisième période à elle seule doit avoir dix mille ans[24]. Plus récemment Neumann a exposé, d’après les Chinois aussi, la théorie de ces trois périodes de la loi ; il leur donne les noms de « la complète, l’apparente et la dernière ; » la première doit durer cinq cents ans, la seconde mille, et la troisième trois mille[25].

Ces données s’accordent en général entre elles, sauf pour ce qui regarde la durée de chaque période. Les Mongols, selon I. J. Schmidt, attribuent à la loi du Buddha Çâkyamuni une durée totale de cinq mille ans[26] ; c’est exactement le nombre admis par les Buddhistes du Sud et spécialement par les Barmans, d’après lesquels Çâkyamuni aurait déterminé lui-même avant de mourir la durée de sa loi[27]. Une différence plus considérable se remarque entre ces exposés et celui des Tibétains dont nous devons la connaissance à M. Schiefner. Un texte traduit par lui du Gandjour nous apprend que Çâkyamuni avait prédit à sa doctrine une durée de deux mille ans, durée qu’il divisait en quatre périodes de cinq cents ans chacune, lesquelles répondaient à la décroissance successive de la loi. La dernière période était à son tour sous-divisée en deux parties, l’une de trois cents ans, l’autre de deux cents[28]. Cette prédiction de Çâkya était accompagnée du récit de la ruine complète du Buddhisme et de l’anéantissement du corps des Religieux, tant par suite de persécutions étrangères que par des dissensions intestines.

Il est aisé de reconnaître que cette division de la durée de la loi de Çâkyâ en périodes qui se distinguent les unes des autres par l’état plus ou moins florissant de cette loi, a un fondement réel dans l’histoire du Buddhisme indien. Elle représente sous une forme générale la tradition de son établissement, de sa durée, et des persécutions qui l’ont chassé de l’Inde. Les chiffres eux-mêmes, quelque peu rigoureux qu’ils puissent être, contrastent évidemment avec ceux par lesquels on exprime d’ordinaire la durée de la loi des Buddhas fabuleux antérieurs à Çâkyamuni. Il n’est plus question ici de ces périodes qui ne comptent que par grands et moyens Kalpas, ainsi qu’on le voit à tout instant dans le Lotus ; on sent au contraire qu’on est sur le terrain sinon de l’histoire positive, du moins de la tradition légendaire. Mais pousser plus loin la précision et chercher à marquer les moments vrais de ces périodes, c’est ce qui ne me paraît pas possible, du moins actuellement, il nous suffit d’interpréter cette tradition en ce sens que les Buddhistes, après avoir été expulsés de l’Inde, ont gardé le souvenir de l’époque où ils y avaient vu fleurir leur croyance, et que pour eux cette époque s’est naturellement divisée en périodes plus ou moins nombreuses, qui parlant de la mort du fondateur de la doctrine, se sont étendues jusqu’aux temps où elle touchait à son déclin, et se sont arrêtées au moment où elle était expulsée de sa terre natale. On comprend en outre, sans que j’y insiste beaucoup, la signification propre de textes comme celui qu’a traduit M. Schiefner. Ils prouvent évidemment que les livres où on les trouve sont postérieurs aux grandes persécutions que le Buddhisme a essuyées dans l’Inde. C’est donc un point qu’on ne devra pas perdre de vue en lisant les collections du Népal et du Tibet, et en les comparant à la collection du Sud. Déjà dans notre Lotus de la bonne loi, on remarque au chapitre xii, f. 1, 47 et suiv. une description frappante des persécutions auxquelles les Religieux devront être exposés après la mort de Çâkyamuni, « pendant cette redoutable époque de la fin des temps, » comme s’exprime le texte ; cela veut dire que cette prédiction a été écrite postérieurement à l’époque des persécutions. Le Lalita vistara a également un passage long et curieux sur l’incrédulité des Religieux futurs[29].

f. 40 a.St. 24. Les dix forces.] On trouvera à l’Appendice, sous le no XI, une note sur les dix forces d’un Buddha, que son étendue ne m’a pas permis de placer ici.

f. 40 b.Ravis, l’âme transportée.] Les termes que je traduis ainsi sont udagrâ âttamanaskâḥ ; le premier n’a pas tout à fait ce sens dans le sanscrit classique ; le second, ne s’y trouve pas du tout, du moins à ma connaissance. On voit cependant que l’adjectif udagra, par son double sens de « se projetant en avant » et de « vif, intense, » nous conduit assez facilement au sens du latin exsultatio, sens que je représente par ravi. Le second terme, qui est composé de âtta, « pris, emporté, enlevé, » et de manaska, adjectif dérivé de manas, aurait peut-être dans le sanscrit classique le sens de a celui à qui le cœur est enlevé, » comme âttagarva, « celui dont l’orgueil est humilié ; » mais rien n’empêche que, selon la vue de l’esprit, âtta désigne soit ce qui nous est enlevé par un autre qui nous en prive, soit ce qu’on enlève soi-même, ce qu’on transporte avec soi : le mot français transporté que j’ai choisi à dessein, donne une idée approximative de cette figure. Le terme que je viens d’expliquer se trouve également en pâli, avec cette légère différence, que l’â initial est abrégé devant la double consonne tta, de cette manière attamana. Cette remarque sert à corriger un passage de l’histoire du roi Dhamma sôdhaka, extraite par Spiegel du Râsavâhinî pâli, et publiée par lui dans ses Anecdota pâlica. L’éditeur a écrit atattamanô râdjâ, et a traduit, « le roi persévérant[30] ; » c’est anattamano, « non satisfait, mécontent, » qu’il faut lire ; l’erreur vient sans doute de la facilité avec laquelle le t et le n se confondent dans l’écriture singhalaise.

f. 41 b.Des Maîtres.] Lisez, « des disciples, » et voyez la note sur le chapitre 1, f. 2 a, p. 296 : de même un peu plus bas, lisez encore, « tant les disciples que ceux qui ne le sont pas. »

f. 42 a.Cassé.] J’ai un peu forcé le sens de l’original en traduisant de cette manière mahallaka, qui dans le sanscrit des livres buddhiques du Nord signifie « grand et vieux. » Schiefner a trouvé ce mot dans le Dictionnaire sanscrit-tibétain buddhique qu’il cite souvent, avec le sens spécial de « Religieux âgé[31]. » Je dis spécial, parce que le mot signifie d’abord « grand et vieux, » et qu’il n’est employé pour désigner un Religieux que quand ce dernier réunit à la condition de son état celle de l’âge. Cela se prouve avec évidence par la manière dont les édits de Piyadasi à Dhaulî et à Kapur-di-giri reproduisent un passage, d’ailleurs obscur, du texte de Girnar. Ainsi là où l’édit de Girnar lit thairêsu, « parmi les vieillards, » ou, comme on dirait à Ceylan, « parmi les Thêras, » les deux autres versions lisent mahâlakênti ou mahalaka, mot qui doit être altéré dans sa désinence grammaticale, mais qui montre que mahalaka, en pâli, mahallaka, est synonyme de thêra pour sthavira, c’est-à-dire signifie « vieillard[32]. » Wilson, dans son Mémoire sur le texte de Kapur-di-giri, a traduit cet adjectif avec doute par « puissant[33] ; » et Lassen, s’occupant du XIVe édit de Girnar, où ce mot se reproduit sous la forme de mahâlaké, a bien vu qu’il devait signifier grand, sans cependant pouvoir déterminer de quelle grandeur il s’agit positivement[34]. Les Buddhistes du Sud viennent ici heureusement à notre secours ; ils emploient en effet mahallaka et mahalla avec les significations de grand pour les choses animées et inanimées, et de vieux, âgé. Ainsi on voit mahallaka appliqué à un vihâra ou monastère[35], comme il l’est, et plus souvent encore à un homme vieux, ou d’un grand âge[36]. Il est probable que ce mot est un développement populaire d’un primitif mahat. Voici en quel sens l’explique la glose pâli-barmane qui accompagne l’exemplaire du Pâtimôkkha appartenant à la Bibliothèque nationale. L’auteur commentant l’épithète de mahallakam, employée pour caractériser un Vihâra, s’exprime ainsi : Mahantam̃ mahantâbhâvam̃ lâti gaṇhâttti mahâlassa bhâvô mahallam̃ mahantabhâvô êtassa atthîti mahallakô, c’est-à-dire : « [Mahallam signifie] mahantam, grand, il obtient, il acquiert l’état de celui qui est grand, se dit l’état de ce qui est grand ou mahalla, la grandeur ; celui auquel appartient l’état de ce qui est grand, se dit mahallaka[37]. » Il ne faut pas non plus oublier l’Abhidhâna ppadipikâ, dont l’autorité, indépendamment des exemples cités tout à l’heure, suffirait pour établir la double signification de mahalla et mahallaka, « large, grand, » et « vieux, âgé[38]. » En ce qui touche l’étymologie même du mot, on y arriverait peut-être plus vite par la voie indienne, en prenant mahalla pour le prâkritisme de mahalya, substantif de mahala ya, lequel mahala viendrait de mah avec le suffixe uṇâdi, ala. J’ai dit tout à l’heure que le texte de l’édit de Girnar prouvait que le mot mahalaka pour mahallaka avait certainement la signification de Religieux âgé. J’en citerai un autre exemple emprunté au même ordre de monuments, à l’Appendice, no X.

f. 42 b.Cette maison tout entière.] Le texte nous offre ici une trace très-reconnaissable de l’influence des dialectes populaires sur le sanscrit du Saddharma puṇḍarîka, c’est le mot sarvâvantam pour dire « tout entier. » En effet, une fois admise l’existence de l’adjectif sarvâvat, formé de sarva, qui avec l’addition du suffixe vat, offre déjà le caractère de la postériorité, il faudrait au moins au neutre, sarvâvat. Le nominatif neutre sarvâvantam est un exemple du passage d’un adjectif en vat dans la première déclinaison, passage qui a lieu par l’adoption du thème plus développé vanta, et qui est tout à fait conforme à l’analogie du pâli.

f. 44 a.Libre de préoccupation et d’inquiétude.] Les mots du texte sont nirupâdânô vigatanivaraṇaḥ. L’interprète tibétain traduit nirupâdânâ par mya-ngan-med-tching, exactement comme s’il avait sous les yeux açôka, « exempt de chagrin ; » il en résulte que upâdâna passe pour un synonyme de çôka. La même version rend vigata nivaraṇa par sgrib-pa-dang-bral, « exempt d’obscurité, de ce qui offusque. » Cette interprétation représente très-exactement le sanscrit nivaraṇa, surtout quand ce mot est employé au sens moral ou philosophique ; elle a cependant besoin d’être précisée ici.

f. 44 b.Des chars attelés de bœufs.] Pour rendre le texte avec toute la précision désirable, il faudrait dire : « qu’il leur donne seulement des chars attelés de bœufs : » gôrathakân êvânuprayatchtchhêt ; l’emploi du mot évâ a pour objet de dire que, sans s’occuper de distribuer à ses enfants les divers chars qu’il vient de leur promettre pour les engager à sortir de la maison en feu, il ne leur donne qu’une seule espèce de chars, lesquels sont les plus beaux et les plus précieux de tous. Il reste cependant encore une petite difficulté, car la suite de la parabole[39] et la manière dont Çâkya l’interprète, semblent indiquer que le père ne devrait donner qu’un seul char. Ce char, en effet, répondrait au véhicule des Buddhas, au Buddhayâna, le premier, et selon la pensée de Çâkya, le seul réellement existant des trois véhicules dont le Buddha enseigne l’emploi. Mais on peut dire que la similitude n’en est pas moins régulière au point de vue de la délivrance, car les enfants montent chacun dans un char traîné par des bœufs, comme les auditeurs intelligents montent chacun dans le véhicule du Buddha, qui est le Mahâyâna.

Garnis de coussins faits de coton et recouverts de toile et de soie.] La comparaison des nouveaux manuscrits de M. Hodgson me donne le moyen de traduire ces épithètes avec plus de précision que je n’avais pu le faire sur un seul manuscrit : la chose n’a pas en soi une grande importance ; mais nous rencontrons dans ces études tant de causes d’erreur difficiles à éviter, qu’il faut saisir toutes les occasions de porter la précision là où il est possible de le faire. On doit voir dans cette partie de la description des chars deux épithètes, et lire : « garnis de coussins de coton, de couvertures de laine et de matelas ; recouverts de tentures et d’étoffes de soie : » ces deux épithètes se rapportent également aux chars qu’il s’agit de décrire. La première est tûlikâgôṇikâstaraṇân, qui est composée de trois substantifs : 1o  tûlikâ, qui désigne un matelas ou coussin de coton ; 2o  gôṇika, qui n’est pas classique, mais qui se trouve en pâli sous la forme de gônaka, et désigne une courtepointe de laine, comme on le voit par le Vocabulaire pâli[40] ; 3° enfin âstaraṇa, » que d’autres manuscrits lisent sam̃staraṇya, qui signifie lit ou matelas. Cette épithète, que les manuscrits terminent à tort par la désinence âm̃ pour ân, est suivie de duchya paṭṭa vastrâstîrṇân, que l’on ne peut guère traduire autrement que comme je propose maintenant de le faire. Le seul terme intéressant de ces énumérations est gôṇika, qui rappelle le terme pâli gôṇa, « bœuf, » mot que l’on rencontre dans la langue du Lotus, notamment un peu plus bas, à l’endroit où le texte parle de bœufs attelés à des chars : gôṇâir yôdjitân ; ce mot est également usité, chez les Singhalais, qui l’ont emprunté au pâli[41].

À quoi bon donnerais-je d’autres chars à ces enfants ?] La phrase du texte est ainsi conçue : Alam mê êchâm̃ kumârakânâm anyâir yânâir dattâir iti, littéralement : « Assez d’autres chars ont été donnés à ces enfants qui sont à moi. » Il est possible que l’interprète tibétain ait eu sous les yeux un autre texte, car sa version signifie, si je ne me trompe : « Si je ne donnais pas de chars à ces enfants, qu’aurais-je à faire ? »

f. 45 b.En possession de ta science, de la force, etc.] Maintenant que nous sommes fixés sur la valeur de ces termes abstraits, il est possible de traduire avec plus d’exactitude : « En possession des conditions d’un Buddha, qui sont la science, les forces, les intrépidités, les qualités d’indépendance du Tathâgata. »

f. 46 a.Conditions du monde.] Le terme dont se sert le texte est l’adjectif drĭchṭadhârmika, « relatif à la condition visible, » c’est-à-dire au monde actuel. L’Abhidharma koça vyâkhyâ explique ainsi drĭchṭadharma : drĭchṭô dharmaḥ drĭchṭadjanmêtyarthah, » la condition vue, « c’est-à-dire la naissance vue, (actuelle). » C’est également ce sens que l’on retrouve dans la traduction que I. J. Schmidt a faite du Vadjra tchtchhédika tibétain ; le drîchṭa êva dharmê du texte y est traduit par bis zur gegenwärtigen Geburt[42]. L’interprète tibétain du Saddharma rend de même le mot qui nous occupe par « dans le temps actuel. » On voit que drĭchṭa conserve chez les Buddhistes la signification spéciale qu’il a chez les Brâhmanes, quand il est opposé à adrĭchṭa, « l’invisible, le monde futur. » Cela paraît clairement par l’emploi que font les Buddhistes du Sud de cette expression ; chez eux diṭṭhé tchêva dhammé signifie « dans ce monde, » et est opposé à samparâya, « le monde futur[43] ; » et l’Abhidhâna ppadipikâ définit le diṭṭhadhammika par « le fruit des actions en ce monde[44], » ce qui revient à peu près au même, puisque l’existence de l’homme en ce monde est le fruit de ses actions antérieures.

Ils éprouvent des maux, tels que la condition de Dêva, etc.] Le texte est ici un peu confus, et je crains de n’en avoir pas saisi le sens véritable ; je propose maintenant de traduire ainsi : « ils éprouvent des maux tels que la présence des choses qu’ils ne désirent pas et l’absence de celles qu’ils désirent, ce qui est la misère de la condition des Dêvas et des hommes. » Cette idée est, comme on sait, vulgaire dans l’Inde ; j’ignore cependant si on en fait ordinairement l’application aux Dêvas.

f. 46 b.Les cinq qualités du désir}.] Ce sont les cinq kâmaguṇa, ou qualités sensibles qui excitent les désirs des hommes, savoir, la forme, le son, l’odeur, le goût et l’attribut tangible. Ces qualités sont catégoriquement énumérées plus bas, f. 47 a, p. 51.

f. 47 b.Éléments constitutifs de l’état de Bôdhi.] Littéralement, « les parties ou membres de la « Bôdhi, bôdhyag̃ga. » On appelle ainsi sept préceptes qui doivent être observés, ou mieux encore, sept qualités qui doivent être acquises par celui qui veut parvenir à la Bôdhi ou à l’état de Buddha. Ces qualités sont énumérées dans le Lalita vistara[45], et dans la section xxx du Vocabulaire pentaglotte ; je les exposerai sous le no XII de l’Appendice, en les comparant avec l’énumération qu’en donnent les Buddhistes du Sud.

Les quatre vérités des Âryas.] Lisez, « les quatre vérités sublimes. »

De même que quelques-uns des enfants de cet homme.] Il n’est pas inutile de remarquer que l’on retrouve dans les notes de M. Rémusat sur le Foe koue ki une allusion à ce passage, et même une traduction à peu près littérale de la phrase qui est l’objet de la présente note. Après avoir rapporté et expliqué, d’après les autorités chinoises, la métaphore des trois chars et celle des trois animaux qui passent un fleuve à la nage, M. Rémusat ajoute : « C’est ce qui est désigné dans les livres classiques par ce passage : Ces disciples, en cherchant le char aux moutons, sortent de l’habitation du feu[46]. » Je ne doute pas que cette dernière phrase, que Rémusat a guillemetée comme une citation, n’appartienne à la parabole de la maison en feu, qui occupe la plus grande partie de notre troisième chapitre. Et c’est pour nous une occasion nouvelle de remarquer le soin consciencieux qu’avait apporté ce savant à reproduire sous leur véritable forme les indications de tout genre qu’il trouvait dans les auteurs chinois, en les marquant des signes qui devaient aider plus tard à les rapporter à leur source originale.

f. 48 a.Un seul beau char.] Ceci est en contradiction formelle avec ce qui a été dit plus haut, [f. 48 a.] que le père donne plusieurs chars. Voyez ci-dessus, f. 44 b et la note, p. 369.

f. 49 b.St. 39. Des loups féroces.] Le texte sanscrit a bhêruṇḍa, qui est ici, comme plus bas st. 54, traduit dans la version tibétaine par ltche-spyang, suivant Csoma, « chacal ou loup qui vit dans les cimetières. » Comme le nom du chacal reparaît plusieurs fois rendu par un autre terme tibétain, j’ai préféré celui de loup pour représenter bhêruṇda, qui du reste n’a pas ce sens dans Wilson. Peut-être veut-on par là désigner l’hyène.

f. 50 a.St. 47. Plutôt qu’à des hommes.] Je traduis d’après le manuscrit de la Société asiatique qui lit amanuchyamâtrâḥ; mais les deux manuscrits de M. Hodgson ont manuchyamâtrâḥ ; il faudrait traduire, d’après ces manuscrits, « quelques-uns ayant la taille d’un homme, d’autres celle d’un chien. »

St. 48. Et des Piçâtchas, affamés et cherchant de la nourriture.] Lisez, « des Piçâtchas et « des vautours cherchant de la nourriture. »

f. 52 a.St. 77. Parés de fleurs.] Au lieu de supuchpâ, d’après lequel j’ai traduit, les deux manuscrits de M. Hodgson lisent supuchṭâ, « bien nourris, » ce qui est une leçon préférable.

f. 52 b.St. 84. Les six connaissances surnaturelles.] On a vu plus haut, chap. I, f. 1, que les Buddhistes comptent cinq connais­sances surnaturelles, âbhidjnâ, sur lesquelles j’ai promis les éclaircissements nécessaires : on les trouvera ci-dessous à la section de l’Appendice no XIV, qui répond au chap. v, f. 75 a du texte. J’indiquerai en cet endroit l’existence d’une autre énumération ; celle des six connaissances surnaturelles, chaḍabhidjñâ, qui ne diffère de la liste des cinq connaissances que par l’addition d’un terme. Quant à la triple science dont il est parlé dans le texte de notre Lotus, il y a deux manières de l’envisager. Premièrement, on peut y voir la connaissance des trois parties de la durée, le présent, le passé, l’avenir, connaissance qui vaut à un Buddha l’épithète de trikâlavit, « celui qui connaît les trois temps[47]. » Secondement, on y peut retrouver la connaissance de ces trois vérités fondamentales dans le Buddhisme et que j’ai extraites d’un passage de l’Avadâna çataka : « Cela est passager, cela est misère, cela est vide[48]. » Sangermano, et d’après lui, Fr. Buchanan, nomment bhâvanâ, la méditation de ces trois vérités, que les Barmans expriment par les termes pâlis légèrement altérés : aneizzâ = anitchicha (pour anitya), doccha = dukkha (pour duḥkha), et anatta = anattâ (pour anâtmâ)[49]. Le commentaire qu’y ajoutent les auteurs que je viens de citer est vague et confus ; heureusement que nous pouvons le remplacer par l’explication très-nette que donne Clough, dans son Dictionnaire singhalais, du mot trividyâ. « La triple science, ou plus exactement, la science surnaturelle des trois faits importants, qui sont l’impermanence de la matière, l’existence de la douleur en toutes choses, et l’annihilation de l’esprit ou du principe vital, ou encore de la faculté de sentir qui est dans tous les êtres. Cette science forme une des doctrines essentielles et dirigeantes du Buddhisme, et Buddha (lisez Çâkyamuni) la possédait au plus haut degré possible : elle constituait un des attributs essentiels et divins de son caractère ; et l’acquisition de cette science est un des principaux objets de l’étude intellectuelle et de la méditation abstraite des prêtres (lisez des Religieux) et de tous les ascètes[50]. »

f. 53 a. St. 89. À la pure essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « au trône de la Bôdhi. »

St. 90. Ô bienheureux.] J’ai eu tort de rendre ainsi le mot tichya ; je devais le conserver sans le traduire, car c’est le nom propre du père de Çâriputtra, nom qui est employé ici pour désigner Çâriputtra lui-même. Ce Religieux avait deux noms : l’un qu’il tenait de sa mère Çârikâ, c’est celui sous lequel il est le plus généralement connu ; l’autre qu’il tenait de son père Tichya, et qui est Upatichya ; ce dernier est plus rarement usité[51]. Je ne doute pas que le Tichya du texte de notre Lotus ne soit irrégulièrement employé pour Upatichya. Il faut donc traduire ainsi le commencement de la stance 90 : « Sache-le donc maintenant, ô Tichya. »

f. 53 b St. 94. La vérité des Âryas.] Lisez, « la vérité sublime. »

St. 97. Et par quoi les êtres sont-ils complètement affranchis ?] La comparaison des manuscrits me permet de traduire le commencement de cette stance d’une manière, plus exacte : « Et de quoi les êtres sont-ils complètement affranchis, ô Sârisuta ? Ils sont affranchis de la prise de tout ce qui les entoure ; et cependant, etc. » Au reste ce passage est obscur, et c’est en combinant les leçons des deux manuscrits de M. Hodgson avec celui de la Société, et surtout en ne tenant pas compte des fautes de copiste, qu’on arrive au sens que je propose. Le manuscrit de la Société asiatique lit, समन्तग्राहाभविमुक्तभोन्ति, et ceux de M. Hodgson, अशुक्तग्राह्मातुविमुक्तभोन्ति. Puisque le mot vimukta a été employé dans la question qui ouvre la stance, je suppose qu’il doit être également répété dans la réponse, et je lis conséquemment, vimukta bhônti, « ils sont délivrés. » Il reste alors un mot terminé par âtu, altération de la désinence âtô, qui se présente très-fréquemment, dans ce style barbare, à la place de l’ablatif ât. Le bh du manuscrit de la Société asiatique substitué au tu des manuscrits de M. Hodgson, s’explique par la ressemblance qu’offrent les lettres bha et ta dans l’ancien caractère Rañdjâ, caractère qui, suivant M. Hodgson, a servi à transcrire les textes religieux des Buddhistes du Nord, avant qu’on employât le caractère plus cursif du Népal[52]. Je lis donc dans ce manuscrit, samantagrâhâtu, pour samantagrâhât, que je traduis littéralement, « de la prise environnante, » c’est-à-dire de tout ce que l’homme prend ou reçoit du monde qui l’entoure, ou si on l’aime mieux, « absolument de toute prise. » Cette leçon me paraît préférable à celle des manuscrits de M. Hodgson, açahtagrâhyâtu, qui ne donnerait un sens que séparée et corrigée ainsi, asaktâ grâhâtu, « détachés, ils sont affranchis de la prise. »

f. 55 b. St. 131. Ceux qui sont arrivés à.] Lisez, « ceux qui sont partis pour. »

f. 56 b. St. 133. Ceux qui sont parvenus à.] Lisez, « ceux qui sont partis pour. »

  1. Recherches sur la religion de Fo, dans Journ. asiat. t. VII, p. 166.
  2. Recherches sur la religion de Fo, dans Journ. as. t. VII, p. 172.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, de la p. 235 à la p. 275.
  4. Ambattha sutta, dans Dîgh. nik. f. 27 b et 28 a.
  5. Sônadanda sutta, dans Dîgh. nik. f. 32 a ; Lôhitchtcha sutta, ibid. f. 59 a ; Mahâparinibbâna sutta, ibid. f. 85 a.
  6. Anecdota pâlica, p. 73, note.
  7. Thûpa vam̃sa, f. 22 a.
  8. Foe koue ki, p. 116.
  9. Djina alam̃kâra, f. 29 a.
  10. Clough, Singhal. Diction. t. II, p. 475.
  11. Voy. ci-dessous, Appendice, no XVIII.)
  12. Wilson, Ariana antiqua, p. 414.
  13. id. ibid. p. 416 et pl. xv, no 32 ; J. Prinsep, Coins and relics from Bactria, dans Journ. As. soc. of Beng. t. VII, pl. xxxii ; Lassen, Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. V, p. 450.
  14. Pâtimôkkha, f. 35 b, et p. 337 de ma copie.
  15. J. Low, On Buddha and the Phrabât, dans Transact. roy. asiat. soc. of London, t. III, p. 107 ; sur le Phrabât ou pied sacré, voy. Appendice, no VIII.
  16. Turnour, Mahâwanso, t. I, introd. p. XXXVI.
  17. Mahâwanso, t. I, ch. ix, p. 56, l. 6.
  18. Djina alam̃kâra, f. 29 a.
  19. Thûpa vam̃sa, f. 8 a, init.
  20. Ibid. f. 15 a, init. Conf. Turnour, Mahâwanso, t. I, ch. V, p. 21, t. 13.
  21. Anecdota pâlica, p. 86.
  22. De Guignes, Mém. de l’Acad. des inscript., t. XL, p. 201.
  23. A. Rémusat, Observ. sur trois Mém. de de Guignes, dans Nouv. Journ. asiat. t. VII, p. 276.
  24. A. Rémusat, Observ. sur trois Mém. de de Guignes, dans Nouv. Journ. asiat. t. VII, p. 277.
  25. Neumann, dans Zeitschrift für die Kunde des Morgenl. t. III, p. 112, et Pilgerfahrten Buddh. Priest. p. 9, 15 et 19.
  26. Mém. de l’Acad. des sc. de S.-Pétersb. t. II, p. 81.
  27. Sangermano, Descript. of the Burm. Emp. p. 80, éd. W. Tandy ; Fr. Buchanan, On the relig. and liter. of the Burmas, dans Asiat. Researches, t. VI, p. 265 et 266, London, in-8o.
  28. Schiefner, Eine tibet. Lebensbeschreib. Çâkyamuni’s, p. 88.
  29. Lalita vistara, f. 51 b du man. A ; Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 92.
  30. Anecdota pâlica, p. 17 et 44.
  31. Eine tibet. Lebensbeschr. Çâkyamuni’s, p. 97.
  32. On the rock inscript. etc. dans Journ. roy. asiat. Soc. t. XII, p. 184, l. 3.
  33. Wilson, ibid. p. 187.
  34. Indische Alterthumskunde, t. II, p. 220, n. 3.
  35. Khudda sikkhâ, man. pâli-barman, f. 16 a de mon man. et p. 124 de ma copie.
  36. Mahâvam̃sa ṭikâ, f. 51 a et 65 a ; R. Rost, dans Weber, Ind. Studien, t. I, p. 319.
  37. Pâtimôkkha, man. pâli-barman de la Bibl. nat. f. 10 a, et p. 71 de ma copie.
  38. Abhidh. ppadîp. l. II, ch. iii, sect. 1, st. 27 ; et l. III, ch. iii, st. 295.
  39. Voyez ci-dessous, f. 48 a et la note.
  40. Abhidhâna ppadîp., l. II, ch. iii, sect. 3, st. 29 ; Clough, p. 40.
  41. Clough, Singhal. Diction., t. II, p. 183.
  42. Vadjra tchtchhêdika, f. 41 b, comp. à Mém. de l’Acad. des sciences de S. Péters­bourg, t. IV, p. 200.
  43. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. as. Soc of Bengal, t. VII, p. 697, correspondant au texte de l’Aggañña sutta, dans Dîgha nikâya, f. 156 b, l. 7.
  44. Abhid. ppadîp. l. I, chap. 1, sect. 4, st. 3.
  45. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 43 et 44 ; Lalita vistara, f. 22 b de mon man. A et f. 19 b du man. de la Société asiatique ; Vocab. pentagl. sect. xxx.
  46. Foe koue ki, p. 10.
  47. Abhidhânatchintâmaṇi, st. 232, p. 38, éd. Bœhtlingk et Rieu.
  48. Introd. à l’hist. du Buddhisme indien, t. I, p. 202 et 203.
  49. Sangermano, Descript. of the Burmese empire, p. 83, éd. W. Tandy ; Fr. Buchanan, On the rel. and liter. of the Burmas, dans Asiat Res. t. VI, p. 272, London, in-8o.
  50. Clough, Singhalese Dictionary, t. II, p. 251, au mot Trividyâva.
  51. Csoma, Analysis of the Dulva, dans Asiat. Res. t. XX, p. 49 ; Voyez encore Introd. à l’hist. du Buddhisme indien, t. I, p. 48, note 5.
  52. Remarks on an inscript, in the Randjâ and tibetan (U’chhén) characters, etc. dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. IV, p. 197.