Calmann-Lévy (p. 15-17).

IV


Paris, le 16 septembre 1838.


_______Ma chère maman,

Vous serez peut-être étonnée de recevoir ainsi lettre sur lettre de moi, mais je ne vous écris qu’un mot à la hâte pour vous informer d’utiles innovations qui ont été introduites dans le séminaire. Les mathématiques et l’histoire naturelle vont y être décidément enseignées, et vous sentez que, je ne me ferai pas beaucoup prier pour les étudier. On va aussi enseigner l’allemand, l’anglais et l’italien et on a dit à ceux qui désiraient apprendre ces langues d’écrire aussitôt à leurs parents. Je vous prie donc, ma chère maman, de me faire connaître laquelle de ces trois langues vous préférez que j’apprenne, pour moi peu m’importe absolument. On enseignera aussi le dessin et la musique instrumentale, telle que le piano, etc.[1] Dites-moi si vous jugez à propos que je suive ces cours, ainsi que celui d’histoire naturelle, que je pourrais bien peut-être garder pour l’année prochaine. Enfin, ma chère maman, j’attends votre décision ; et je suivrai tout à fait vos conseils. Je n’ai encore aucun détail sur tout cela, on vient de nous en avertir, et à l’instant je vous écris. Tout cela me fait bien plaisir, surtout les mathématiques. Je ne sais encore quelles parties on étudiera.

Oh ! ma chère maman, si je ne vous écris pas longuement, ce n’est que le temps qui me manque, mon cœur a toujours de quoi vous dire. Je vous apprendrai aussi, ma bonne mère, que j’ai maintenant plus de courage, quand je pense que je vous verrai bientôt. Oh ! que mon espérance ne soit pas déçue, je vous en prie. Je me réjouis de pouvoir bientôt embrasser une mère qui fait l’objet de toutes les pensées de son Ernest.


P.-S. — Alain et Henriette sont avec vous et pourront vous donner leur avis.

Que Liart ne m’oublie pas et qu’il prie quelquefois pour moi. Quand vous verrez Guyomard, assurez-le que je pense bien souvent à lui.

Adieu, ma bonne mère, adieu.


Je compose demain en vers, et je me propose de laver mon honneur ; je ferai toujours mon possible ; malheureusement quelquefois Pégase est rétif.

Oh ! que je vous aime, ma chère maman.


Adieu. ERNEST______



  1. Le petit séminaire Saint-Nicolas ne recevait pas seulement des futurs prêtres, mais aussi des jeunes gens de bonne famille.