Chez Jean-François Bastien (Tome cinquième. Tome sixièmep. 387-389).



LETTRE XXX.


À......


Vendredi.


Peut-être, mon cher ami, c’est pour vous le temps de chanter, et je m’en réjouis ; — mais ce n’est pour moi celui de danser.

Vous reconnoîtrez à la manière dont cette lettre est écrite, que si je figure dans ce genre ; — ce doit être à la danse d’Holbein.

Depuis ma dernière lettre, un autre vaisseau s’est brisé dans ma poitrine, et j’ai perdu assez de sang pour abattre l’homme le plus robuste : il est donc plus facile d’imaginer que de décrire ce que cette révolution a produit sur mon individu décharné et flanqué de toute sorte d’infirmités. — En effet, ce n’est qu’avec peine et seulement dans quelques intervalles de repos, qu’il m’est possible de traîner ma plume. Sans le grand empressement de mes esprits, qui m’aident pour quelques minutes de leur précieux mécanisme, il n’eût pas été en pouvoir de vous remercier du tout : — je ne puis cependant le faire comme je le devrois, pour vos quatre lettres restées si long-temps sans réponse, et notamment pour la dernière.

J’ai réellement cru, mon bon ami, que je n’aurois plus le plaisir de vous voir. Le hideux squelette de la mort sembloit avoir pris son poste au pied de mon lit, et je n’avois pas le courage de m’en moquer comme je l’ai fait jusqu’ici : — je baissois donc patiemment la tête, sans la moindre espérance de la relever jamais de dessus mon oreiller.

Mais, de manière ou d’autre, la mort a, je crois, pour le moment, changée de visée, — et j’espère que nous pourrons encore nous embrasser une fois. La seule chose que je puisse ajouter, c’est que tant que je vivrai, je serai toujours

Votre très-affectionné, etc.