Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/VII. À Octavius Rufus

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 19-21).
VII.
Pline à Octavius Rufus.

Savez-vous que vous me placez bien haut, et que vous me donnez autant de pouvoir qu’Homère en accorde au grand Jupiter[1] ?

Le dieu
N’accueille, en l’exauçant, qu’une part de son vœu.

Car je puis, comme Jupiter, répondre à vos vœux, en accueillant l’un, et en rejetant l’autre. S’il m’est permis, pour vous complaire, de refuser mon ministère à la province de Bétique contre un homme qu’elle accuse, la loyauté, la constance de principes, que vous estimez en moi, ne m’interdisent pas moins de prendre la défense de cet homme contre une province que je me suis attachée au prix de tant de services, de travaux, et même de dangers. Je prendrai donc un terme moyen, et, de deux choses que vous me demandez, je vous accorderai celle qui, en satisfaisant vos désirs, ne nuira pas à l’estime que vous avez pour moi. Car je dois moins considérer ce que veut aujourd’hui un homme de votre caractère, que ce qu’il approuvera toujours. J’espère me rendre à Rome vers les ides d’octobre. J’y réitérerai à Gallus en personne la promesse que je vous fais, et je lui engagerai ma parole et la vôtre. Vous pouvez d’avance lui répondre de moi.

Il dit, et d’un regard confirme sa promesse[2].

Pourquoi ne vous citerais-je pas toujours les vers d’Homère, puisque vous ne voulez pas que je puisse citer les vôtres ? Je les attends avec une telle impatience, que la certitude de les obtenir serait peut-être le seul attrait qui pût me corrompre, et me faire plaider même contre la province de Bétique. J’allais oublier quelque chose, qui mérite pourtant bien qu’on en parle : j’ai reçu vos dattes ; elles sont excellentes, et vont disputer le prix à vos figues et à vos morilles. Adieu.


  1. Autant de pouvoir qu’Homère en accorde, etc. (Iliade, xvi, 250). De Sacy s’est imaginé que c’était Rufus qui avait cité à Pline le vers d’Homère : c’est un contresens, dont la fin de la lettre aurait dû l’avertir : car pour accorder cette phrase, cur enim non usquequaque, etc., avec la première de la lettre, il a été obligé de traduire usquequaque par aussi.
  2. Il dit, etc. Homer., Iliad. i, 528.