Lettres de Pline le Jeune/Tome premier/Panckoucke 1826/VI. À Cornelius Tacite

Traduction par Louis de Sacy revue et corrigée par Jules Pierrot.
éditeur Panckoucke (p. 17-19).
VI.
Pline à Cornelius Tacite.

Vous allez rire, et je vous le permets : riez tant qu’il vous plaira. Ce Pline que vous connaissez, a pris trois sangliers, mais des plus grands. Quoi ! lui-même, dites-vous ? Lui-même. N’allez pourtant pas croire qu’il en ait coûté beaucoup à ma paresse. J’étais assis près des toiles ; ni épieu ni dard sous ma main ; rien qu’un poinçon et des tablettes. Je rêvais, j’écrivais, et je me préparais la consolation de remporter mes pages[1] pleines, si je m’en retournais les mains vides. Ne méprisez pas cette manière d’étudier. Vous ne sauriez croire combien le mouvement du corps donne de vivacité à l’esprit ; sans compter que l’ombre des forêts, la solitude, et ce profond silence qu’exige la chasse, sont très-propres à faire naître d’heureuses pensées. Ainsi, croyez-moi, quand vous irez chasser, portez votre pannetière et votre bouteille ; mais n’oubliez pas vos tablettes. Vous éprouverez que Minerve ne se plaît pas moins que Diane sur les montagnes. Adieu.


  1. Mes pages pleines. Il y a dans le latin ceras, que De Sacy avait traduit par feuilles.