Lettres de Marie-Antoinette/Tome II/Lettre CCXL
CCXL.
Voici mes lettres, Monsieur le comte ; je désirerais bien que vous recommandiez celle pour ma sœur, pour que de Vienne on l’envoie par la poste tout de suite à Clagenfurth[1]. Soyez tranquille, je n’ai écrit dans mes lettres que ce que tout le monde peut lire. On m’inquiète, depuis deux jours, sur l’abbé[2]. On dit que le lieu où il est n’est pas sûr ; voyez si vous croyez cela. Il serait peut-être bien fait qu’il s’éloignât davantage. Je recommande à l’Empereur M. de Lambesc, au... qu'il[illisible] aille à Vienne. Je mets un grand prix qu’il le reçoive comme il doit l’être chez nous tous :et plus sa mère[3] a été mal pour moi de puis longtemps, plus j’ai toujours eu à me louer personnellement des deux frères[4]. Ma santé va assez bien. La matinée de jeudi m’a pourtant fait bien du mal. Les nouvelles arrivées de Normandie[5] et de Boulogne prouvent à elles seules combien un Te Deum était déplacé dans ce moment[6].
Il n’y a point d’ambassadeurs mardi ; ainsi vous ne viendrez que pour la Saint-Louis. Si vous pouviez venir la veille, dans la soirée jusqu’à neuf heures, je serai chez moi, et j’ai toujours un nouveau plaisir à vous voir, Monsieur le comte, et à vous assurer de toute ma confiance et parfaite amitié.
Mandez-moi, je vous prie, l’adresse de ma sœur de Bruxelles, au cas qu’elle soit encore à Spa.
(Archives impériales d’Autriche. Éd. Feuillet de Conches, l. c, I, 251.)
- ↑ C’est à Klagenfurth que mourut, le 19 novembre 1789, l’archiduchesse Marie-Anne, l’aînée des enfants de Marie-Thérèse.
- ↑ L’abbé de Vermond, compromis à cause de l’influence qu’on lui attribuait sur la Reine, avait cru devoir quitter la France après la prise de la Bastille. Il mourut à Vienne pendant l’émigration.
- ↑ La comtesse de Brionne, née Rohan-Rochefort.
- ↑ Le frère du prince de Lambesc était le prince de Vaudémont.
- ↑ En Normandie, la populace arrêtait les convois de blé, maltraitait les charretiers et pillait les grains. La troupe était impuissante à empêcher ces désordres. C’est dans une de ces émeutes à Caen, le 12 août 1789, que le malheureux Henry de Belsunce fut massacré, son corps déchiré, son cœur arraché et mangé.
- ↑ On chanta le 13 août un Te Deum à l’occasion de l’abolition des droits féodaux, votée d’enthousiasme par l’Assemblée dans la fameuse nuit du 4 août.