Lettres de Fadette/Troisième série/42

Imprimé au « Devoir » (Troisième sériep. 113-115).

XLII

Noël


Demain ce sera Noël… un autre de ces Noëls qui passent et s’en vont, si semblables par ce qu’ils remuent en nous de meilleur, si différents par les changements que la vie nous apporte entre chacun d’eux.

Quand, d’un clocher à l’autre, les carillons de minuit se répondent en chantant Noël, ils éveillent en notre âme toutes les choses douces et tristes qui sommeillaient, et si, dans le silence de la veillée de Noël, on est recueilli et attentif, elles font notre âme plus vivante : renouvelée, libérée des entraves quotidiennes, c’est dans une grande lumière qu’elle regarde passer sa vie. Est-ce d’en voir ainsi se dérouler la suite, qu’elle arrive à comprendre que tout est bien, et que nos pires épreuves furent des bénédictions si elles nous rendirent meilleurs ?

Oui, depuis le berceau où nous apprenions à vivre dans la chaude tendresse maternelle, jusqu’à la fin, dont le mystère insondable ne nous effraie plus, tout est bien et Dieu a raison.

Il a toujours raison, c’est entendu, mais c’est de le sentir en son cœur qui met l’âme dans la paix, la paix divine promise par les anges de Bethléem aux hommes de bonne volonté !

Et ne voilà-t-il pas une bonne préparation pour entrer dans l’inconnu de l’année nouvelle ? Le bonheur que nous nous souhaitons les uns aux autres, que nous attendons avec un espoir inlassable pour ceux que nous aimons et pour nous-même, nous paraît tout de même bien incertain. Sous nos vœux souriants, il y a l’angoisse vague des maux possibles, probables même si l’on en croit l’expérience passée. Il ne serait pas bon de céder à cette tentation d’inquiétude… elle est inutile et nuisible. En jetant un coup d’œil sur le chemin parcouru, nous y rencontrons rarement les épreuves redoutées et les joies rêvées… ce sont d’autres bonheurs, d’autres chagrins, toujours de l’imprévu joyeux ou triste qui a surgi dans les vies même les plus calmes. Alors à quoi bon se tourmenter ?

Au lieu de regarder bien loin dans l’avenir, regardons en nous-mêmes : voyons les forces vives qui sauront accueillir bravement ce qui nous est réservé. Il ne nous sera rien imposé que nous ne puissions supporter puisque nous avons confiance en Dieu. Et avoir confiance en Dieu c’est également avoir confiance en soi, dans les autres, dans la vie, et aller de l’avant, courageux et actifs, prêtant de notre énergie à ceux qui en manquent donnant, avec notre sourire, notre foi tranquille à ceux qui refusent de croire la vie bonne. S’ils pouvaient comprendre qu’il faut l’aimer pour qu’elle nous traite doucement !