Lettres de Fadette/Deuxième série/39

Imprimerie Populaire, Limitée (Deuxième sériep. 100-102).

XXXIX

La guerre


La terrible nouvelle nous attriste tous. La guerre est déclarée, et là-bas, « chez nous », en France, on a commencé à se battre. Je ne saurais vous parler d’autre chose, nous sommes et nous serons obsédés par cette idée qui nous poursuivra partout.

Comme, aux heures tristes, nous nous sentons bien français, et dans notre amour pour la France et dans notre haine pour la déloyale Allemagne qui a voulu que son attaque soit un geste de traître !

Ici nous nous inquiéterons et nous prierons, c’est hélas ! tout ce que nous pouvons faire pendant que des milliers de Français partiront avec l’armée pour organiser les secours et se dévouer pour leur patrie.

Il y aura là des femmes et des jeunes filles, non pas en régiments d’amazones, mais en légion d’anges de dévouement.

On ne peut s’empêcher de comparer l’élan magnifique des dames françaises de la Croix-Rouge aux extravagances des suffragettes anglaises, et on se demande si celles qui revendiquent le seul droit de soigner les blessés et d’ensevelir les morts, appartiennent à la même espèce humaine que celles qui ne songent qu’à détruire et à tuer pour établir leurs prétendus droits. Ces dames de la Croix-Rouge qui, si nombreuses, s’offrent à servir la France, appartiennent réellement à l’armée : elles sont entraînées par une discipline sévère, une science réelle d’infirmière, une habitude de « servir », dans le sens noble du mot, qui vont les rendre des collaboratrices puissantes dans l’œuvre de sauvetage nécessité par les horreurs de la guerre.

La dame de la Croix-Rouge est « embrigadée et en service commandé ». En même temps que les soldats, elle reçoit un ordre lui assignant tel ou tel service dans un endroit plus ou moins éloigné, et elle a vingt-quatre heures pour s’y rendre.

Je ne puis proposer à l’admiration féminine rien de plus beau ni de plus touchant que cette levée en masse de femmes françaises prises dans les rangs des classes nobles ou bourgeoises, mais nécessairement instruites ; elles réalisent dans sa perfection le rôle patriotique de la femme : un rôle de bonté et d’abnégation où elles prodiguent leur courage, leur force, leur habileté, leur âme tout entière.

Leurs pères, leurs maris, leurs fils, leurs frères se battront avec toute la bravoure traditionnelle, et elles suivront, fortes et sublimes, traquant la mort, recueillant la vie et la conservant partout où elle gît encore après le courage. Saluons-les, nos chères sœurs françaises, elles nous donnent une leçon admirable : sachons la comprendre en apprenant à n’être jamais des écrasées mais des généreuses et des vaillantes.