Lettres à la princesse/Lettre214

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 291-292).


CCXIV

Ce 20 juillet 1867.
Princesse,

Un vrai découragement que j’ai tout au fond de moi m’empêche d’écrire, à moins que je n’y sois provoqué. Qu’écrire, en effet, quand je sais le fond et que (malgré les bonnes paroles d’indulgents médecins) mon état ne reviendra jamais tel que la vie sociale me soit encore permise ?

J’ai dit à l’aimable docteur Phillips votre bonne grâce, dont, certes, il usera prochainement.

J’ai eu des nouvelles de Saint-Gratien de divers côtés, et par Sacy, heureux, jeune, rayonnant, plein d’une belle flamme : j’ai le feu, la flamme m’est refusée.

Ces bonnes et excellentes personnes, Mme C… et sa fille, sont à Enghien, logées à l’établissement même des bains.

Il y aurait bien à dire sur cette solution normale ; M. Duruy dira ce qu’il voudra : tout ceci a été mal mené et mal conclu. Qu’il répare de son mieux à l’avenir !

L’avenir préoccupe un peu : après les fêtes et le décor, on se retrouve en présence de la réalité. Que médite-t-on ? Quelles chances nous réserve l’année qui vient ? La tête de bronze — celle que vous auriez quelquefois voulu casser pour savoir ce qu’elle renferme — nous garde-t-elle quelque surprise ? L’idée seule que cela est possible est un inconvénient et tient les choses en échec. Personne n’ose s’abandonner.

Ces questions, que je me pose comme chacun, me seraient toutefois légères si je pouvais, comme autrefois, courir, errer, me retrouver, ne fût-ce que quelques heures, sous les ombrages embellis par votre présence.

Présent ou absent, je suis à vous, Princesse, d’un tendre et inviolable attachement.