Lettres à Lucilius/Lettre 117

Lettres à Lucilius
Traduction par Joseph Baillard.
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Lettre CXVII.

Quelle différence les stoïciens mettaient entre la sagesse et être sage. Du suicide.

Tu m’attireras beaucoup d’affaires et me jetteras, à ton insu, dans un grand et fâcheux procès, en me posant de ces questions délicates sur lesquelles je ne saurais me séparer de mes maîtres sans manquer à ce que je leur dois, ni juger comme eux sans blesser ma conscience. « Tu demandes s’il est vrai, comme les stoïciens le prétendent, que la sagesse soit un bien, mais que ce ne soit pas un bien d’être sage. Exposons d’abord leur opinion, puis je hasarderai la mienne. Nos stoïciens veulent que ce qui est bien soit corps[1], parce que le bien agit, et que tout ce qui agit est corps. Le bien est utile ; il faut pour cela qu’il fasse quelque chose et ainsi qu’il soit corps. La sagesse est un bien, disent-ils ; de là ils sont amenés à la dire aussi corporelle. Être sage n’emporte pas, selon eux, la même condition. C’est chose incorporelle et accidentelle à la première, c’est-à-dire à la sagesse : c’est pourquoi elle ne fait rien et n’est point utile. « Quoi ! s’écrie-t-on, les stoïciens ne disent-ils pas que c’est un bien d’être sage ? » Ils le disent, mais en le rapportant à son principe, qui est proprement la sagesse.

Écoute ce qu’on leur répond, avant que je fasse scission et que je me range d’un autre parti. « À ce compte-là, vivre heureux ne serait pas un bien. » Bon gré mal gré il faut qu’ils disent : « La vie heureuse est un bien ; vivre heureux n’en est pas un. » Ici encore on leur fait cette autre objection. « Vous voulez être sages ; il est donc désirable de l’être ; si c’est chose désirable, c’est un bien. » Voilà nos gens réduits à torturer les termes, à allonger ce mot expetere d’une syllabe dont notre langue ne souffre pas l’adjonction, et que j’ajouterai pourtant, si tu le permets. L’expetendum, selon eux, c’est ce qui est bien ; l’expetibile, ce qui survient en outre du bien obtenu. On ne le cherche pas comme bien, mais il s’ajoute au bien qu’on recherche. — Pour moi, je ne pense pas ainsi, et je crois que nos stoïciens ne vont aussi loin que parce que leur première proposition les lie, et qu’ils ne peuvent plus changer la formule.

Nous avons coutume d’accorder beaucoup au préjugé universel ; et ce nous est une preuve de vérité qu’un sentiment soit partagé par tous. L’existence des dieux, par exemple, se déduit, entre autres raisons, de l’opinion qui sur ce point est innée dans tous les esprits, de ce que, nulle part, nulle race d’hommes n’est rejetée en dehors de toute loi et de toute morale jusqu’à ne pas croire à des dieux quelconques. Quand nous dissertons sur l’immortalité des âmes, ce n’est pas une légère autorité à nos yeux que l’accord unanime des hommes à craindre ou à révérer des lieux infernaux52. J’invoque de même ici une croyance universelle : tu ne trouveras personne qui ne pense et que la sagesse est un bien, et que c’est un bien d’être sage.

Je n’imiterai pas les gladiateurs vaincus, qui d’ordinaire font appel au peuple : je commencerai la lutte avec nos propres armes. Ce qui survient à quelqu’un se trouve-t-il hors de lui ou en lui ? S’il se trouve en lui, c’est un corps aussi bien que lui ; car rien ne peut survenir sans contact : or, ce qui touche est corps. S’il est hors de lui, il s’est éloigné après être survenu ; ce qui s’éloigne a du mouvement : or, ce qui a du mouvement est corps. Tu comptes que je vais dire que même chose est la course et courir, même chose la chaleur et avoir chaud, même chose la lumière et luire. J’accorde que ce sont choses distinctes, mais non de condition diverse. Si la santé est chose indifférente, se bien porter ne le sera pas moins ; s’il en est de même de la beauté, ce sera aussi chose indifférente que d’être beau. Si la justice est un bien, c’est encore un bien d’être juste. Si une turpitude est un mal, c’en sera un de la commettre, aussi sûrement que, si la chassie est un mal, c’est un mal d’être chassieux. Et, pour que tu le saches, l’un ne peut être sans l’autre. Qui est sage a la sagesse ; qui a la sagesse est sage. Il est si impossible de douter que l’un ne soit tel que l’autre, que tous deux semblent à quelques-uns être une seule et même chose.

Mais je demanderais volontiers, puisque toutes choses sont ou bonnes, ou mauvaises, ou indifférentes, dans quelle classe on place être sage ? Ce n’est pas un bien, dit-on ; ni un mal sans doute : c’est donc chose intermédiaire ou indifférente. Or, nous appelons ainsi ce qui peut échoir au méchant comme au bon : la fortune, par exemple, la beauté, la noblesse. Être sage ne peut échoir qu’au bon : donc ce n’est pas chose indifférente. Mais on ne peut même appeler mal ce qui ne peut échoir au méchant : donc c’est un bien. Ce qu’on n’a pas sans être bon est un bien ; être sage n’appartient qu’au bon, donc c’est un bien. « C’est, dis-tu, chose accidentelle à la sagesse. » Cet état que tu nommes être sage fait-il ou comporte-t-il la sagesse ? Dans l’un ou l’autre cas, c’est toujours un corps ; car ce qui est fait et ce qui fait est corps : s’il est corps, c’est un bien ; car il ne lui manquait pour cela que de ne pas être incorporel.

Les péripatéticiens veulent qu’il n’y ait nulle différence entre la sagesse et être sage, attendu que l’un, n’importe lequel, est compris dans l’autre. Penses-tu, en effet, que jamais homme puisse être sage, sinon celui qui possède la sagesse, et que celui qui est sage puisse ne pas la posséder ? Les anciens dialecticiens font une distinction qui a passé jusque chez les stoïciens, et laquelle ? La voici : Autre chose est un champ, autre chose est d’avoir un champ ; en effet, avoir un champ se dit du possesseur, non du champ même. Voilà comme la sagesse est autre chose qu’être sage. Tu accorderas, je crois, que l’objet possédé et le possesseur font deux : la sagesse est possédée, celui-là la possède qui est sage. La sagesse est l’âme perfectionnée ou portée au plus haut point de grandeur et de bonté : c’est en effet tout l’art de la vie. Être sage, qu’est cela ? Je ne puis dire : l’âme perfectionnée, mais bien l’heureux état de qui la possède. Ainsi, l’un est l’âme vertueuse, l’autre la possession de cette âme vertueuse. Il y a, disent les stoïciens, diverses natures de corps : par exemple, celles de l’homme, du cheval ; elles sont suivies de mouvements des âmes démonstratifs de ceux des corps. Les premiers ont quelque chose de particulier, distinct des corps : ainsi, je vois Caton se promener ; les sens me le montrent et ma pensée le croit. C’est un corps que je vois, qui occupe mes yeux et ma pensée. Puis je dis : « Caton se promène ; » ce n’est pas d’un corps que je parle, mais j’énonce quelque chose touchant un corps, ce que les uns appellent un prononcé, les autres un énoncé, d’autres un dire. De même, quand nous nommons la sagesse, nous concevons je ne sais quoi de corporel ; quand nous disons : « Il est sage, » nous parlons d’un corps ; or, il est très-différent de nommer une chose où de parler de cette chose.

Croyons un moment que ce soient deux choses ; car je n’exprime pas encore mon opinion personnelle : qui empêche alors que la seconde ne soit autre que la première et néanmoins soit bonne aussi ? Tu disais tout à l’heure : autre chose est un champ, autre chose avoir un champ. Pourquoi non ? Puisque autre est la nature du possédant, autre celle de l’objet possédé ; ici est la terre, là est l’homme. Mais dans la question présente les deux termes sont de même nature, et celui qui possède la sagesse, et cette sagesse qui est possédée. De plus, dans l’exemple ci-dessus, ce qui est possédé est autre que celui qui possède : ici le même sujet embrasse et la chose et le possesseur. On possède un champ par droit ; la sagesse par caractère ; celui-là peut s’aliéner et se transmettre, celle-ci ne quitte point son maître. Il n’y a donc pas lieu de comparer des choses dissemblables. J’avais commencé à dire que ce pouvaient être deux choses, et néanmoins bonnes toutes deux : tout comme sagesse et sage font deux choses, bonnes l’une et l’autre, tu me l’accordes. De même que rien n’empêche que la sagesse soit un bien, ainsi que l’homme qui la possède ; de même rien n’empêche que la sagesse soit un bien, ainsi que la posséder, c’est-à-dire être sage. Si je veux posséder la sagesse, c’est de manière à être sage. Comment ? N’est-ce pas un bien que cette chose sans laquelle l’autre n’est pas ? C’est vous, n’est-ce pas, qui dites que la sagesse, si on la donnait pour n’en pas user, ne devrait pas être acceptée ? Qu’est-ce qu’user de la sagesse ? C’est être sage ; c’est ce qu’elle a de plus précieux : ôtez-lui cela, elle devient superflue. Si les tortures sont des maux, être torturé est un mal : cela est si vrai, que le premier point sera faux si la conséquence est niable. La sagesse est l’état d’une âme parfaite ; être sage, c’est user de cette âme parfaite. Comment ne serait-ce pas un bien que l’usage d’une chose qui, sans usage, n’est plus un bien ? Je te le demande, la sagesse est-elle désirable ? Tu l’avoues. Je te demande ensuite si l’usage de la sagesse est désirable ? Tu l’avoues encore ; car tu la refuserais, dis-tu, si l’on te défendait d’en user. Ce qui est désirable est un bien. Être sage, c’est user de la sagesse, comme parler est user de la parole, comme voir est user de la vue. Puis donc qu’être sage, c’est user de la sagesse ; que l’usage de la sagesse est désirable ; être sage l’est conséquemment aussi ; et s’il l’est, c’est un bien. — Il y a longtemps que je me reproche d’imiter les sophistes que j’accuse, et de dépenser des phrases sur une chose toute claire. Car à qui peut-il venir en doute que, si trop de chaleur est un mal, avoir trop chaud n’en soit un aussi ; que si le grand froid est un mal, ce n’en soit un de le ressentir : que si la vie est un bien, ce ne soit un bien de vivre ?

Toutes ces questions tournent autour de la sagesse, mais n’y entrent point, or c’est en elle qu’il faut nous arrêter. Pour qui veut faire quelques excursions, elle a de vastes et immenses problèmes à sonder. Recherchons-y la nature des dieux, les éléments des globes célestes, le cours si varié des étoiles, si nos corps se meuvent aux mouvements de celles-ci, si tous les corps et toutes les âmes reçoivent de là leurs impulsions ; si ce qu’on appelle hasard n’a point sa règle fixe qui l’enchaîne ; s’il est vrai que rien n’arrive imprévu ou ne roule en dehors de l’ordre universel : spéculations qui déjà s’éloignent de la morale et de son but, mais qui délassent l’esprit et l’élèvent au niveau de leurs sublimes objets. Quant aux arguties dont je t’entretenais tout à l’heure, elles le rétrécissent et le dépriment : loin de l’aiguiser, comme vous le croyez, elles l’émoussent. Dites, au nom du ciel ! ces veilles que réclament si impérieusement des soins plus nobles et plus fructueux, pourquoi les consumer en abstractions peut-être fausses, à coup sûr inutiles ? Que m’importera de savoir en quoi la sagesse diffère d’être sage, et si l’un est un bien, l’autre non ? À tout risque voici mon vœu ; j’en courrai la chance : que ton lot soit la sagesse, et être sage le mien ! nous serons de pair. Ah ! plutôt montre-moi la voie qui mène à cette sagesse : dis-moi ce qui est à fuir, à rechercher ; quelles études raffermiront mon âme chancelante ; comment je repousserai loin de moi ces fougueuses passions qui m’emportent hors du devoir. Que je sache faire tête au malheur, parer ses atteintes sans nombre, soit qu’elles me viennent surprendre, ou que je me sois jeté au-devant ; supporter les tribulations sans gémir, la prospérité sans faire gémir autrui ; ne pas attendre le dernier, l’inévitable terme de la vie, mais de moi-même et quand bon me semblera, partir en toute hâte. Rien ne me paraît plus pitoyable que d’invoquer la mort. Car si tu veux vivre, pourquoi souhaites-tu de mourir ? Si tu ne le veux plus, pourquoi demander aux dieux une faculté que dès ta naissance tu tiens d’eux ? Mourir un jour, quand tu ne le voudrais pas, voilà ton obligation : mourir dès que tu le voudras, voilà ton droit. Tu ne peux te soustraire à l’une ; tu peux saisir l’autre. Quel ignoble vœu j’ai lu ces jours-ci au début de l’œuvre d’un homme assurément fort disert : « Si je pouvais mourir au plus vite ! » Insensé ! tu désires ce qui t’appartient. Que tu meures au plus vite ! Est-ce que par hasard ces paroles auraient eu l’effet de te vieillir ? Sinon, que tardes-tu ? Nul ne te retient : fuis par où tu l’aimeras le mieux. Choisis dans la nature lequel des éléments tu chargeras de t’ouvrir une issue. Les trois grands principes où ce monde trouve ses moyens d’action, l’eau, la terre, l’air, sont à la fois sources de vie et agents de mort. Que tu meures au plus vite ! Mais cet au plus vite, comment l’entends-tu ? À quand l’ajournes-tu ? Il peut venir plus tôt que tu ne veux. Ton mot est d’un cœur pusillanime ; c’est le cri d’un désespoir qui vise à être plaint. Qui invoque la mort ne veut pas mourir. Demande aux dieux la vie, la santé ; si tu préfères la mort, elle a cet avantage qu’elle met fin à tous les souhaits53.

Voilà, cher Lucilius, les sujets à méditer ; voilà ce qui doit nourrir notre âme. Voilà la sagesse, voilà être sage au lieu de s’épuiser en subtilités creuses sur de vaines et puériles discussions. Le sort t’a mis en face de tant de problèmes ! Tu n’as pu encore les résoudre, et tu chicanes avec des mots ! Ô folie ! Quand le signal de combattre est donné, tu t’escrimes contre les vents ! Écarte ces fleurets, il te faut des armes de guerre54. Dis comment j’empêcherai que ni tristesse ni peur ne troublent mon âme, comment je la purgerai des secrètes convoitises qui lui pèsent. Trouve moyen d’agir. « La sagesse est un bien, être sage n’en est pas un ! » À la bonne heure : acceptons pour nous la négative ; que toute étude pour être sage devienne un objet de risée, et passe pour labeur prodigué en pure perte.

Que dirais-tu si tu savais qu’on se demande également si la sagesse à venir est un bien ? Car peut-on douter, je te prie, que les greniers ne sentent pas le poids de la prochaine moisson, que l’enfance n’éprouve en rien la vigueur ou les développements d’une adolescence qui n’est pas encore ? De quel secours est au malade une santé qui viendra plus tard ? En quoi l’homme qui court et qui lutte est-il refait par plusieurs mois de repos qui suivront ? Qui ne sait que ce qui doit arriver n’est pas un bien, par cela seul qu’il n’est pas arrivé ? Le bien est toujours utile ; les choses actuelles seules peuvent l’être ; si une chose ne profite point, elle n’est pas encore un bien ; si elle profite, elle l’est déjà. Un jour je serai sage ; ce sera un bien quand je le serai, mais ce bien n’est pas encore. Avant tout il faut qu’une chose soit, pour qu’on voie ensuite ce qu’elle est. Comment, je te prie, ce qui n’est rien jusqu’ici serait-il déjà un bien ? Et comment te prouverai-je mieux qu’une chose n’est pas qu’en te disant qu’elle sera plus tard ? Elle n’est pas venue, évidemment, puisqu’elle est en train de venir. Quand le printemps doit suivre, je sais que nous sommes en hiver ; l’été est proche, nous ne sommes donc pas en été. Le meilleur argument qu’on ait qu’une chose n’est pas dans le présent, c’est qu’elle est à venir. Je serai sage, je l’espère ; mais en attendant je ne le suis pas. Si je possédais un tel bien, je n’éprouverais pas le mal d’en être privé. Viendra le jour où je serai sage : de là on peut concevoir que jusqu’ici je ne le suis pas. Je ne puis tout ensemble jouir de l’être et souffrir de ne l’être pas. Ces deux contraires ne s’allient point, et le même homme n’est pas à la fois heureux et malheureux.

Laissons bien vite ces trop subtiles fadaises, et volons sans retard aux doctrines qui peuvent nous porter secours. Le père qui, pour sa fille en travail, hâte les pas de la sage-femme avec un inquiet empressement, ne s’amuse pas à lire le programme et l’ordre des jeux publics ; le propriétaire qui court à l’incendie de sa maison ne jette pas les yeux sur une table d’échecs pour voir comment se dégagera la pièce bloquée. Mais toi, ô dieux ! toi à qui de toutes parts arrivent de fâcheuses nouvelles : ta maison en flammes, tes enfants en péril, ta patrie assiégée, tes biens au pillage, que sais-je ? naufrages et tremblements de terre, et tout ce qu’il est possible de craindre ; lorsque tant d’objets se disputent tes soins, tu es tout à de pures récréations d’esprit ? Tu vas scrutant quelle différence il y a entre la sagesse et être sage ? Tu noues et dénoues des syllogismes, lorsque tant d’orages planent sur ta tête ? La nature ne nous a point prodigué le temps d’une main si libérale qu’il nous en reste quelque chose à perdre ; et vois combien il en échappe même aux plus ménagers. Nos maladies nous en volent une part, celles de nos proches une autre ; nos affaires indispensables ont la leur, les intérêts publics la leur ; le sommeil nous prend moitié de notre vie55. Jours bornés et rapides, et qui nous emportez, que nous revient-il de dissiper presque toutes vos heures si vainement ?

Disons encore que l’esprit s’accoutume plutôt à ce qui amuse qu’à ce qui guérit, et qu’on fait un divertissement de la philosophie, le plus sérieux des remèdes. Entre la sagesse et être sage quelle est la différence, je l’ignore : mais je sais qu’il m’importe aussi peu de le savoir que de ne le savoir pas. Dis-moi : quand je l’aurai appris, en serai-je plus sage ? Pourquoi donc aimes-tu mieux m’enchaîner aux mots que m’exercer aux actes ? Inspire-moi plus de courage, plus de sécurité ; fais-moi l’égal de la Fortune, fais-moi plus grand qu’elle. Et je puis l’être, si c’est dans cet unique but que j’apprends.


LETTRE CXVII.

52. Voir Cicéron, de Nat. Deor., I, xvii ; II, xxxvii.

53. Voir de la Colère, III, xv. De la Providence, chap. dernier. Timidi est optare necem. (Ovide, Métamorph., IV, ii.)

J’appelle en vain la mort, et mon erreur est grande
Si je me puis donner ce que je lui demande.
Toutes sortes d’objets favorisent mes vœux :
Le fer et le poison, et les eaux et les feux.
Oui, vous êtes partout, gouffres et précipices,
Recours du désespoir, volontaires supplices,
Et vous perdez pour moi le titre d’inhumains ;
Mon destin, mon remède est en mes propres mains.
La mort est ici-bas la puissance absolue…
Qui ne la peut trouver ne la cherche pas bien.

(Gombault, les Danaïdes, trag., sc. dern.)

54. « Que ferez-vous ici, faibles discoureurs ? Détruirez-vous ces remparts en jetant des fleurs ? Dissiperez-vous ces conseils cachés en chatouillant les oreilles ? Croyez-vous que ces superbes hauteurs tombent au bruit de vos périodes mesurées ? Et pour captiver les esprits, est-ce assez de les charmer un moment par la surprise d’un plaisir qui passe ? Non, non, ne nous trompons pas : pour renverser tant de remparts et vaincre tant de résistance, et nos mouvements affectés, et nos paroles arrangées, et nos figures artificielles sont des machines trop faibles. Il faut prendre des armes plus puissantes, plus efficaces. » (Bossuet, Orais. fun. du R. P. Bourgoing.)

55. Voir Brièveté de la vie, x. Massillon, Serm. sur l’emploi du temps.

On n’a pas le loisir de goûter la lumière.
Misérables mortels, combien possédez-vous
Un présent si cher et si doux ?
Retranchez-en le temps dont Morphée est le maître.
Retranchez cas jours superflus
Où notre âme, ignorant son être,
Ne se sent pas encore ou bien ne se sent plus :
Otez le temps des soins, celui des maladies,
Intermède fatal qui partage nos vies.

(La Fontaine, le Quinquina.)

  1. Voy. Lettres CVI et CXIII