Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/61

(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 157-160).


LXI

LA FAUSSETÉ DE MARPESSE


Écoutez, vous toutes qui avez connu le chagrin d’amour !

Hier soir, couronnée de violettes, égayée par le nectar de la Champagne, je possédais la souple Marpesse dans une grotte jonchée de coussins moelleux et de boutons de rose.

Marpesse, à l’instant même où, mouillée, je sentais son pucelage humide, feignait de se rebeller, haletante, pour m’exciter davantage et obtenir encore une double jouissance unanime avant le relâchement de l’étreinte.

Ce matin, au réveil, je suis seule dans la grotte saccagée.

Quelque chose me chatouille le trésor : je retire l’objet ; c’est un billet plié en croissant de lune. Je lis, à la clarté ironique du soleil hostile :

— « Adieu, Cydno divine ! J’ai voulu savoir ce que c’était qu’une femme, mais j’aime un mâle.

« Adieu, papesse du Sapphisme !

« Achille, le contrebandier aux yeux prometteurs, m’attend avec sa tartane derrière le rocher de Phaon. Nous partons pour Samos. Adieu, sans revoir ! »

Je viens de baiser mes bras : ils sentent encore la verveine de Marpesse. Ma lèvre saigne encore d’une morsure qu’elle m’a jetée, comme une aumône, dans la dernière étreinte.

Marpesse demeure en moi, vivante… Et pourtant, Marpesse est perdue pour Cydno.

Mon yacht est sous pression : si je poursuivais la tartane ?

Hélas ! En fait d’hommes, je n’ai qu’un lâche eunuque à mon service, et ces contrebandiers sont des tigres. Achille me tuerait !

Bah ! Je tiens ma vengeance : j’immortalise en cette épigramme la fausseté de Marpesse fugitive et, de la sorte, si j’expire, un soir du prochain octobre, en regrettant cette Marpesse de malheur, elle restera pour les Amies, à travers les âges futurs, le symbole de la cruelle perfidie.