Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/05

(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 29-33).


V

L’INTERVENTION DE NAUSIKAA


L’aube approche. La Pension Cydno semble dormir. Mes élèves se sont couchées deux à deux, trois à trois, après l’orgie en commun.

Moi, je veille encore, seule dans mon grand lit. J’attends Bérénice, qui m’a promis de me rejoindre.

Bérénice ne vient pas.

Hélène et Atalante l’avaient attirée dans leur chambre, sous prétexte d’ablutions et d’essai d’un parfum nouveau.

Les friponnes l’ont sans doute enfermée et la gardent.

Pauvre et bienheureuse Bérénice ! Aujourd’hui, ses yeux seront largement cernés, ses mains trembleront, ses jambes flageoleront ; elle aura la voix saccadée, haletante : elle oubliera ce qu’elle voudra dire.

Mais, à présent, deux langues expertes la titillent, et moi, je m’ennuie toute seule.

Comme il fait chaud !

Le croissant lunaire est chez lui, dans la chambre de Cydno : je sens, sur ma joue, sa caresse conseilleuse d’érotisme.

Tous les frémissements, tous les murmures du jardin amoureux entrent par la fenêtre ouverte.

Le rossignol délire : comme il est près de moi ! Je crois qu’il se cache ici même, dans le sycomore dont il a fallu rogner une branche qui menaçait ma vitre.

L’odeur d’un vaste parterre de roses épanouies m’affole.

Que ferait Sapphô la divine à ma place ?

Une rafale passe, courte mais terrible : elle a peut-être déraciné des chênes, au flanc de la montagne.

Je pousse un langoureux soupir. J’arrache le drap violet. Je m’étends sur le dos, complètement nue parmi l’exhalaison des beaux calices, la fièvre mélodieuse de l’oiseau et le charme tentateur de l’astre.

Puis, je m’aime, seule, en pensant aux yeux bistrés de Bérénice, jusque fort avant dans la matinée.

Un éclat de rire de chasseresse victorieuse m’interrompt.

C’est Nausikaa !

Elle était montée sur le sycomore et m’observait.

Nausikaa bondit avec une agilité de panthère.

La voici dans ma chambre. Elle se dénude en un clin d’œil. Quelle fraîcheur de naïade ! Elle sort du bain. Elle a encore des gouttes d’eau dans les cheveux.

Elle est sur moi. Elle me possède et me dompte, presque virile. Elle me démontre, à plusieurs reprises, combien le doigt de Cydno elle-même reste inférieur, en amour, à un clitoris tel que le sien.