Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/01

(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 11-17).


LES
TENDRES ÉPIGRAMMES


I

LE SERMENT ET LA RÉCOMPENSE


Tout à l’heure, un soldat turc nous a provoquées en exhibant son priape de taureau. Mais nous avons dédaigné ce Barbare aux yeux lourds. Car nous faisions des projets d’avenir en montant la colline.

Une douzaine de mes petites élèves ouvraient ou fermaient la marche, deux à deux enlacées.

Moi, frôlant, de la main droite, le trésor de la rousse Déjanire et de la gauche les seins de Bérénice, je disais d’une voix sérieuse en regardant la lune :

— « Adorons Sapphô, notre maîtresse ! Jurons de rester inaccessibles au mâle humain !

« Sapphô qui m’inspire et m’écoute, la divine Psappha couronnée de violettes, préfère que nous gardions, toutes, notre virginité.

« Que si le désir d’être perforée tourmente, d’aventure, l’une de vous, petites, j’ai, dans ma maison féminine, des instruments d’élite qui soulageront la pauvre malade : un olisbos du père Aristophane, long, gros, élastique et couleur de cinabre, habite le tiroir secret de ma table de travail.

« En outre, les servantes dorlotent, à l’écurie, plusieurs ânons blancs du Kaire aux avantages enguirlandés de roses… »

Déjanire se pâme contre ma poitrine palpitante.

Bérénice oblige le majeur de ma main gauche à descendre.

Je continue :

— « Le culte de Sapphô nous donnera le bonheur. Tant que nous verrons la lumière, tant que nous respirerons l’air salubre de notre Lesbos natale, nous goûterons des passe-temps délicats, sur de moelleux coussins, parmi des soies de France et des mousselines.

« Jurons, petites ! Après, nous jetterons au vent la peur de vieillir, les regrets, les soucis, et nous boirons le vin de Cypre, sur la terrasse, devant la mer. »

Nous sommes de retour.

Mes élèves s’agenouillent autour de moi, sur une pelouse de mon parc.

Seule, je demeure debout. Mes yeux verts ne quittent point la lune imminente. Je profère d’une voix solennelle la formule du serment :

— « Sapphô, sublime et tendre, ô dixième muse, nous jurons de t’appartenir, mystiquement, et de rester fidèles à ta religion, jusque dans la mort ! »

Un chœur charmant répète mes paroles.

Mes élèves ont bien obéi. Cydno leur doit une récompense. Je m’écrie :

— « Debout, et soyez nues ! »

Puis, je m’agenouille à mon tour, un voluptueux instant, devant chacune d’elles.