Les mystères du château Roy/02/07a

CHAPITRE
VII
LE PROCÈS

M. Philip vient de sortir de son bureau après avoir préparé toutes les preuves, qui selon lui, après avoir été présentées au juge seront suffisantes pour amener la condamnation de Walter.

— Jacques est-il entré demanda-t-il à Rita qui achevait de se vêtir afin d’être prête pour l’heure que Jacques lui avait recommandée.

— Je ne crois pas qu’il retarde puisqu’il m’a priée d’être prête pour dix heures.

— Il n’ira donc pas au procès de celui qu’il a essayé de me faire croire innocent.

— C’est justement là qu’il doit m’amener.

Cette réponse fit pivoter M. Philip sur les talons, qui prit aussitôt la direction du palais de justice où l’attendaient dans une salle, Jeanne, le docteur Pierre et Thérèse.

Dix heures viennent de sonner. Dans la grande salle qui est remplie à sa pleine capacité, Walter fait son apparition accompagné de gardiens en uniforme. Il sentit les regards méprisants de cet auditoire qui s’appesantissaient sur lui. Mais il les supporta sans broncher puisque, suivant la promesse de Jacques, il devait en sortir libre. Quelques minutes plus tard le juge entra suivi des gens de la cour, et après avoir prié Dieu d’éclairer la justice sur le verdict qui devra être rendu, on procéda aussitôt à l’entente des témoins.

Le détective Philip qui a fait l’enquête et opéré l’arrestation de Walter fut le premier témoin entendu.

Après avoir prêté le serment d’usage, il fit sa déposition, qui était si convaincante que seule, elle aurait suffi à condamner Walter. Preuves données, retour de Walter d’Allemagne quelques jours avant le crime, lettre adressée à Thérèse. La victime découverte ayant enfoncé dans la gorge le couteau de chasse de Walter, reconnu par ce dernier qui portait ses initiales sur le manche. Il est à remarquer que le couteau ne portait d’empreinte digitale. Le billet trouvé par Thérèse dans la fenêtre de sa chambre, le lendemain du crime, démontrant clairement les intentions de Walter d’arriver au but prémédité par n’importe quel moyen. La capture de Walter dans le parc du Château, l’accusé ne put fournir aucun alibi pouvant prouver où il se trouvait à l’heure que le crime fut commis.

Les autres témoins qui suivirent furent le Dr Pierre, Jeanne, l’épouse de la victime, Thérèse et les domestiques qui se trouvaient sur les lieux au moment du crime.

Les dépositions de ces derniers témoins furent identiques à celle du détective.

Ayant terminé l’audition des témoins de la couronne, le juge voulut alors faire défiler les témoins de la défense, aucun ne se présenta.

Le juge fit alors appel à l’accusé qui prit place dans la boite des témoins.

— Vous êtes donc revenu d’Allemagne deux jours avant le crime ?

— Oui votre honneur.

Le juge — Reconnaissez-vous cette lettre, comme venant de vous ?

L’accusé — Oui, votre honneur.

Le juge — Pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez au moment du crime ?

L’accusé — Tel que désigné dans la lettre, j’attendais de 9 heures à 11 heures, dans le parc, celle que j’avais priée de venir me rejoindre.

Avocat de la couronne — Qui nous prouve que vous êtes demeuré dans le parc du Château, et que au contraire vous n’ayez pas pénétré dans le lieu même du crime, pour supprimer l’obstacle qui se trouvait entre vous et votre amie ?

L’accusé — Étant donné que j’étais seul, je ne puis prouver, mais je suis innocent du crime dont je suis accusé.

Le juge — Qu’avez-vous à dire de ce billet trouvé dans la fenêtre de votre amie.

L’accusé — Je ne reconnais pas ce billet pour l’avoir écrit, car ce n’est pas mon écriture.

Le juge — Comment se fait-il que répondant aux menaces écrites dans le billet, vous vous trouviez aux abords du Château le même soir ? N’était-ce pas pour mettre à exécution votre deuxième projet ?

L’accusé — Comme j’attendais déjà depuis assez longtemps, je décidai de m’approcher du Château dans l’espérance de pouvoir communiquer avec Thérèse étant donné qu’elle n’était pas venue à mon appel, le premier soir.

Le juge — Reconnaissez-vous ce couteau comme étant votre propriété ?

L’accusé — Ce couteau est bien ma propriété.

Le juge — Je suppose que c’est une autre coïncidence, que votre couteau soit trouvé dans la gorge de la victime.

Le juge s’adressant à la cour — Y a-t-il d’autres témoins de la défense à être entendus ?

L’avocat de la défense fit entendre qu’il n’y avait pas d’autres témoins.

Le juge à l’accusé — Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense.

Walter se leva et chercha du regard dans l’assistance, mais il s’aperçut qu’il ne trouvait pas ce qu’il cherchait et sa figure devint aussi blanche que la neige, et comme un noyé désespéré qui ne voit aucune planche de salut pour s’y agripper, appela dans un cri désespéré monsieur Jacques !

Une voix se fit entendre en réponse à son appel de détresse. Me voici dit quelqu’un qui entrait accompagné de quatre agents de police en uniforme. En effet c’était Jacques qui arrivait.

Vous avez douté de moi dit-il en se dirigeant vers Walter, durant que les quatre policiers s’assuraient que Pierre et Jeanne ne portent aucune arme et continuaient de monter la garde comme ils en avaient reçu l’ordre afin qu’ils ne tentent pas de fuir. Jacques continuait de causer avec Walter.

Je vous avais pourtant demandé d’être tenace jusqu’à la fin, mais c’est excusable quand on est dans une situation aussi périlleuse que la vôtre.

— Que signifie tout cela intervint le juge.

— Que vous êtes en train de condamner un innocent, Votre Honneur répondit Jacques.

— Mais expliquez-vous.

— Certainement Votre honneur, si l’on me donne le temps voulu.

Le juge — Mais avant de commencer nous ferez-vous le plaisir de vous nommer ?

Jacques — Mais certainement, je suis un de ceux qui ont travaillé pour trouver la clef de ce mystère et je travaille sous les ordres de mon bien-aimé père M. Philip.

Le juge — Que savez-vous de toute cette affaire ?

Jacques — Je sais tout. Mais permettez-moi de vous exposer les faits par ordre tels qu’ils ont été exécutés. Et je vous prierai aussi de voir à ce que je ne sois pas interrompu dans mon récit, par ceux que j’accuserai, et lorsque j’aurai terminé il vous sera possible d’entendre les témoignages de tous ceux que je nommerai, puisque j’ai vu à ce qu’ils soient ici à la disposition de la justice.

Le juge — Nous vous écouterons.

Après avoir prêté le serment d’usage, Jacques entra dans la boîte aux témoins. Un silence général se fit tout à coup. Un silence de mort. Chacun de l’endroit où il était placé semblait retenir son haleine afin de mieux comprendre ce qu’allait dire cet homme qui ayant apparu au dernier moment semblait avoir en tête quelque chose que lui seul pouvait expliquer. Et Jacques semblant jouir de l’anxiété dans laquelle il avait plongé tous les gens de cette salle, promena sur eux un regard satisfait. Et revenant vers le juge, avant de commencer, il croisa le regard de son père dans lequel il vit un désir ardent d’entendre ce qu’il se décida enfin à dire.