Les mystères du château Roy/01/02

CHAPITRE
II
LES DEUX COUSINES

La porte s’ouvrit et Cécile entra.

Bonsoir Thérèse, ça va bien, que je suis contente de te voir arriver parmi nous pour la période de tes vacances. Oh ! mais qu’as-tu donc, ma chère ? Tu as pleuré !

Ce n’est rien, tu comprends, ça me fait tellement plaisir moi aussi d’être parmi vous tous. Tu sais au couvent c’est tellement tranquille toujours la même chose, ça devient monotone. Et l’on pense à bien des choses tu sais, surtout lorsqu’on vient, comme moi, de perdre sa chère maman. Toi au moins tu es bien heureuse, tu as encore tes parents, des amis, et tu as bien du plaisir, mais moi !

Je comprends ce que tu veux dire, je suis plus heureuse que toi. J’ai mon père, ma mère, des amis qui me visitent et que je vais visiter et avec qui j’ai beaucoup de plaisir. J’ai même un ami de garçon, un chic type, Roland il est étudiant en médecine, d’une beauté passable, d’un bon cœur, et surtout, il m’aime et je l’aime. Il occupe la première place dans mon cœur. Attends que tu fasses sa connaissance. S’il est reçu médecin dans un an et demi comme il l’espère, nous nous marierons alors. N’en dis mot à personne car il est bien entendu que c’est entre nous. Il est vrai que j’ai un an de plus que toi, mais je pense déjà au mariage. Tu devrais pas t’attrister comme cela, ma chérie, il te faut plus de courage. Toi aussi tu auras des amies et amis, je dirais même un amoureux, comme moi que tu aimeras bien et qui t’aimera lui aussi.

Tiens, la cloche pour le souper qui se fait entendre. Toutefois avant de descendre, je vais te prévenir d’une chose, j’ai pensé à toi cette semaine et c’est pourquoi j’ai dit à Roland de venir prendre le Réveillon de Noël après la messe de Minuit et d’emmener avec lui un de ses amis qui est justement un de ses confrères de classe. C’est un Allemand, M. Walter Hines, qui lui aussi étudie la médecine. Il est catholique et un très bon garçon. Nous allons te le présenter, pour t’accompagner. Ne dis pas non maintenant, car tout est arrangé. Je l’ai vu une couple de fois et je suis sûre qu’il te plaira. Maintenant descendons vite, car la cloche du souper est sonnée depuis quelques minutes et je suis sûre qu’on nous attendra.

Thérèse et Cécile firent leur apparition. On les attendait. On fit prendre place à Thérèse près de son père et le souper se passa le plus allègrement du monde.

Après le souper, Thérèse et Cécile descendirent au salon. Là, Cécile montra à Thérèse des photographies de son ami, et lui conta mille et une histoires se rapportant chacune à chaque photographie qu’elle lui montrait. Elles parlèrent du réveillon qui devait avoir lieu ce soir là après la messe de minuit, et le temps passa assez vite. Cécile consulta sa montre-bracelet.

— Il est sept heures, dit-elle, ils ne tarderont sûrement pas à arriver.

À cet instant, la sonnerie de la porte d’en avant retentit. Cécile alla recevoir les deux amis et ils furent introduits aussitôt. Cécile présenta son ami Roland à Thérèse, qui a son tour, présenta Walter à Thérèse.

C’était un jeune homme élégant, bien vêtu, d’une taille moyenne et très bien découpée dans un habit brun foncé qu’il portait à ravir. Il avait les yeux bleus, les cheveux blonds et un air dégagé, qui lui seyait bien. Au premier abord ils se plurent l’un et l’autre.

Après avoir fait accepter la causeuse à Thérèse et à Walter, la conversation s’engage sur mille et un petits soucis des études. Thérèse parla même de sa mère qu’elle venait à peine de perdre et tout en parlant ses jolis yeux s’emplirent de larmes. Walter lui répondait du mieux qu’il pouvait tout en essayant de la consoler, il dit que lui-même avait perdu sa mère étant tout jeune enfant, mais il ne faut pas se laisser abattre par toutes ces choses ajouta-t-il, car dans la vie, plus on vieillit, plus les épreuves deviennent dures. Il lui parla aussi de ses études, de ses rêves d’avenir. Il devait finir ses études en même temps que Roland, si toutefois, ils avaient la chance de passer leurs examens avec succès.

Ils se parlaient avec tant de franchise et de sincérité et les choses allaient si bien que tous deux furent surpris lorsqu’ils entendirent Madame Lavallée qui arriva et leur dit qu’il était temps de se préparer pour la messe de Minuit.

Tout le monde de la maison alla à la sainte messe qui fut entendue avec beaucoup de dévotion. On y reçut même la sainte communion. À la sainte table, Walter et Thérèse étaient côte à côte, et Walter pensait en lui-même : — Quand je me marierai, je me demande si ce sera cette gentille petite fille qui sera à mes côtés.

Après la messe, Walter et Roland vinrent réveillonner tout comme il était entendu, et tous eurent beaucoup de plaisir.

Dans l’après-midi de Noël, Roland et Walter ne manquèrent pas de se rendre à l’invitation qui leur avait été faite, et ils revinrent accompagnés cette fois de quelques amis de Cécile. On s’amusa très bien tout en respectant le deuil récent de la petite Thérèse.

Les visites de Walter à Thérèse se firent assidûment jusqu’à la rentrée de cette dernière au couvent. Même après que Thérèse fut au couvent Walter alla lui rendre visite assez fréquemment, ce qui lui avait été facilité par Cécile qui avait dit à la Supérieure du couvent que ce dernier était son frère, par conséquent, le cousin de Thérèse,

Après chaque départ de Walter après ses visites, Thérèse tombait dans de longues rêveries profondes, elle pensait à toutes sortes ⁁de projets d’avenir et elle n’était tirée bien souvent de ces rêveries que par la cloche annonçant l’étude ou bien le souper. Le devoir faisait sombrer les Châteaux en Espagne pour un moment, quitte à les rebâtir au coucher.