Les mystères du château Roy/01/01


CHAPITRE PREMIER

MORT DE Mme ROY

Par un de ces soirs de fin de Novembre, où le temps est triste et morne, un vent violent pousse une pluie fine qui vient glacer les vitres des fenêtres d’une somptueuse maison située non loin de Montréal, dont les occupants, le cœur angoissé, sont réunis dans une chambre où l’on aurait pu voir ce triste spectacle de la mort qui passe, et qui nous aurait fait river les yeux sur la figure d’une mourante qui sera plus dans un instant qu’un cadavre.

Le notaire vient de se retirer après avoir noté les dernières volontés d’une femme clouée sur son lit de douleur. Le prêtre du village venant d’accourir d’urgence pour assister la mourante dans ses derniers moments. Quelques parents étaient rassemblés pour la voir une dernière fois avant qu’elle ne parte pour le grand voyage de l’éternité. M. Roy, son époux, le cœur triste et gonflé, et sa fille Thérèse qui venait d’entrer dans la chambre et s’abattre auprès du lit en appelant sa mère avec détresse, mais en vain, elle venait de rendre le dernier soupir.

Le prêtre assistant le curé de la paroisse, venant de constater que la pauvre femme était morte, releva l’enfant, éplorée, la consola et la réconforta de tendres paroles, puis il étendit la couverture par-dessus la tête de la morte, après quoi il offrit ses sympathies à M. Roy et à tous les membres de sa famille, et après quelques paroles d’encouragements, se retira.

Trois jours plus tard eurent lieu les funérailles de Mme Roy avec toutes les pompes dues à leur aisance.

Une semaine s’est à peine écoulée après les évènements que nous venons de relater. M. Roy après avoir mis ordre à ses affaires, prend le chemin de Montréal avec sa fille unique, pour aller passer l’hiver chez sa sœur. Thérèse retourna au couvent. Tous les dimanches M. Roy allait au couvent rendre visite à sa fille, ce qui désennuyait cette dernière et lui faisait passer plus vite les jours de semaine.

Le 24 Décembre au soir, chez M. Lavallée, (où M. Roy demeurait depuis son arrivée à Montréal), l’arrivée de Thérèse pour les vacances des fêtes était attendue avec anxiété. Enfin vers neuf heures du soir on entendit une machine arrêter devant la grille. Thérèse et son père en débarquèrent. On fit monter Thérèse dans un appartement aménagé à son intention à côté de la chambre de sa petite cousine Cécile.

Arrivée dans sa chambre, quand elle fut seule, Thérèse enleva son costume de couvent et revêtit une jolie robe noire que lui avait fabriquée sa mère elle-même de ses propres mains. (Car malgré son aisance sa mère aimait à habiller sa petite fille. Elle endossa sa robe qui malgré sa coupe simple lui allait à ravir. Son décolleté laissait entrevoir sa gorge ronde et gracieuse, ses petites manches courtes laissaient voir ses beaux bras ronds et blancs.

Thérèse était moulée dans cette petite robe de crêpe qui laissait paraître ses formes déjà arrondies d’adolescente. Après avoir mis les souliers neufs que son père venait de lui acheter, elle se leva sur ses petites jambes nerveuses et s’admira dans le grand miroir après toutefois, avoir passé ses petits doigts fins dans sa chevelure châtaine aux reflets roux. Son teint déjà clair, pâlit tout à coup car elle pensa soudain à sa pauvre maman, qui pensait-elle aimerait sûrement la voir porter pour la première fois la robe qu’elle-même avait fabriquée de ses propres mains. Elle se laissa choir sur sa chaise et pleura amèrement en pensant à la chère disparue.

Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait cependant, car lorsqu’elle était au couvent combien de fois avait-elle pleuré en pensant à sa maman chérie, malgré que son père la voyait une fois chaque semaine et essayait de son mieux de la consoler. Car une maman ça tient tant au cœur.

À ce moment on frappe à la porte. Aussitôt elle se leva, essuya ses yeux avec un petit mouchoir qu’elle avait brodé au couvent et dit d’une voix qu’elle s’efforça de rendre ferme : Entrez.