Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes/4

CHAPITRE IV.

PLANTES POURVUES DE VRILLES
(Suite).


Cucurbitaceæ. — Nature homologue des vrilles. — Echinocystis lobata, mouvements remarquables des vrilles pour éviter de saisir la pousse terminale. — Vrilles non excitables par le contact avec une autre vrille ou par des gouttes d’eau. — Mouvement ondulatoire de l’extrémité de la vrille. — Hanburya, disques adhésifs. — Vitaceæ. — Gradation entre les pédoncules floraux et les vrilles de la vigne. — Les vrilles de la vigne vierge fuient la lumière, et, après le contact, développent des disques adhésifs. — SapindaceæPassifloraceæ. — Passiflora gracilis. — Rapidité du mouvement révolutif et sensibilité des vrilles. — Insensibilité au contact d’autres vrilles ou de gouttes d’eau. — Contraction spiralée des vrilles. — Résumé de la nature et de l’action des vrilles.


Cucurbitaceæ. — Dans cette famille, les vrilles ont été considérées par des autorités compétentes comme des feuilles, des stipules ou des branches modifiées, ou comme étant partiellement rameau et feuille. De Candolle croit que dans deux des tribus les vrilles diffèrent dans leur homologie[1]. D’après des faits récents, M. Berkeley pense que l’opinion de Payer est la plus probable : savoir, que la vrille est « une portion séparée de la feuille elle-même » ; mais il y aurait beaucoup à dire en faveur de l’opinion d’après laquelle elle serait un pédoncule floral modifié[2].

Echinocystis lobata. J’ai fait de nombreuses observations sur cette plante (élevée de graines que m’avait envoyées le professeur Asa Gray) ; les mouvements spontanés révolutifs des entre-nœuds et des vrilles, observés par moi pour la première fois dans cette espèce, m’ont jeté dans une grande perplexité. Mes observations peuvent actuellement être résumées. J’ai observé trente-cinq révolutions des entre-nœuds et des vrilles ; le minimum de vitesse était de 2 heures, et la moyenne, sans grands écarts, de 1 heure 40 minutes. Tantôt je liai les entre-nœuds, en sorte que les vrilles seules se mouvaient ; tantôt je coupai les vrilles pendant qu’elles étaient très-jeunes, de manière que les entre-nœuds s’enroulaient par eux-mêmes ; mais la vitesse n’en était pas modifiée. La direction en général suivait celle du soleil, mais souvent elle était en sens opposé. Parfois le mouvement s’arrêtait pendant peu de temps, ou était renversé ; effet dû évidemment à l’intervention de la lumière, comme par exemple lorsque je plaçais la plante près d’une fenêtre. Dans un cas, une vieille vrille qui avait presque cessé son mouvement révolutif se mouvait dans un sens, tandis qu’une jeune vrille au-dessus se mouvait dans un sens opposé. Les deux entre-nœuds supérieurs seuls s’enroulent, et aussitôt que l’entre-nœud inférieur vieillit, sa partie supérieure seulement continue à se mouvoir. Les ellipses ou cercles décrits par les sommets des entre-nœuds ont environ 7c,6 de diamètre, tandis que ceux décrits par les extrémités des vrilles ont de 38 à 41 centimètres de diamètre. Pendant le mouvement révolutif, les entre-nœuds se courbent successivement vers tous les points de l’horizon : dans une portion de leur course, ils s’inclinent souvent, ainsi que les vrilles, de 45° environ vers l’horizon, et dans une autre portion, ils sont verticaux. L’aspect des entre-nœuds enroulants donnait continuellement la fausse idée que leur mouvement était dû au poids de la longue vrille s’enroulant spontanément, mais en la coupant avec des ciseaux bien affilés, le sommet de la tige se dressait seulement un peu et continuait à s’enrouler. Cette fausse apparence dépend évidemment des entre-nœuds et des vrilles qui se courbent et se meuvent harmonieusement ensemble.

Une vrille enroulante, bien qu’inclinée durant la plus grande partie de sa course d’un angle de 45° environ (dans un cas, de 37° seulement) au-dessus de l’horizon, devenait rigide et se dressait du sommet à la base dans une certaine portion de son trajet, se tenant ainsi verticalement ou à peu près. Je fus témoin fréquemment de ce phénomène il se produisait à la fois quand les entre-nœuds de support étaient libres et quand ils étaient attachés ; mais il était peut-être plus marqué dans ce dernier cas ou bien lorsque toute la tige se trouvait être fortement inclinée. La vrille forme un angle très-aigu avec l’extrémité supérieure de la tige ou de la pousse, et la rigidité avait toujours lieu à mesure que la vrille approchait ou avait à passer au-dessus de la pousse dans sa course circulaire. Si elle n’avait pas possédé et exercé cette faculté curieuse, elle aurait infailliblement rencontré l’extrémité de la pousse et aurait été arrêtée. Aussitôt que la vrille, avec ses trois branches, commence à devenir rigide et à passer d’une position inclinée à une position verticale, le mouvement révolutif devient plus rapide ; et, dès que la vrille a réussi à dépasser ainsi l’extrémité de la pousse au point de difficulté, son mouvement, coïncidant avec celui dû à son poids, la fait souvent tomber dans sa position primitivement inclinée, et cela avec une telle rapidité, que l’on pouvait voir son sommet marchant comme la petite aiguille d’une montre gigantesque.

Les vrilles sont minces, ont une longueur de 18 à 23 centimètres, avec une paire de branches latérales courtes s’élevant non loin de la base. L’extrémité est courbée légèrement et d’une manière permanente, de manière à agir jusqu’à un certain point comme un crochet. Le bord concave de l’extrémité est très-sensible à un attouchement, mais il n’en est pas ainsi pour le bord convexe, comme Mohl l’avait également observé chez d’autres espèces de cette famille (p. 65). Je constatai maintes fois cette différence en frottant légèrement à quatre ou cinq reprises le bord convexe d’une vrille et une ou deux fois seulement le bord concave d’une autre vrille ; cette dernière seule se courbait en dedans. Ensuite, au bout de quelques heures, quand les vrilles qui avaient été frottées sur le bord concave se dressaient, je frottai le bord opposé et toujours sans résultat. Après avoir touché le bord concave, l’extrémité se courbe sensiblement en une ou deux minutes, et même, si l’attouchement a été un peu rude, elle se contourne en hélice ; mais, au bout de quelque temps, l’hélice se dresse et est de nouveau prête à agir. Une anse de fil mince pesant 4 milligrammes déterminait une flexion temporaire. Un frottement assez rude et répété de la partie inférieure ne provoquait aucune courbure ; cependant cette partie est sensible à une pression prolongée, car, lorsqu’elle venait en contact avec un bâton, elle s’enroulait lentement autour de lui.

Une de mes plantes portait deux pousses rapprochées et les vrilles s’entre-croisaient, mais c’est un fait singulier qu’elles ne s’accrochèrent pas une seule fois entre elles. Il semblerait qu’elles s’étaient habituées à un contact de cette espèce, car la pression ainsi produite doit avoir été beaucoup plus grande que celle déterminée par une anse de fil mou pesant seulement 4 milligr. J’ai vu cependant plusieurs vrilles de Bryonia dioïca entrelacées, mais elles se détachaient ensuite l’une de l’autre. Les vrilles de l’Echinocystis sont également habituées à des gouttes d’eau ou à la pluie, car une pluie artificielle produite en les aspergeant violemment avec une brosse humide ne produisait pas le moindre effet.

Le mouvement révolutif d’une vrille n’est pas arrêté par la courbure de l’extrémité après qu’elle a été touchée. Quand une des divisions latérales a saisi solidement un objet, la division médiane continue à s’enrouler. Lorsqu’une tige est courbée en bas et assujettie de manière à ce que la vrille pende, tout en conservant sa liberté d’action, son mouvement primitif de révolution est presque ou complètement arrêté ; mais elle commence bientôt à se courber en haut, et aussitôt qu’elle est devenue horizontale, le mouvement révolutif recommence. J’ai répété cette expérience quatre fois ; en général, la vrille devenait horizontale en une heure ou une heure et demie ; mais, dans un cas où une vrille pendait suivant un angle de 45° au-dessous de l’horizon, le redressement eut lieu en 2 heures ; une demi-heure après, elle s’éleva à 23° au-dessus de l’horizon, et puis elle recommença à s’enrouler. Ce mouvement vertical est indépendant de l’action de la lumière, car il eut lieu deux fois dans l’obscurité, et une fois la lumière n’arrivant que d’un côté seulement. Sans doute le mouvement est déterminé par la résistance à la pesanteur, comme dans le cas du redressement de la plumule des graines en germination.

Une vrille ne conserve pas longtemps sa faculté d’enroulement, et aussitôt qu’elle l’a perdue, elle se courbe en bas et se contracte en spirale. Après que le mouvement révolutif a cessé, l’extrémité est encore pendant peu de temps sensible au contact ; mais ceci ne peut être que peu ou point utile à la plante.

Quoique la vrille soit très-flexible, et que, dans les circonstances favorables, l’extrémité marche avec une vitesse de 2c,5 environ en deux minutes et quart ; cependant sa sensibilité au contact est si grande, qu’elle réussit presque toujours à saisir un bâton mince placé sur son trajet. Le cas suivant me surprit beaucoup : je plaçai un bâton mince, poli, cylindrique (et je répétai l’expérience sept fois), à une distance telle d’une vrille, que la moitié ou les trois quarts de son extrémité pouvaient seulement s’enrouler autour du bâton ; mais j’ai toujours trouvé que l’extrémité parvenait, au bout de quelques heures, à s’enrouler deux ou trois fois autour de lui. Je crus d’abord que cela était dû à l’accroissement rapide de la partie externe ; mais, à l’aide des mesures et de points colorés, je vérifiai qu’il n’y avait pas eu pendant ce temps d’accroissement sensible en longueur. Quand un bâton plat d’un côté était placé pareillement, l’extrémité de la vrille ne pouvait pas s’enrouler au delà de la surface plate, mais elle se repliait en une hélice qui, tournant vers un côté, restait à plat sur la petite surface plate du bois. Dans un cas, une portion de vrille longue de 1c,9 était ainsi entraînée vers la surface plate par l’hélice, qui se repliait en dedans. Mais la vrille ne prend ainsi qu’un point d’appui très-peu solide et, en général, elle ne tarde pas à se détacher. Une fois seulement l’hélice se déroula plus tard, et l’extrémité, se contournant alors circulairement, embrassa le bâton. La formation de l’hélice sur le bord plat du tuteur nous montre, sans doute, que l’effort continuel de l’extrémité pour s’enrouler étroitement en dedans est la force qui entraîne la vrille autour d’un corps cylindrique et poli. Dans ce dernier cas, pendant que la vrille rampait en avant, lentement et d’une manière tout à fait insensible, j’observai à plusieurs reprises, à travers une loupe, que toute la surface n’était pas étroitement en contact avec le bâton. Je ne puis donc comprendre le mouvement progressif qu’en le supposant légèrement ondulatoire ou vermiculaire, de façon que l’extrémité se dresse alternativement un peu, puis se courbe de nouveau en dedans. La pousse se traîne ainsi en avant par un mouvement insensible, lent, alternatif, qui peut être comparé à celui d’un homme vigoureux suspendu par les extrémités des doigts à une barre horizontale et qui pousse ses doigts en avant jusqu’à ce qu’il puisse saisir la barre avec la paume de la main. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’une vrille qui a saisi un bâton arrondi avec l’extrémité de sa pointe peut se mouvoir en avant jusqu’à ce qu’elle ait passé deux ou même trois fois autour du bâton et qu’elle l’ait embrassé d’une manière permanente.

Hanburya mexicana. — Les jeunes entre-nœuds et les vrilles de cette espèce anomale s’enroulent de la même manière et avec la même vitesse environ que ceux de l’Echinocystis. La tige ne se contourne pas en hélice, mais elle peut s’élever le long d’un tuteur vertical à l’aide de ses vrilles. L’extrémité concave de la vrille est très-sensible ; après s’être repliée rapidement en un anneau par suite d’un seul attouchement, elle se redressa en 50 minutes. Quand la vrille est en pleine activité, elle se tient verticalement, l’extrémité saillante de la jeune tige étant déjetée un peu de côté, de manière à être hors du chemin ; mais la vrille porte sur le bord interne, près de sa base, une branche courte et rigide qui se projette à angle droit comme un éperon, avec la moitié terminale arquée un peu vers le bas. Il s’ensuit qu’à mesure que la principale branche verticale s’enroule, l’éperon, par suite de sa position et de sa rigidité, ne peut pas passer au-dessus de l’extrémité de la tige, comme cela a lieu d’une manière curieuse pour les trois divisions de la vrille de l’Echinocystis, c’est-à-dire en devenant rigide au point convenable. L’éperon est, par conséquent, pressé latéralement contre la jeune tige dans une partie de son mouvement révolutif, et le trajet de la partie inférieure de la branche principale est très-raccourci. Un joli cas d’adaptation se manifeste ici : dans toutes les autres vrilles que j’ai observées, les diverses branches deviennent sensibles à la même période ; s’il en eût été ainsi chez le Hanburya, la division, à forme d’éperon, dirigée en dedans, par suite de sa pression pendant le mouvement révolutif contre l’extrémité saillante de la tige, l’aurait infailliblement saisie d’une manière inutile ou nuisible. Mais la branche principale de la vrille, après s’être enroulée pendant quelque temps dans une position verticale, s’infléchit spontanément en bas, et ce mouvement élève la division à forme d’éperon qui se courbe en haut, en sorte que, par ces mouvements combinés, elle dépasse l’extrémité saillante de la tige et peut alors se mouvoir librement sans toucher la tige : c’est à partir de ce moment qu’elle devient sensible.

Les pointes des deux divisions, quand elles viennent en contact avec un bâton, le saisissent à la manière d’une vrille ordinaire. Mais, au bout de quelques jours, la surface inférieure se gonfle et se développe en une couche celluleuse qui s’adapte intimement au bois et y adhère solidement. Cette couche est analogue aux disques adhésifs formés par les extrémités des vrilles de plusieurs espèces de Bignonia et d’Ampelopsis ; mais, dans le Hanburya, la couche se développe le long de la surface terminale interne, parfois sur une longueur de 4c,4, et non à l’extrémité de la pointe. La couche est blanche, tandis que la vrille est verte, et, près du sommet, elle est parfois plus épaisse que la vrille elle-même ; elle s’étend généralement un peu au delà des bords de la vrille et est bordée de cellules libres allongées qui ont des têtes globuleuses en forme de cornues. Cette couche celluleuse secrète évidemment quelque ciment résineux, car son adhérence au bois n’était pas diminuée par une immersion de 24 heures dans l’alcool ou dans l’eau ; mais elle se détachait complètement à la suite d’une immersion semblable dans l’éther ou la térébenthine. Après qu’une vrille s’est une fois repliée solidement autour d’un bâton, il est difficile d’imaginer quelle peut être l’utilité de la couche celluleuse adhésive. Grâce à la contraction spiralée qui suit bientôt, les vrilles n’étaient jamais capables de rester, excepté dans un cas, en contact avec un tuteur épais ou une surface presque plate ; si elles s’étaient attachées promptement à l’aide de la couche celluleuse, cela aurait pu évidemment être utile à la plante.

Les vrilles du Bryonia dioïca, du Cucurbita ovifera et du Cucumis sativa sont sensibles et s’enroulent. Je n’ai pas observé si les entre-nœuds s’enroulaient également. Dans l’Anguria Warscewiczii, les entre-nœuds, quoique épais et rigides, s’enroulent ; chez cette plante, la surface inférieure de la vrille, peu de temps après avoir saisi un bâton, produit une couche grossièrement celluleuse ou un coussin qui s’adapte étroitement au bois, comme celle qui est formée par la vrille du Hariburya ; mais elle n’est nullement adhésive. Dans le Zanonia indica, qui appartient à une tribu différente de cette famille, les vrilles fourchues et les entre-nœuds s’enroulent au bout de 2 heures 8 minutes et 3 heures 35 minutes, en se mouvant en sens inverse du soleil[3].

Vitaceæ. — Dans cette famille et dans les deux suivantes, savoir les Sapindacées et les Passifloracées, les vrilles sont des pédoncules floraux modifiés et de nature axile. Sous ce rapport, elles diffèrent de toutes celles précédemment décrites, à l’exception peut-être des Cucurbitacées. Cependant la nature homologique d’une vrille ne semble pas produire de différence dans son action.

Vitis vinifera. — La vrille est épaisse et très-longue ; celle d’une vigne croissant en plein air et peu vigoureuse avait 76c,2 de long. Elle se compose d’un pédoncule (A) portant deux branches qui divergent également. L’une des branches (B) a une écaille à sa base ; elle est toujours, autant que j’ai pu le voir, plus longue que l’autre et se bifurque souvent. Quand on frotte les divisions, elles se courbent et se redressent ensuite. Après qu’une vrille a saisi un objet avec son extrémité, elle se contracte en spirale ; mais ceci n’a pas lieu (Palm, p. 56) quand aucun objet n’a été saisi. Les vrilles se meuvent spontanément d’un côté à l’autre, et, par une journée très-chaude, l’une d’elles a accompli deux révolutions elliptiques avec une vitesse moyenne de 2 heures 15 minutes. Pendant ces mouvements, une ligne colorée tracée le long de la surface convexe apparaissait, après quelque temps, sur un côté, puis sur le côté concave, ensuite sur le côté opposé et, en dernier lieu, de nouveau sur le côté convexe. Les deux branches de la même vrille ont des mouvements indépendants. Après qu’une vrille s’est enroulée spontanément pendant quelque temps, elle se courbe en se dirigeant de la lumière vers l’obscurité. Je ne mentionne pas ce fait d’après ma propre expérience, mais d’après celle de Mohl et de Dutrochet. Mohl dit que, sur une vigne plantée contre un mur, les vrilles se dirigent vers lui, et, dans un vignoble généralement, plus ou moins vers le nord.


Fig. 9. — Vrille de la vigne.
A. Pédoncule de la vrille. — B. Division plus longue avec une écaille sa base. C. — Division plus courte. D. — Division de la feuille opposée.


Les jeunes entre-nœuds s’enroulent spontanément, mais le mouvement est très-peu marqué.

Une vigne faisait face à une fenêtre, et je traçai sa marche sur le verre pendant deux journées parfaitement calmes et chaudes. Durant une de ces journées, elle décrivit, au bout de dix heures, une spire, représentant deux ellipses et demie. Je plaçai également une cloche en verre sur une jeune vigne de muscat dans la serre chaude, et elle accomplit chaque jour trois ou quatre révolutions ovales très-petites, la tige se mouvant de moins d’un centimètre d’un côté à l’autre. Si elle n’avait accompli au moins trois révolutions pendant que le ciel était uniformément couvert, j’aurais attribué ce léger degré de mouvement à l’action variable de la lumière. L’extrémité de la tige est plus ou moins courbée en bas, mais elle ne renverse jamais sa courbure, comme cela a lieu généralement pour les plantes volubiles.

Divers auteurs (Palm, p. 55 ; Mohl, p. 45 ; Lindley, etc.) croient que les vrilles de la vigne sont des pédoncules floraux modifiés. Je donne ici la figure 10 représentant l’état ordinaire d’une jeune tige fleurie ; elle se compose du pédoncule commun (A), de la vrille florale (B), qui est représentée après avoir saisi une petite branche, et d’un pédoncule secondaire (C) portant les boutons de fleurs. Le tout se meut spontanément comme une véritable vrille, mais à un degré moindre ; cependant le mouvement est plus considérable quand le pédoncule secondaire (C) ne porte que peu de boutons floraux. Le pédoncule commun A et la partie correspondant à une véritable vrille n’ont pas la faculté de saisir un support. La vrille florale B est toujours plus longue que le pédoncule secondaire (C) et a une écaille à sa base ;


Fig. 10. — Tige fleurie de la vigne.
A. Pédoncule commun. — B. Vrille florale avec une écaille à sa base. — C. Pédoncule secondaire portant les boutons de fleurs. — D. Pétiole de la feuille opposée.


elle se bifurque quelquefois et correspond par conséquent, dans les moindres détails, avec la division plus longue, munie d’une écaille (B, fig. 9), qui constitue la véritable vrille. Elle est cependant inclinée en arrière du pédoncule secondaire C ou se tient à angle droit avec lui, et s’adapte pour porter la future grappe de raisin. Quand on la frotte, elle se courbe, se redresse ensuite et peut, comme on le voit dans la figure, embrasser solidement un support. J’ai vu un objet aussi mou qu’une jeune feuille de vigne saisie par l’une d’elles.

La partie inférieure et nue du pédoncule secondaire (C) est aussi légèrement sensible à un frottement, et je l’ai vue se courber autour d’un bâton et même en partie autour d’une feuille avec laquelle elle s’était trouvée en contact. On reconnaît que le pédoncule secondaire, quand il porte seulement quelques fleurs, est de la même nature que la division correspondante d’une vrille ordinaire, car, dans ce cas, il devient moins ramifié, augmente de longueur et gagne à la fois en sensibilité et en faculté de mouvement spontané. J’ai observé deux fois des pédoncules secondaires qui portaient de trente à quarante boutons de fleurs et qui, s’étant considérablement allongés, étaient complètement enroulés autour de bâtons, exactement comme de véritables vrilles. Un autre pédoncule secondaire, portant onze boutons de fleurs, se courba rapidement dans toute sa longueur quand on l’eut frotté légèrement ; mais même ce petit nombre de fleurs rendit ce pédoncule moins sensible que l’autre branche, c’est-à-dire la vrille florale, car cette dernière, après un léger frottement, se courbait plus vite et à un degré plus marqué. J’ai vu un pédoncule secondaire couvert de boutons de fleurs avec une de ses petites ramifications latérales des plus élevées qui n’en portaient par hasard que deux ; celle-ci s’était considérablement allongée et avait spontanément saisi un rameau voisin : elle formait, en réalité, une petite vrille secondaire. La longueur croissante du pédoncule secondaire (C) avec le nombre décroissant des boutons de fleurs est une excellente preuve de la loi de compensation. Conformément au même principe, la véritable vrille, considérée dans son ensemble, est toujours plus longue que le pédoncule fleuri ; ainsi, sur la même plante, le plus long pédoncule fleuri (mesuré de la base du pédoncule commun à l’extrémité de la vrille florale) avait 21c,5, tandis que la plus longue vrille avait presque le double de cette longueur, c’est-à-dire 40c,6.

Les passages de l’état ordinaire d’un pédoncule fleuri (comme on le voit dans la figure 10) à celui d’une véritable vrille (fig. 9) sont complets. Nous avons vu que le pédoncule secondaire (C), quoiqu’il porte de trente à quarante boutons de fleurs, s’allonge parfois un peu et revêt partiellement tous les caractères de la branche correspondante d’une véritable vrille. À partir de cet état, nous pouvons suivre chaque transition jusqu’à ce que nous arrivions à une véritable vrille parfaitement développée, portant sur la branche qui correspond au pédoncule secondaire un seul bouton de fleur. Par conséquent, on ne peut mettre en doute que la vrille ne soit un pédoncule floral modifié.

Une autre sorte de gradation mérite d’être mentionnée. Les vrilles florales telles que B, fig. 10, produisent parfois quelques boutons de fleurs. Par exemple, sur une vigne qui croissait contre ma maison, il y avait treize et vingt-deux boutons de fleurs placés respectivement sur deux vrilles florales qui conservaient encore leurs qualités caractéristiques de sensibilité et de mouvement spontané, mais à un degré moindre. Sur les vignes en serre chaude, il y a parfois production d’un si grand nombre de vrilles florales, qu’il en résulte une double grappe de raisin : c’est ce que les jardiniers, en langage technique, désignent sous le nom de cluster. Dans cet état, le bouquet de fleurs ressemble à peine à une vrille, et, à en juger par les faits déjà cités, serait probablement peu susceptible de saisir un support ou de se mouvoir spontanément. Ces pédoncules fleuris rappellent d’une manière frappante ceux des Cissus. Ce genre, appartenant à la même famille des Vitacées, produit des vrilles bien développées et des bouquets de fleurs ; mais il n’y a point de passage entre ces deux états. Si le genre Vitis avait été inconnu, le partisan le plus convaincu de la modification des espèces n’aurait jamais supposé que le même individu, à la même période de développement, pût présenter tous les passages imaginables entre les pédoncules floraux ordinaires destinés à supporter des fleurs et des fruits et les vrilles utilisées uniquement pour grimper. Mais la vigne nous en offre une preuve évidente, qui me paraît être un exemple de transition aussi frappant et aussi curieux qu’on puisse l’imaginer.

Cissus discolor. — Les jeunes pousses ne présentent d’autres mouvements que ceux dont on peut se rendre compte par les variations journalières dans l’action de la lumière. Cependant les vrilles s’enroulent avec beaucoup de régularité en suivant le soleil, et, dans les plantes que j’ai observées, elles décrivaient des cercles de 13 centimètres environ de diamètre. Cinq révolutions furent accomplies dans les temps suivants 4 heures 45 minutes, 4 heures 50 minutes, 4 heures 45 minutes, 4 heures 30 minutes et 5 heures. La même vrille continue à s’enrouler pendant trois ou quatre jours. Les vrilles ont de 9 centimètres à 12c,8 de longueur. Elles sont formées d’un long pétiole portant deux branches courtes qui, dans les vieilles plantes, se bifurquent de nouveau. Les deux divisions n’ont pas tout à fait la même longueur, et, comme dans la vigne, la plus longue a une écaille à sa base. La vrille est verticale ; l’extrémité de la pousse est courbée brusquement en bas, et cette position est probablement utile à la plante en permettant à la vrille de s’enrouler librement et verticalement.

Les deux branches de la vrille, quand elle est jeune, sont extrêmement sensibles. Un attouchement avec un crayon mince, assez délicat pour déplacer à peine une vrille portée à l’extrémité d’une tige longue et flexible, a suffi pour la faire courber d’une quantité appréciable en 4 ou 5 minutes ; elle se redressa en un peu plus d’une heure. Une anse de fil mou, pesant un septième de grain (9,25 milligr.), fut essayée trois fois, et chaque fois elle faisait courber la vrille en 30 ou 40 minutes. La moitié de ce poids ne produisait pas d’effet. Le long pétiole est bien moins sensible, car un léger frottement n’était suivi d’aucun effet quoiqu’un contact prolongé contre un bâton le fit courber. Les deux branches sont sensibles de tous les côtés, en sorte qu’elles convergent si on touche leurs bords internes et qu’elles divergent si on touche leurs bords externes. Une branche étant touchée en même temps avec une égale force sur les côtés opposés, les deux côtés sont également stimulés et il n’y a pas de mouvement. Avant d’examiner cette plante, j’avais observé seulement des vrilles qui sont sensibles sur un seul côté ; quand on les pressait légèrement entre un doigt et le pouce, elles se courbaient ; mais, en pinçant ainsi plusieurs fois les vrilles du Cissus, il n’en résultait aucune courbure, et je conclus faussement tout d’abord qu’elles n’étaient nullement sensibles.

Cissus antarcticus. — Sur une jeune plante, les vrilles étaient épaisses et droites, avec les extrémités un peu courbées. Quand leurs surfaces concaves furent frottées, ce qu’il était nécessaire de faire avec une certaine force, elles se courbèrent très-lentement et puis se redressèrent. Elles sont, par conséquent, beaucoup moins sensibles que celles de la dernière espèce ; mais elles accomplissaient un peu plus rapidement deux révolutions en suivant le soleil, savoir : en 3 heures 30 minutes et en 4 heures. Les entre-nœuds ne s’enroulaient pas.

Ampelopsis hederacea (vigne vierge). — Les mouvements des entre-nœuds s’expliquent suffisamment par l’action variable de la lumière. Les vrilles ont une longueur de 10 à 13 centimètres en comprenant la tige principale ; elles émettent plusieurs branches latérales qui ont leurs extrémités courbées, comme on peut le voir sur la figure 11, et ne présentent pas de véritable mouvement révolutif spontané, mais se dirigent, comme Andrew Knight[4] l’avait observé depuis longtemps, de la lumière vers l’obscurité. J’ai vu plusieurs vrilles se mouvoir et décrire en moins de 24 heures, un angle de 180° vers le côté obscur d’une caisse dans laquelle une plante était placée ; mais parfois le mouvement est beaucoup plus lent. Les diverses ramifications latérales se meuvent souvent indépendamment l’une de l’autre, et quelquefois d’une manière irrégulière, sans aucune cause apparente. Ces vrilles sont moins sensibles à un attouchement que toutes celles que j’ai observées. Par un frottement léger, mais répété, avec un petit rameau, les divisions latérales, mais non le pied commun, se courbaient un peu en 3 ou 4 heures ; mais elles semblaient posséder à peine la faculté de se redresser. Les vrilles d’une plante qui avait envahi un gros buis s’accrochèrent à plusieurs de ses branches ; mais j’ai vu maintes fois qu’elles se retiraient après avoir saisi un bâton. Quand elles rencontrent une surface plate de bois ou une muraille, et tel est évidemment leur mode d’adaptation, elles dirigent toutes leurs branches vers cette surface, les étalent au loin séparément, et amènent leurs sommets crochus latéralement en contact avec elle. Dans cet acte, les différentes branches, après avoir touché la surface, se dressent souvent, se placent dans une nouvelle position et viennent de nouveau en bas en contact avec elle.

Deux jours environ après qu’une vrille a disposé ses branches de manière à presser sur une surface quelconque, les extrémités courbées se gonflent, deviennent d’un rouge brillant, et forment sur leurs bords inférieurs les petits disques ou coussinets bien connus avec lesquels elles se fixent solidement. Dans un cas, les extrémités se gonflèrent légèrement en 38 heures après être arrivées au contact d’une brique ; dans un autre cas, elles se gonflèrent considérablement en 48 heures, et, après 24 heures de plus, elles étaient solidement attachées à une planche polie ; en dernier lieu, les extrémités d’une plus jeune vrille non-seulement se gonflèrent, mais se fixèrent en 42 heures à un mur enduit de stuc. Ces disques adhésifs ressemblent, sauf pour la couleur et la grosseur, à ceux du Bignonia capreolata. Quand ils se développaient au contact d’un paquet d’étoupe, les fibres étaient enveloppées séparément, mais non pas d’une manière aussi efficace que par le B. capreolata. Les disques ne se développent jamais, d’après ce que j’ai vu, sans le stimulus d’un contact au moins temporaire avec un objet[5]. Ils se forment généralement d’abord sur un côté de l’extrémité courbée, dont la totalité change souvent tellement d’aspect, qu’une ligne du tissu vert primitif ne peut être suivie que le long de la surface concave. Cependant, quand une vrille a saisi un bâton cylindrique, un rebord irrégulier ou un disque se forme parfois le long de la surface interne, à une petite distance de l’extrémité courbée ; c’est ce que Mohl a observé aussi (p. 71). Les disques se composent de cellules agrandies, avec des surfaces hémisphériques polies et saillantes colorées en rouge ; elles sont tout d’abord gorgées de fluide (voy. une coupe donnée par Mohl, p. 70), mais finissent par devenir ligneuses.

Les disques adhérant assez vite à des surfaces polies, telles que du bois raboté ou peint, ou à la feuille lisse du lierre, il est probable, par ce fait seul, qu’ils sécrètent quelque ciment adhésif, comme cela a été affirmé par Malpighi (mentionné par Mohl, p. 71). J’enlevai d’un mur enduit de stuc un certain nombre de disques formés pendant l’année précédente, et je les laissai pendant plusieurs heures dans l’eau chaude, l’acide acétique et de l’alcool étendu ; mais les grains adhérents de silex ne se détachèrent pas. L’immersion dans l’éther sulfurique pendant 24 heures en sépara un grand nombre, mais les huiles essentielles chauffées (l’huile de thym et l’huile de menthe poivrée) mirent complétement en liberté chaque fragment de pierre au bout de quelques heures. Ceci semble prouver que le ciment sécrété est de nature résineuse. La quantité cependant doit être petite, car, quand une plante grimpait le long d’un mur enduit légèrement d’un lait de chaux, les disques adhéraient solidement à cet enduit ; mais, comme le ciment adhésif ne pénétrait jamais à travers la couche mince d’enduit, on pouvait les retirer facilement en même temps que les petites écailles de lait de chaux. Il ne faut pas supposer que l’adhérence s’effectue exclusivement par le ciment, car l’excroissance cellulaire enveloppe chaque petite saillie irrégulière et s’insinue dans chaque crevasse.

Une vrille non adhérente ne se contracte pas en spirale, et, au bout d’une semaine ou deux, elle se ratatine en un fil des plus fins, se dessèche et tombe. D’autre part, une vrille adhérente se contracte en spirale et devient ainsi très-élastique, en sorte que, lorsqu’on tire sur le pétiole principal, l’effort se distribue également entre tous les disques adhérents. Pendant quelques jours après l’adhérence des disques, la vrille reste faible et cassante, mais elle augmente rapidement d’épaisseur et acquiert une grande force. L’hiver suivant, elle cesse de vivre, mais tient solidement, quoique morte, à la fois à sa propre tige et à la surface d’adhérence. Dans la figure 11, on voit la différence d’une vrille (B) plusieurs semaines après son adhérence à un mur et d’une vrille (A) de la même plante complétement développée, mais libre. Les ramifications latérales qui ne sont pas adhérentes montrent bien que le changement dans la nature des tissus ainsi que la contraction spiralée résultent de la formation des disques, car ces ramifications, au bout d’une semaine ou deux, se flétrissent et tombent, comme le font les vrilles qui ne sont pas fixées. Ce que gagne en force et en durée une vrille après son adhérence est vraiment surprenant. Il y a en ce moment des vrilles adhérentes à ma maison ; elles sont encore vigoureuses, quoique mortes, et exposées aux intempéries atmosphériques depuis 14 à 15 ans. Une seule petite ramification latérale d’une vrille qui pouvait bien avoir au moins dix ans, était encore élastique et supportait un poids équivalent de 740 grammes. Toute la vrille avait cinq ramifications


Fig. 11.
Ampelopsis hederacea.

A. Vrille complètement développée avec une jeune feuille sur le côté opposé de la tige.

B. Vrille plus figée, plusieurs semaines après son adhérence à un mur, avec ses ramifications épaissies et contractées en spirale et avec les extrémités développées en disque. Les ramifications libres de cette vrille se sont flétries et sont tombées.


portant des disques d’une égale épaisseur et en apparence d’une égale force, en sorte qu’après avoir été exposée pendant dix ans à tous les temps, elle aurait probablement supporté un poids de dix livres.

Sapindaceæ. Cardiospermum halicacabum. — Dans cette famille, comme dans la dernière, les vrilles sont des pédoncules floraux modifiés. Chez cette espèce en particulier, les deux divisions latérales du pédoncule floral principal ont été converties en une paire de vrilles, correspondant avec l’unique « vrille florale » de la vigne ordinaire. Le pédoncule principal est mince, rigide et long de 7,6 à 11 centimètres. Près du sommet, au-dessus de deux petites bractées, il se divise en trois branches : la moyenne se divise, se subdivise et porte les fleurs ; en dernier lieu, il devient de nouveau moitié aussi long que les deux autres branches modifiées. Ces dernières sont les vrilles ; elles sont d’abord plus épaisses et plus longues que la branche moyenne, mais n’atteignent jamais plus de 2c,5 de longueur. Elles s’effilent en pointe et sont aplaties ; la surface inférieure qui saisit est dépourvue de poils. Dirigées d’abord directement en haut, mais divergeant bientôt, elles se courbent spontanément en bas, de manière à former deux crochets symétriques et gracieux, comme le représente la figure 12. Pendant que les bourgeons floraux sont encore petits, elles sont alors prêtes à agir.


Fig. 12.
Cardiospermum halicacabum.
Partie supérieure du pédoncule floral avec ses deux vrilles.


Les deux ou trois entre-nœuds supérieurs, quand ils sont jeunes, s’enroulent régulièrement. Dans une plante, ils accomplirent deux révolutions, en sens inverse du soleil, en 3 heures 12 minutes ; dans une autre plante, le même espace fut parcouru et les deux révolutions furent achevées en 3 heures 41 minutes ; dans une troisième plante, les entre-nœuds suivirent le soleil et accomplirent deux révolutions en 3 heures 47 minutes. La vitesse moyenne de ces six révolutions a été de 1 heure 46 minutes. La tige ne montre aucune tendance à s’enrouler en spirale autour d’un support ; mais Mohl dit (p. 4) que le genre voisin, pourvu de vrilles, le Paullinia, est volubile. Les pédoncules floraux qui sont en haut, au-dessus de l’extrémité de la tige, sont entraînés circulairement par le mouvement révolutif des entre-nœuds ; et, quand la tige est fixée solidement, on voit les pédoncules floraux eux-mêmes, longs et minces, se mouvoir d’une manière continue et parfois rapide d’un côté à l’autre. Ils parcourent un espace considérable, mais s’enroulent occasionnellement en décrivant une ellipse régulière. Par suite des mouvements combinés des entre-nœuds et des pédoncules, une des deux vrilles courtes et crochues saisit tôt ou tard un rameau ou une branche, et alors elle se courbe circulairement et s’y accroche solidement. Ces vrilles, cependant, sont peu sensibles, car, en frottant leur surface inférieure, ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’on produit un léger mouvement. J’accrochai une vrille à une petite branche, et, en 1 heure 45 minutes, elle était courbée considérablement en dedans ; en 2 heures 30 minutes, elle formait un anneau, et, au bout de 5 à 6 heures depuis le moment où elle avait été accrochée, elle avait saisi étroitement la branche. Une seconde vrille opéra avec la même rapidité ; mais j’en observai une qui mit 24 heures avant de s’enrouler deux fois autour d’une mince petite branche. Les vrilles qui n’ont rien saisi se recoquillent au bout de quelques jours en une hélice serrée. Celles qui sont enroulées autour d’un objet deviennent bientôt un peu plus épaisses et rigides. Le long et mince pédoncule principal, bien que se mouvant spontanément, n’est pas sensible et ne saisit jamais un support. De plus, il ne se contracte jamais en spirale[6] quoique des contractions de ce genre eussent été utiles sans nul doute à la plante pour s’élever. Néanmoins elle grimpe assez bien sans ce secours. Les capsules séminifères, bien que légères, ont une dimension énorme (d’où le nom anglais de balloon-vine), et, comme le même pédoncule en porte deux ou trois, les vrilles qui naissent près d’elles peuvent être utiles pour empêcher qu’elles ne soient mises en pièces par le vent. Dans la serre chaude, les vrilles servaient simplement à grimper.

La position des vrilles suffit à elle seule pour montrer leur nature homologique. Dans deux cas, une des deux vrilles produisit une fleur à son sommet ; ceci ne l’empêcha pas cependant d’agir convenablement et de s’enrouler autour d’une petite branche. Dans un troisième cas, les deux branches latérales, qui auraient dû être modifiées en vrilles, ont produit des fleurs comme la branche centrale, et elles avaient tout à fait perdu leur structure de vrille.

J’ai vu, mais sans être à même de l’observer avec soin, une autre Sapindacée grimpante, le Paullinia. Cette plante n’était pas en fleur ; cependant elle portait de longues vrilles fourchues, en sorte que le Paullinia, en ce qui concerne ses vrilles, a les mêmes rapports avec le Cardiospermum que le Cissus avec le Vitis.

Passifloraceæ. — Après la lecture de la discussion et des faits avancés par Mohl (p. 47) sur la nature des vrilles dans cette famille, on ne saurait mettre en doute qu’elles ne soient des pédoncules floraux modifiés. Les vrilles et les pédoncules floraux naissent à côté l’un de l’autre, et mon fils, William E. Darwin, a fait pour moi des croquis de leur état primitif de développement dans l’hybride P. floribunda. Les deux organes apparaissent d’abord comme une seule papille qui se divise graduellement, en sorte que la vrille semble être une branche modifiée du pédoncule floral. Mon fils a trouvé une très-jeune vrille surmontée de vestiges d’organes floraux, exactement comme ceux du sommet du véritable pédoncule floral dans son premier âge.

Passiflora gracilis. — Cette espèce annuelle, si bien nommée et si élégante, diffère des autres membres du groupe que j’ai observés, en ce que les jeunes entre-nœuds ont la faculté de s’enrouler. Elle l’emporte sur toutes les autres plantes grimpantes que j’ai examinées par la rapidité de ses mouvements, et sur toutes celles pourvues de vrilles par la sensibilité de ces organes. L’entre-nœud qui porte la vrille supérieure active, et qui porte également un ou deux entre-nœuds plus jeunes et non complétement mûrs, acheva trois révolutions, en suivant le soleil, avec une vitesse moyenne de 1 heure 4 minutes ; puis, la journée étant devenue très-chaude, il accomplit trois autres révolutions avec une vitesse moyenne qui variait entre 57 et 58 minutes ; il en résulte que la moyenne de ces six révolutions a été de 1 heure 1 minute. Le sommet de la vrille décrit des ellipses allongées, tantôt serrées et tantôt larges, avec leurs plus longs axes inclinés dans des directions légèrement différentes. La plante peut s’élever le long d’un tuteur mince vertical à l’aide de ses vrilles ; mais la tige est trop rigide pour s’enrouler autour de lui, même lorsque les vrilles sont successivement enlevées dès leur première apparition.

Quand la tige est assujettie, on voit les vrilles s’enrouler presque de la même manière et avec la même vitesse que les entre-nœuds[7]. Les vrilles sont très-minces, délicates et droites, à l’exception des extrémités, qui sont un peu courbées ; elles ont une longueur de 17c,8 à 22c,9. À moitié développées, elles ne sont pas sensibles ; mais quand elles le sont presque entièrement, alors leur sensibilité est extrême. Un simple attouchement très-faible sur la surface concave de l’extrémité fit bientôt courber une vrille, et en 2 minutes elle forma une hélice ouverte. Une anse de fil mince, pesant 1/32 de grain (2,02 milligr.), placée très-délicatement sur l’extrémité, détermina trois fois une inflexion évidente. Un morceau recourbé de fil de platine mince, pesant seulement 1/50 de grain (1,23 millig.), produisit deux fois le même effet ; mais ce poids, quand on le laissait suspendu, ne suffisait pas pour amener une courbure permanente. Ces essais furent faits sous une cloche en verre, de sorte que les anses de ces divers fils n’étaient pas agitées par le vent. Le mouvement, après un attouchement, est très-rapide. Je saisis la partie inférieure de plusieurs vrilles, je touchai alors leurs extrémités concaves avec une petite branche mince et je les observai avec soin à la loupe ; les extrémités commencèrent à se courber d’une manière évidente après les intervalles suivants, 31, 25, 32, 31, 28, 39, 31 et 30 secondes, en sorte que le mouvement était généralement appréciable une demi-minute après l’attouchement ; mais, une fois, il fut distinctement visible au bout de 25 secondes. L’une des vrilles qui s’était courbée ainsi en 31 secondes avait été touchée deux heures auparavant et s’était recoquillée en hélice, de sorte que, dans cet intervalle, elle s’était redressée et avait entièrement recouvré son irritabilité.

Pour constater combien de fois la même vrille se courberait après un attouchement, je gardai une plante dans mon cabinet, qui, étant plus frais que la serre chaude, n’était pas très-favorable à l’expérience. L’extrémité fut légèrement frottée quatre ou cinq fois avec une petite baguette, et ce frottement était répété aussi souvent qu’elle se redressait après avoir été infléchie ; dans l’espace de 54 heures, elle répondit au stimulus 21 fois, formant chaque fois un crochet ou une spirale. La dernière fois, cependant, le mouvement fut très-faible, et bientôt après commença une contraction permanente en spirale. Aucun essai ne fut fait pendant la nuit, de sorte que la vrille aurait peut-être répondu un plus grand nombre de fois au stimulus, bien que, d’autre part, n’ayant pas de repos, elle aurait pu être épuisée par suite de tant d’efforts répétés à de si courts intervalles.

Je renouvelai l’expérience faite sur l’Echinocystis et je plaçai plusieurs plantes de cette Passiflore si près les unes des autres, que leurs vrilles étaient souvent entrelacées entre elles ; mais il n’en résultait aucune incurvation. J’ai également aspergé de petites gouttes d’eau, avec une brosse, un grand nombre de vrilles, et j’en seringuai d’autres avec tant de force, que toute la vrille était projetée çà et là ; mais elles ne se courbèrent jamais. Ma main sentait beaucoup plus distinctement le choc des gouttes d’eau que celui des anses de fil pesant 1/32 de grain (2,02 milligr.) lorsqu’on les laissait tomber d’une certaine hauteur. Cependant ces anses, qui faisaient courber ces vrilles, avaient été placées très-délicatement sur elles. Il est donc évident que les vrilles ou bien se sont habituées au contact des autres vrilles et des gouttes de pluie, ou bien qu’elles ont été, dès l’origine, rendues sensibles seulement à la pression prolongée, quoique extrêmement légère, d’objets solides à l’exclusion de celle des autres vrilles. Pour montrer la différence dans l’espèce de sensibilité chez diverses plantes, ainsi que la force de la seringue employée, je dois ajouter que le plus léger jet fit fermer instantanément les feuilles d’un Mimosa, tandis que l’anse de fil, pesant 1/32 de grain (2,02 milligr.), quand elle était roulée en bobine et placée délicatement sur les glandes aux bases des folioles du Mimosa, ne produisait aucun effet.

Passiflora punctata. — Les entre-nœuds ne se meuvent pas, mais les vrilles s’enroulent régulièrement. Une vrille à moitié développée et très-sensible put accomplir trois révolutions en sens inverse du soleil, en 3 heures 5 minutes, 2 heures 40 minutes et 2 heures 50 minutes ; peut-être aurait-elle marché plus rapidement si elle avait été à peu près complètement développée. Une plante fut placée devant une fenêtre, et, comme cela se voit sur les tiges volubiles, la lumière accéléra le mouvement de la vrille dans une direction et le retarda dans l’autre ; le demi-cercle vers la lumière fut achevé dans un temps moindre de 15 minutes dans un cas et de 20 minutes dans un autre que celui exigé par le demi-cercle vers le côté obscur de la chambre. Si on considère l’extrême ténuité de ces vrilles, l’action de la lumière sur elles est remarquable. Les vrilles sont longues et, comme nous venons de le dire, très-minces, avec l’extrémité légèrement courbée ou crochue. Le côté concave est extrêmement sensible à un attouchement, et même un simple contact le faisait courber en dedans ; il se dressait ensuite et était encore de nouveau prêt à réagir. Une anse de fil mince, pesant 1/14 de grain (4,625 milligr.), fit courber l’extrémité ; une autre fois, j’essayai de suspendre la même petite anse sur une vrille inclinée, mais trois fois elle glissa ; cependant ce degré de friction, extraordinairement léger, suffisait pour faire courber l’extrémité. La vrille, quoique étant si sensible, ne se meut pas très-vite après un contact ; un mouvement visible ne survenait qu’au bout de 5 ou 10 minutes. Le côté convexe de l’extrémité n’est sensible ni à un attouchement ni à une anse de fil suspendue. J’observai une fois une vrille qui s’enroulait avec le côté convexe de l’extrémité en avant, et, par conséquent, elle ne pouvait pas saisir un bâton contre lequel elle frottait, tandis que des vrilles qui s’enroulaient avec le côté concave en avant saisissaient promptement tout objet qui se trouvait à leur portée.

Passiflora quadrangularis. — C’est une espèce très-distincte. Les vrilles sont épaisses, longues et rigides ; elles sont seulement sensibles vers l’extrémité à un attouchement sur la surface concave. Quand un tuteur était placé de façon à ce que le milieu de la vrille vînt en contact avec lui, il n’en résultait pas de courbure. Dans la serre chaude, une vrille accomplit deux révolutions, chacune en 2 heures 22 minutes ; dans une chambre fraîche, l’une de ces révolutions fut achevée en 3 heures et l’autre en 4 heures. Les entre-nœuds ne s’enroulent pas ; il en est de même de l’hybride P. floribunda.

Tacsonia manicata. — Les entre-nœuds ne s’enroulent pas. Les vrilles sont assez minces et longues ; une vrille accomplit une ellipse étroite en 5 heures 20 minutes, et, le jour suivant, une large ellipse en 5 heures 7 minutes. L’extrémité, ayant été frottée légèrement sur la surface concave, se courba d’une manière à peine sensible en 7 minutes, distinctement en 10 minutes, et forma le crochet en 20 minutes.

Nous avons vu que dans les trois dernières familles, c’est-à-dire les Vitaceæ, Sapindaceæ et Passifloraceæ, les vrilles sont des pédoncules floraux modifiés. Il en est de même, suivant de Candolle (cité par Mohl), des vrilles du Brunnichia, une Polygonacée. Chez deux ou trois espèces de Modecca, une Papayacée, les vrilles, comme je l’apprends par le professeur Oliver, portent parfois des fleurs et des fruits, de sorte qu’elles sont axilles de leur nature.


Contraction hélicoïde des vrilles.

Ce mouvement, qui raccourcit les vrilles et les rend élastiques, commence une demi-journée, une journée ou même deux après que leurs extrémités ont saisi un objet. Il n’existe dans aucune plante grimpant à l’aide des feuilles, à l’exception des pétioles du Tropœolum tricolorum, qui en présentent exceptionnellement quelque trace. D’autre part, les vrilles de toutes les plantes pourvues de ces organes se contractent en spirale après avoir saisi un objet, sauf les exceptions suivantes : d’abord le Corydalis claviculata, mais cette plante peut être appelée une plante grimpant à l’aide des feuilles ; deuxièmement et troisièmement, le Bignonia unguis, avec ses congénères, et le Cardiospermum, mais leurs vrilles sont si courtes, que leur contraction pourrait à peine avoir lieu et serait tout à fait superflue ; quatrièmement, le Smilax aspera offre une exception plus marquée, car ses vrilles sont assez longues. Les vrilles du Dicentra, quand la plante est jeune, sont courtes et ne deviennent légèrement flexueuses qu’après leur adhérence ; chez les plantes plus âgées, elles sont plus longues, et alors elles se contractent en spirale. Je n’ai vu aucune autre exception à la règle que les vrilles, après avoir saisi avec leurs extrémités un support, subissent une contraction spiralée. Cependant, lorsque la vrille d’une plante dont la tige est assujettie d’une manière immuable saisit un objet fixe, elle ne se contracte pas, par la raison qu’elle ne le peut pas ; ceci, pourtant, a lieu rarement. Dans le Pois ordinaire, les ramifications latérales seules se contractent, et non l’axe central ; dans la plupart des plantes, telles que la vigne, la passiflore, la bryone, la portion basilaire ne forme jamais une spire.

J’ai dit que, dans le Corydalis claviculata, l’extrémité de la feuille ou de la vrille (car on peut indifféremment appeler ainsi cette partie) ne se contracte pas en spirale. Néanmoins, les petites branches, après avoir contourné de minces rameaux, deviennent très-sinueuses ou en zigzag. De plus, toute l’extrémité du pétiole ou de la vrille, s’ils ne saisissent aucun objet, s’infléchit au bout de quelque temps, brusquement, en bas et en dedans, preuve que la surface externe a continué de croître après que la surface interne a cessé de le faire. On peut sûrement admettre que l’accroissement est la principale cause de la contraction spiralée des vrilles, comme le démontrent les recherches récentes de H. de Vries. J’ajouterai cependant un petit fait à l’appui de cette conclusion.

Si l’on examine la portion courte et presque droite d’une vrille adhérente du Passiflora gracilis (et, comme je le crois, d’autres vrilles), située entre les spires opposées, on trouvera qu’elle est ridée transversalement d’une manière évidente à l’extérieur ; conséquence naturelle si le bord externe s’est développé plus que le bord interne, celui-ci étant en même temps forcément empêché de se courber. De plus, toute la surface extérieure d’une vrille contournée en spirale se ride si on la redresse en la tirant ; néanmoins, comme la contraction se propage de l’extrémité d’une vrille jusqu’à la base, après qu’elle a été stimulée par le contact avec un support, je ne puis m’empêcher de douter, pour des motifs que je donnerai dans un instant, que tout l’effet doit être attribué à l’accroissement. Une vrille libre s’enroule en une hélice aplatie, comme dans le cas du Cardiospermum, si la contraction commence à l’extrémité et est tout à fait régulière ; mais si l’accroissement continu de la surface extérieure est un peu latéral, ou s’il commence près de la base, la portion terminale ne peut pas s’enrouler en dedans de la portion basilaire, et la vrille forme alors une spire plus ou moins ouverte. Le même effet a lieu si l’extrémité a saisi un objet qui la maintienne solidement.

Les vrilles d’un grand nombre d’espèces, si elles ne saisissent aucun objet, se contractent, après un intervalle de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, en une spire ; mais, dans ces cas, le mouvement a lieu après que la vrille a perdu son mouvement révolutif et qu’elle pend en bas ; sa sensibilité est alors partiellement ou complétement abolie, en sorte que ce mouvement ne peut être d’aucune utilité. La contraction spiralée d’une vrille libre est beaucoup plus lente que celle d’une vrille adhérente. On peut constamment voir sur la même tige des jeunes vrilles qui ont saisi un tuteur et qui se sont contractées en hélice, ainsi que des vrilles bien plus âgées, libres et non contractées. Dans l’Echinocystis, j’ai vu les deux divisions latérales d’une vrille entourant de petites branches et contractées en hélices très-régulières, tandis que la branche principale, qui n’avait rien saisi, restait droite pendant plusieurs jours. J’ai observé une fois une division principale de la vrille de cette plante saisir un bâton, se contourner en hélice en 7 heures et se contracter en 18 heures. Généralement les vrilles de l’Echinocystis, après avoir saisi un objet, commencent à se contracter au bout de 12 à 24 heures, tandis que les vrilles libres ne commencent à se contracter qu’en deux, trois ou même un plus grand nombre de jours après la cessation de tout mouvement révolutif. Une vrille complétement développée du Passiflore quadrangularis, qui avait saisi un bâton, commença à se contracter en 8 heures, et, en 24 heures, elle forma plusieurs spires ; une vrille plus jeune, n’ayant atteint que les deux tiers de son développement, présenta la première trace de contraction au bout de deux jours après avoir saisi un tuteur, et, deux jours après, elle forma plusieurs spires. Il semble donc que la contraction ne commence que lorsque la vrille a atteint presque toute sa longueur. Une autre jeune vrille, du même âge et presque de la même dimension que la dernière, n’avait saisi aucun objet ; elle acquit toute sa longueur en quatre jours ; six jours après, elle devint d’abord flexueuse, et, deux jours plus tard, elle forma une spire complète. La première spire était formée vers l’extrémité basilaire, et la contraction progressa régulièrement, bien que lentement, vers le sommet ; mais le tout ne se contourna étroitement en hélice que 21 jours après la première observation, c’est-à-dire 17 jours après que la vrille avait atteint toute sa longueur.

La contraction hélicoïde des vrilles est tout à fait indépendante de leur faculté de s’enrouler spontanément, car elle a lieu dans des vrilles qui ne s’enroulent pas, telles que celles du Lathyrus grandiflorus et de l’Ampelopsis hederacea. Elle n’est pas nécessairement liée à la courbure des extrémités autour d’un support, comme on le voit chez l’Ampelopsis et le Bignonia capreolata, dans lesquels le développement des disques adhésifs suffit pour produire la contraction spiralée. Cependant, dans quelques cas, cette contraction semble liée à la courbure ou au mouvement de préhension, dus au contact avec un support, car non-seulement elle succède bientôt à ce contact, mais la contraction commence en général près de l’extrémité courbée et marche en bas vers la base. Si pourtant une vrille est très-lâche, toute la longueur devient presque simultanément d’abord flexueuse et puis spiralée. De plus, les vrilles d’un petit nombre de plantes ne se contractent jamais en hélice, à moins d’avoir saisi solidement d’abord quelque objet ; si elles ne saisissent rien, elles pendent en bas, en restant droites, jusqu’à ce qu’elles se dessèchent et tombent. C’est le cas des vrilles du Bignonia, qui consistent en feuilles modifiées, et de celles de trois genres de Vitacées, qui sont des pédoncules floraux modifiés. Mais, dans la grande majorité des cas, les vrilles qui ne sont jamais venues en contact avec un objet, se contractent en spirale au bout de quelque temps. Tous ces faits, pris ensemble, montrent que l’acte de saisir un support et la contraction spiralée de toute la longueur de la vrille sont des phénomènes qui ne sont pas nécessairement connexes.

La contraction hélicoïde qui survient après qu’une vrille a saisi un support est très-utile a la plante ; elle existe presque toujours dans des espèces qui appartiennent à des familles bien différentes. Quand une tige est inclinée et que sa vrille a saisi un objet situé au-dessus d’elle, la contraction hélicoïde tire la tige en haut. Quand la tige est verticale, son accroissement, lorsque les vrilles ont saisi un objet situé au-dessus, la laisserait lâche, n’était la contraction hélicoïde, qui tire la tige en haut à mesure qu’elle augmente en longueur. Ainsi il n’y a pas d’arrêt dans la croissance, et la tige, tirée en haut, monte par le chemin le plus court. Quand la division terminale de la vrille du Cobœa saisit un bâton, nous avons vu avec quel succès la contraction en spirale amène successivement les autres petites divisions, l’une après l’autre, en contact avec le bâton, jusqu’à ce que toute la vrille forme autour de lui un nœud inextricable. Lorsque la vrille a saisi un objet qui cède, celui-ci est parfois enveloppé et consolidé par les circonvolutions spiralées, comme je l’ai vu chez le Passiflora quadrangularis ; mais cette action a peu d’importance.

La contraction hélicoïde des vrilles leur rend un plus grand service en leur donnant ainsi une très-grande élasticité. Comme nous l’avons remarqué plus haut pour l’Ampelopsis, l’effort se distribue également entre les diverses ramifications adhérentes, et ceci rend le tout bien plus capable de résister, car les ramifications ne peuvent pas se rompre séparément. C’est cette élasticité qui empêche à la fois les vrilles ramifiées et les vrilles simples d’être arrachées de leur support pendant un temps d’orage. Je suis allé plus d’une fois observer, pendant que le vent soufflait en tempête, une Bryone qui croissait dans une haie exposée au vent, avec ses vrilles attachées aux buissons voisins ; à mesure que les grosses et les petites branches étaient ballottées par le vent, les vrilles, si elles n’avaient pas été excessivement élastiques, auraient été instantanément arrachées et la plante couchée par terre. Cependant la Bryone traversa sans accident la tempête, comme un navire afourché sur deux ancres, avec un long câble sur l’avant faisant l’office d’un ressort quand le navire s’élève sur la lame.

Si une vrille libre se contracte en hélice, la spire marche toujours dans la même direction, du sommet à la base. D’autre part, une vrille qui a saisi un support par son extrémité, bien que le même côté soit concave d’une extrémité à l’autre, se tord invariablement dans une partie suivant une direction et dans une autre partie suivant la direction opposée, les spires tournées en sens contraire étant séparées par une courte portion qui reste droite. Cette structure curieuse et symétrique a été signalée par plusieurs botanistes, mais elle n’a pas été suffisamment exposée[8]. Elle a lieu sans exception chez toutes les vrilles qui, après avoir saisi un objet, se contractent en hélice ; mais elle est naturellement plus évidente dans les plus longues vrilles. On ne la rencontre jamais dans les vrilles libres, et lorsque cela paraît être, on trouve que la vrille a saisi primitivement un objet et qu’elle en a été détachée consécutivement. Ordinairement toutes les spires à l’extrémité d’une vrille adhérente marchent dans une direction, et toutes celles à l’autre extrémité dans une direction opposée, avec une seule portion courte et droite dans le milieu ; mais j’ai vu une vrille avec les spires tournant alternativement cinq fois dans des directions opposées, avec des portions droites entre elles, et M. Léon a vu sept ou huit alternances semblables. Que les spires tournent une fois ou plus d’une fois dans des directions opposées, il y a autant de tours dans une direction que dans l’autre. Par exemple, je détachai dix vrilles adhérentes d’une Bryone, dont la plus longue avait 33 tours hélicoïdes et la plus courte 8 seulement ; le nombre des tours dans une direction était pour tous les cas, un seul excepté, le même que dans la direction opposée.


Fig. 13.
Une vrille fixée de Bryonia dioica, contractée en hélice dans des directions opposées.


L’explication de ce petit fait curieux n’est pas difficile. Je n’aurai pas recours à un raisonnement géométrique, mais je donnerai seulement une démonstration pratique. En agissant ainsi, je ferai d’abord allusion à un point qui a été presque passé sous silence en traitant des plantes volubiles. Si l’on tient dans la main gauche un faisceau de ficelles parallèles entre elles, on peut avec la main droite les faire tourner circulairement, imitant ainsi le mouvement révolutif d’une plante volubile, et les ficelles ne se tordent pas. Mais si nous tenons en même temps un bâton dans notre main gauche, dans une position telle que les ficelles tournent en hélice autour de lui, elles se tordront inévitablement. Voilà pourquoi une ligne droite colorée, tracée le long des entre-nœuds d’une plante volubile avant son enroulement autour d’un support, devient tordue ou spiralée après s’être enroulée. Je traçai une ligne rouge sur les entre-nœuds droits d’un Humulus, d’un Mikania, d’un Ceropegia, d’un Convolvulus et d’un Phaseolus, et je vis qu’elle se tordait à mesure que la plante s’enroulait autour d’un tuteur. Il est possible que les tiges de plusieurs plantes, en tournant spontanément sur leurs propres axes avec la vitesse et la direction qu’elles ont habituellement, ne se tordent pas ; mais je n’en ai pas vu d’exemple.

Dans la démonstration précédente, les ficelles parallèles étaient enroulées autour d’un bâton ; mais cela n’est nullement nécessaire, car si elles sont enroulées sur un cylindre creux, comme on peut le faire avec une bande étroite de papier élastique, il y a la même torsion inévitable de l’axe. Par conséquent, quand une vrille libre se replie en une spire, elle doit ou se tordre dans toute sa longueur (et ceci n’a jamais lieu), ou bien l’extrémité libre doit tourner circulairement autant de fois qu’il y a de spires formées. Il n’était guère nécessaire d’observer ce fait ; je m’en assurai cependant en fixant de petites girouettes en papier à l’extrémité des pointes des vrilles de l’Echinocystis et du Passiflora quadrangularis, et pendant que la vrille se contractait en spires successives, la girouette s’enroulait lentement.

Nous pouvons comprendre maintenant pourquoi les spires sont invariablement tournées dans des directions opposées chez les vrilles qui, après avoir saisi un objet, sont fixées à leurs deux extrémités. Supposons qu’une vrille adhérente fasse trente tours en spirale, tous dans la même direction, le résultat sera inévitablement qu’elle se tordra trente fois sur son propre axe. Cette torsion n’exigerait pas seulement une force considérable, mais, comme je le sais par expérience, elle ferait éclater la vrille avant que les trente tours ne soient accomplis. En réalité, ce cas n’a jamais lieu, car, comme nous l’avons déjà dit, quand une vrille a saisi un support et s’est contractée en hélice, il y a toujours autant de tours dans une direction que dans l’autre ; en sorte que la torsion de l’axe dans un sens est exactement compensée par la torsion dans le sens opposé. Nous pouvons voir, en outre, d’où vient cette tendance des derniers tours de la spire à se faire en sens opposé à celui des premiers, soit à droite, soit à gauche. Prenez un bout de ficelle et laissez-le pendre en bas avec l’extrémité inférieure fixée au sol, puis enroulez l’extrémité supérieure (en tenant la ficelle d’une manière tout à fait lâche) en hélice autour d’un crayon vertical ; l’extrémité inférieure de la ficelle sera tordue, et, après qu’elle l’aura été suffisamment, on la verra se courber en une spire ouverte, avec les courbes marchant dans une direction opposée à celle qu’elles décrivent autour du crayon, et, par conséquent, avec une portion de ficelle rectiligne entre les spires opposées. En un mot, nous avons donné à la ficelle la disposition spiralée régulière d’une vrille fixée aux deux extrémités. La contraction en spirale commence en général à l’extrémité qui a saisi un support, et ces premières spires formées impriment une torsion à l’axe de la vrille, qui force nécessairement la partie basilaire à se contourner en sens opposé. Je ne peux résister au désir de donner une autre démonstration, bien qu’elle soit superflue. Quand un mercier roule un ruban pour un acheteur, il ne l’enroule pas en un seul rond, car, s’il le faisait, le ruban se tordrait autant de fois qu’il y a de replis ; mais il le roule en huit de chiffre sur son pouce et son petit doigt, en sorte qu’il fait alternativement des tours dans des directions opposées, et alors le ruban n’est pas tordu. Il en est de même des vrilles, avec cette seule différence qu’elles font plusieurs tours consécutifs dans un sens et puis le même nombre dans un sens opposé ; dans les deux cas, il n’y a pas de torsion.


Résumé de la nature et de l’action des vrilles.

Dans la plupart des plantes pourvues de vrilles, les jeunes entre-nœuds s’enroulent en ellipses plus ou moins larges, comme celles formées par les plantes volubiles ; mais les figures décrites, quand elles sont tracées avec soin, forment en général des spires ellipsoïdales irrégulières. La vitesse de révolution varie de 1 à 5 heures dans différentes espèces, et par conséquent elle est, dans quelques cas, plus rapide que chez une plante volubile quelconque, et elle n’est jamais aussi lente que dans les nombreuses plantes volubiles, qui mettent plus de 5 heures pour accomplir chaque révolution. La direction est encore variable dans le même individu. Dans les Passiflora, les entre-nœuds d’une seule espèce ont le pouvoir de s’enrouler. La vigne est la plante enroulante la plus faible que j’ai observée ; elle n’a évidemment conservé que la trace d’une faculté originaire. Dans l’Eccremocarpus, le mouvement est interrompu par de longs intervalles. Très-peu de plantes pourvues de vrilles peuvent s’enrouler en hélice autour d’un tuteur vertical. Quoique cette faculté ait été généralement abolie, soit par suite de la rigidité ou de la brièveté des entre-nœuds, soit par suite de la dimension des feuilles ou de toute autre cause inconnue, le mouvement révolutif de la tige sert uniquement à amener les vrilles en contact avec les objets environnants.

Les vrilles elles-mêmes s’enroulent aussi spontanément. Le mouvement commence pendant que la vrille est jeune ; il est d’abord lent. Les vrilles mûres du Bignonia littoralis se meuvent beaucoup plus lentement que les entre-nœuds. En général, les entre-nœuds et les vrilles s’enroulent ensemble avec la même vitesse ; dans les Cissus, le Cobœa et la plupart des Passiflores, les vrilles seules s’enroulent dans d’autres cas, comme chez le Lathyrus aphaca, les entre-nœuds seulement se meuvent, portant avec eux les vrilles immobiles ; et, en dernier lieu (c’est le quatrième cas possible), ni les entre-nœuds ni les vrilles ne s’enroulent spontanément, comme dans le Lathyryus grandiflorus et l’Ampelopsis. Chez la plupart des Bignonia, des Eccremocarpus, des Mutisia et des Fumariacées, les entre-nœuds, les pétioles et les vrilles se meuvent tous ensemble harmonieusement. Dans chaque cas, les conditions d’existence doivent être favorables, afin que les différentes parties fonctionnent parfaitement.

Les vrilles s’enroulent par l’incurvation de toute leur longueur, excepté l’extrémité sensible et la base, parties qui ne se meuvent pas ou ne se meuvent que très-peu. Le mouvement est de la même nature que celui des entre-nœuds volubiles, et, d’après les observations de Sachs et H. de Vries, il est dû sans doute à la même cause, savoir : l’accroissement rapide d’une bande longitudinale qui se propage autour de la vrille et courbe successivement chaque partie vers le côté opposé. Par conséquent, si on trace une ligne colorée le long de la surface qui se trouve être convexe, la ligne devient d’abord latérale, puis concave, puis latérale, et en dernier lieu de nouveau convexe. Cette expérience ne peut être faite que sur les grosses vrilles, qui ne sont pas influencées par une croûte mince de couleur desséchée. Les extrémités sont souvent légèrement courbées ou crochues, et la courbure de cette partie n’est jamais renversée ; sous ce rapport, elles diffèrent des extrémités des tiges volubiles, qui non-seulement renversent leur sens d’enroulement ou du moins deviennent droites périodiquement, mais se courbent elles-mêmes plus fortement que la partie inférieure. Sous beaucoup d’autres rapports, une vrille fonctionne à la manière d’un des entre-nœuds qui s’enroulent et se meuvent tous ensemble en se dirigeant successivement vers chaque point de l’horizon. Il y a cependant, dans beaucoup de cas, cette différence peu importante que la vrille qui se courbe est séparée de l’entre-nœud volubile par un pétiole rigide. Chez la plupart des plantes à vrilles, le sommet de la tige ou de la pousse dépasse le point d’où part la vrille, et se courbe généralement d’un côté, de façon à ne pas se trouver sur le trajet des enroulements de la vrille. Chez les plantes dans lesquelles la pousse terminale n’est pas suffisamment écartée, comme nous l’avons vu pour l’Echinocystis dès que la vrille arrive à ce point dans sa course révolutive, la tige devient rigide, se redresse et, s’élevant verticalement, franchit victorieusement l’obstacle.

Toutes les vrilles sont sensibles à divers degrés au contact d’un objet, et se courbent vers le côté touché. Chez plusieurs plantes, un simple attouchement, assez léger pour ne mettre en mouvement que la vrille extrêmement flexible, suffit pour déterminer la courbure. Le Passiflora gracilis possède les vrilles les plus sensibles que j’ai observées ; un morceau de fil de platine, pesant 1/50 de grain (1,23 milligr.), placé délicatement sur le point concave, rendit la vrille crochue, comme le fit également une anse de fil de coton mou et fin, pesant 1/32 de grain (2,02 milligr.). Dans les vrilles de plusieurs autres plantes, il a suffi du poids de petites anses pesant 1/16 de grain (4,05 milligr.). La pointe d’une vrille de Passiflora gracilis commença à se mouvoir distinctement en 25 secondes après avoir été touchée, et dans beaucoup de cas l’effet se produisit au bout de 30 secondes. Asa Gray a vu aussi un mouvement dans les vrilles du genre Sycios, de la famille des Cucurbitacées, après 30 secondes. Les vrilles de quelques autres plantes, quand on les frottait légèrement, se mouvaient au bout de quelques minutes ; chez le Dicentra, en une demi-heure ; chez le Smilax, en une heure un quart ou une heure et demie, et chez l’Ampelopsis, après un intervalle encore plus long. Le mouvement de courbure consécutif à un seul contact continue à augmenter pendant un temps considérable, puis il s’arrête ; au bout de quelques heures, la vrille se déroule et est de nouveau prête à fonctionner. Quand les vrilles de plusieurs espèces de plantes s’incurvent sous l’influence des poids extrêmement légers qu’on y suspend, elles semblent s’accoutumer à un stimulus aussi faible et se redressent comme si les anses avaient été enlevées. Peu importe la nature de l’objet touché par une vrille, à l’exception remarquable d’autres vrilles et des gouttes d’eau, comme on l’a constaté pour les vrilles extrêmement sensibles du Passiflora gracilis et de l’Echinocystis. J’ai vu cependant des vrilles de la Bryone qui avaient saisi temporairement d’autres vrilles, et c’est souvent le cas pour la vigne.

Les extrémités des vrilles légèrement courbées d’une manière permanente sont seulement sensibles à leur surface concave ; d’autres vrilles, telles que celles du Cobæa (quoique pourvues de crochets cornés dirigés du même côté) et celles du Cissus discolor, sont sensibles de tous les côtés. Il en résulte que les vrilles de cette dernière plante, quand elles sont stimulées par un attouchement d’égale force sur les côtés opposés, ne s’incurvent pas. Les surfaces inférieures et latérales des vrilles du Mutisia sont sensibles, mais non la surface supérieure. Quant aux vrilles ramifiées, les diverses ramifications agissent de même ; mais, dans le Hanburya, la branche latérale à forme d’éperon n’acquiert pas (pour les excellentes raisons que nous avons données) sa sensibilité aussi rapidement que la branche principale. Dans la plupart des vrilles, la partie inférieure ou basilaire n’est nullement sensible, ou ne l’est qu’à un contact prolongé. Nous voyons ainsi que la sensibilité des vrilles est une faculté spéciale et localisée. Elle est tout à fait indépendante de la faculté de s’enrouler spontanément, car la courbure de la portion terminale, due à un attouchement, n’interrompt nullement le premier mouvement. Dans le Bignonia unguis et ses congénères, les pétioles des feuilles, ainsi que les vrilles, sont sensibles à un attouchement.

Quand les plantes volubiles arrivent au contact d’un tuteur, elles s’enroulent invariablement autour de lui dans le sens du mouvement révolutif ; mais les vrilles s’enroulent indifféremment dans un sens ou dans l’autre, suivant la position du tuteur et le côté qui a été le premier touché. Le mouvement préhenseur de l’extrémité n’est évidemment pas régulier, mais ondulatoire ou vermiculaire de sa nature, comme on pouvait le déduire de la manière curieuse dont les vrilles de l’Echinocystis rampent lentement autour d’un tuteur poli.

Les vrilles, sauf quelques exceptions, s’enroulant spontanément, on peut demander pourquoi elles ont été douées de sensibilité ? pourquoi, lorsqu’elles arrivent au contact d’un tuteur, elles ne s’enroulent pas en hélice autour de lui, comme les plantes volubiles ? Cela tient peut-être à ce qu’elles sont, dans la plupart des cas, si flexibles et si minces, que, lorsqu’elles sont amenées au contact d’un objet, elles céderaient presque certainement et seraient entraînées en avant par le mouvement révolutif. De plus, d’après ce que j’ai observé, les extrémités sensibles n’ont pas de pouvoir révolutif, et ne pourraient pas, par ce moyen, s’enrouler autour d’un support. D’autre part, chez les plantes volubiles, l’extrémité s’infléchit spontanément plus que toute autre partie ; et ceci est d’une grande importance pour l’ascension de la plante, comme on peut le voir par une journée de vent violent. Cependant il est possible que le mouvement lent des parties basilaires et plus rigides de certaines vrilles qui s’enroulent autour de tuteurs placés dans leur trajet soit analogue à celui des plantes volubiles. Mais je n’ai pas étudié suffisamment ce sujet, et il serait, en effet, difficile de distinguer le mouvement dû à une irritabilité extrêmement sourde, de l’état stationnaire des parties inférieures, tandis que les parties supérieures continuent leur mouvement ascendant.

Les vrilles qui ont atteint seulement les trois quarts de leur développement, et peut-être même un âge moins avancé, sans être très-jeunes, ont la faculté de s’enrouler et de saisir tout objet qu’elles touchent. Ces deux facultés s’acquièrent en général vers la même période, et toutes les deux disparaissent quand la vrille est complètement développée. Mais, dans le Cobœa et le Passiflora punctata, les vrilles commencent à s’enrouler sans aucune utilité avant de devenir sensibles. Dans l’Echinocystis, elles conservent leur sensibilité quelque temps après avoir cessé de s’enrouler et après s’être affaissées ; dans cette position, alors même qu’elles seraient capables de saisir un objet, une semblable faculté ne serait d’aucune utilité pour supporter la tige. Il est rare de découvrir une superfluité ou une imperfection dans l’action des vrilles, organes si admirablement adaptés aux fonctions qu’ils ont à remplir ; mais nous voyons qu’elles ne sont pas toujours parfaites, et il serait téméraire de supposer qu’une vrille quelconque a atteint la dernière limite de la perfection.

Le mouvement révolutif de certaines vrilles est accéléré ou retardé en se dirigeant vers la lumière ou en s’en éloignant ; d’autres, comme celles du pois, semblent indifférentes à cette influence ; plusieurs se meuvent régulièrement de la lumière vers l’obscurité, et cette circonstance les aide puissamment à trouver un support. Par exemple, les vrilles du Bignonia capreolata s’infléchissent de la lumière vers l’obscurité aussi exactement qu’une girouette sous l’influence du vent. Dans l’Eccremocarpus, les extrémités seules se tordent et tournent de manière à amener leurs branches plus ténues et leurs crochets en contact intime avec une surface obscure, ou dans des crevasses et des creux.

Peu de temps après qu’une vrille a saisi un support, elle se contracte, sauf de rares exceptions, en spirale ; mais le mode de contraction et les grands avantages qui en résultent ont été si bien discutés récemment, qu’il n’y a rien à ajouter à ce sujet. Bientôt après avoir saisi un support, les vrilles deviennent plus fortes, plus épaisses et souvent plus durables à un degré extraordinaire : cela montre combien leurs tissus internes sont modifiés. Parfois c’est la partie qui est enroulée autour d’un support qui devient surtout plus épaisse et plus forte ; j’ai vu, par exemple, cette partie d’une vrille du Bignonia æquinoctialis deux fois plus épaisse et plus rigide que la partie basilaire libre. Les vrilles qui n’ont rien saisi se ratatinent bientôt et se flétrissent : mais, dans plusieurs espèces de Bignonia, elles se désarticulent et tombent comme les feuilles en automne.

Quiconque n’aurait pas observé de près les vrilles d’un grand nombre d’espèces conclurait probablement que leur action est uniforme. C’est le cas pour les espèces qui s’enroulent simplement autour d’un objet de médiocre épaisseur, quelle que soit sa nature[9]. Mais le genre Bignonia nous montre quelle diversité d’action il peut y avoir entre les vrilles d’espèces très-voisines. Dans les neuf espèces que j’ai observées, les jeunes entre-nœuds s’enroulent énergiquement ; les vrilles s’enroulent aussi, mais, dans quelques espèces, d’une manière très-faible, et enfin les pétioles de presque toutes s’enroulent, quoique avec une force inégale. Les pétioles de trois de ces espèces et les vrilles de toutes sont sensibles au contact. Dans la première espèce décrite, la forme des vrilles ressemble au pied d’un oiseau, et elles ne rendent aucun service à la tige pour s’élever en spirale le long d’un tuteur mince et vertical ; mais elles peuvent saisir solidement du menu branchage ou une branche. Quand la tige contourne un tuteur un peu gros, un léger degré de sensibilité des pétioles est mis en jeu, et toute la feuille, ainsi que la vrille, s’enroule autour de lui. Dans le B. unguis, les pétioles sont plus sensibles et possèdent un plus grand pouvoir moteur que ceux de la dernière espèce ; ils sont capables en même temps que les vrilles de s’enrouler d’une manière inextricable autour d’un tuteur mince et vertical, mais la tige ne se contourne pas aussi bien. Le B. Tweedyana a des facultés semblables ; de plus, il émet des racines aériennes qui adhèrent au bois. Dans le B. venusta, les vrilles sont converties en grappins allongés à trois fourchons, qui se meuvent spontanément d’une manière évidente. Cependant les pétioles ont perdu leur sensibilité. La tige de cette espèce peut s’enrouler autour d’un tuteur vertical, et elle est aidée dans son ascension par les vrilles, qui saisissent alternativement le tuteur dans un point supérieur et se contractent alors en hélice. Dans le B. littoralis, les vrilles, les pétioles et les entre-nœuds s’enroulent tous spontanément. La tige cependant ne peut pas s’enrouler, mais elle s’élève le long d’un tuteur vertical en le saisissant en dessus avec les deux vrilles qui se contractent alors en hélice. Les extrémités de ces vrilles se développent en disques adhésifs. Le B. speciosa possède des facultés de mouvement semblables à celles de la dernière espèce, mais il ne saurait contourner un bâton, quoiqu’il puisse s’élever en le saisissant horizontalement avec une ou deux de ses vrilles simples. Ces vrilles introduisent toujours leurs extrémités pointues dans des crevasses ou des creux ; mais, comme elles en sont constamment retirées par suite de la contraction spiralée subséquente, cette habitude nous paraît, dans notre ignorance actuelle, être sans utilité. Enfin, la tige du B. capreolata est imparfaitement volubile ; les vrilles, très-ramifiées, s’enroulent d’une manière capricieuse et se courbent de la lumière vers l’obscurité ; leurs extrémités crochues, même quand elles ne sont pas développées, s’insinuent dans des crevasses, et, une fois développées, elles saisissent tout objet mince et saillant. Dans l’un et l’autre cas, elles développent des disques adhésifs qui ont la faculté d’envelopper les fibres les plus fines.

Dans l’Eccremocarpus, genre voisin, les entre-nœuds, les pétioles et les vrilles, très-ramifiés, s’enroulent tous spontanément ensemble. En somme, les vrilles ne fuient pas la lumière ; mais leurs extrémités, à crochets mousses, s’arrangent convenablement sur toute surface avec laquelle ils viennent en contact, sans doute pour éviter la lumière. Elles fonctionnent le plus efficacement lorsque chaque branche saisit quelques tiges minces, comme les chaumes d’une graminée, qu’elles réunissent ensuite en un faisceau solide à l’aide de la contraction spiralée de toutes les ramifications. Dans le Cobœa, les fines divisions des vrilles sont les seules qui s’enroulent ; les ramifications se terminent en petits crochets pointus, durs et doubles, avec les deux pointes dirigées du même côté ; et celles-ci, par des mouvements bien combinés, se tournent vers tout objet avec lequel elles se trouvent en contact. Les extrémités des ramifications pénètrent aussi dans les crevasses ou les creux privés de lumière. La faculté d’enroulement des vrilles et des entre-nœuds de l’Ampélopsis est faible ou nulle ; les vrilles ne sont que peu sensibles aux attouchements ; leurs extrémités crochues ne peuvent saisir des objets minces ; elles ne saisiront même pas un tuteur, à moins qu’elles n’aient un besoin extrême de support ; mais elles se tournent de la lumière vers l’obscurité, et, étalant leurs branches en contact avec une surface quelconque presque plane, elles produisent des disques. Ceux-ci adhèrent par la sécrétion d’un ciment à un mur ou à une surface polie, ce que ne peuvent faire les disques du Bignonia capreolata.

Le rapide développement de ces disques adhésifs est une des particularités les plus remarquables que possèdent les vrilles. Nous avons vu que ces disques existent chez deux espèces de Bignonia, chez l’Ampelopsis et, suivant Naudin, chez un genre de Cucurbitacée, le Peponopsis adhærens[10]. Dans l’Anguria, la surface inférieure de la vrille, après s’être enroulée autour d’un bâton, forme une couche grossièrement cellulaire, qui s’adapte d’une manière intime au bois, mais n’y est pas adhérente ; tandis que, dans le Hanburya, une semblable couche est adhérente. Le développement de ces excroissances cellulaires (excepté dans le cas du Haplolophium et d’une espèce d’Ampelopsis) dépend du stimulus, résultat du contact. Il est singulier que trois familles si distinctes que les Bignoniaceœ, les Vitaceœ et les Cucurbitaceœ possèdent des espèces avec des vrilles douées de cette faculté remarquable.

Sachs attribue tous les mouvements des vrilles à l’accroissement plus rapide du côté opposé à celui qui devient concave. Ces mouvements consistent en une nutation révolutive ou inclinaison vers la lumière ou vers l’obscurité, en opposition avec la pesanteur, effets produits par un attouchement et la contraction spiralée. Il est téméraire de ma part de ne point partager l’opinion d’un écrivain si autorisé, mais je ne puis croire qu’un de ces mouvements au moins, la courbure par suite d’un attouchement, se produise ainsi[11].

En premier lieu, on peut remarquer que le mouvement de nutation diffère de celui dû à un attouchement, car, dans plusieurs cas, la même vrille acquiert ces deux facultés à des périodes différentes de sa croissance, et la partie sensible de la vrille ne semble pas être susceptible de nutation. La rapidité extraordinaire du mouvement est une de mes principales raisons de douter que la courbure due à un contact soit le résultat de la croissance. J’ai vu l’extrémité d’une vrille de Passiflora gracilis qui, après avoir été touchée, se courbait d’une manière distincte en 25 secondes, et souvent en 30 secondes ; et il en est ainsi pour la vrille plus épaisse du Sicyos. Il semble à peine croyable qu’en aussi peu de temps, leurs surfaces extérieures aient pu croître réellement en longueur, ce qui implique une modification permanente de structure. De plus, d’après cette manière de voir, la croissance doit être considérable, car, si le contact a été tant soit peu rude, l’extrémité se recoquille au bout de deux ou trois minutes en une spire à plusieurs tours.

Quand l’extrémité de la vrille de l’Echinocystis avait saisi un bâton poli, elle se recoquillait, en quelques heures (comme cela a été décrit p. 166), deux ou trois fois autour du bâton, évidemment par un mouvement ondulatoire. J’attribuai d’abord ce mouvement à la croissance de l’extérieur ; je fis donc des marques noires et mesurai les intervalles, mais je ne pus découvrir aucune augmentation en longueur. D’où il semble probable, dans ce cas et dans d’autres, que la courbure de la vrille, résultat du contact, dépend de la contraction des cellules le long du bord concave. Sachs lui-même admet[12] que, « si la croissance qui a lieu dans la vrille entière à l’époque du contact avec un tuteur est faible, une accélération considérable a lieu sur la surface convexe, mais en général il n’y a pas d’allongement sur la surface concave, ou bien il peut même y avoir une contraction ; dans le cas d’une vrille de courge, cette contraction atteignit près d’un tiers de la longueur primitive. » Dans un autre passage, Sachs semble éprouver quelque difficulté à expliquer cette espèce de contraction. Je ne voudrais pas cependant que l’on pût conclure des remarques précédentes, qu’après avoir lu les observations du Dr Vries, je doute que les surfaces extérieures et étirées des vrilles adhérentes augmentent ensuite en longueur par l’accroissement. Un tel accroissement me paraît tout à fait compatible avec le premier mouvement, qui est indépendant de la croissance. De même que nous ne savons pas pourquoi un attouchement délicat fait contracter un côté d’une vrille, de même nous ignorons pourquoi, suivant l’opinion de Sachs, il détermine une croissance extraordinairement rapide du côté opposé. La raison principale ou unique qui porte à croire que la courbure d’une vrille, quand elle est touchée, soit due à un accroissement rapide paraît être que les vrilles perdent leur sensibilité et leur pouvoir moteur après avoir atteint toute leur longueur ; mais ce fait est compréhensible si nous avons présent à l’esprit que toutes les fonctions d’une vrille sont adaptées pour tirer en haut vers la lumière la pousse terminale qui s’élève. Quelle serait l’utilité d’une vrille vieille et complétement développée, partant de la partie inférieure de la tige, si elle conservait sa faculté de saisir un support ? Elle ne servirait à rien, et nous avons vu pour les vrilles tant d’exemples d’adaptation et de simplicité de moyens, que nous pouvons être assurés qu’elles acquerraient l’irritabilité et la faculté de saisir un support à l’âge convenable, — savoir, la jeunesse, — et qu’elles ne conserveraient pas inutilement une telle faculté au delà de l’âge convenable.


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  1. Je suis redevable au Prof. Oliver de renseignements sur ce point. Dans le Bulletin de la Société botanique de France, 1857, on trouve de nombreuses discussions sur la nature des vrilles dans cette famille.
  2. Gardener’s Chronicle, 1864, p. 721. D’après l’affinité des Cucurbitacées avec les Passifloracées, on pourrait arguer que les vrilles des premières sont des pédoncules floraux modifiés, comme cela est certainement le cas dans les Passiflores. M. R. Holland (Hardwicke’s Science Gossip, 1865, p. 105) rapporte « que dans son jardin, croissait, il y a quelques années, un concombre dont un des courts piquants du fruit s’était développé en une vrille longue et courbée. »
  3. Mon beau-père le professeur Ch. Martins a examiné les vrilles d’une autre Cucurbitacée, l’Abobra viridiflora, Naud., qui ont beaucoup d’analogie avec celles du Bryonia dioïca : ce sont d’abord de longs filaments rectilignes qui se courbent ensuite à leur extrémité en forme de crochet à concavité inférieure. Lorsque ces vrilles viennent à toucher un support, elles l’embrassent en rampant et en formant une spire autour de lui ; ensuite la partie encore rectiligne commence à s’enrouler en hélice par l’extrémité qui a saisi le support. Cette hélice se contourne ordinairement de gauche à droite, puis elle change de direction et se contourne de droite à gauche jusqu’au point où la vrille tient à la tige de la plante. Quelquefois il y a deux points de rebroussement sur la longueur de la vrille. (Voy. fig. 13 et Sachs, Traité de Botanique, fig. 455, représentant une vrille de Bryonia dioïca). L’effet de cet enroulement en hélice c’est de rapprocher la tige du support que la vrille a saisi. En même temps cette vrille grossit comme les pétioles préhenseurs des feuilles du Solanum jasminoïdes et de la Clématite : il en résulte que la tige de l’Abobra se trouve soutenue par des liens à la fois forts et élastiques. Son poids ou l’effort du vent ne sauraient la détacher de son support ; en effet, les tours de l’hélice s’écartent alors l’un de l’autre, mais ils se rapprochent de nouveau dès que l’effort cesse et la tige revient à sa position primitive. Quand la vrille ne saisit rien, elle se recoquille sur elle-même en formant une hélice confuse et irrégulière. (Note du Traducteur.)
  4. Trans. Phil. Soc., 1812, p. 314.
  5. Le Dr M’Nab (Trans. Bot. Soc. Edinburgh, vol. XI, p. 292) remarque que les vrilles de l’Ampelopsis Veitchii portent de petits disques globuleux avant de venir en contact avec un objet et depuis lors j’ai observé ce fait. Ces disques pourtant augmentent considérablement de dimension s’ils pressent sur une surface quelconque et y adhèrent. Par conséquent, les vrilles d’une espèce d’Ampelopsis exigent le stimulus du contact pour le premier développement de leurs disques, tandis que celles d’une autre espèce n’ont pas besoin d’un pareil stimulus. Nous avons vu un cas exactement semblable chez deux espèces de Bignoniacées.
  6. Fritz Müller remarque (l. c., p. 348) qu’un genre voisin, Serjania, diffère du Cardiospermum en ce qu’il ne porte qu’une seule vrille, et en ce que le pédoncule commun se contracte en spirale quand la vrille, comme cela arrive fréquemment, a saisi la tige même de la plante.
  7. Le professeur Asa Gray m’informe que les vrilles du P. sicyoides s’enroulent même plus rapidement que celles du P. gracilis ; quatre révolutions furent achevées (la température variant de 31°,11 à 33°,33) dans les espaces de temps suivants 40 minutes, 45 minutes, 38 minutes et demie et 46 minutes. Une demi-révolution fut accomplie en 15 minutes.
  8. Voy. M. Isid. Léon, dans le Bull. Soc. Bot. de France, t. V, 1858, p. 680. M. D. H. de Vries fait observer (p. 306) que je n’ai pas tenu compte, dans la première édition de ce mémoire, de la phrase suivante de Mohl « Lorsqu’une vrille a saisi un support, elle commence en quelques jours à se contourner en une spire ; celle-ci, la vrille étant fixée aux deux extrémités, doit nécessairement dans quelques endroits tourner à droite, et dans d’autres à gauche. » Mais je ne suis pas surpris que cette phrase courte, sans autre explication, n’ait pas attiré mon attention.
  9. Cependant Sachs (Traité de Botanique, traduction anglaise, 1875, p. 280 et traduction française, p. 1099) a montré ce que je n’avais pas remarqué, savoir que les vrilles de différentes espèces sont adaptées pour saisir des supports d’une épaisseur variée. Il montre, en outre, que lorsqu’une vrille a saisi un support, elle le serre ensuite plus étroitement.
  10. Annales des Sciences nat. Bot., 4e série, t. XII, p. 89.
  11. Il me vient à l’esprit que le mouvement de nutation et celui dû à l’attouchement pourraient être influencés différemment par les anesthésiques, comme Paul Bert a montré que c’était le cas pour les mouvements qui accompagnent le sommeil des Mimosa et ceux résultant d’un attouchement. J’expérimentai le pois ordinaire et le Passiflora gracilis, mais je réussis seulement à observer que les deux mouvements n’étaient pas influencés par une exposition de une heure et demie à une dose assez considérable d’éther sulfurique. Sous ce rapport, ils présentent un contraste remarquable avec le Drosera, contraste dû sans aucun doute à la présence de glandes absorbantes dans cette dernière plante.
  12. Traité de Botanique, 1875, p. 779.