Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes/3

CHAPITRE III.

PLANTES À VRILLES.


Nature des vrilles. — Bignoniaceæ, différentes espèces et leurs divers modes de grimper. — Vrilles qui évitent la lumière et s’insinuent dans les crevasses. — Développement des pelotes adhésives. — Excellentes adaptations pour saisir différentes sortes de support. — Polemoniaceæ. — Cobœa scandens, vrilles très-ramifiées et crochues, leur mode d’action. — Leguminosæ. — Compositæ. — Smilaceæ. — Smilax aspera, ses vrilles inefficaces. — Fumariaceæ. — Corydalis claviculata, son état intermédiaire entre celui d’une plante grimpant au moyen de ses feuilles et d’une plante pourvue de vrilles.


Par vrilles, j’entends des organes filamenteux, sensibles au contact et servant exclusivement à grimper. Cette définition ne comprend pas les épines, les crochets et les radicelles qui servent tous à grimper. Les véritables vrilles sont formées par la modification des feuilles avec leurs pétioles, par celle des pédoncules floraux, des branches[1] et peut-être par celle des stipules. Mohl, qui comprend sous le nom de vrilles divers organes ayant une apparence extérieure semblable, les considère, d’après leur nature homologue, comme étant des feuilles, des pédoncules floraux modifiés, etc. : cette classification est excellente ; mais je ferai observer que les botanistes ne sont nullement unanimes sur la nature homologue de certaines vrilles. Je décrirai par conséquent les plantes à vrilles par familles naturelles, en suivant la classification de Lindley ; de cette manière, les plantes de même nature se trouveront réunies dans la plupart des cas. Les espèces à décrire appartiennent à dix familles et seront exposées dans l’ordre suivant : Bignoniaceæ, Polemoniaceæ, Leguminosæ, Compositæ, Smilacæ, Fumariaceæ, Cucurbitaceæ, Vitaceæ, Sapindaceæ, Passifloraceæ[2].

Bignoniaceæ. — Cette famille renferme beaucoup de plantes à vrilles, les unes volubiles et les autres grimpant au moyen de radicules ; les vrilles sont toujours des feuilles modifiées. Nous décrirons neuf espèces de Bignonia, prises au hasard, afin de montrer quelle diversité de structure et d’action peut exister dans le même genre et quelles facultés remarquables possèdent plusieurs vrilles. Ces espèces prises dans leur ensemble fournissent des liens de connexion entre les plantes volubiles, celles qui grimpent à l’aide de feuilles ou de radicules et celles qui sont pourvues de vrilles.


Fig. 5.Bignonia. Espèce innomée de Kew.

Bignonia (une espèce innomée de Kew, très voisine du B. unguis, mais avec des feuilles plus petites et un peu plus larges). — La jeune tige d’une plante coupée à la base accomplit trois révolutions en sens inverse du soleil avec une vitesse moyenne de 2 heures 6 minutes. La tige est grêle et flexible ; elle s’enroula autour d’un tuteur mince en grimpant de gauche à droite aussi bien et aussi régulièrement qu’une véritable plante volubile. En s’élevant ainsi, elle ne se sert pas de ses vrilles ou de ses pétioles ; mais quand elle s’enroulait autour d’un bâton assez épais et que ses pétioles se trouvaient en contact avec lui, ceux-ci se courbaient autour du bâton, montrant par là qu’ils possèdent un certain degré d’irritabilité. Les pétioles présentent aussi un léger degré de mouvement spontané ; car, dans un cas, ils décrivaient positivement des ellipses très-petites, irrégulières et verticales. Les vrilles se courbent en apparence spontanément du même côté que les pétioles, mais, par suite de diverses causes, il a été difficile d’observer le mouvement soit des vrilles, soit des pétioles, dans cette espèce et les deux suivantes. Les vrilles ressemblent tellement sous tous les rapports à celles du B. unguis, qu’une seule description suffira.

Bignonia unguis. — Les jeunes pousses s’enroulent, mais moins régulièrement et moins vite que celles de l’espèce précédente. La tige contourne imparfaitement un bâton vertical, en renversant parfois sa direction, comme nous l’avons décrit, chez tant de plantes grimpant à l’aide de leurs feuilles ; et cette plante, quoique possédant des vrilles, grimpe jusqu’à un certain point comme une plante qui s’aide de ses feuilles. Chaque feuille se compose d’un pétiole portant une paire de folioles et se termine en une vrille formée par la modification de trois folioles et qui a une très-grande ressemblance avec celle figurée plus haut (fig. 5). Mais elle est un peu plus grande, et, chez une jeune plante, elle avait 2c,5 de long environ. Elle ressemble d’une manière curieuse à la jambe et à la patte d’un petit oiseau, moins le doigt de derrière. La jambe droite ou le tarse est plus long que les trois doigts qui ont une égale longueur et qui, en divergeant, sont dans le même plan. Les doigts se terminent par des griffes pointues et dures, très-recourbées en bas, comme celles de la patte d’un oiseau. Le pétiole de la feuille est sensible au contact ; et même une anse de fil suspendue pendant deux jours la fit courber en haut ; mais les pétioles secondaires des deux folioles latérales ne sont pas sensibles. La vrille entière, c’est-à-dire le tarse et les trois doigts, sont également sensibles au contact, surtout à leurs surfaces inférieures. Quand une tige croît au milieu de branches minces, les vrilles arrivent bientôt au contact avec elles par le mouvement révolutif des entre-nœuds, et alors un doigt de la vrille ou un plus grand nombre, ordinairement tous les trois, se courbent et, après plusieurs heures, saisissent solidement les petites branches comme un oiseau quand il se perche. Si le tarse de la vrille vient en contact avec un rameau, il continue à se courber lentement, jusqu’à ce que tout le pied ait fait le tour, et les doigts le saisissent en passant de chaque côté du tarse. De même si le pétiole arrive au contact avec un rameau, il se contourne autour en portant avec lui la vrille qui saisit alors son propre pétiole ou celui de la feuille opposée. Les pétioles se meuvent spontanément, et, de cette manière, lorsqu’une tige essaie de s’enrouler autour d’un bâton vertical, ceux des deux côtés arrivent, au bout de quelque temps, au contact avec lui et sont excités à se courber. En dernier lieu, les deux pétioles s’accrochent au bâton dans des directions opposées, et les vrilles à forme de patte, se saisissant mutuellement ou saisissant leurs propres pétioles, fixent la tige au support avec une solidité étonnante. Les vrilles sont alors mises en action, si la tige s’enroule autour d’un bâton mince et vertical ; sous ce rapport, cette espèce diffère de la précédente. Ces deux espèces se servent de leurs vrilles de la même manière pour passer à travers un fourré. Cette plante est une de celles qui grimpent avec le plus de succès parmi celles que j’ai observées ; et elle monterait probablement le long d’une tige polie incessamment ballotée par de violentes rafales. Afin de montrer combien une santé vigoureuse est importante pour l’action de toutes les parties, je dirai que lorsque j’examinai pour la première fois une plante qui se développait assez bien, mais sans vigueur, je conclus que les vrilles agissaient seulement comme les crochets d’une ronce et que c’était la plus faible et la moins bien douée de toutes les plantes grimpantes[3].

Bignonia Tweedyana. — Cette espèce est très-voisine de la dernière et se comporte de la même manière ; mais elle s’enroule peut-être un peu mieux autour d’un bâton vertical. Sur la même plante, une branche s’enroulait dans une direction et une autre dans une direction opposée. Dans un cas, les entre-nœuds décrivaient deux cercles, chacun en 2 heures 33 minutes. Je pus mieux observer les mouvements spontanés des pétioles dans cette espèce que dans les deux précédentes : un pétiole décrivit en 11 heures trois petites ellipses verticales, tandis qu’un autre se mouvait en décrivant une spire irrégulière. Peu de temps après qu’une tige s’est enroulée autour d’un bâton vertical et qu’elle y est assujettie solidement par les pétioles préhenseurs et les vrilles, elle émet de la base des feuilles des racines aériennes, et ces racines se courbent en partie circulairement et adhèrent au bâton. Cette espèce de Bignonia réunit par conséquent quatre différents modes de grimper qui caractérisent en général des plantes distinctes, savoir l’enroulement en hélice, et la faculté de s’élever à l’aide de feuilles, de vrilles ou de radicules.

Dans les trois espèces précédentes, quand la vrille à forme de patte a saisi un objet, elle continue à croître et à s’épaissir, et finit par devenir prodigieusement forte, comme les pétioles des plantes grimpant à l’aide de leurs feuilles. Si la vrille ne saisit rien, elle se courbe d’abord lentement en bas, et alors sa faculté de préhension est abolie. Bientôt après, elle se sépare en se désarticulant du pétiole et tombe comme une feuille en automne. Je n’ai vu ce mode de désarticulation chez aucune autre vrille, car celles-ci se flétrissent seulement quand elles ne parviennent pas à saisir un objet.

Bignonia venusta. — Les vrilles diffèrent considérablement de celles de l’espèce précédente. La partie inférieure ou tarse est quatre fois plus longue que les trois doigts ; ceux-ci ont une même longueur et divergent également, mais ils ne sont pas dans le même plan ; leurs extrémités sont crochues et sans pointe, et toute la vrille constitue un excellent grappin. Le tarse est sensible sur tous les côtés mais les trois doigts ne sont sensibles que sur leurs surfaces extérieures. La sensibilité n’est pas très-développée ; car un léger frottement avec une petite branche ne faisait, au bout d’une heure, que courber légèrement le tarse ou les doigts qui se redressaient ensuite. Le tarse et les doigts peuvent tous deux saisir parfaitement des bâtons. Si la tige est assujettie, on voit les vrilles décrire spontanément de grandes ellipses, les deux vrilles opposées se mouvant indépendamment l’une de l’autre. Je ne doute pas, d’après l’analogie des deux espèces voisines suivantes, que les pétioles ne se meuvent aussi spontanément ; mais ils ne sont pas sensibles comme ceux des B. unguis et B. Tweedyana. Les jeunes entre-nœuds décrivent des grands cercles, dont l’un fut achevé en 2 heures 15 minutes et un second en 2 heures 55 minutes. Par suite de ces mouvements réunis des entre-nœuds, des pétioles et des vrilles en forme de grappin, ces dernières ne tardent pas à être mises en contact avec les objets voisins. Quand une tige se trouve près d’un tuteur droit, elle s’enroule autour de lui d’une manière régulière et en spirale en grimpant elle saisit le bâton, avec une de ses vrilles, et si le bâton est mince, elle se sert alternativement des vrilles de droite et de gauche. Cette alternance résulte de ce que la tige, pour chaque cercle accompli, exécute nécessairement un mouvement de torsion autour de son axe.

Les vrilles se contractent en spirale peu de temps après avoir saisi un objet ; celles qui ne saisissent rien se courbent seulement en bas lentement ; mais nous examinerons d’une manière complète le sujet de la contraction en spirale des vrilles après avoir, décrit toutes les espèces qui en sont pourvues.

Bignonia littoralis. — Les jeunes entre-nœuds s’enroulent en décrivant de grandes ellipses. Un entre-nœud portant des vrilles incomplètement développées accomplissait deux révolutions, chacune en 3 heures 50 minutes ; mais en vieillissant et avec les vrilles complétement développées, il traçait deux ellipses avec une vitesse de 2 heures 44 minutes pour chacune. Cette espèce, contrairement à la précédente, est incapable de s’enrouler autour d’un bâton ; cette incapacité ne semble pas dépendre d’un défaut de flexibilité des entre-nœuds ou de l’action des vrilles, ni assurément de l’absence de la faculté d’enroulement ; je ne saurais moi-même comment expliquer ce fait. Néanmoins la plante monte facilement le long d’un bâton mince et vertical, en saisissant un point situé au-dessus avec ses deux vrilles opposées qui se contractent alors en spirale. Si les vrilles ne saisissent aucun objet, elles ne deviennent pas spiralées. La dernière espèce décrite s’éleva le long d’un bâton vertical, en s’enroulant en hélice et en le saisissant alternativement avec ses vrilles opposées, comme le ferait un matelot qui se hisse au haut d’un cordage, main sur main ; l’espèce dont nous nous occupons se hisse comme un matelot qui saisit un cordage avec les deux mains élevées ensemble au-dessus de sa tête.

Les vrilles sont semblables en structure à celles de la dernière espèce. Elles continuent à croître pendant quelque temps, même après avoir saisi un objet. Quand elles sont complétement développées, quoique portées par une jeune plante, elles ont une longueur de 22c,9. Les trois doigts divergents sont plus courts relativement au tarse que dans les espèces précédentes ; ils sont émoussés à leurs extrémités, mais légèrement crochus ; ils n’ont pas une égale longueur, le doigt du milieu étant un peu plus long que les autres. Leurs surfaces extérieures sont extrêmement sensibles, car si on les frotte légèrement avec une petite branche, ils se courbent sensiblement en 4 minutes et notablement en 7 minutes. Au bout de 7 heures, ils se redressaient et étaient prêts à agir de nouveau. Le tarse est sensible près des doigts dans l’étendue de 2c,5, mais à un degré un peu moindre que les doigts ; car ces derniers, après un léger frottement, se courbaient en moitié moins de temps environ. La partie moyenne du tarse est même sensible à un contact prolongé, aussitôt que la vrille est arrivée à tout son développement. Quand il vieillit, la sensibilité est bornée aux doigts et ceux-ci ne peuvent s’enrouler que très-lentement autour d’un bâton. Une vrille est parfaitement en état d’agir, dès que les trois doigts ont divergé ; et, à ce moment, leurs surfaces extérieures deviennent sensibles. L’irritabilité se propage peu d’une partie excitée à une autre ; ainsi, quand un bâton est saisi par la partie immédiatement au-dessous des trois doigts, ceux-ci le saisissent rarement, mais restent droits et dirigés en dehors.

Le mouvement révolutif des vrilles est spontané ; il commence avant que la vrille ne soit convertie en un grappin à trois branches par la divergence des doigts, et avant qu’aucune partie ne devienne sensible ; en sorte que le mouvement révolutif est sans résultat dans cette première période. Le mouvement est également lent, deux ellipses étant simultanément achevées en 24 heures 18 minutes. Une vrille complétement développée décrivit une ellipse en 6 heures, de sorte qu’elle se mouvait beaucoup plus lentement que les entre-nœuds. Les ellipses, qui étaient tracées à la fois dans un plan vertical et horizontal, avaient une grande dimension. Les pétioles ne sont nullement sensibles, mais s’enroulent comme les vrilles. Nous voyons ainsi que les jeunes entre-nœuds, les pétioles et les vrilles continuent de s’enrouler ensemble, mais avec des vitesses différentes. Les mouvements des vrilles qui sont opposées l’une à l’autre sont tout à fait indépendants. Il en résulte que lorsqu’on laisse toute la tige s’enrouler librement, rien n’est plus embrouillé que la direction suivie par l’extrémité de chaque vrille : elle explora irrégulièrement un grand espace pour trouver un objet qu’elle puisse saisir.

Une autre particularité curieuse reste à mentionner. Quelques jours après que les doigts ont saisi étroitement un tuteur, leurs extrémités mousses se développent presque toujours en boules discoïdes irrégulières qui ont la faculté d’adhérer fortement au bois. Comme je décrirai en détail de semblables excroissances cellulaires en parlant du B. capreolata, je ne dirai rien de plus sur celles-ci.

Bignonia æquinoctialis, var. Chamberlaynii. — Les entre-nœuds, les pétioles allongés et insensibles et les vrilles accomplissent tous également un mouvement révolutif. La tige n’est pas volubile, mais elle monte le long d’un tuteur vertical comme la dernière espèce. Les vrilles ressemblent aussi à celles de la dernière espèce, mais elles sont plus courtes ; les trois doigts ont une longueur plus inégale, les deux doigts extérieurs étant d’un tiers plus courts et un peu plus minces que le doigt du milieu ; mais ils varient sous ce rapport. Ils se terminent en petites pointes dures et, ce qui est important, les disques cellulaires adhésifs ne se développent pas. La dimension réduite de deux des doigts ainsi que leur sensibilité diminuée semblent indiquer une tendance à l’avortement ; et, sur une de mes plantes, les premières vrilles formées étaient parfois simples, c’est-à-dire n’étaient pas divisées en trois doigts. Nous sommes ainsi conduits naturellement aux trois espèces suivantes à vrilles non divisées.

Bignonia speciosa. — Les jeunes tiges accomplissent un mouvement révolutif irrégulier, en décrivant des ellipses, des spires ou des cercles étroits avec des vitesses variant de 3 heures 30 minutes à 4 heures 40 minutes, mais elles ne montrent aucune tendance à s’enrouler en hélice. Quand la plante est jeune et n’a pas besoin d’un support, les vrilles ne se développent pas. Celles portées par une plante assez jeune avaient 12c,7 de long : elles s’enroulent spontanément comme le font les pétioles courts et insensibles. Quand on les frotte elles se courbent lentement du côté frotté et se redressent ensuite ; mais elles ne sont pas très-sensibles. Il y a quelque chose d’étrange dans leur manière d’être. Je plaçai plusieurs fois près d’elles des bâtons et des poteaux épais ou minces, rugueux ou polis, ainsi qu’une ficelle suspendue verticalement, mais aucun de ces objets ne fut bien saisi. Après s’être accrochées à un tuteur vertical, elles le lâchaient de nouveau à plusieurs reprises, et souvent elles ne le saisissaient pas du tout ou bien leurs extrémités ne se repliaient pas étroitement autour de lui. J’ai observé des centaines de vrilles appartenant à diverses Cucurbitacées, Passifloracées et Légumineuses, et je n’en ai jamais vu une seule se comporter ainsi. Cependant, lorsque ma plante eut atteint en hauteur 2m,40 à 2m,70 les vrilles agissaient beaucoup mieux. Elles saisissaient alors horizontalement un bâton mince et vertical, c’est-à-dire dans un point situé à leur niveau, et non pas dans un autre point vers le haut du tuteur, comme c’est le cas pour toutes les espèces précédentes. Néanmoins, grâce à ce moyen, la tige non volubile pouvait grimper le long du tuteur.

L’extrémité de la vrille est presque toujours droite et pointue. Toute la portion terminale présente une singulière habitude que, chez un animal, on appellerait instinct ; car elle cherche continuellement une petite crevasse ou un trou pour s’y introduire. J’avais deux jeunes plantes ; et, après avoir remarqué cette habitude, je plaçai près d’elles des poteaux qui avaient été perforés par des insectes ou fissurés par la sécheresse. Les vrilles, par leur propre mouvement et par celui des entre-nœuds, se dirigeaient lentement sur la surface du bois, et quand le sommet arrivait à un trou ou à une fissure, il s’y introduisait : pour atteindre ce résultat, l’extrémité, dans une longueur de 1c,2 ou de 0c,6, se courbait souvent à angle droit avec la portion basilaire. J’ai observé cette manœuvre de vingt à trente fois. La même vrille se retirait fréquemment d’un trou et introduisait sa pointe dans un second trou. J’ai vu également une vrille maintenir sa pointe (dans un cas pendant 20 heures et dans un autre pendant 36 heures) dans un petit trou, et puis la retirer. Tandis que la pointe est ainsi introduite temporairement, la vrille opposée continue son mouvement révolutif.

Toute la longueur d’une vrille se colle étroitement à une surface quelconque de bois avec laquelle elle se trouve en contact, et j’ai observé une vrille qui s’était courbée à angle droit pour pénétrer dans une large et profonde fissure avec son sommet recourbé brusquement et introduit dans un petit trou latéral. Après avoir saisi un bâton, une vrille se contracte en spirale ; si elle reste libre, elle pend directement en bas. Si elle s’est collée seulement aux inégalités d’un tuteur épais, quoiqu’elle n’ait rien saisi, ou bien si elle a introduit sa pointe dans quelque petite fissure, ce stimulus suffit pour provoquer une contraction en spirale ; mais la contraction éloigne toujours la vrille du tuteur. De sorte que, dans tous les cas, ces mouvements qui semblent si bien adaptés à quelque but, étaient inutiles. Une fois cependant l’extrémité resta serrée d’une manière permanente dans une fissure étroite. Je m’attendais pleinement d’après l’analogie avec les B. capreolata et B. littoralis, à ce que les extrémités se développeraient en disques adhésifs ; mais je n’ai jamais pu découvrir la moindre trace de ce développement. Il y a donc actuellement quelque chose d’incompréhensible dans les habitudes de cette plante.

Bignonia picta. Cette espèce a une étroite ressemblance avec la dernière au point de vue de la structure et des mouvements de ses vrilles. J’ai examiné aussi accidentellement une plante d’une belle croissance de l’espèce congénère B. Lindleyi, et celle-ci sembla se comporter sous tous les rapports comme la précédente.

Bignonia capreolata. Nous arrivons maintenant à une espèce pourvue de vrilles d’un type différent ; mais parlons d’abord des entre-nœuds. Une jeune tige acheva trois grandes révolutions, en suivant le soleil, avec une vitesse moyenne de 2 heures 23 minutes. La tige est mince et flexible, et j’en ai vu qui accomplissaient quatre tours réguliers en hélice autour d’un bâton mince et vertical, s’élevant de droite à gauche, et par conséquent dans une direction contraire à celle des espèces précédemment décrites. Puis, par suite de l’intervention des vrilles, la tige s’élevait en haut du bâton soit directement, soit en décrivant une spire irrégulière. Les vrilles sont, sous plusieurs rapports, extrêmement remarquables. Chez une jeune plante, elles avaient 6c,3 de long environ et elles étaient très-ramifiées, les cinq divisions principales représentant évidemment deux paires de folioles et une foliole terminale. Chaque ramification est cependant bifide ou plus ordinairement trifide vers l’extrémité, avec des pointes mousses mais distinctement crochues. Une vrille se courbe du côté qui est légèrement frotté et se redresse ensuite ; mais une petite anse de fil pesant 16 milligr. ne produisit aucun effet. Deux fois les branches terminales se courbèrent légèrement en 10 minutes, après avoir touché un bâton, et au bout de 30 minutes les extrémités s’enroulèrent complétement autour de lui. La portion basilaire est moins sensible. Les vrilles s’enroulaient d’une manière capricieuse, parfois très-légèrement ou bien pas du tout ; d’autres fois elles décrivaient de grandes ellipses régulières. Je ne pus découvrir aucun mouvement spontané dans les pétioles des feuilles.

Pendant que les vrilles s’enroulent plus ou moins régulièrement, un autre mouvement remarquable a lieu, savoir, une légère inclinaison dirigée de la lumière vers le côté le plus obscur de la chambre. Je changeai fréquemment la position de mes plantes, et peu de temps après que le mouvement révolutif avait cessé, les vrilles successivement formées finissaient toujours par se tourner du côté le plus obscur. Quand je plaçais un tuteur épais près d’une vrille, entre elle et la lumière, la vrille suivait cette direction. Dans deux cas, une paire de feuilles était placée de telle manière qu’une des deux vrilles se dirigeait vers la lumière, et l’autre vers le côté le plus sombre de la chambre, cette dernière resta immobile ; mais la vrille opposée se courba d’abord en haut, et puis directement au-dessus de sa voisine, de manière que les deux devinrent parallèles, l’une au-dessus de l’autre, toutes les deux se dirigeant vers l’obscurité. Je fis faire alors à la plante un demi-tour : la vrille qui s’était tournée en haut reprit sa position première, et la vrille opposée qui était restée auparavant immobile se tourna vers le côté obscur. Enfin, sur une autre plante, trois tiges produisirent en même temps trois paires de vrilles et il arriva que toutes avaient une direction différente. Je plaçai le vase dans une boîte ouverte seulement d’un côté et regardant obliquement la lumière : au bout de deux jours, toutes les six vrilles se dirigeaient infailliblement vers le côté le plus sombre de la boîte, quoique, pour opérer ce mouvement, chacune dût se courber d’une manière différente. Six girouettes n’auraient pas indiqué plus exactement la direction du vent que ne le firent ces vrilles ramifiées pour la direction du rayon de lumière qui pénétrait dans la boîte. Je laissai ces vrilles sans les déranger plus de 24 heures et alors je fis faire un demi-tour au vase : mais elles avaient perdu maintenant leur faculté de mouvement et elles ne pouvaient plus éviter la lumière.

Quand une vrille n’a pas réussi à saisir un support soit par son propre mouvement révolutif ou par celui de la tige, soit en tournant vers un objet qui intercepte la lumière, elle se courbe verticalement en bas, et puis vers sa propre tige, qu’elle saisit en même temps que le tuteur, s’il y en a un. Ce petit moyen contribue ainsi à maintenir la tige. Si la vrille ne saisit aucun objet, elle ne se contracte pas en spirale, mais elle dépérit bientôt et tombe. Si elle saisit un objet, toutes les ramifications se contractent en spirale.

J’ai dit que lorsque une vrille est arrivée au contact avec un bâton, elle se courbe autour de lui au bout d’une demi-heure environ ; mais j’ai observé maintes fois, comme dans le cas du B. speciosa et de ses congénères, qu’elle lâchait souvent le tuteur, parfois saisissant et lâchant le même tuteur trois ou quatre fois. Sachant que les vrilles évitaient la lumière, je leur présentai un tube de verre noirci intérieurement et une plaque de zinc bien noircie : les divisons s’enroulèrent autour du tube et se courbèrent brusquement autour des bords de la plaque de zinc. Mais elles s’éloignèrent bientôt de ces objets en manifestant pour ainsi dire du dégoût, et elles se redressèrent. Je plaçai alors près d’une paire de vrilles un poteau avec une écorce extrêmement rugueuse ; deux fois elles la touchèrent pendant une heure ou deux, et deux fois elles s’en éloignèrent ; à la fin une des extrémités crochues forma une boucle en saisissant fortement une très-petite pointe saillante de l’écorce ; et alors les autres divisions se déployèrent en suivant exactement chaque inégalité de la surface. Je plaçai ensuite près de la plante un poteau sans écorce, mais très-fissuré, et les pointes des vrilles s’introduisirent admirablement dans toutes les crevasses. À ma surprise, j’observai que les extrémités des jeunes vrilles avec leurs divisions à peine séparées s’introduisaient également dans les plus petites crevasses, exactement comme des racines. Deux ou trois jours après que les extrémités eurent pénétré ainsi dans les crevasses, ou après que leurs terminaisons crochues eurent saisi de petits points saillants, commença le mécanisme final que je vais décrire maintenant.

Je découvris ce mécanisme après avoir laissé accidentellement un morceau de laine à côté d’une vrille ; et ceci me conduisit à lier d’une manière lâche autour de tuteurs une quantité de lin, de mousse et de laine, et à la placer auprès de vrilles. La laine ne doit pas être teinte, car ces vrilles sont extrêmement sensibles à certains poisons. Les pointes crochues saisirent bientôt sans répugnance les fibres, même celles qui flottaient librement ; au contraire l’excitation fit pénétrer les crochets dans la masse fibreuse et les courba en dedans, de telle sorte que chaque crochet saisit solidement une ou deux fibres ou un petit faisceau de fibres. Les extrémités et les surfaces internes des crochets commencèrent alors à se gonfler, et, au bout de deux ou trois jours, elles étaient visiblement grossies. Quelques jours après les crochets se convertirent en pelotes blanchâtres, irrégulières d’un peu plus de 1,27 millim. de diamètre formées de tissu cellulaire grossier qui parfois enveloppait complètement et cachait les crochets eux-mêmes. Les surfaces de ces pelotes sécrètent une matière résineuse et visqueuse à laquelle adhèrent les fibres du lin etc. Quand une fibre s’est attachée à la surface, le tissu cellulaire ne croît pas directement au-dessous d’elle, mais il continue à se développer de chaque côté ; de manière que si plusieurs fibres contiguës, quoique excessivement minces, étaient saisies, il y avait autant de crêtes de tissu cellulaire dont chacune n’avait pas l’épaisseur d’un cheveu ; elles se croisaient entr’elles et se courbant en arc des deux côtés adhéraient solidement ensemble. À mesure que toute la surface de la pelote continue à croître, de nouvelles fibres adhèrent et sont ensuite enveloppées ; j’ai vu ainsi une petite pelote avec cinquante à soixante fibres de lin qui la traversaient suivant divers angles et qui toutes étaient enfouies plus ou moins profondément. On pouvait suivre tous les degrés de ce mécanisme, car parmi ces fibres les unes adhéraient simplement à la surface ; les autres, placées dans des sillons plus ou moins profonds, étaient complétement enfouies ou passaient à travers le centre même de la pelote cellulaire. Les fibres enfouies étaient si solidement saisies qu’on ne pouvait les détacher. Ces excroissances de tissu ont une tendance si marquée à s’unir, que deux pelotes produites par des vrilles distinctes se soudent parfois entre elles et en forment une seule.

Dans un cas une vrille s’étant enroulée autour d’un bâton, de 1c,27 de diamètre, un disque adhérent se forma ; mais ceci n’a pas lieu en général si les bâtons ou les poteaux sont polis. Cependant, si l’extrémité saisissait une petite pointe faisant saillie les autres branches formaient des disques, surtout si elles trouvaient des crevasses pour y pénétrer. Les vrilles ne parvinrent pas à se fixer sur un mur de brique.

Je conclus de l’adhérence des fibres aux disques ou pelotes et plus particulièrement de ce que ces fibres deviennent lâches, si on les plonge dans l’éther sulfurique, que ces pelotes sécrètent une matière résineuse adhésive. Ce liquide fait disparaître les petites pointes brunes, brillantes, qu’on peut voir en général sur les surfaces des plus anciens disques. Si les extrémités crochues des vrilles ne touchent aucun objet, les disques, d’après ce que j’ai observé, ne se forment jamais[4] ; mais un contact de courte durée suffit pour produire leur développement. J’ai vu huit disques se développer sur la même vrille. Après leur développement, les vrilles se contractent en spirale et deviennent ligneuses et très-fortes. Une vrille dans cet état supportait près de 217 grammes, et elle aurait supporté un poids bien plus considérable si les fibres de lin auxquelles les disques étaient fixés n’avaient cédé.

Nous pouvons déduire de ces faits que si les vrilles de ce Bignonia adhèrent parfois à des bâtons polis, cylindriques et souvent à une écorce rugueuse, elles sont néanmoins spécialement adaptées pour grimper le long d’arbres tapissés de lichens, de mousses ou d’autres productions semblables, et je sais par le professeur Asa Gray que le Polypodium incanum abonde sur les arbres des forêts dans les districts du nord de l’Amérique où croît cette espèce de Bignonia. En dernier lieu, je ferai remarquer combien il est singulier qu’une feuille se métamorphose en un organe ramifié qui fuit la lumière et qui, par ses extrémités, peut ou bien s’insinuer comme des racines dans des crevasses, ou saisir de petites pointes saillantes, ces extrémités formant ensuite des excroissances cellulaires qui sécrètent un ciment adhésif et enveloppent alors les fibres les plus fines par suite de leur croissance continue.

Eccremocarpus scaber (Bignoniaceæ). — Cette plante, quoique se développant assez bien dans mon orangerie, n’a pas présenté de mouvements spontanés dans sa tige ou dans ses vrilles ; mais, transportée en serre chaude, les jeunes entre-nœuds s’enroulaient avec une vitesse qui variait entre 3 heures 15 minutes et 1 heure 13 minutes. Un grand cercle fut décrit avec cette dernière vitesse exceptionnelle ; mais en général les révolutions ou les ellipses étaient petites, et parfois le trajet suivi était tout à fait irrégulier. Un entre-nœud, après avoir accompli plusieurs révolutions, s’arrêtait quelquefois pendant 12 ou 18 heures et puis recommençait son mouvement révolutif. Je n’ai guère observé chez aucune autre plante des interruptions aussi marquées dans les mouvements des entre-nœuds.

Les feuilles portent quatre folioles, subdivisées elles-mêmes et se terminent en vrilles très-ramifiées. Le pétiole principal de la feuille, lorsqu’il est jeune, se meut spontanément et accomplit le même trajet irrégulier avec la même vitesse environ que les entre-nœuds. Le mouvement pour s’éloigner ou se rapprocher de la tige est le plus évident, et j’ai vu la corde d’un pétiole courbé, qui formait un angle de 59 degrés avec la tige, faire ensuite en une heure un angle de 106 degrés. Les deux pétioles opposés ne se meuvent pas ensemble, et l’un d’eux est parfois dressé au point d’être près de la tige, tandis que l’autre n’est pas éloigné de l’horizontalité. La portion basilaire du pétiole se meut moins que la partie qui correspond au limbe. Les vrilles, bien que portées par les pétioles et les entre-nœuds qui se meuvent, ont elles-mêmes un mouvement spontané ; et les vrilles opposées se meuvent parfois dans des directions opposées. À l’aide de ces mouvements réunis des jeunes entre-nœuds, des pétioles et des vrilles, la plante parcourt un espace considérable à la recherche d’un support.

Chez les jeunes plantes, les vrilles ont une longueur de 7c,6 environ ; elles portent deux divisions latérales et deux terminales ; chacune se bifurque deux fois ; les extrémités sont terminées en doubles crochets mousses avec les deux pointes dirigées du même côté. Les ramifications sont sensibles sur toute leur circonférence ; et, après avoir été légèrement frottées ou après être venues au contact d’un bâton, elles se courbent au bout de 10 minutes environ. Une de ces divisions qui, après un léger frottement, s’était courbée en 10 minutes, continua à s’incurver pendant 3 à 4 heures et se redressa en 8 ou 9 heures. Les vrilles qui n’ont saisi aucun objet finissent par se contracter en une spire irrégulière, comme elles le font également, mais seulement avec moins de rapidité, après avoir saisi un support. Dans les deux cas, le pétiole principal, portant les folioles, d’abord droit et incliné un peu en haut, se meut en bas avec la partie moyenne courbée brusquement à angle droit ; c’est ce qu’on voit plus clairement encore dans l’E. miniatus que dans l’E. scaber. Dans ce genre, les vrilles agissent à certains égards comme celles du Bignonia capreolata ; mais le tout ne se meut pas en s’éloignant de la lumière et les extrémités crochues ne se développent pas en disques cellulaires. Lorsque les vrilles sont venues au contact d’un bâton cylindrique assez épais ou d’une écorce rugueuse, on peut voir les diverses ramifications se soulever lentement, changer leur position et arriver de nouveau au contact de la surface du support. Le but de ces mouvements est d’amener en contact avec le bois les doubles crochets aux extrémités des branches qui naturellement s’allongent dans toutes les directions. J’ai observé une vrille, dont la moitié s’était courbée à angle droit autour du coin tranchant d’un poteau carré, amener habilement chaque crochet au contact des deux surfaces rectangulaires. L’aspect de cette disposition suggérait l’idée que si toute la vrille n’est pas sensible à la lumière, du moins les extrémités le sont et qu’elles se tournent et se tordent vers une surface opaque quelconque. En dernier lieu, les ramifications s’adaptent très-bien à toutes les irrégularités de l’écorce la plus rugueuse, de manière à ressembler dans leur course irrégulière à une rivière avec ses affluents, tels qu’ils sont représentés sur une carte. Mais quand une vrille s’est enroulée autour d’un bâton assez épais, la contraction spiralée qui suit l’éloigne en général et détruit ce bel arrangement. Il en est de même, mais non pas d’une manière aussi marquée, quand une vrille s’est répandue sur la surface large, presque aplatie, d’une écorce rugueuse. Nous pouvons par conséquent conclure que ces vrilles ne sont pas parfaitement adaptées pour saisir des tuteurs assez épais ou une écorce rugueuse. Si l’on place un bâton mince ou un rameau auprès d’une vrille, les ramifications terminales s’enroulent tout à fait autour d’eux et saisissent alors leurs propres branches inférieures ou la tige principale. Le tuteur est ainsi saisi solidement, mais non régulièrement. Les vrilles semblent être réellement adaptées pour des objets tels que les minces chaumes de certaines graminées ou les crins longs et flexibles d’une brosse, ou bien les feuilles minces et rigides, comme celles de l’asperge, qui toutes sont saisies d’une manière admirable. Ceci est dû à ce que les extrémités des divisions rapprochées des petits crochets sont extrêmement sensibles au contact de l’objet le plus mince autour duquel par conséquent elles s’enroulent en s’y accrochant. Quand une petite brosse, par exemple, était placée près d’une vrille, les extrémités de chaque ramification secondaire saisissaient un, deux ou trois de ses crins ; et alors la contraction en spirale des différentes ramifications rapprochait toutes ces petites parties, en sorte que trente ou quarante crins étaient réunis en un seul faisceau qui fournissait un excellent support.

Polemoniaceæ. — Cobœa scandens. C’est une plante grimpante admirablement constituée. Sur un beau pied, les vrilles avaient une longueur de 28 centim. avec le pétiole qui portait deux paires de folioles longues seulement de 6c,3. Elles s’enroulent plus rapidement et plus vigoureusement que celles de toute autre plante à vrilles que j’ai observée, à l’exception d’une espèce de Passiflora. Trois grandes révolutions presque circulaires, dirigées en sens inverse du soleil, furent accomplies chacune en 1 heure 15 minutes ; et deux autres en 1 heure 20 minutes et 1 heure 23 minutes. Une vrille s’élève tantôt très-inclinée et tantôt presque verticale. Le mouvement de la partie inférieure est faible et celui du pétiole nul ; les entre-nœuds ne s’enroulent pas, en sorte qu’ici la vrille seule est en mouvement. D’autre part, chez le plus grand nombre des espèces de Bignonia et d’Eccremocarpus, les entre-nœuds, les vrilles et les pétioles accomplissaient tous des mouvements révolutifs. La tige principale, longue, droite, effilée de la vrille du Cobœa porte des ramifications alternes ; chacune est divisée plusieurs fois ; les divisions les plus fines sont aussi ténues que des crins très-minces et extrêmement flexibles, en sorte qu’elles sont soulevées par le moindre souffle d’air : cependant elles sont fortes et très-élastiques. L’extrémité de chaque division est un peu aplatie et se termine en un petit crochet double (quoique parfois simple) formé d’une substance dure, transparente, ligneuse et aussi aiguë que l’aiguille la plus fine. Sur une vrille qui avait une longueur de 28 centimètres, je comptai jusqu’à quatre-vingt-quatorze de ces petits crochets admirablement conformés. Ils saisissaient promptement le bois mou, les gants ou la peau de la main. À l’exception de ces crochets durcis et de la portion basilaire de la tige centrale, chacune des parties des divisions est très-sensible de tous les côtés à un léger attouchement et se courbe en quelques minutes vers la partie touchée. En frottant légèrement plusieurs divisions secondaires sur les côtés opposés, toute la vrille prenait rapidement une forme très-crochue. Ces mouvements produits par le contact sont indépendants du mouvement révolutif ordinaire. Les divisions, après s’être courbées considérablement à la suite d’un contact, se dressent plus promptement que dans presque toutes les autres vrilles que j’ai observées ; savoir, en un espace de temps qui varie entre une demi-heure et une heure. Dès que la vrille a saisi un objet, la contraction en spirale commence après un intervalle de temps exceptionnellement court, c’est-à-dire en 12 heures environ.

Avant que la vrille soit développée, les divisions terminales s’unissent et les crochets sont courbés en dedans. À cette période, il n’y a pas de partie sensible à un contact ; mais dès que les branches divergent et que les crochets sont écartés, les vrilles acquièrent toutes leur sensibilité : c’est un fait singulier que les vrilles qui ne sont pas encore développées s’enroulent avec toute leur vitesse avant de devenir sensibles, mais sans aucune utilité ; car, dans cet état, elles ne peuvent saisir aucun objet. Ce défaut de corrélation parfaite, bien que seulement de courte durée, entre la structure et les fonctions d’une plante grimpante, est un fait rare. Dès qu’une vrille est prête à agir, elle se dresse verticalement, ainsi que le pétiole qui la supporte. Les folioles du pétiole sont à cette époque très-petites, et l’extrémité de la tige qui croît est infléchie d’un côté, de manière à ne pas gêner la vrille enroulante qui décrit de grands cercles au-dessus d’elle. Les vrilles s’enroulent ainsi dans une position très-favorable pour saisir des objets situés au-dessus d’elles, et cette manœuvre favorise l’ascension de la plante. Si aucun objet n’est saisi, la feuille avec sa vrille se courbe en bas et finit par prendre une position horizontale. Il reste ainsi à la vrille plus jeune qui lui succède un espace libre pour se dresser verticalement et pour s’enrouler librement. Aussitôt qu’une vieille vrille se courbe en bas, elle perd toute faculté de mouvement et se contracte en spirale en une masse confuse. Bien que les vrilles accomplissent leur mouvement révolutif avec une rapidité exceptionnelle, le mouvement n’est que de courte durée. Sur un pied placé en serre chaude et croissant vigoureusement, une vrille ne s’enroula que pendant 36 heures, depuis le moment où elle devint sensible pour la première fois ; mais, pendant cette période de temps, il est probable qu’elle accomplit au moins vingt-sept révolutions.

Quand une vrille enroulante rencontre un bâton, les branches se courbent promptement autour de lui et le saisissent. Les petits crochets jouent ici un rôle important, car ils empêchent les divisions d’être entraînées par la rapidité du mouvement révolutif avant d’avoir eu le temps de saisir solidement le tuteur. C’est ce qui a lieu surtout lorsque l’extrémité d’une division seulement s’est accrochée à un support. Aussitôt qu’une vrille s’est courbée autour d’un tuteur poli ou d’un gros poteau rugueux, ou bien qu’elle est venue en contact avec du bois raboté (car elle peut adhérer temporairement à une surface aussi polie), on peut observer les mêmes mouvements particuliers que ceux qui ont été décrits pour le Bignonia capreolata et l’Eccremocarpus. Les branches oscillent fréquemment de bas en haut ; celles qui ont leurs crochets déjà dirigés en bas restent dans cette position et assurent la vrille, tandis que les autres s’entortillent jusqu’à ce qu’elles aient réussi à se mouler sur les irrégularités de la surface et à mettre leurs crochets en contact avec le bois. L’utilité des crochets a été bien démontrée en donnant aux vrilles des tubes et des plaques de verre pour s’y accrocher ; car ces objets, bien que saisis temporairement, étaient invariablement abandonnés, soit pendant le nouvel arrangement des divisions, ou finalement quand la contraction en spirale s’établissait.

La manière admirable dont les ramifications s’arrangent en rampant comme les radicelles sur chaque inégalité de la surface, et en pénétrant dans chaque crevasse, forme un joli tableau ; ce résultat est peut-être obtenu d’une manière plus parfaite encore par cette espèce que par toute autre. L’effet est en tous cas plus évident, car les surfaces supérieures de la tige principale, ainsi que celles de chaque division jusqu’aux derniers crochets, sont angulaires et vertes, tandis que les surfaces inférieures sont arrondies et pourprées. Je fus conduit à conclure, comme dans les cas précédents, qu’une moins grande quantité de lumière dirigeait les mouvements des divisions de la vrille. Pour le démontrer, je fis plusieurs essais avec des cartes noires et blanches et avec des tubes de verre ; mais j’échouai par suite de diverses circonstances ; cependant ces essais confirmèrent mon opinion. Comme une vrille se compose d’une feuille divisée en segments nombreux, il n’est pas surprenant que tous les segments tournent leurs surfaces supérieures vers la lumière, aussitôt que la vrille est fixée et le mouvement révolutif arrêté. Mais cela ne rend pas compte de la totalité du mouvement, car les segments s’infléchissent ou se courbent en réalité vers le côté obscur, et de plus tournent circulairement autour de leurs axes, en sorte que leurs surfaces supérieures regardent la lumière.

Quand le Cobœa croît en plein air, le vent doit aider les vrilles, qui sont extrêmement flexibles, à atteindre un support ; car j’ai constaté qu’un simple souffle suffisait pour que les extrémités des branches pussent saisir, à l’aide de leurs crochets, de petits rameaux qu’elles ne pouvaient atteindre par le seul mouvement révolutif. On aurait pu supposer qu’une vrille ainsi accrochée à l’extrémité d’une seule branche n’aurait pas pu saisir convenablement son support ; mais plusieurs fois j’ai constaté des cas comme le suivant : une vrille saisissait un bâton mince avec les crochets d’une de ses deux divisions terminales ; quoique maintenue ainsi par l’extrémité, elle essayait encore de s’enrouler en se courbant en arc de tous les côtés, et par suite de ce mouvement l’autre division terminale saisissait bientôt le bâton. Alors la première branche se détachait et à l’aide de ses crochets se fixait de nouveau. Après un certain temps, et par suite du mouvement continu de la vrille, les crochets d’une troisième division se fixaient à leur tour : dans cette position de la vrille, aucune autre division n’aurait pu toucher le bâton. Mais bientôt la partie supérieure de la tige principale commença à se contracter en une spire ouverte : elle entraînait ainsi vers le bâton la pousse qui portait la vrille ; et comme celle-ci essayait continuellement de s’enrouler, une quatrième division était mise en contact avec le tuteur. Enfin, par suite de la contraction en spirale se propageant en bas, la tige principale et les branches étaient mises l’une après l’autre en contact avec le bâton : elles s’enroulaient alors autour de lui et l’une autour de l’autre, jusqu’à ce que toute la vrille formât un nœud inextricable. Les vrilles, bien que d’abord tout à fait flexibles, devinrent, après avoir saisi pendant quelque temps un support, plus rigides et plus fortes qu’elles n’étaient auparavant. La plante est ainsi fixée sur son support d’une manière parfaite.

Leguminosæ. Pisum sativum. — Le pois ordinaire a été le sujet d’un mémoire important[5] de Dutrochet, qui a découvert que les entre-nœuds et les vrilles s’enroulent en ellipses. Ces ellipses sont en général très-allongées, mais se rapprochent parfois du cercle. J’ai observé plusieurs fois que le plus grand axe changeait lentement de direction, ce qui est important, parce que la vrille parcourt ainsi un espace plus considérable. Grâce à ce changement de direction, ainsi qu’au mouvement de la tige vers la lumière, les ellipses successives et irrégulières forment en général une spire irrégulière. J’ai cru devoir annexer un tracé de la direction suivie par l’entre-nœud supérieur (le mouvement de la vrille étant négligé) d’une jeune plante depuis 8 heures 40 minutes du matin jusqu’à 9 heures 15 minutes du soir. Cette direction était tracée sur une cloche hémisphérique placée au-dessus de la plante et les points avec les chiffres donnent les heures d’observation, chaque point étant réuni par une ligne droite. Nul doute que toutes les lignes n’eussent été curvilignes si la direction avait été observée à de courts intervalles. L’extrémité du pétiole d’où partait la jeune vrille était à 5 centimètres du verre, en sorte que si un crayon long de 5 centimètres avait pu être fixé au pétiole, il aurait tracé sur la face intérieure du verre la figure ci-jointe : mais on ne doit pas oublier que la figure est réduite de moitié. En négligeant le premier grand mouvement décrit vers la lumière depuis les chiffres 1 à 2, l’extrémité du pétiole parcourait un intervalle de 10c,2 dans un sens et de 7c,6 dans un autre. Comme une vrille complétement développée



Côté de l’appartement avec fenêtre.
Fig. 6.
Diagramme montrant le mouvement de l’entre-nœud du Pois ordinaire tracé sur une cloche hémisphérique, reporté sur papier et réduit de moitié (1e août).


NoaaaaaaaaaH. M. NoaaaaaaaaaH. M. NoaaaaaaaaaaH. M.
1aaaaaaaaaa 8 46 matin.  9aaaaaaaaaa 1 55 soir. 16aaaaaaaaaa5 25 soir.
2aaaaaaaaaa10   0aa» 10aaaaaaaaaa2 35a» 17aaaaaaaaaa5 50a»
3aaaaaaaaaa11   0aa» 11aaaaaaaaaa 3  0a» 18aaaaaaaaaa6 25a»
4aaaaaaaaaa11 37aa» 12aaaaaaaaaa 3 30a» 19aaaaaaaaaa7   0a»
5aaaaaaaaaa12  7 soir. 13aaaaaaaaaa 3 48a» 20aaaaaaaaaa7  45a»
6aaaaaaaaaa12 30a» 14aaaaaaaaaa 4 10a» 21aaaaaaaaaa8  30a»
7aaaaaaaaaa  1   0a» 15aaaaaaaaaa 5   5a» 22aaaaaaaaaa9  15a»
8aaaaaaaaaa  1  30a»


a beaucoup plus de 5 centimètres de longueur, et comme la vrille elle-même se courbe et s’enroule d’accord avec l’entre-nœud, l’espace parcouru est plus considérable que celui représenté d’après une échelle réduite. Dutrochet a observé une ellipse complétée en 1 heure 20 minutes, et j’en ai vu une autre achevée en 1 heure 30 minutes. La direction suivie est variable, soit dans le sens du soleil, soit en sens inverse du soleil.

Dutrochet affirme que les pétioles des feuilles ainsi que les jeunes entre-nœuds et les vrilles s’enroulent spontanément ; mais il ne dit pas s’il fixait les entre-nœuds. Quand je répétai l’expérience, je ne pus jamais découvrir de mouvement dans le pétiole, excepté vers la lumière ou en s’éloignant d’elle.

D’autre part, les vrilles, quand les entre-nœuds et les pétioles sont fixés, décrivent des spires irrégulières ou des ellipses régulières, exactement semblables à celles décrites par les entre-nœuds. Une jeune vrille longue de 2c,8 seulement accomplit un mouvement révolutif. Dutrochet a montré que lorsqu’une plante est placée dans un appartement de façon à ce que la lumière entre latéralement, les entre-nœuds marchent beaucoup plus vite vers la lumière que vers l’obscurité. De plus, il assure que la vrille elle-même se meut de la lumière vers le côté obscur de l’appartement. Malgré tout le respect dû à ce grand observateur, je crois qu’il a commis une méprise, parce qu’il n’avait pas fixé les entre-nœuds. Je choisis une jeune plante avec des vrilles très-sensibles et je liai le pétiole de façon à ce que la vrille seule pût se mouvoir ; elle traça une ellipse parfaite en 1 heure 30 minutes ; je fis mouvoir alors en partie la plante circulairement, mais cela n’amena aucun changement dans la direction de l’ellipse suivante. Le lendemain, j’observai une plante attachée de la même manière jusqu’à ce que la vrille (qui était très-sensible) accomplît une ellipse en se dirigeant en ligne droite vers la lumière ou en s’en éloignant ; le mouvement était si considérable que la vrille aux deux extrémités de sa marche elliptique se courba un peu au-dessous du plan horizontal, parcourant ainsi plus de 180 degrés : mais la courbure était aussi considérable dans le sens de la lumière que vers le côté obscur de la chambre. Je crois que Dutrochet s’est mépris parce qu’il n’a pas fixé les entre-nœuds et qu’il a étudié une plante dont les entre-nœuds et les vrilles ne se courbaient plus régulièrement ensemble par suite de leur différence d’âge.

Dutrochet n’a pas fait d’observations sur la sensibilité des vrilles. Celles-ci sont très-sensibles lorsqu’elles sont jeunes et longues de 2c,5 environ, et que les folioles du pétiole sont à peine développées. Un seul attouchement léger avec une petite branche sur la surface inférieure ou concave près du sommet les fit rapidement courber ; une anse de fil pesant 9,25 milligrammes produisit parfois le même effet. La surface supérieure ou convexe est à peine ou même nullement sensible. Les vrilles, après s’être courbées par suite d’un attouchement, se redressent au bout de deux heures environ et sont alors prêtes à agir de nouveau. Dès qu’elles commencent à vieillir, les extrémités de leurs deux ou trois paires de divisions deviennent crochues, et elles sembleraient devoir former un excellent appareil de préhension ; mais ce n’est pas le cas ; car, à cette période, elles ont en général perdu entièrement leur sensibilité. Quand elles s’accrochaient à de petites branches, les unes n’étaient nullement impressionnées et les autres ne saisissaient les branches qu’au bout de dix-huit à vingt-quatre heures ; néanmoins elles purent utiliser leur dernier vestige d’irritabilité, grâce à leurs extrémités crochues. En définitive, les divisions latérales se contractent en spirale, mais non la division moyenne ou principale.

Lathyrus aphaca. — Cette plante est dépourvue de feuilles, excepté lorsqu’elle est encore très-jeune, celles-ci étant remplacées par des vrilles, et les feuilles elles-mêmes par de grandes stipules. On aurait pu, par conséquent, s’attendre à ce que les vrilles eussent été très-bien organisées, mais il n’en est rien : elles sont assez longues, minces et non ramifiées, avec leurs extrémités légèrement courbées. Quand elles sont jeunes, elles sont sensibles de tous les côtés, mais principalement sur le bord concave de l’extrémité. Ces vrilles ne possèdent pas la faculté d’enroulement spontané ; elles sont d’abord inclinées en haut d’un angle d’environ 45 degrés, puis deviennent horizontales et enfin se dirigent en bas. D’autre part, les jeunes entre-nœuds s’enroulent en ellipses et portent les vrilles. Deux ellipses furent décrites, chacune en cinq heures environ ; leurs grands axes étaient dirigés suivant un angle d’environ 45 degrés, comparativement à l’axe de l’ellipse précédente.

Lathyrus grandiflorus. — Les plantes observées étaient jeunes et leur croissance, sans être vigoureuse, l’était cependant assez pour que mes observations inspirent de la confiance. Cela étant ainsi, nous trouvons le fait rare d’entre-nœuds et de vrilles qui ne s’enroulent pas. Les vrilles des plantes vigoureuses ont une longueur de 10 centimètres environ et sont souvent divisées deux fois en trois branches ; leurs extrémités sont courbées et sensibles sur leurs bords concaves ; la partie inférieure de la tige centrale est à peine sensible. Cette plante semble donc grimper simplement à l’aide de ses vrilles, qui sont mises en contact par la croissance de la tige ou d’une manière plus efficace par le vent avec les objets environnants auxquels elles s’accrochent. J’ajouterai que les vrilles ou les entre-nœuds du Vicia sativa ou tous les deux accomplissent un mouvement révolutif.

Compositæ. — Mutisia clematis. — On sait que l’immense famille des Composées renferme très-peu de plantes grimpantes. Nous avons vu dans le tableau du premier chapitre que le Mikania scandens est une plante essentiellement volubile, et F. Müller m’apprend que dans le Brésil méridional il y en a une autre espèce qui grimpe à l’aide de ses feuilles. Le Mutisia est, à ma connaissance, le seul genre de cette famille qui porte des vrilles ; il est par conséquent intéressant de voir qu’elles exécutent tous les mouvements caractéristiques ordinaires, aussi bien ceux qui sont spontanés que ceux qui sont excités par le contact, quoique la métamorphose de feuilles en vrilles ne soit pas aussi parfaite que dans d’autres plantes à vrilles.

La longue feuille porte sept ou huit folioles alternes et se termine en une vrille qui, sur un pied d’une dimension considérable, avait une longueur de 12c,7. Elle se compose en général de trois divisions ; et celles-ci, quoique très-allongées, représentent d’une manière évidente les pétioles et les nervures moyennes de trois folioles ; car elles ont une étroite ressemblance avec les mêmes parties d’une feuille ordinaire : elles sont en effet rectangulaires à la surface supérieure, sillonnées et bordées de vert. De plus, la bordure verte des vrilles des jeunes plantes s’épanouit quelquefois en un limbe ou une lame étroite. Chaque division est un peu courbée en bas et légèrement crochue à l’extrémité.

Un jeune entre-nœud supérieur s’enroulait, à en juger par trois révolutions, avec une vitesse moyenne de 1 heure 38 minutes ; il décrivait des ellipses dont les grands axes étaient dirigés réciproquement à angle droit l’un de l’autre. Les pétioles et les vrilles sont constamment en mouvement ; mais leur mouvement est plus lent et beaucoup moins régulièrement elliptique que celui des entre-nœuds. Ils semblent être très-sensibles à la lumière, car la feuille entière s’affaisse dans la nuit et se redresse dans le jour, se mouvant ainsi pendant la journée dans une direction sinueuse vers l’ouest. L’extrémité de la vrille est très-sensible à la surface inférieure, et l’une de ces extrémités, que l’on avait à peine touchée avec une petite branche, se courba sensiblement en 3 minutes et une autre en 5 minutes ; la surface supérieure n’est nullement sensible, les côtés le sont peu, en sorte que deux divisions dont les côtés internes étaient frottés convergeaient et s’entre-croisaient. Le pétiole de la feuille et les parties inférieures de la vrille mi-chemin entre la foliole supérieure et la division inférieure sont insensibles. Une vrille, après s’être enroulée à la suite d’un contact, se redressa en 6 heures environ et elle était prête à recommencer ; mais une autre, qui avait été frottée assez rudement pour se recoquiller en hélice, ne devint parfaitement droite qu’au bout de 13 heures. Les vrilles conservent leur sensibilité jusqu’à un âge très-avancé ; car une vrille portée par une feuille surmontée de cinq ou six autres feuilles complètement développées était cependant encore sensible. Si une vrille ne saisit aucun objet, au bout d’un laps considérable de temps les extrémités et divisions se courbent un peu en dedans ; mais si elle saisit un objet, toute la vrille se contracte en spirale.

Smilaceæ. — Smilax aspera, var. maculata. — Aug. Saint-Hilaire[6] considère les vrilles qui naissent, par paires, du pétiole comme étant des folioles latérales modifiées ; mais Mohl (p. 41) les range parmi les stipules modifiées. Ces vrilles ont une longueur de 3c,8 à 4c,4 elles sont minces et ont des extrémités légèrement courbées et ponctuées. Elles s’écartent un peu l’une de l’autre et sont d’abord presque verticales. Quand on frotte légèrement un de leurs bords, elles se courbent lentement du côté frotté et se redressent ensuite de nouveau. Le bord postérieur ou convexe, mis en contact avec un bâton, se courbait d’une manière à peine sensible en une heure vingt minutes et ne l’entourait qu’au bout de quarante-huit heures : le bord concave d’une autre vrille se courbait considérablement en deux heures et saisissait un bâton en cinq heures. À mesure que les paires de vrilles vieillissent, une vrille s’écarte de plus en plus de l’autre, et toutes les deux s’incurvent lentement en arrière et en bas, de sorte qu’au bout d’un certain temps, elles se projettent sur la tige du côté opposé à celui d’où elles partent.


Fig. 7.
Smilae aspera.


Elles conservent même alors leur sensibilité et peuvent saisir un support placé derrière la tige. Grâce à cette faculté, la plante grimpe le long d’un tuteur mince et vertical. En dernier lieu, les deux vrilles appartenant au même pétiole, si elles ne viennent pas en contact avec un objet, s’entrecroisent d’une manière lâche derrière la tige, comme en B, dans la figure 7. Ce mouvement des vrilles vers la tige et autour d’elle est, jusqu’à un certain point, provoqué par leur tendance à fuir la lumière ; car lorsqu’une plante était placée de manière qu’une des deux vrilles était forcée, en se mouvant ainsi lentement, de se diriger vers la lumière et l’autre de la fuir, cette dernière se mouvait toujours, comme je l’ai observé maintes fois, plus rapidement que sa voisine. Dans aucun cas les vrilles ne se contractent en spirale. Leur chance de trouver un support dépend de la croissance de la plante, du vent, et de leur propre mouvement lent en arrière et en bas, lequel, comme nous venons de le voir, est provoqué, jusqu’à un certain point, par la tendance à fuir la lumière ; car ni les entre-nœuds ni les vrilles n’ont de mouvement révolutif qui leur soit propre. Vu cette dernière circonstance ainsi que les mouvements lents des vrilles après le contact (quoique leur sensibilité soit conservée plus longtemps que d’habitude), vu leur structure simple et leur peu de longueur, cette espèce est une plante grimpante moins parfaite que tout autre végétal pourvu de vrilles que j’aie observé. Lorsque la plante est jeune et n’a que quelques centimètres de hauteur, elle ne produit pas de vrilles ; et si l’on considère qu’elle atteint seulement en hauteur 2m,4 environ, que la tige est en zigzag et munie, ainsi que les pétioles, d’épines, il est surprenant que cette plante soit pourvue de vrilles, bien que celles-ci soient comparativement inefficaces. On pourrait penser que cette plante grimperait à l’aide de ses seules épines, comme nos ronces. Cependant, comme elle appartient à un genre dont plusieurs espèces sont pourvues de vrilles beaucoup plus longues, nous pouvons supposer qu’elle possède ces organes uniquement parce qu’elle descend d’ancêtres doués, sous ce rapport, d’une organisation plus parfaite.

Fumariaceæ. — Corydalis claviculata. — Suivant Mohl (p. 43), les extrémités de la tige ramifiée, ainsi que les feuilles, se convertissent en vrilles. Dans les spécimens que j’ai observés, toutes les vrilles étaient certainement foliacées, et il n’est guère croyable que la même plante produise des vrilles d’une nature homologue très-différente. Néanmoins, suivant cette opinion de Mohl, j’ai rangé cette espèce parmi celles qui sont pourvues de vrilles ; si on l’avait classée exclusivement d’après ses vrilles foliacées, on aurait dû la placer, avec ses alliées Fumaria et Adlumia, parmi celles qui grimpent à l’aide de leurs feuilles. La majeure partie de ses soi-disant vrilles porte encore des folioles, quoique excessivement réduites en dimension ; mais quelques-unes d’entre elles peuvent être appelées des vrilles, car elles sont complètement dépourvues de lames ou de limbe. Par conséquent, nous voyons ici une plante dans sa période actuelle de transition de l’état de plante grimpant à l’aide de ses feuilles à celui d’une plante pourvue de vrilles. Quand la plante est assez jeune, les feuilles extérieures seulement, mais quand elle est arrivée au terme de sa croissance, toutes les feuilles ont leurs extrémités converties en vrilles plus ou moins parfaites. J’ai examiné des spécimens d’une seule contrée, le Hampshire, et il est possible que des plantes croissant dans des conditions différentes aient leurs feuilles plus ou moins transformées en véritables vrilles.

Quand la plante est tout à fait jeune, les premières feuilles formées ne sont nullement modifiées ; mais celles qui se développent ensuite ont leurs folioles terminales réduites en dimension, et bientôt toutes les feuilles affectent la structure représentée dans la figure suivante. Cette feuille portait neuf folioles, dont les inférieures étaient très-subdivisées. La portion terminale du pétiole, d’une longueur de 3c,8 (au-dessus de la foliole f), est plus mince et plus allongée que la portion inférieure, et peut être considérée comme une vrille. Les folioles portées par cette partie sont considérablement réduites en dimension ; elles ont, en moyenne, une longueur de 0c,25 et sont très-étroites ; une petite foliole mesurait 0c,21 en longueur, et en largeur 2mm,116 et 0mm,339, en sorte qu’elle était presque microscopique. Toutes les folioles réduites ont des nervures ramifiées et se terminent en petites épines, comme celles des folioles complétement développées. Par des gradations insensibles, on arrive aux ramifications (telles que a et d dans la figure) qui ne présentent aucune trace de lame ou de limbe. Parfois toutes les branches terminales du pétiole sont dans cet état, et nous avons alors sous les yeux une véritable vrille.

Les diverses ramifications terminales du pétiole qui portent les folioles très-réduites (a, b, c, d) sont très-sensibles, car une anse de fil pesant seulement 4,05 milligr. les fit courber considérablement en moins de quatre heures. Quand l’anse était enlevée, les pétioles se redressaient dans le même temps environ. Le pétiole (e) était un peu moins sensible ; et chez un autre spécimen, sur lequel le pétiole correspondant portait des folioles un peu plus larges, une anse de fil pesant 8 milligr. ne déterminait la courbure qu’au bout de 18 heures. Les anses de fil pesant 16 milligr., laissées suspendues aux pétioles inférieurs ( f à l ) pendant plusieurs jours, ne produisirent aucun effet. Cependant les trois pétioles f, g et h n’étaient pas tout à fait insensibles, car, maintenus en contact avec un bâton pendant un jour ou deux, ils s’enroulèrent lentement autour de lui. Ainsi la sensibilité du pétiole diminue graduellement depuis l’extrémité en forme de vrille jusqu’à la base.


Fig. 8.
Corydalis claviculata.
Vrille foliaire de grandeur naturelle.


Les entre-nœuds de la tige ne sont nullement sensibles, ce qui rend d’autant plus surprenante, pour ne pas dire improbable, l’assertion de Mohl, que les entre-nœuds sont parfois convertis en vrilles.

Toute la feuille, quand elle est jeune et sensible, se tient presque verticalement en haut, comme nous avons vu que c’est le cas pour beaucoup de vrilles. Elle est continuellement en mouvement, et une vrille que j’ai observée décrivit, avec une vitesse moyenne de 2 heures environ pour chaque révolution, de grandes ellipses, quoique irrégulières, qui étaient tantôt étroites, tantôt larges, avec leurs grands axes dirigés vers les différents points de l’horizon. Les jeunes entre-nœuds s’enroulaient irrégulièrement en ellipses ou en spires, en sorte que, par suite de ces mouvements combinés, un espace considérable était décrit à la recherche d’un support. Si la portion terminale et amincie d’un pétiole ne parvient pas à saisir un objet, elle finit par s’incurver en bas et en dedans, et elle perd bientôt toute irritabilité et toute faculté de se mouvoir. Cette courbure en bas diffère beaucoup de celle qui se produit dans les extrémités des jeunes feuilles chez plusieurs espèces de Clematis, car celles-ci, quand elles sont ainsi courbées en bas ou crochues, acquièrent alors toute leur sensibilité.

Dicentra thalictrifolia. — Dans cette plante alliée, la métamorphose des folioles terminales est complète, et elles se convertissent en vrilles parfaites. Quand la plante est jeune, les vrilles apparaissent comme des branches modifiées, et un botaniste distingué croyait qu’elles étaient de cette nature ; mais, dans une plante complètement développée, nul doute, comme me l’a assuré le Dr Hooker, qu’elles ne soient des feuilles modifiées. Leur longueur dépasse 12c,7 ; elles se bifurquent deux, trois ou même quatre fois ; leurs extrémités sont crochues et mousses. Toutes les ramifications des vrilles sont sensibles sur tous les côtés, mais la portion basilaire de la tige principale ne l’est que faiblement. Les portions terminales, frottées légèrement avec une petite branche, se courbaient au bout de 30 à 42 minutes et se redressaient en 10 à 20 heures. Une anse de fil pesant 8 milligr. faisait courber sensiblement les branches plus minces, comme le faisait parfois une anse pesant 4 milligr. ; mais ce dernier poids, quoique laissé suspendu, ne suffisait pas pour produire une flexion permanente. Toute la feuille avec sa vrille, ainsi que les jeunes entre-nœuds supérieurs, s’enroulent vigoureusement et rapidement, bien qu’irrégulièrement, et parcourent ainsi un espace considérable. La figure représentée sur une cloche en verre était soit une spire irrégulière, soit une ligne en zigzag. La figure qui se rapprochait le plus d’une ellipse était un 8 de chiffre allongé, avec une extrémité un peu ouverte et qui était complétée en 1 heure 53 minutes. En 6 heures 17 minutes, une autre tige décrivit une figure complexe représentant trois ellipses et demie. Quand la partie inférieure du pétiole portant les folioles était solidement fixée, la vrille elle-même décrivait des figures semblables, mais beaucoup plus petites.

Cette espèce grimpe parfaitement. Après avoir saisi un bâton, les vrilles deviennent plus épaisses et plus rigides ; mais les crochets mousses ne tournent pas et ne s’adaptent pas à la surface du support, comme le font si bien plusieurs Bignoniacées et le Cobœa. Les vrilles des jeunes plantes de 60 à 90 centimètres de haut ont seulement la moitié de la longueur de celles portées par la même plante quand elle a une taille plus élevée, et elles ne se contractent pas en spirale après avoir saisi un support, mais deviennent légèrement flexueuses. D’autre part, des vrilles arrivées à toute leur croissance se contractent en spirale, à l’exception de la grosse portion basilaire. Les vrilles qui n’ont rien saisi se courbent simplement en bas et en dedans, comme les extrémités des feuilles du Corydalis claviculata. Mais, dans tous les cas, après un certain temps, le pétiole se courbe angulairement et brusquement en bas, comme celui de l’Eccremocarpus.


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  1. N’ayant jamais eu l’occasion d’examiner les vrilles produites par la modification des branches, j’en parlai d’une manière douteuse quand je publiai ce mémoire pour la première fois. Mais depuis lors Fritz Müller a décrit (Journal of Linn. Soc., vol. ix, p. 344) un grand nombre de faits remarquables dans le sud du Brésil. En parlant des plantes qui grimpent au moyen de leurs branches plus ou moins modifiées, il dit qu’on peut distinguer les degrés suivants de développement : 1o Plantes se soutenant seulement à l’aide de leurs branches étendues à l’angle droit, par exemple, Chiococca. 2o Plantes saisissant un support avec leurs branches non modifiées, telles que Securidaca. 3o Plantes grimpant par les extrémités de leurs branches, qui ressemblent à des vrilles, comme c’est le cas, d’après Endlicher, pour l’Helinus. 4o Plantes avec leurs branches très-modifiées et converties temporairement en vrilles, mais pouvant encore se transformer en branches, comme chez certaines Papilionacées. 5o Plantes avec leurs branches formant de véritables vrilles et servant exclusivement à grimper, telles que Strychnos et Caulotretus. Les branches non modifiées deviennent même très-épaisses quand elles s’enroulent autour d’un support. J’ajouterai que M. Thwaites m’a envoyé de Ceylan l’échantillon d’un Acacia qui avait grimpé le long du tronc d’un arbre assez gros à l’aide de petites branches à forme de vrilles, courbées ou convolutées, arrêtées dans leur développement et pourvues de crochets pointus et recourbés.
  2. Autant que je puis en juger, voici ce que l’on sait au sujet de l’histoire des vrilles : Nous avons vu que Palm et von Mohl ont observé presque en même temps le phénomène singulier du mouvement révolutif spontané des plantes volubiles. Je présume que Palm (p. 58) a observé également le mouvement révolutif des vrilles ; mais je n’en suis pas sûr, car il dit très-peu de chose à ce sujet. Dutrochet a décrit d’une manière complète ce mouvement de la vrille dans le pois ordinaire. Mohl a découvert le premier que les vrilles sont sensibles au contact ; mais par suite de quelque cause, probablement parce qu’il observait des vrilles trop âgées, il ne s’aperçut pas combien elles sont sensibles, et il crut qu’une pression prolongée était nécessaire pour provoquer leur mouvement. Le prof. Asa Gray, dans un mémoire déjà cité, a signalé le premier l’extrême sensibilité et la rapidité des mouvements des vrilles de certaines Cucurbitacées.
  3. Le Cucurbita perennis Asa Gray présente, suivant M. Ch. Martins, une disposition qui rappelle celle du Bignonia unguis décrite ci-dessus. Un pétiole commun entièrement nu, dont la longueur atteint quelquefois 12 centimètres de longueur, se divise en cinq, rarement six vrilles simulant les quatre doigts de la main lorsque le pouce leur est opposé. Bien développées, ces vrilles sont droites et seulement légèrement recourbées en crochet à leur extrémité. Quand elles rencontrent un objet quelconque, elles le saisissent et le contournent en formant des hélices très-irrégulières ; mais le pétiole commun reste toujours droit. Ces vrilles présentent cette particularité qu’elles sont roulées en crosse tant qu’elles sont jeunes et cachées entre les feuilles ; elles se redressent ensuite pour s’enrouler de nouveau au contact d’un objet quelconque ou sur elles-mêmes lorsqu’elles n’en rencontrent pas. La tige de la plante n’est nullement volubile : elle s’élève directement si elle trouve des points d’appui, et dans le cas contraire s’allonge en ligne droite sur le sol. (Note du Traducteur.)
  4. Fritz Müller rapporte (l. c., p. 348) que dans le Brésil méridional, les vrilles trifides de l’Haplolophium, une Bignoniacée, se terminent en disques polis et brillants sans être venues au contact d’un objet. Ceux-ci cependant, après avoir adhéré à un objet, prennent parfois un développement considérable.
  5. Comptes rendus, t. XVII. 1843, p. 989.
  6. Leçons de Botanique, etc., 1841, 170.