Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes/2

CHAPITRE II.

PLANTES GRIMPANT À L’AIDE DES FEUILLES.


Plantes qui grimpent à l’aide de pétioles sensibles et s’enroulent spontanément. — Clematis. — Tropoeolum. — Maurandia ; pédoncules floraux se mouvant spontanément et sensibles à un attouchement. — Rhodochiton. — Lophospermum. — Entre-nœuds sensibles. — Solanum, épaississement des pétioles adhérents. — Fumaria. — Adlumia. — Plantes qui grimpent à l’aide de leurs nervures moyennes prolongées. — Gloriosa. — Flagellaria. — Nepenthes. — Résumé des plantes qui grimpent à l’aide de leurs feuilles.


Nous arrivons maintenant à notre seconde classe de Plantes grimpantes, c’est-à-dire celles qui grimpent à l’aide d’organes irritables ou sensibles. Pour plus de commodité, nous avons groupé les plantes de cette classe en deux subdivisions, savoir, les plantes grimpant à l’aide de leurs feuilles ou dont les feuilles continuent leurs fonctions ordinaires, et celles qui sont pourvues de vrilles. Mais ces subdivisions se confondent insensiblement l’une avec l’autre, comme nous le verrons à propos du Corydalis et du Gloriosa.

On a observé depuis longtemps que plusieurs plantes grimpent à l’aide de leurs feuilles, soit par leurs pétioles, soit par leurs nervures moyennes prolongées ; mais, à part ce simple fait, elles n’ont pas été décrites. Palm et Mohl classent ces plantes avec celles qui sont pourvues de vrilles ; mais, comme une feuille est en général un objet défini, la classification actuelle, quoique artificielle, a du moins certains avantages. Les plantes qui grimpent à l’aide de leurs feuilles sont en outre, sous bien des rapports, intermédiaires entre les plantes volubiles et celles à vrilles. Huit espèces de Clematis et sept de Tropœolum furent observées, afin de voir quelle différence dans la manière de grimper existait dans le même genre ; ces différences sont considérables.

Clematis. — C. glandulosa. Les minces entre-nœuds supérieurs, se dirigeant en sens inverse du soleil exactement comme ceux d’une vraie plante volubile, opèrent un mouvement révolutif avec une vitesse moyenne de 3 heures 40 minutes, à en juger d’après trois révolutions. La tige principale contourna immédiatement un bâton placé près d’elle ; mais, après avoir accompli une spire ouverte d’un tour et demi seulement, elle grimpa directement, dans une petite étendue, puis renversa sa direction et accomplit deux tours dans un sens opposé. La partie droite entre les deux spires opposées, étant devenue rigide, rendait la chose possible. Les feuilles simples, larges, ovales de cette espèce tropicale, avec leurs pétioles courts et épais, semblent peu propres à un mouvement quelconque, et elles ne sont d’aucune utilité pour l’enroulement autour d’un bâton vertical. Néanmoins, si l’on frotte à plusieurs reprises avec une mince petite branche un bord quelconque du pétiole d’une jeune feuille, il se courbera de ce côté, au bout de quelques heures, pour se redresser ensuite. Le bord inférieur semble être le plus sensible ; mais la sensibilité ou irritabilité est légère comparée à celle que nous rencontrerons dans plusieurs des espèces suivantes ainsi une anse de ficelle pesant 106 milligrammes et suspendue, pendant plusieurs jours, à un jeune pétiole produisit un effet à peine perceptible. Nous avons représenté ici deux jeunes feuilles qui se sont accrochées naturellement à deux branches minces. Une petite branche fourchue, placée de manière à presser légèrement sur le bord inférieur d’un jeune pétiole, le fit courber fortement en 12 heures, et en dernier lieu à un tel point que la feuille passa du côté opposé de la tige : le bâton fourchu ayant été enlevé, la feuille revint lentement à sa première position.

Les jeunes feuilles changent spontanément et graduellement leur position : quand ils sont dans leur premier développement, les pétioles sont renversés et parallèles à la tige ; ils se recourbent alors lentement en bas, restant pendant peu de temps à angle droit avec la tige ; et puis ils deviennent si arqués en bas que le limbe de la feuille est tourné vers le sol avec son extrémité contournée en dedans, de sorte que tout le pétiole et la feuille forment ensemble un crochet. Ils peuvent ainsi s’accrocher à une petite branche quelconque avec laquelle ils sont mis en contact par le mouvement révolutif des entre-nœuds. Si cela n’a pas lieu, ils conservent longtemps leur forme crochue, et alors, se courbant en haut, ils reprennent leur première position renversée, qu’ils gardent désormais. Les pétioles qui se sont accrochés à un objet s’épaississent considérablement et se fortifient, comme on peut le voir sur la figure 1.



Fig. 1. Clematis glandulosa.
Avec deux jeunes feuilles saisissant deux petites branches avec les parties embrassantes épaissies.


Clematis montana. Les pétioles longs et minces des feuilles, quand ils sont jeunes, sont sensibles, et si on les frotte légèrement, ils se courbent du côté frotté, se redressant ensuite. Ils sont beaucoup plus sensibles que les pétioles du C. glandulosa ; car une anse de fil pesant 0gr,0162, savoir, 162 dix-millièmes de gramme, les fit courber ; une anse pesant seulement un huitième de grain (1 milligr.) tantôt agissait et tantôt n’agissait pas. La sensibilité s’étend du limbe de la feuille à la tige. Je mentionnerai ici que j’ai vérifié dans tous les cas le poids de la ficelle et du fil employés, dont je pesai avec soin 1m,25 dans une balance de précision, et je coupais alors des longueurs déterminées. Le pétiole principal porte trois folioles, mais leurs courts pétioles secondaires ne sont pas sensibles. Une jeune tige inclinée (la plante étant placée dans l’orangerie) a décrit en 4 heures 20 minutes un grand cercle opposé à la direction du soleil ; mais, le jour suivant étant très-froid, la durée a été de 5 heures 10 minutes. Un bâton placé près d’une tige enroulante a été bientôt atteint par les pétioles qui sont à angle droit, et le mouvement révolutif a été ainsi arrêté. Les pétioles, étant excités par le contact, ont commencé alors à contourner lentement le bâton. Quand celui-ci était mince, quelques pétioles s’enroulaient parfois autour de lui. La feuille opposée n’en était nullement affectée. L’attitude prise par la tige, après que le pétiole avait saisi le bâton, était celle d’un homme debout près d’une colonne qu’il entoure horizontalement avec un bras. À propos de la faculté d’enroulement en hélice de la tige, nous ferons quelques remarques en parlant du Clematis calycina.

Clematis Sieboldi. Une tige accomplit trois révolutions en sens inverse du soleil avec une vitesse moyenne de 3 heures 11 minutes. La faculté d’enroulement est la même que celles des dernières espèces. Ses feuilles sont presque semblables dans leur structure et dans leur fonction seulement les pétioles secondaires des folioles latérales et terminales sont sensibles. Une anse de fil pesant un huitième de grain (1 milligr.) a pu agir sur le pétiole principal, mais seulement au bout de deux ou trois jours. Les feuilles possèdent la remarquable faculté de s’enrouler spontanément, en général, en ellipses verticales, de la même manière, mais à un degré moindre, comme nous le verrons en parlant du C. microphylla.

Clematis calycina. Les jeunes tiges sont minces et flexibles ; l’une s’enroula, en décrivant une large ellipse, en 5 heures 30 minutes, et une autre en 6 heures 12 minutes. Elles suivaient la marche du soleil, mais on trouvera que leur marche, si on l’observe assez longtemps, varie dans ces espèces, comme dans toutes les autres du même genre. C’est une plante plus volubile que les deux dernières espèces : quelquefois la tige faisait deux tours en spirale autour d’un bâton mince non ramifié ; elle s’avançait alors directement dans une certaine étendue, et, renversant sa marche, faisait un ou deux tours dans une direction opposée. Ce renversement de la spire eut lieu dans toutes les espèces précédentes. Les feuilles sont si petites, comparées à celles de la plupart des autres espèces, que les pétioles semblent au premier abord mal conformés pour s’accrocher. Néanmoins la principale utilité du mouvement révolutif consiste à les amener au contact avec les objets voisins qui sont saisis lentement, mais sûrement. Les jeunes pétioles, qui sont seuls sensibles, ont leurs extrémités un peu courbées en bas, de manière qu’ils sont légèrement crochus ; en dernier lieu, toute la feuille, si elle ne saisit aucun objet, devient horizontale. Je frottai légèrement avec une mince petite branche les surfaces inférieures de deux jeunes pétioles, et en 2 heures 30 minutes ils furent légèrement courbés en bas ; en 5 heures, après avoir été frottée, l’extrémité de l’un fut courbée complètement en arrière, parallèlement à la portion basilaire ; puis, en 4 heures, elle devint de nouveau presque droite. Pour montrer à quel point les jeunes pétioles sont sensibles, je mentionnerai que je touchai à peine les bords inférieurs de deux pétioles avec un peu de couleur d’aquarelle qui, en séchant, forma une petite croûte très-mince ; mais cela suffisait pour les faire courber tous les deux en bas au bout de 24 heures. Pendant que la plante est jeune, chaque feuille se compose de trois folioles divisées qui ont à peine des pétioles distincts, et ceux-ci ne sont pas sensibles mais quand la plante est bien développée, les pétioles de deux folioles latérales et terminales ont une longueur considérable et deviennent sensibles, de manière à pouvoir saisir un objet dans n’importe quelle direction.

Lorsque le pétiole s’est accroché à une petite branche, il subit quelques changements remarquables qu’on peut observer chez les autres espèces, mais d’une manière moins marquée, et que nous allons décrire ici une fois pour toutes. Le pétiole adhérent se gonfle énormément au bout de deux ou trois jours et finit par devenir presque deux fois aussi épais que l’opposé, qui n’a rien saisi. Si l’on place sur le champ du microscope des tranches transversales minces des deux pétioles, la différence est visible ; le bord du pétiole qui a été en contact avec le support est formé d’une couche de cellules incolores, avec leurs plus longs axes partant du centre, et celles-ci sont beaucoup plus larges que celles du pétiole opposé qui n’a pas subi de changement ; les cellules centrales sont aussi, jusqu’à un certain point, augmentées, et le tout est très-induré. La surface extérieure devient généralement d’un rouge brillant. Mais un changement plus notable encore a lieu dans la nature des tissus : le pétiole de la feuille libre est flexible et peut être rompu facilement, tandis que le pétiole adhérent acquiert un degré extraordinaire de dureté et de rigidité et exige une force considérable pour le rompre. Grâce à ce changement, le pétiole dure très-longtemps ; du moins c’est ce qui a lieu pour les pétioles adhérents du Clematis vitalba. La signification de ces changements est évidente : les pétioles peuvent ainsi supporter la tige d’une manière sûre et durable.

Clematis microphylla, var. leptophylla. — Les longs et minces entre-nœuds de cette espèce d’Australie accomplissent leur mouvement révolutif tantôt dans un sens et tantôt dans un sens opposé, en décrivant des ellipses longues, étroites et irrégulières ou de grands cercles. Quatre révolutions furent accomplies avec une vitesse moyenne de 1 heure 51 minutes, à cinq minutes près, en sorte que cette espèce se meut plus rapidement que les autres du même genre. Les tiges placées près d’un bâton vertical s’enroulent autour de lui ou le saisissent avec la base de leurs pétioles. Les feuilles, tant qu’elles sont jeunes, ont presque la même forme que celles du C. viticella et agissent également à la manière d’un crochet, comme nous le décrirons en parlant de cette espèce. Mais les folioles sont plus divisées, et chaque segment, quand il est jeune, se termine en une pointe rigide qui est très-courbée en bas et en dedans, de sorte que la feuille entière saisit sans difficulté tout objet qui l’avoisine. Des anses de fil pesant un huitième (8,1 mg.) et même un seizième de grain (4,05 mg.) agissent sur les pétioles des jeunes folioles terminales. La base du pétiole principal est beaucoup moins sensible, mais elle saisira un bâton contre lequel elle est pressée.

Les feuilles, quand elles sont jeunes, se meuvent lentement d’une manière continue et spontanée. Je plaçai sur une tige assujettie à un bâton une cloche sur laquelle les mouvements des feuilles furent marqués pendant plusieurs jours. En général la ligne tracée était irrégulière ; mais, un jour, au bout de 48 heures 45 minutes, la figure représenta clairement trois ellipses et demie irrégulières, dont la plus parfaite fut décrite en 2 heures 35 minutes. Les deux feuilles opposées se mouvaient indépendamment l’une de l’autre. Ce mouvement des feuilles vient en aide à celui des entre-nœuds, en amenant les pétioles en contact avec les objets voisins. Je découvris ce mouvement trop tard pour pouvoir l’observer dans les autres espèces ; mais, d’après l’analogie, je ne puis guère douter que les feuilles, tout au moins, des C. viticella, C. flammula et C. vitalba se meuvent spontanément ; et, à en juger par le C. Sieboldi, il en est probablement de même pour les C. montana et C. calycina. Je constatai que les feuilles simples du C. glandulosa ne présentaient pas de mouvement révolutif spontané.

Clematis viticella, var. venosa. — Dans cette espèce et les deux suivantes, la faculté de s’enrouler en spirale est complètement abolie ; cela semble tenir à la diminution de flexibilité des entre-nœuds et à l’effet produit par la dimension considérable des feuilles : mais le mouvement révolutif, quoique restreint, n’est pas perdu. Dans l’espèce dont nous nous occupons, un jeune entre-nœud placé devant une fenêtre décrivit trois ellipses allongées, transversalement à la direction de la lumière, avec une vitesse moyenne de 2 heures 40 minutes ; s’il était placé de manière à ce que les mouvements fussent dirigés vers la lumière ou dans un sens opposé, la vitesse était considérablement accrue dans une moitié du trajet, et retardée dans l’autre, comme dans les plantes volubiles. Les ellipses étaient petites : le plus grand diamètre décrit par le sommet d’une tige portant une paire de feuilles non épanouies, était de 11c,7 et celui tracé par le sommet du pénultième entre-nœud de 2c,8 seulement. Dans la période la plus favorable de la croissance, chaque feuille était à peine déplacée d’une longueur de 5 centimètres à 7c,6 par le mouvement des entre-nœuds ; mais, comme nous l’avons établi, il est probable que les feuilles elles-mêmes se meuvent spontanément. Le déplacement de toute la tige par le vent et par sa rapide croissance agirait probablement avec la même efficacité que ces mouvements spontanés, en mettant les pétioles en contact avec les objets qui les avoisinent.

Les feuilles ont une grande dimension. Chacune porte trois paires de folioles latérales et une foliole terminale, toutes supportées sur des pétioles secondaires assez longs. Le pétiole principal se courbe un peu angulairement en bas au point d’origine de chaque paire de folioles (voy. fig. 2) et le pétiole de la foliole terminale est courbé en bas à angle droit ;


Fig. 2.
Une jeune feuille de Clematis viticella.


il s’ensuit que tout le pétiole, avec son extrémité courbée à angle droit, agit comme un crochet. Ce crochet, les pétioles latéraux étant dirigés un peu en haut, forme un excellent appareil de préhension au moyen duquel les feuilles saisissent facilement les objets voisins. Si les feuilles n’atteignent aucun objets, le pétiole finit par pousser tout droit. Le pétiole principal, les pétioles secondaires et les trois folioles qu’ils portent généralement sont tous sensibles. La portion basilaire du pétiole principal entre la tige et la première paire de folioles est moins sensible que le reste ; elle s’accroche cependant à un bâton avec lequel elle est laissée en contact. La surface inférieure de la portion terminale courbée à angle droit (portant la foliole terminale) qui forme le bord interne de l’extrémité du crochet est la partie la plus sensible ; cette extrémité est évidemment la mieux adaptée pour saisir un support éloigné. Dans le but de montrer la différence de sensibilité, je plaçai délicatement des anses de ficelle du même poids (53 milligr.) sur plusieurs pétioles secondaires latéraux et sur le pétiole terminal ; en quelques heures ce dernier était courbé ; mais, après 24 heures, aucun effet n’était produit sur les autres pétioles secondaires. De plus un pétiole secondaire terminal mis en contact avec un bâton mince se courbait sensiblement en 45 minutes et décrivait quatre-vingt-dix degrés en 1 heure 10 minutes, tandis qu’un pétiole secondaire latéral ne se courbait sensiblement qu’après 3 heures 30 minutes. Dans tous les cas, si l’on enlève les bâtons, les pétioles continuent à se mouvoir encore pendant bien des heures. Il en est de même après un léger frottement, mais ils se redressent au bout d’un jour environ, si toutefois la flexion n’a pas été très-forte ou longtemps continuée.

La différence graduelle de l’extension de la sensibilité dans les pétioles des espèces qui viennent d’être décrites mérite d’être notée. Dans le C. montana elle est bornée au pétiole principal et ne s’étend pas aux pétioles secondaires des trois folioles ; il en est de même pour les jeunes pieds de C. calycina, mais, dans des sujets plus vieux, elle s’étend aux trois pétioles secondaires. Dans le C. viticella, la sensibilité s’étend aux pétioles des sept folioles et aux subdivisions des pétioles secondaires latéraux. Mais, dans cette dernière espèce, elle a diminué dans la portion basilaire du pétiole principal où elle résidait seulement dans le C. montana, tandis qu’elle était augmentée dans la portion terminale courbée brusquement.

Clematis flammula. — Les tiges assez épaisses, droites et roides, lorsqu’elles croissent vigoureusement au printemps, décrivent de petites révolutions elliptiques en suivant le soleil dans sa course. Quatre s’accomplirent avec une vitesse moyenne de 3 heures 45 minutes. Le grand axe de l’ovale décrit par l’extrémité du sommet était dirigé à angle droit avec la ligne qui joignait les feuilles opposées ; dans un cas, sa longueur était seulement de 3c,5 et dans l’autre cas, de 4c,4 ; les jeunes feuilles se mouvaient ainsi à une très-petite distance. Les tiges de la même plante observées au milieu de l’été, quand la croissance n’était pas si rapide, n’accomplirent aucun mouvement révolutif. Je coupai une autre plante au commencement de l’été, en sorte que, vers le 1er  août, elle avait formé des pousses nouvelles et assez vigoureuses ; celles-ci, observées sous une cloche, étaient, certains jours, tout à fait stationnaires, et d’autres jours elles se mouvaient çà et là de 0c,31 environ. Par conséquent la faculté d’enroulement est très-affaiblie dans cette espèce, et, dans des circonstances défavorables, elle est complètement perdue. La tige se met en contact avec les objets qui l’avoisinent, grâce à sa croissance rapide, au déplacement opéré par le vent et au mouvement spontané des feuilles, mouvement qui est probable sans avoir été constaté positivement. Voilà pourquoi peut-être les pétioles ont acquis un haut degré de sensibilité qui compense la faible motilité des tiges.

Les pétioles sont courbés en bas et ont la même forme crochue que dans le C. viticella. Le pétiole moyen et les pétioles secondaires latéraux sont sensibles et particulièrement la portion terminale, qui est fortement courbée. La sensibilité étant ici plus grande que dans toute autre espèce du même genre observée par moi, et étant de plus remarquable en elle-même, je vais entrer dans des détails plus minutieux. Lorsque les pétioles sont assez jeunes pour n’être pas encore séparés l’un de l’autre, ils ne sont pas sensibles ; quand la lame d’une foliole a atteint une longueur de 0c,63 (c’est-à-dire un sixième environ de sa grandeur naturelle), la sensibilité est très-prononcée ; mais, à cette période, les pétioles sont relativement bien plus complétement développés que ne le sont les limbes des feuilles. Les pétioles qui ont acquis tout leur développement ne sont nullement sensibles. Un bâton mince placé de manière à presser légèrement contre un pétiole, ayant une foliole longue de 0c,63, fit courber le pétiole en 3 heures 15 minutes. Dans un autre cas, un pétiole se courba complétement autour d’un bâton en 12 heures. On laissa ces pétioles courbés pendant 24 heures, et les bâtons furent enlevés, mais ils ne se redressèrent jamais. Je pris une petite branche plus mince que le pétiole lui-même, et j’en frottai légèrement plusieurs pétioles à quatre reprises en haut et en bas ; au bout de 1 heure 45 minutes, ceux-ci se courbèrent légèrement ; la courbure augmenta pendant plusieurs heures et commença alors à décroître ; mais après 25 heures à partir du moment du frottement, il restait encore une trace de la courbure. Plusieurs autres pétioles frottés également deux fois, c’est-à-dire une fois en haut et une fois en bas, se courbèrent sensiblement en 2 heures 30 minutes environ, le pétiole secondaire terminal se mouvant plus que les pétioles secondaires latéraux ; ils se redressèrent tous au bout de 12 et 14 heures. En dernier lieu, une longueur de 0c,31 environ d’un pétiole secondaire fut légèrement frottée avec la même branche une fois seulement ; elle se courba faiblement en 3 heures, et resta ainsi pendant 11 heures ; mais le lendemain matin elle était tout à fait droite.

Les observations suivantes sont plus précises. Après avoir employé des ficelles et des fils plus gros, je plaçai une anse de fil fin pesant 67 milligr. sur un pétiole secondaire terminal : au bout de 6 heures 40 minutes on put voir une courbure ; en 24 heures, le pétiole forma un anneau ouvert autour de la ficelle ; en 48 heures, l’anneau entoura presque la ficelle, et en 72 heures il la saisit si solidement qu’une certaine force était nécessaire pour la retirer. Une anse pesant 34 milligrammes fit courber en 14 heures d’une manière à peine sensible un pétiole secondaire latéral et, en 24 heures, il décrivit quatre-vingt-dix degrés. Ces observations ont été faites pendant l’été, et les suivantes au printemps, quand les pétioles sont évidemment plus sensibles. — Une anse de fil pesant 8 milligr. ne produisit aucun effet sur les pétioles secondaires latéraux, mais placée sur un pétiole secondaire terminal, elle le fit courber un peu en 24 heures ; la courbure diminua sans jamais disparaître au bout de 48 heures, quoique l’anse restât toujours à la même place, montrant ainsi que le pétiole s’était accoutumé en partie à ce stimulus insuffisant. Cette expérience fut répétée deux fois presque avec le même résultat. En dernier lieu, une anse de fil pesant seulement 4 milligr. fut placée délicatement à deux reprises au moyen d’une pince sur un pétiole secondaire terminal (la plante étant, comme de raison, dans une pièce tranquille et fermée) : ce poids détermina positivement une flexion qui augmenta très-lentement jusqu’à ce que le pétiole accomplît un mouvement de près de 90 degrés : au delà de cet angle il n’y eut plus de mouvement, et le pétiole, l’anse restant suspendue, ne se redressa jamais parfaitement.

Ces faits sont remarquables si l’on considère, d’une part, l’épaisseur et la rigidité des pétioles, et d’autre part la ténuité et la mollesse d’un fil fin de coton, et combien est minime le poids de 4 milligr. Mais j’ai tout lieu de croire que même un poids moindre détermine une courbure en pressant sur une surface plus large que celle sur laquelle on agit avec un fil. Ayant remarqué que l’extrémité d’une ficelle suspendue qui touchait accidentellement un pétiole, le faisait courber, je pris deux morceaux de fil mince, longs de 25c,4, et les attachant à un bâton, je les laissai pendre presque aussi perpendiculairement en bas que le permettaient leur ténuité et leur forme flexueuse, après avoir été tendus. Je plaçai alors délicatement leurs extrémités de manière à le faire à peine reposer sur deux pétioles ; ceux-ci se courbèrent positivement en 36 heures. Une des extrémités toucha l’angle entre un sous-pétiole secondaire terminal et latéral, et fut saisie entre eux, au bout de 48 heures, comme par une pince. Dans ce cas, la pression, quoique répandue sur une surface plus large que celle touchée par le fil de coton, doit avoir été excessivement faible.

Clematis vitalba. — Les plantes étaient dans des vases et maladives, en sorte que je n’ose pas trop me fier à mes observations qui indiquent une grande similitude d’habitudes avec le C. flammula. Je mentionne seulement cette espèce parce que j’ai vu des preuves nombreuses que les pétioles à l’état naturel sont excités au mouvement par une très-légère pression. J’ai trouvé par exemple qu’ils embrassaient de minces brins d’herbe flétris, les jeunes feuilles molles d’un érable et les pédoncules floraux d’un Briza. Ces derniers ne sont guère plus gros que les poils de la barbe de l’homme, mais ils furent complétement entourés et saisis. Les pétioles d’une feuille, si jeune qu’aucune des folioles n’était épanouie, avaient accroché en partie une petite branche. Ceux de presque toutes les vieilles feuilles, même quand ils ne sont attachés à aucun objet, sont très-contournés : mais ceci est dû à ce que, étant jeunes, ils ont été en contact, pendant plusieurs heures, avec un objet que l’on a enlevé plus tard. Chez aucune des espèces précédemment décrites, cultivées dans des pots et observées avec soin, il n’y eut de courbure permanente des pétioles sans le stimulus du contact. En hiver, les limbes des feuilles du C. vitalba tombent ; mais les pétioles (comme Mohl l’a observé) restent attachés aux branches, parfois pendant deux saisons ; et, étant contournés, ils ressemblent d’une manière curieuse à de véritables vrilles comme celles que possède le genre voisin Naravelia. Les pétioles qui ont saisi un objet deviennent beaucoup plus rigides, durs et polis que ceux qui n’ont pas rempli leur fonction.

Tropæolum. — J’ai observé T. tricolorum, T. azureum, T. pentaphyllum, T. peregrinum, T. elegans, T. tuberosum et une variété naine que je crois appartenir au T. minus.

Tropæolum tricolorum, var. grandiflorum. — Les tiges flexibles qui s’élèvent d’abord des tubercules sont aussi minces que du fil fin. Une de ces tiges s’enroula dans une direction opposée à celle du soleil avec une vitesse moyenne de 1 heure 23 minutes, à en juger d’après trois révolutions ; mais nul doute que la direction du mouvement révolutif ne soit variable. Quand les plantes ont grandi et se sont ramifiées, toutes les tiges latérales s’enroulent. La tige, quand elle est jeune, se contourne régulièrement en hélice autour d’un mince bâton vertical, et dans un cas je comptai huit tours en spirale dans la même direction ; mais, quand elle devient plus vieille, souvent la tige monte directement sur une certaine longueur, et, étant arrêtée par les pétioles préhenseurs, elle accomplit une ou deux hélices dans une direction inverse. Jusqu’à ce que la plante atteigne une hauteur de 60c à 91c,4, ce qui exige environ un mois depuis le moment où la première pousse apparaît au-dessus du sol, il n’y a pas de vraies feuilles produites, mais, à leur place, des filaments colorés comme la tige. Les extrémités de ces filaments sont pointues, un peu aplaties et sillonnées à la surface supérieure. Elles ne se développent jamais en feuilles. À mesure que la plante croît en hauteur, de nouveaux filaments se produisent avec des extrémités légèrement agrandies ; puis d’autres portant sur chaque côté de l’extrémité moyenne élargie le segment rudimentaire d’une feuille ; bientôt d’autres segments apparaissent, et enfin une feuille parfaite est formée avec sept segments distincts. On peut donc voir sur la même plante chaque degré, depuis les filaments préhenseurs à forme de vrille jusqu’aux feuilles complètes avec les pétioles préhenseurs. Quand la plante est arrivée à une hauteur considérable et qu’elle est assurée sur son support par les pétioles des vraies feuilles, les filaments préhenseurs à la partie inférieure de la tige se dessèchent et tombent, en sorte qu’ils n’ont qu’un usage temporaire.

Ces filaments ou feuilles rudimentaires, ainsi que les pétioles des feuilles parfaites, lorsqu’ils sont jeunes, sont de tous les côtés extrêmement sensibles à un attouchement. Le plus léger frottement les faisait courber vers le côté frotté en trois minutes environ ; et l’un d’eux forma un anneau en six minutes ; ils se redressèrent ensuite. Cependant quand ils ont complétement saisi un bâton, si l’on enlève celui-ci, ils ne se redressent pas. Le fait le plus remarquable et que je n’ai observé dans aucune autre espèce de ce genre, c’est que les filaments et les pétioles des jeunes feuilles, s’ils ne se cramponnent à aucun objet, après être restés plusieurs jours dans leur position primitive, oscillent un peu d’un côté à l’autre d’une manière spontanée et lente ; ils se dirigent alors vers la tige et la saisissent. Souvent aussi, au bout de quelque temps, ils se contractent, jusqu’à un certain point, en spirale. Ils méritent donc complétement le nom de vrilles, car ils servent à grimper, sont sensibles à un attouchement, se meuvent spontanément et en dernier lieu se contractent en une spire, quoique imparfaite. Cette espèce aurait été classée parmi les plantes pourvues de vrilles, si ces caractères n’étaient pas bornés au premier âge. Pendant l’âge mûr, c’est une véritable plante grimpant à l’aide de ses feuilles.

Tropæolum azureum. — Un entre-nœud supérieur accomplissait quatre révolutions, en suivant le soleil, avec une vitesse moyenne de 1 heure 47 minutes. La tige s’enroulait en hélice autour d’un support aussi irrégulièrement que celle de la dernière espèce. Les feuilles rudimentaires ou filaments n’existent pas. Les pétioles des jeunes feuilles sont très-sensibles ; une simple friction légère avec une petite branche fit mouvoir un pétiole d’une manière sensible en 5 minutes et un autre en 6 minutes. Le premier de ces pétioles se courba à angle droit en 15 minutes et se redressa en 5 ou 6 heures. Une anse de fil pesant 8 milligr. fit courber un autre pétiole.

Tropæolum pentaphyllum. Cette espèce n’a pas la faculté de s’enrouler en spirale, ce qui semble dû, non pas tant au défaut de flexibilité de la tige qu’à l’intervention continue des pétioles préhenseurs. Un entre-nœud supérieur accomplit trois révolutions, en suivant le soleil, avec une vitesse moyenne de 1 heure 46 minutes. Le but principal du mouvement révolutif dans toutes les espèces de Tropæolum est évidemment d’amener les pétioles en contact avec un support. Le pétiole d’une jeune feuille, après une légère friction, se courba en 6 minutes ; un autre, par une journée froide, en 20 minutes, et d’autres au bout de 8 à 10 minutes. Ordinairement leur courbure augmentait beaucoup dans l’espace de 15 à 20 minutes, et ils se dressaient de nouveau en 5 ou 6 heures et une fois en 3 heures. Quand un pétiole a bien saisi un bâton, il n’est pas capable, si l’on enlève le tuteur, de se redresser. La partie libre supérieure d’un pétiole, dont la base avait déjà accroché un bâton, conservait encore la faculté de se mouvoir. Une anse de fil pesant 8 milligr. fit courber un pétiole, mais le stimulus n’était pas suffisant, quoique l’anse restât suspendue, pour déterminer une courbure permanente. Si une anse plus lourde est placée dans l’angle, entre le pétiole et la tige, elle ne produit aucun effet, tandis que nous avons vu que dans le Clematis montana l’angle entre la tige et le pétiole est sensible.

Tropœolum peregrinum. — Les entre-nœuds qui étaient les premiers formés dans une jeune plante ne s’enroulaient pas, ressemblant sous ce rapport à ceux d’une plante volubile. Chez une plante plus âgée, les quatre entre-nœuds supérieurs accomplissaient trois révolutions irrégulières, dans une direction opposée à celle du soleil, avec une vitesse moyenne de 1 heure 48 minutes. Il est remarquable que la vitesse moyenne de révolution (d’après quelques observations seulement) est à peu près la même dans cette espèce que dans les deux dernières, savoir, 1 heure 47 minutes, 1 heure 46 minutes et 1 heure 48 minutes. L’espèce dont nous parlons ne peut pas s’enrouler en spirale, ce qui semble dû principalement à la rigidité de la tige. Dans une très-jeune plante qui ne s’enroulait pas, les pétioles étaient insensibles. Dans les plantes plus âgées, les pétioles des feuilles tout à fait jeunes et de celles qui avaient 3 centimètres de diamètre étaient sensibles. Une friction modérée fit courber un pétiole en 10 minutes et d’autres en 20 minutes ils se redressaient en 5 heures 45 minutes ou 8 heures. Des pétioles qui sont mis en contact avec un bâton font quelquefois deux tours autour de lui. Après avoir saisi un support, ils deviennent rigides et durs. Ils sont moins sensibles à un poids que dans les espèces précédentes car des anses de ficelle pesant 53,14 milligr. ne déterminèrent aucune courbure, mais une anse double de ce poids (106 milligr.) produisit un certain effet.

Tropœolum elegans. — J’ai fait peu d’observations sur cette espèce. Les entre-nœuds courts et rigides s’enroulent irrégulièrement en décrivant de petites ellipses. Une ellipse fut achevée en 3 heures. Un jeune pétiole, une fois frotté, se courbait légèrement en 17 minutes et ensuite d’une manière plus marquée. Il s’était presque redressé au bout de 8 heures.

Tropœolum tuberosum. — Sur une plante ayant 22c,9 en hauteur, les entre-nœuds ne se mouvaient pas du tout ; mais chez une plante plus âgée, ils se mouvaient irrégulièrement et décrivaient de petites ellipses irrégulières. Ces mouvements ne pouvaient être aperçus que lorsqu’ils étaient tracés sur une cloche en verre placée sur la plante. Parfois les tiges s’arrêtaient pendant des heures ; certains jours, elles se mouvaient seulement dans une direction en ligne sinueuse ; d’autres jours, elles accomplissaient de petits cercles ou spires irrégulières : l’une fut tracée en 4 heures environ. Les points extrêmes atteints par le sommet de la tige étaient écartés à peu près de 2c,5 à 3c,9 cependant ce léger mouvement amena les pétioles en contact avec quelques petites branches qui les avoisinaient et auxquelles ils s’accrochèrent. Avec la faculté diminuée de s’enrouler spontanément comparée à celle des espèces précédentes, la sensibilité des pétioles est également diminuée. Ceux-ci, quand on les frottait à plusieurs reprises, ne se courbaient pas avant une demi-heure ; la courbure augmentait pendant les deux heures suivantes et ensuite décroissait très-lentement, en sorte qu’il leur fallait parfois 24 heures pour se redresser. Les feuilles extrêmement jeunes ont des pétioles actifs ; l’une d’elles, dont le limbe avait seulement 0c,16 de diamètre, c’est-à-dire un vingtième environ de sa grandeur naturelle, saisit solidement une petite branche mince ; mais des feuilles qui ont atteint un quart de leur grandeur naturelle peuvent agir également.

Tropœolum minus ? — Les entre-nœuds d’une variété nommée « dwarf crimson nasturtium » ne s’enroulaient pas, mais se mouvaient dans une direction un peu irrégulière pendant le jour vers la lumière, et pendant la nuit en s’éloignant de la lumière. Quand les pétioles étaient bien frottés, ils ne montraient aucune tendance à se courber, et je n’ai pas observé non plus qu’ils se fussent jamais accrochés à un objet voisin. Nous avons vu, dans ce genre, une gradation successive à partir d’espèces, telle que T. tricolorum, qui ont des pétioles extrêmement sensibles et des entre-nœuds s’enroulant rapidement et se contournant en spirale autour d’un support ; d’autres espèces, telles que T. elegans et T. tuberosum, ont des pétioles beaucoup moins sensibles, et les entre-nœuds possèdent une très-faible faculté d’enroulement et ne peuvent pas se contourner en hélice autour d’un support ; enfin cette dernière espèce a perdu entièrement ou n’a jamais acquis ces facultés. D’après le caractère général de ce genre, la perte de la faculté d’enroulement semble être l’hypothèse la plus probable.

Dans le T. minus, le T. elegans et probablement dans d’autres espèces, le pédoncule floral, dès que la capsule à graines commence à se gonfler, se courbe spontanément et brusquement en bas et se contourne un peu. Si un bâton se trouve sur son chemin, il est saisi dans une certaine étendue, mais, d’après ce que j’ai pu observer, ce mouvement de préhension est indépendant du stimulus, résultat du contact.

Antirrhineœ. — Dans cette tribu (Lindley) des Scrophulariaceœ, quatre au moins sur les sept genres qu’elle comprend ont des espèces grimpant à l’aide de leurs feuilles.

Maurandia Barclayana. — Une tige mince et légèrement courbée accomplissait deux révolutions en suivant le Soleil, chacune en 3 heures 17 minutes ; le jour précédent, cette même tige s’enroulait dans une direction opposée. Les tiges ne se contournent pas en spirale, mais grimpent admirablement à l’aide de leurs pétioles jeunes et sensibles. Ces pétioles frottés légèrement se meuvent après un intervalle considérable de temps et se redressent ensuite. Une anse de fil pesant 8 milligr. le faisait courber.

Maurandia semperflorens. — Cette espèce croissant librement grimpe, exactement comme la dernière, à l’aide de ses pétioles sensibles. Un jeune entre-nœud décrivit deux cercles chacun en 1 heure 46 minutes ; en sorte qu’il se mouvait presque deux fois aussi vite que la dernière espèce. Les entre-nœuds ne sont nullement sensibles à un attouchement ou à une pression. Je mentionne ceci parce qu’ils sont sensibles dans un genre très-voisin, le Lophospermum. L’espèce dont nous nous occupons est unique sous un certain point de vue. Mohl affirme (p. 45) que les pédoncules floraux ainsi que les pétioles s’enroulent comme des vrilles ; mais il classe parmi les vrilles des organes tels que les pédoncules floraux contournés en hélice du Vallisneria. Cette remarque et le fait que les pédoncules floraux sont positivement flexueux me déterminèrent à les examiner avec soin. Ils n’agissent jamais comme de véritables vrilles. Je mis à plusieurs reprises des bâtons minces en contact avec des pédoncules jeunes et vieux, et je laissai croître neuf pieds vigoureux à travers un faisceau de branches ; mais, dans aucun cas, ils ne s’enroulèrent autour de ces branches. Il est en effet extrêmement improbable qu’ils puissent le faire, car ces pédoncules se développent en général sur des rameaux qui ont déjà saisi d’une manière solide un support par les pétioles de leurs feuilles. Quand ils sont sur un rameau libre et pendant, ils ne sont pas poussés en haut par la portion terminale de l’entre-nœud, qui seule a la faculté de s’enrouler ; ils ne pourraient donc être amenés qu’accidentellement en contact avec un objet voisin. Néanmoins (et ceci est le fait remarquable), les pédoncules floraux, quand ils sont jeunes, présentent une faible faculté d’enroulement et sont légèrement sensibles à un attouchement. Ayant choisi plusieurs tiges qui avaient saisi solidement un bâton par leurs pétioles et les ayant recouvertes avec une cloche, je traçai les mouvements des jeunes pédoncules floraux. Le tracé formait en général une ligne courte et extrêmement irrégulière avec de petites anses dans son parcours. Un jeune pédoncule long de 3c,9 fut observé avec soin pendant toute une journée ; il décrivit quatre ellipses et demie étroites, verticales et irrégulières, chacune avec une vitesse moyenne de 2 heures 25 minutes environ. Un pédoncule contigu décrivit dans le même temps des ellipses semblables, quoique moins nombreuses. Comme la plante avait occupé pendant tout le temps exactement la même position, ces mouvements ne pouvaient être attribués à un changement quelconque dans l’action de la lumière. Les pédoncules assez vieux pour que les pétales colorés soient à peine visibles, ne se meuvent pas. Quant à l’irritabilité[1], je frottai très-légèrement, à plusieurs reprises, deux jeunes pédoncules longs de 3c,9 avec une petite branche mince : l’un fut frotté sur la face supérieure, l’autre sur la face inférieure ; ils se courbèrent distinctement vers ces faces au bout de 4 à 5 heures et se redressèrent ensuite en 24 heures. Le jour suivant, on les frotta sur les faces opposées, et ils se courbèrent d’une manière sensible vers ces faces. Deux autres pédoncules plus jeunes, longs de 1c,89, furent légèrement frottés sur les côtés situés en face l’un de l’autre et se courbèrent tellement que les arcs étaient dans une direction à angle presque droit de leur direction primitive : c’est le mouvement le plus étendu que j’aie observé ; puis ils se redressèrent. D’autres pédoncules si jeunes qu’ils n’avaient qu’une longueur de 0c,76 se courbaient quand on les frottait. D’autre part, des pédoncules longs de plus de 3c,8 avaient besoin d’être frottés deux ou trois fois, et alors ils se courbaient d’une manière à peine sensible. Des anses de fil suspendues aux pédoncules ne produisaient aucun effet ; cependant des anses de ficelle pesant 5 milligr. à 11 centigr. déterminaient parfois une légère courbure mais ces pédoncules n’étaient jamais saisis étroitement comme l’étaient les anses bien plus légères de fil par les pétioles.

Dans les neuf plantes vigoureuses que j’ai observées, il est certain que ni les légers mouvements spontanés ni la légère sensibilité des pédoncules floraux n’aidèrent les plantes à grimper. Si une espèce parmi les Scrophulariacées eût possédé des vrilles produites par la modification des pédoncules floraux, j’aurais pensé que cette espèce de Maurandia avait peut-être conservé un vestige inutile ou rudimentaire d’une ancienne habitude ; mais cette opinion ne saurait être soutenue. On peut supposer que, grâce au principe de corrélation, la faculté de mouvement a été transmise aux pédoncules floraux par les plus jeunes entre-nœuds et la sensibilité par les jeunes pétioles. Mais, quelle que soit la cause de l’acquisition de ces facultés, le fait est intéressant, parce que si ces facultés avaient été légèrement accrues par la sélection naturelle, elles seraient devenues aisément aussi utiles à la plante pour grimper que le sont les pédoncules floraux, que nous décrirons plus tard, du Vitis ou du Cardiospermum.

Rhodochiton volubile. — Une longue tige flexible décrivit en 5 heures 30 minutes un grand cercle en suivant le soleil ; et, la journée étant devenue plus chaude, un second cercle fut achevé en 4 heures 10 minutes. Les tiges accomplissent parfois une spire entière et une moitié de spire autour d’un tuteur vertical ; elles se redressent alors dans une certaine étendue et tournent ensuite en spirale dans une direction opposée. Les pétioles des feuilles très-jeunes ayant environ un dixième de leur maximum d’étendue sont très-sensibles et se courbent vers le bord qui est touché, mais ils ne se meuvent pas rapidement. L’un d’eux se courbait sensiblement en 1 heure 10 minutes, après avoir été légèrement frotté, et sa courbure devenait considérable en 5 heures 40 minutes ; plusieurs autres se courbaient à peine en 5 heures 30 minutes ; mais d’une manière marquée en 6 heures 30 minutes. Dans un pétiole, la courbure était perceptible au bout de 4 heures 30 minutes à 5 heures, après la suspension d’une petite anse de ficelle. Une anse de fil de coton fin, pesant un seizième de grain (4,05 milligr.), fit non-seulement courber lentement un pétiole, mais finit par être saisie si solidement qu’on ne pouvait la détacher qu’avec peine. Quand les pétioles viennent en contact avec un bâton, ils accomplissent autour de lui un demi-tour ou un tour complet et en dernier lieu augmentent beaucoup d’épaisseur. Ils ne possèdent pas la faculté de s’enrouler spontanément.

Lophospermum scandens, var. purpureum. — Plusieurs entre-nœuds longs et assez minces accomplissaient quatre révolutions avec une vitesse moyenne de 3 heures 15 minutes. La direction suivie était très-irrégulière, c’est-à-dire une ellipse extrêmement allongée, un grand cercle, une spire irrégulière ou une ligne en zigzag, et quelquefois l’extrémité s’arrêtait. Quand les jeunes pétioles étaient amenés par le mouvement révolutif en contact avec des bâtons, ils les saisissaient et augmentaient bientôt d’épaisseur. Mais ils ne sont pas aussi sensibles à un poids que ceux du Rodochiton, car des anses de fil pesant 8 milligr. ne les font pas toujours courber.

Cette plante présente une particularité que je n’ai observée chez aucune plante volubile[2] ou grimpant à l’aide des feuilles, savoir, que les jeunes entre-nœuds de la tige sont sensibles à un contact. Quand un pétiole de cette espèce saisit un bâton, il entraîne vers celui-ci la base de l’entre-nœud ; et alors l’entre-nœud lui-même se courbe vers le bâton qui est saisi entre la tige et le pétiole comme par une paire de pinces. L’entre-nœud se redresse ensuite, excepté la partie qui est en contact immédiat avec le bâton. Les jeunes entre-nœuds seuls sont sensibles, et ceux-ci sont également sensibles sur tous les côtés et dans toute leur longueur. Je fis quinze expériences en frottant légèrement deux ou trois fois plusieurs entre-nœuds avec une petite branche mince, et je constatai que tous se courbaient en deux heures environ et dans un cas en trois heures : ils se redressaient ensuite au bout de quatre heures environ. Un entre-nœud, qui fut frotté jusqu’à six ou sept fois, se courbait d’une manière à peine sensible en 1 heure 15 minutes ; mais en 3 heures la courbure devint beaucoup plus marquée ; il se redressa de nouveau dans le courant de la nuit suivante. Je frottai plusieurs entre-nœuds, un jour, d’un côté et, le jour suivant, soit du côté opposé, soit à angle droit avec le premier côté, et la courbure se faisait toujours vers le côté frotté.

Suivant Palm (p. 63), les pétioles du Linaria cirrhosa, et jusqu’à un certain point, ceux du L. elatine, ont la faculté de saisir un support.

Solanaceæ. — Solanum jasminoides. — Plusieurs des espèces de ce grand genre sont volubiles, mais l’espèce dont nous parlons est une véritable plante grimpant à l’aide de ses feuilles. Une longue tige, presque verticale, accomplissait quatre révolutions très-régulières en sens inverse du soleil, avec une vitesse moyenne de 3 heures 26 minutes. Les tiges, cependant, s’arrêtaient quelquefois. Ce Solanum est considéré comme une plante d’orangerie ; mais quand on l’y laisse, les pétioles mettent plusieurs jours à saisir un bâton ; en serre chaude, un tuteur était saisi en 7 heures. Dans l’orangerie, un pétiole n’était pas influencé par une petite anse de ficelle suspendue pendant plusieurs jours et pesant 163 milligr. ; mais en serre chaude, une anse de 106 milligr. faisait courber un pétiole, et si on enlevait la ficelle, il se redressait. Une anse pesant seulement 53 milligr. n’eut aucune action sur un autre pétiole. Nous avons vu que les pétioles de quelques autres plantes qui grimpent à l’aide de leurs feuilles sont influencés par un treizième de ce dernier poids. Dans cette espèce, une feuille entièrement développée est capable de saisir un bâton ; je n’ai observé ce fait dans aucune autre plante grimpant à l’aide des feuilles ; mais dans l’orangerie, le mouvement était tellement lent qu’il ne s’accomplissait qu’au bout de plusieurs semaines ; après chacune de ces semaines, il était évident que le pétiole s’était courbé de plus en plus jusqu’à ce qu’à la fin il eût fortement saisi le bâton.


Fig. 3.
Solanum jasminoides avec un de ses pétioles saisissant un bâton.


Le pétiole flexible d’une feuille ayant atteint la moitié ou le quart de son développement, et qui a saisi un objet pendant trois ou quatre jours, augmente beaucoup d’épaisseur, et, après plusieurs semaines, devient si prodigieusement dur et rigide qu’il ne peut être que difficilement détaché de son support. En comparant une tranche mince et transversale d’un pareil pétiole avec celui d’une feuille plus âgée croissant en dessous dans un point rapproché, et qui n’avait rien saisi, son diamètre se trouve être doublé et sa structure considérablement modifiée. Chez deux autres pétioles comparés d’une manière semblable et représentés ci-dessous, l’augmentation du diamètre ne fut pas aussi marquée.


Fig. 4.
Solanum jasminoides.

A. Section d’un pétiole dans son état ordinaire.

B. Section d’un pétiole quelques semaines après qu’il eut saisi un bâton, comme cela se voit fig. 3.


Dans la coupe du pétiole à son état ordinaire (A), nous voyons une bande semi-lunaire de tissu cellulaire (qui n’est pas bien représenté dans la figure), dont l’apparence diffère légèrement de celle qui lui est extérieure et comprenant trois groupes très-rapprochés de vaisseaux d’un aspect foncé. Près de la surface supérieure du pétiole, au-dessous de deux bords extérieurs, il y a deux autres petits groupes circulaires de vaisseaux. Dans la coupe du pétiole (B) qui avait saisi, pendant plusieurs semaines, un bâton, les deux bords extérieurs devenaient beaucoup moins proéminents, et les deux groupes de vaisseaux ligneux au-dessous d’eux augmentaient considérablement de diamètre. La bande semi-lunaire s’est convertie en un anneau complet de tissu blanc très-dur et ligneux avec des lignes rayonnant du centre. Les trois groupes de vaisseaux qui, quoique rapprochés, étaient distincts auparavant, sont complétement confondus. La partie supérieure de cet anneau de vaisseaux ligneux formée par le prolongement des cornes de la bande semi-lunaire est plus étroite que la partie inférieure et un peu moins compacte. Ce pétiole, après avoir saisi le bâton, était devenu plus épais que la tige d’où il provenait, ce qui était dû surtout à l’augmentation d’épaisseur de l’anneau du bois. Cet anneau présentait à la fois dans une coupe transversale et longitudinale une structure à peu près semblable à celle de la tige. C’est un fait morphologique singulier que le pétiole acquière ainsi une structure presque identiquement la même que celle de la tige ; et c’est un fait physiologique encore plus singulier qu’un si grand changement ait été déterminé par le seul fait de saisir un support[3].

Fumariaceæ. — Fumaria officinalis. — Il était difficile de prévoir qu’une plante si basse que ce Fumaria fût grimpante. Elle grimpe à l’aide des pétioles principaux et latéraux de ses feuilles composées, et même la portion terminale très-aplatie du pétiole peut saisir un support. Je l’ai vu saisir un corps aussi mou qu’un brin d’herbe desséché. Les pétioles qui ont accroché un objet quelconque finissent par devenir un peu plus épais et plus cylindriques. En frottant légèrement plusieurs pétioles avec une petite branche, ils se courbaient sensiblement en 1 heure 15 minutes et se redressaient ensuite. Un bâton placé délicatement dans l’angle formé par les deux pétioles secondaires les excita à se mouvoir et fut presque saisi en 9 heures. Une petite anse de fil pesant 8 milligr. détermina une courbure considérable au bout de 12 à 20 heures, mais elle ne fut jamais parfaitement saisie par le pétiole. Les jeunes entre-nœuds ont un mouvement d’une étendue considérable mais très-irrégulier, tel qu’une ligne en zigzag ou une spire s’entrecroisant, ou bien un 8 de chiffre. La direction pendant 12 heures tracée sur une cloche en verre représentait en apparence 4 ellipses environ. Les feuilles elles-mêmes se meuvent également d’une manière spontanée, les pétioles principaux se courbant conformément au mouvement des entre-nœuds, en sorte que lorsque ces derniers se mouvaient d’un côté, les pétioles se dirigeaient du même côté, et puis, se redressant, renversaient leur courbure. Les pétioles cependant ne se meuvent pas dans une étendue considérable, comme on pouvait le voir quand une tige était solidement attachée à un bâton. Dans ce cas, la feuille suivait une direction irrégulière comme celle parcourue par les entre-nœuds.

Adlumia cirrhosa. J’élevai plusieurs plantes à la fin de l’été ; elles formèrent de très-belles feuilles, mais ne poussèrent aucune tige centrale. Les premières feuilles développées n’étaient pas sensibles ; parmi les plus tardives, plusieurs l’étaient, mais seulement vers leurs extrémités qui étaient capables de saisir des tuteurs. Ceci ne pouvait être d’aucune utilité pour la plante, parce que ces feuilles partaient de la base ; mais cela montrait quel aurait été le futur caractère de la plante si elle avait atteint une croissance suffisante pour grimper. L’extrémité d’une de ces feuilles basilaires, pendant qu’elle était jeune, décrivit en 1 heure 36 minutes une ellipse étroite, ouverte à une extrémité, ayant exactement une longueur de 7c,6 ; une seconde ellipse plus large, plus irrégulière et plus courte, longue de 6c,3 seulement, fut tracée en 2 heures 2 minutes. D’après l’analogie avec les Fumaria et Corydalis, je ne doute pas que les entre-nœuds de l’Adlumia ne possèdent la faculté de s’enrouler.

Corydalis claviculata. — Cette plante est intéressante parce qu’elle est dans une condition si exactement intermédiaire entre une plante grimpant à l’aide de ses feuilles et une plante pourvue de vrilles, qu’on aurait pu la placer dans l’une ou l’autre catégorie ; mais, pour des motifs qui seront indiqués plus tard, elle a été classée parmi les plantes à vrilles.

Outre les plantes déjà décrites, le Bignonia unguis et ses congénères, quoique aidés par des vrilles, ont des pétioles préhenseurs. Suivant Mohl (p. 40), le Cocculus japonicus, une Ménispermacée, et une fougère, l’Ophioglossum japonicum, grimpent au moyen de leurs pétioles.

Nous arrivons maintenant à un petit groupe de plantes qui grimpent à l’aide des nervures médianes prolongées ou des extrémités de leurs feuilles.

Liliaceæ. — Gloriosa Plantii. — La tige d’une plante à moitié développée se mouvait continuellement, en décrivant en général une spire irrégulière, mais parfois des figures elliptiques avec l’axe principal dirigé en divers sens : elle suivait le soleil ou se mouvait dans un sens opposé ; quelquefois elle s’arrêtait avant de commencer le mouvement inverse. Une ellipse fut décrite en 3 heures 40 minutes, et des deux autres en forme de fer à cheval, l’une fut tracée en 4 heures 35 minutes et l’autre en 3 heures. Dans leurs mouvements, les tiges atteignaient des points espacés de 10 à 13 cent. Les jeunes feuilles, dans leur premier développement, se tiennent presque verticalement ; mais par l’accroissement de l’axe et par la courbure spontanée de la moitié terminale de la feuille, elles deviennent bientôt très-inclinées et en dernier lieu horizontales. L’extrémité de la feuille forme une saillie étroite, épaissie, en forme de ruban, qui d’abord est presque droite, mais avec le temps la feuille prend une position inclinée ; l’extrémité se courbe en bas en un crochet bien marqué. Ce crochet est alors assez fort et assez rigide pour saisir n’importe quel objet, et quand il l’a saisi, pour ancrer la plante et arrêter le mouvement révolutif. La surface interne est sensible, mais non pas autant que celle des pétioles précédemment décrits ; car une anse de ficelle pesant 106 milligr., ne produisit aucun effet. Quand le crochet a saisi une petite branche mince ou même une fibre rigide, on peut apercevoir, au bout de 1 heure à 3 heures, que la pointe s’est incurvée un peu en dedans ; dans des circonstances favorables, elle se courbe circulairement, et, au bout de 8 à 10 heures, saisit d’une manière permanente un objet. Quand le crochet vient de se former, avant que la feuille se soit courbée en bas, il est peu sensible. S’il ne saisit aucun objet, il reste ouvert et sensible pendant longtemps ; en dernier lieu l’extrémité se courbe spontanément et lentement en dedans et fait à l’extrémité de la feuille une spire circulaire aplatie, semblable à un bouton. Une feuille fut mise en observation, et le crochet resta ouvert trente-trois jours ; mais, pendant la dernière semaine, l’extrémité s’était tellement courbée en dedans, qu’on n’aurait pu y introduire qu’une petite branche très-mince. Aussitôt que l’extrémité s’est tellement courbée en dedans, que le crochet est converti en un anneau, sa sensibilité est abolie ; mais, tant qu’il reste ouvert, il est encore un peu sensible.

Quand la plante n’avait que 15c,2 environ de hauteur, les feuilles, au nombre de quatre ou cinq, étaient plus larges que celles produites ultérieurement ; leurs extrémités molles et peu amincies n’étaient pas sensibles et ne formaient pas de crochets ; de plus, la tige ne s’enroulait pas. À cette première période de développement, la plante peut se soutenir elle-même ; la faculté de grimper n’est pas nécessaire et par conséquent ne se développe pas. De même aussi, les feuilles au sommet d’une plante en fleur complétement développée, qui n’avait pas besoin de grimper plus haut, n’étaient pas sensibles et ne pouvaient pas saisir un bâton. Nous voyons par là combien est parfaite l’économie de la nature.

Commelynaceæ. Flagellaria Indica. D’après des échantillons secs, il est évident que cette plante grimpe exactement comme le Gloriosa. Un jeune pied de 30c,5 en hauteur et portant quinze feuilles n’avait pas encore une seule feuille prolongée en un crochet ou filament en forme de vrille, et la tige ne s’enroulait pas. Cette plante acquiert donc la faculté de grimper plus tardivement que ne le fait le Gloriosa. Suivant Mohl (p. 41), l’Uvularia (Melanthacée) grimpe aussi comme le Gloriosa.

Ces trois derniers genres sont Monocotylédones, mais il y a une Dicotylédone, le Nepenthes, qui est rangée par Mohl (p. 41) parmi les plantes à vrilles ; et j’apprends par le docteur Hooker que la plupart de ces espèces grimpent bien à Kew. Ceci a lieu à l’aide du pétiole ou nervure moyenne unissant la feuille à l’urne et se repliant autour d’un support. La partie tordue devient plus épaisse ; mais j’ai observé dans la serre chaude de M. Veitch que le pétiole fait souvent un tour quand il n’est pas en contact avec un objet et que cette partie tordue est également épaissie. Dans ma serre, deux jeunes pieds vigoureux de N. lœvis et N. distillatoria, ayant moins de 30c,5 de haut, ne présentaient aucune sensibilité dans leurs feuilles et ne possédaient pas la faculté de grimper. Mais quand le N. lævis eut atteint une hauteur de 40c,6, il présenta des indices de cette faculté. Les jeunes feuilles d’abord formées sont verticales, mais elles ne tardent pas à s’incliner ; à cette période, elles se terminent en une sorte de pétiole ou de filament portant à son extrémité l’urne à peine développée. Les feuilles présentaient maintenant un léger mouvement spontané ; et quand les filaments terminaux venaient en contact avec un bâton, ils se courbaient lentement autour de lui et le saisissaient fortement. Mais, par suite du développement ultérieur de la feuille, ce filament, au bout de quelque temps, se relâchait, quoique restant encore enroulé autour du bâton. Par conséquent il semblerait que le principal effet de l’enroulement, quand la plante est jeune, est de soutenir l’urne et le poids du liquide qu’elle sécrète.


RÉSUMÉ DES PLANTES QUI GRIMPENT À L’AIDE DE LEURS FEUILLES.

Nous savons maintenant que des plantes appartenant à huit familles naturelles ont des pétioles préhenseurs, et que des plantes appartenant à quatre familles grimpent à l’aide des extrémités de leurs feuilles. Dans toutes les espèces que j’ai observées, sauf une seule exception, les jeunes entre-nœuds s’enroulent plus ou moins régulièrement, dans quelques cas aussi régulièrement que ceux d’une plante volubile. Ils s’enroulent avec des vitesses différentes, le plus souvent assez rapidement. Quelques-uns peuvent s’élever en contournant un support en hélice. Contrairement à la plupart des plantes volubiles, il y a dans la même tige une tendance marquée à accomplir un mouvement révolutif, d’abord dans un sens et puis dans un sens opposé. Le but atteint par le mouvement révolutif, est de mettre les pétioles ou les extrémités des feuilles en contact avec les objets voisins ; et, sans ce secours, la plante parviendrait moins facilement à grimper. Sauf de rares exceptions, les pétioles ne sont sensibles que lorsqu’ils sont jeunes. Ils sont sensibles de tous les côtés, mais plus ou moins, dans les différentes plantes ; et dans plusieurs espèces de Clematis, les diverses parties du même pétiole diffèrent beaucoup en sensibilité. Les extrémités crochues des feuilles du Gloriosa ne sont sensibles qu’à leurs surfaces interne ou inférieure. Les pétioles sont sensibles à un contact et à une pression continue extrêmement légère, même à celle produite par une anse de fil mou pesant seulement un seizième de grain (4,05 milligr.) ; et il y a lieu de croire que les pétioles assez épais et rigides du Clematis flammula sont sensibles à un poids même beaucoup moindre, s’il s’applique à une vaste surface. Les pétioles se courbent toujours vers le côté pressé ou touché avec une vitesse variable dans les différentes espèces, parfois en quelques minutes, mais généralement au bout d’un temps beaucoup plus long. Après un contact momentané avec un objet quelconque, le pétiole continue à se courber pendant très-longtemps ; puis il se redresse lentement et peut alors agir de nouveau. Un pétiole excité par un poids extrêmement léger se courbe parfois un peu, et alors, habitué au stimulus, ou bien il ne se courbe pas davantage, ou bien il se redresse, le poids restant suspendu. Les pétioles qui ont saisi depuis quelque temps un objet ne peuvent recouvrer leur première position. Après être restés accrochés pendant deux ou trois jours, ils augmentent généralement en épaisseur soit dans tout leur diamètre, soit d’un seul côté ; ils deviennent ensuite plus forts et plus ligneux, parfois à un degré surprenant, et dans quelques cas ils acquièrent une structure interne, semblable à celle de la tige ou de l’axe de la plante.

Les jeunes entre-nœuds du Lophospermum ainsi que les pétioles sont sensibles à un contact, et par leur mouvement combiné saisissent un objet. Les pédoncules floraux du Maurandia semperflorens s’enroulent spontanément et sont sensibles à un attouchement ; cependant ils ne servent pas à grimper. Les feuilles de deux espèces au moins et probablement celles de la plupart des espèces de Clematis, de Fumaria et d’Adlumia se courbent spontanément d’un côté à l’autre, comme les entre-nœuds, et sont ainsi mieux adaptées pour saisir les objets éloignés. Les pétioles des feuilles parfaites du Tropœolum tricolorum, ainsi que les filaments à forme de vrilles des plantes, lorsqu’elles sont encore jeunes, finissent par se mouvoir vers la tige ou le tuteur qu’ils saisissent alors : les pétioles et ces filaments montrent aussi une tendance à se contracter en spirale. Les extrémités des feuilles libres du Gloriosa, en vieillissant, se contournent en spire aplatie ou en hélice. Ces divers faits sont intéressants relativement aux véritables vrilles.

Chez les plantes qui grimpent à l’aide des feuilles, comme chez les plantes volubiles, les premiers entre-nœuds qui s’élèvent du sol ne s’enroulent pas spontanément, du moins dans les cas que j’ai observés ; et les pétioles ou les extrémités des premières feuilles formées ne sont pas sensibles. Dans certaines espèces de Clematis, la dimension considérable des feuilles, ainsi que leur habitude d’enroulement et l’extrême sensibilité de leurs pétioles semblent rendre superflu le mouvement révolutif des entre-nœuds : cette dernière faculté est devenue par conséquent beaucoup plus faible. Dans certaines espèces de Tropœolum, les mouvements spontanés des entre-nœuds et la sensibilité des pétioles sont très-affaiblis et dans une espèce ils étaient complétement abolis.


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  1. Il paraît, d’après les observations intéressantes de A. Kerner, que les pédoncules floraux d’un nombre considérable de plantes sont irritables et se courbent quand ils sont frottés ou secoués. Die Schutzmittel des Pollens, 1873, p. 34.
  2. J’ai déjà fait allusion à la tige volubile de la Cuscute qui, suivant H. de Vries (loc. cit. p. 322) est sensible à un contact, comme une vrille.
  3. Le docteur Maxwell Masters m’apprend que, dans presque tous les pétioles qui sont cylindriques, tels que ceux qui portent des limbes peltés, les vaisseaux ligneux forment un anneau fermé les bandes semi-lunaires de vaisseaux sont particulières aux pétioles qui sont sillonnés le long de leur surface supérieure. D’après cela, on peut observer que le pétiole grossi et adhérent du Solanum avec son anneau formé de vaisseaux ligneux est devenu plus cylindrique qu’il ne l’était dans son état primitif et lorsqu’il n’était pas adhérent.