Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.05

Gauthier-Villars et Fils (1p. 233-268).

CHAPITRE V.

NON-EXISTENCE DES INTÉGRALES UNIFORMES.


81.Reprenons nos équations canoniques

(1)

Je suppose d’abord que qui ne dépend pas des dépend des variables et que son hessien par rapport à ces variables n’est pas nul.

Je me propose de démontrer que, sauf dans certains cas exceptionnels que nous étudierons plus loin, les équations (1) n’admettent pas d’autre intégrale analytique et uniforme que l’intégrale

Voici ce que j’entends par là :

Soit une fonction analytique et uniforme des des et de qui doit de plus être périodique par rapport aux

Je ne suis pas obligé de supposer que cette fonction soit analytique et uniforme pour toutes les valeurs des des et de

Je suppose seulement cette fonction analytique et uniforme pour toutes les valeurs réelles des pour les valeurs suffisamment petites de et pour les systèmes de valeurs des appartenant à un certain domaine D ; le domaine D peut d’ailleurs être quelconque et être aussi petit qu’on le veut. Dans ces conditions, la fonction est développable par rapport aux puissances de et je puis écrire

étant uniformes par rapport aux et aux et périodiques par rapport aux

Je dis qu’une fonction de cette forme ne peut pas être une intégrale des équations (1).

La condition nécessaire et suffisante pour qu’une fonction soit une intégrale s’écrit, en reprenant la notation du no 3,

ou en remplaçant et par leurs développements

Nous aurons donc séparément les équations suivantes, dont je ferai usage plus loin,

(2)
et
(3)

Je dis que je puis toujours supposer que n’est pas une fonction de

En effet, supposons que l’on ait

Je dis que la fonction sera une fonction uniforme en général, quand les variables resteront dans le domaine D.

Nous avons en effet

Nous pourrons résoudre cette équation par rapport à et écrire

et sera une fonction uniforme à moins que ne s’annule à l’intérieur du domaine D.

En remplaçant par sa valeur dans

il vient

est une fonction uniforme des et des si l’on y remplace par la fonction uniforme on obtiendra une fonction uniforme de de et des mais, par hypothèse, cette fonction ne dépend que de

Donc est fonction uniforme de

Cela a lieu pourvu que ne s’annule pas dans le domaine D ; cela aura lieu également si l’une des dérivées ne s’annule pas dans le domaine D.

Cela posé, si est une intégrale uniforme, il en sera de même de

est développable suivant les puissances de et de plus est divisible par puisque est nul. Posons donc

sera une intégrale analytique et uniforme et il viendra

En général, ne sera pas une fonction de si cela avait lieu, on recommencerait la même opération.

Je dis qu’en recommençant ainsi cette opération, on finira par arriver à une intégrale qui ne se réduira pas à une fonction de pour

À moins toutefois que ne soit une fonction de auquel cas les deux intégrales et ne seraient plus distinctes.

En effet, soit le jacobien, ou déterminant fonctionnel de et de par rapport à deux des variables et Je puis supposer que ce jacobien n’est pas identiquement nul, puisque, si tous les jacobiens étaient nuls, serait fonction de ce que nous ne supposons pas.

sera manifestement développable suivant les puissances de De plus s’annulera avec puisque est fonction de sera donc divisible par une certaine puissance de par exemple par

Soit maintenant le déterminant fonctionnel ou jacobien de et de on aura

de sorte que ne sera plus divisible que par

Ainsi, après opérations au plus, on arrivera à un jacobien qui ne s’annulera plus avec et qui correspondra, par conséquent, à une intégrale qui ne se réduira pas pour à une fonction de

Par conséquent, s’il existe une intégrale analytique et uniforme et distincte de mais telle que soit fonction de on en pourra toujours trouver une autre de même forme et qui ne se réduira pas à une fonction de pour

Nous avons donc toujours le droit de supposer que n’est pas fonction de

82.Je dis maintenant que ne peut dépendre des

Si en effet dépend des ce sera une fonction périodique de ces variables, de sorte que nous pourrons écrire

les étant des entiers positifs ou négatifs, les des fonctions des et la notation représentant pour abréger l’exponentielle imaginaire qui multiplie

Cela posé, nous avons

puisque ne dépend pas des et que les sont nuls.

D’autre part,

de sorte que l’équation (2) s’écrit

et, comme ce doit être une identité, on aura, pour tous les systèmes de valeurs entières des

de sorte qu’on doit avoir identiquement, ou bien

(4)
ou bien
(5)

De l’identité (5) on déduirait, par différentiation,

Or cela ne peut avoir lieu que de deux manières :

Ou bien si

ou bien si le hessien de est nul.

Or nous avons supposé au début que le hessien n’était pas nul.

Donc doit être identiquement nul, sauf pour le terme où tous les sont nuls.

Cela revient à dire que se réduit à un seul terme qui ne dépend pas des

C.Q.F.D.

Examinons maintenant l’équation (3). Comme et ne dépendent pas des cette équation peut s’écrire

D’autre part, et sont périodiques par rapport aux et, par conséquent, développables suivant les exponentielles de la forme

les étant des entiers positifs ou négatifs.

Pour abréger, je désignerai, comme plus haut, cette exponentielle par et j’écrirai

les et les étant des coefficients dépendant des seulement.

On aura alors

de sorte que l’équation (3), divisée par s’écrira

Comme cette équation est une identité, nous devrons avoir pour tous les systèmes de valeurs entières des

(6)

La relation (6) doit avoir lieu pour toutes les valeurs des Donnons alors aux des valeurs telles que

(7)

le second membre de (6) s’annule. Nous devrons donc avoir, toutes les fois que les satisferont à l’équation (7), ou bien

(8)
ou bien
(9)

La fonction est une des données de la question et il en est de même, par conséquent, des coefficients Il est donc aisé de reconnaître si l’égalité (7) entraîne l’égalité (8). En général, on constatera qu’il n’en est pas ainsi et on devra conclure que l’égalité (9) est une conséquence nécessaire de l’égalité (7).

Soient maintenant un certain nombre d’entiers. Imaginons que l’on donne aux des valeurs telles que

(10)

On pourra trouver une infinité de systèmes d’entiers tels que

Pour chacun de ces systèmes d’entiers, on devra avoir

et, par conséquent,

La comparaison de ces deux équations montre que l’on doit avoir

c’est-à-dire que le jacobien de et de par rapport à deux quelconques des quantités doit être nul.

Cela doit avoir lieu pour toutes les valeurs des qui satisfont à des relations de la forme (10), c’est-à-dire pour toutes les valeurs telles que les soient commensurables entre eux. Dans un domaine quelconque, quelque petit qu’il soit, il y a donc une infinité de systèmes de valeurs des pour lesquels ce jacobien s’annule, et, comme ce jacobien est une fonction continue, il doit s’annuler identiquement.

Dire que tous les jacobiens de et de sont nuls, c’est dire que est fonction de Or cela est contraire à l’hypothèse que nous avons faite à la fin du numéro précédent.

Nous devons donc conclure que les équations (1) n’admettent pas d’autre intégrale uniforme que

C.Q.F.D.

Cas où les s’annulent.

83.Dans la démonstration qui précède, nous avons supposé que les coefficients n’étaient pas nuls. Si un ou plusieurs de ces coefficients s’annulaient (et surtout si une infinité d’entre eux s’annulaient), il y aurait lieu d’examiner le raisonnement de plus près.

Pour rendre possible l’énoncé des conséquences auxquelles je vais être conduit, je serai forcé d’introduire une terminologie nouvelle.

À chaque système d’indices (où les sont des entiers) correspond un coefficient Je dirai que ce coefficient devient séculaire quand les prendront des valeurs telles que

(7)

Voici ce qui peut justifier cette dénomination.

Lorsque, dans le calcul des perturbations, on suppose que le rapport des moyens mouvements soit commensurable, quelques-uns des termes de la fonction perturbatrice cessent d’être périodiques, et l’on peut dire alors qu’ils deviennent séculaires ; ce qui se passe ici est tout à fait analogue.

Je dirai que deux systèmes d’indices et appartiennent à la même classe lorsqu’on aura

et que deux coefficients appartiennent à la même classe lorsqu’ils correspondent à deux systèmes d’indices appartenant à la même classe.

Pour démontrer le théorème du numéro précédent, nous avons supposé qu’aucun des coefficients ne s’annule en devenant séculaire.

Pour que le résultat soit vrai, il suffit que, dans chacune des classes, il y ait au moins un des coefficients qui ne s’annule pas en devenant séculaire.

Supposons en effet que le coefficient qui correspond au système s’annule, mais que le coefficient qui correspond au système ne s’annule pas.

Si l’on donne aux des valeurs telles que

on aura également
et par conséquent

De la première de ces égalités on ne peut pas déduire

parce que est nul ; mais, comme n’est pas nul, la seconde égalité nous donne

et, par conséquent,

Le reste du raisonnement se fait comme dans le numéro précédent.

Avant d’aller plus loin, considérons d’abord le cas particulier où il n’y a que deux degrés de liberté.

Il n’y aura alors que deux indices et et une classe sera entièrement définie par le rapport de ces deux indices. Soit un nombre commensurable quelconque ; soit la classe d’indices où Je dirai, pour abréger, que cette classe appartient au domaine D, ou est dans ce domaine si l’on peut donner aux un système de valeurs appartenant à ce domaine, et telles que

Je dirai qu’une classe est singulière lorsque tous les coefficients de cette classe s’annulent en devenant séculaires et qu’elle est ordinaire dans le cas contraire.

Je dis que le théorème sera encore vrai si l’on suppose que, dans tout domaine δ faisant partie de D on peut trouver une infinité de classes ordinaires.

Soit en effet un système quelconque de valeurs de et tel que l’on ait en ce point

Supposons que soit commensurable et que la classe qui correspond à cette valeur de soit ordinaire ; le raisonnement du numéro précédent pourra alors s’appliquer à ce système de valeurs et on devra conclure que, pour ces valeurs de et de le jacobien de et de par rapport à et à s’annule.

Mais, par hypothèse, il existe, dans tout domaine δ si petit qu’il soit faisant partie de D, une infinité de pareils systèmes de valeurs de et de Par conséquent notre jacobien doit s’annuler en tous les points de D ; ce qui montre que est une fonction de On en conclurait, comme dans le numéro précédent, qu’il n’existe pas d’intégrale uniforme distincte de

Il n’en serait plus de même si l’on pouvait trouver un domaine D dont toutes les classes soient singulières.

On pourrait se demander alors s’il ne peut pas exister une intégrale qui reste uniforme non pas pour toutes les valeurs des mais quand ces variables ne sortent pas du domaine D. On verrait, en général, qu’il n’en serait pas ainsi ; il suffirait, pour s’en assurer, d’envisager dans l’équation

non plus seulement le terme indépendant de et le terme en mais le terme en et les termes suivants.

Je n’insiste pas, cela n’a pas d’intérêt, car je ne crois pas que, dans aucun problème de Dynamique, se posant naturellement, il arrive que toutes les classes d’un domaine D soient singulières sans que tous les coefficients s’annulent en devenant séculaires.

Passons maintenant au cas où il y a plus de 2 degrés de liberté. Les résultats seront analogues, bien que l’énoncé en soit plus compliqué.

Soient

nombres entiers quelconques. Considérons tous les systèmes d’indices qui satisfont à la condition

Je dirai que tous les coefficients correspondants appartiennent à une même famille.

Soient classes définies par les systèmes d’indices suivants

Si l’on ne peut trouver entiers,

tels que l’on ait

je dirai que ces classes sont indépendantes.

Je dirai qu’une famille est ordinaire si l’on y peut trouver classes indépendantes et ordinaires, et qu’elle est singulière dans le cas contraire. Elle sera singulière du premier ordre si l’on peut y trouver classes indépendantes, ordinaires et singulières du ième ordre, si l’on peut y trouver classes indépendantes et ordinaires et qu’on n’en puisse trouver davantage.

Je dirai qu’une famille définie par les entiers appartient à un domaine D s’il existe dans ce domaine des valeurs des telles que

Cela posé, je dis que, si l’on peut trouver dans tout domaine δ faisant partie de D une infinité de familles ordinaires, il ne pourra exister aucune intégrale uniforme distincte de

Le raisonnement du numéro précédent est en effet applicable à tout système de valeurs des qui correspond à une famille ordinaire.

Les jacobiens de et de par rapport à deux quelconques des variables devraient donc s’annuler une infinité de fois dans tout domaine δ faisant partie de D, ce qui ne peut arriver que s’ils sont identiquement nuls.

Je dis maintenant que, si l’on peut trouver dans tout domaine δ faisant partie de D une infinité de classes singulières du ième ordre, le nombre des intégrales uniformes distinctes que peuvent comporter les équations (1) est au plus égal à (en y comprenant l’intégrale ).

Supposons en effet qu’il y ait intégrales distinctes ; soient

ces intégrales et supposons que pour elles se réduisent à

(11)

Soit un système de valeurs des correspondant à une famille irrégulière du ième ordre. Posons

Il existera dans cette famille classes ordinaires. Soient

les systèmes d’indices correspondant à ces classes.

On aura pour les valeurs des x considérées

On en déduira que les jacobiens des fonctions (11) par rapport à quelconques des doivent s’annuler pour les valeurs considérées des

Et comme cela doit avoir lieu une infinité de fois dans chaque domaine δ, on en conclura que ces jacobiens s’annulent identiquement et par conséquent que nos intégrales ne peuvent pas être distinctes.

Ces considérations ne présentent pas d’ailleurs d’intérêt pratique et je ne les ai présentées ici que pour être complet et rigoureux. On peut évidemment construire artificiellement des problèmes où ces diverses circonstances se rencontreront ; mais, dans les problèmes de Dynamique qui se posent naturellement, il arrivera toujours, ou bien que toutes les classes seront singulières, ou bien qu’elles seront toutes ordinaires, à l’exception d’un nombre fini d’entre elles.

Cas où le hessien est nul.

84.Passons maintenant au cas où ne dépend pas de toutes les variables

Je supposerai que dépend de et seulement et que son hessien par rapport à ces deux variables n’est pas nul.

Pour bien marquer la différence entre ces deux variables et et leurs conjuguées et d’une part, et les autres variables et d’autre part, je conviendrai de désigner

par la notation

On observera d’abord que les conclusions du no 81 subsistent et que, s’il existe une intégrale uniforme distincte de il est toujours permis de supposer que n’est pas fonction de

Cela posé, nous devons d’abord avoir

Posons

nous pouvons écrire

les étant des coefficients dépendant de des et des

Il vient alors

Cette relation doit être une identité, et, d’autre part, le hessien de n’étant pas nul, on ne peut avoir identiquement

à moins que et ne soient nuls tous deux.

On en conclurait, comme au no 82, que ne dépend ni de ni de

Écrivons ensuite l’équation (3), nous aurons

Posons encore

Quand il sera nécessaire de mettre les indices en évidence, j’écrirai

Il viendra

Cette relation doit être une identité : nous pouvons donc égaler à 0 le coefficient d’une quelconque des exponentielles Nous donnerons de plus aux des valeurs telles que

(12)

de façon à faire disparaître les termes qui dépendent de

Il viendra

(13)

Nous considérons comme appartenant à une même classe deux coefficients tels que

et je dirai, pour abréger, que le coefficient appartient à la classe Il suit de cette définition que le coefficient appartient à la fois à toutes les classes.

D’après ce qui précède, si l’on donne aux des valeurs qui satisfont à la relation (12), la relation (13) devra avoir lieu pour les coefficients de la classe

Soient alors et deux entiers premiers entre eux, tels que

Posons
et

Si l’on donne aux des valeurs telles que

(12 bis)
on devra avoir
(13 bis)

et cela pour toutes les valeurs entières de positives, négatives ou nulles.

Cela ne peut avoir lieu que de deux manières :

1o Ou bien si l’on a

d’où

On en déduirait par un raisonnement tout semblable à celui du no 82 que est fonction de ce qui est contraire à l’hypothèse faite au début.

2o Ou bien, si le jacobien de quelconques des fonctions par rapport aux variables et est nul.

On en conclurait que, si l’on donne à et à des valeurs constantes satisfaisant à la condition (12 bis), il en résulte une relation entre quelconques des fonctions de telle sorte que toutes ces fonctions peuvent s’exprimer à l’aide de d’entre elles.

On peut énoncer encore ce résultat d’une autre manière :

Considérons les expressions suivantes

(14)

Si l’on suppose que l’on donne à et des valeurs constantes satisfaisant à l’équation (12 bis), ces expressions (14) dépendent de variables seulement, à savoir des et des

S’il existe une intégrale uniforme, toutes ces expressions sont des fonctions de d’entre elles ; ou, en d’autres termes, on peut trouver une relation entre quelconques d’entre elles.

Quelle est la condition pour qu’il existe trois intégrales uniformes distinctes

Soient et ce que deviennent ces trois intégrales pour On démontrerait, comme plus haut, que l’on peut toujours supposer qu’il n’y a aucune relation entre et

On trouverait ensuite, en posant

que l’on a
(13 ter )

Ainsi l’équation (12 bis) entraîne, comme conséquence nécessaire, non seulement l’équation (13 bis), mais l’équation (13 ter). Par un raisonnement tout pareil à celui qui précède, on verrait que cela ne peut arriver que de deux manières :

Ou bien s’il y a une relation entre et ce qui est contraire à l’hypothèse que nous venons de faire ;

Ou bien si le jacobien de quelconques des fonctions est nul ainsi que tous ses mineurs du premier ordre.

Il en résulterait que, si et satisfont à la condition (12 bis), il y a entre quelconques des non pas une, mais deux relations.

En d’autres termes, les expressions (14) peuvent se calculer à l’aide de d’entre elles.

Les expressions (14) qui dépendent des coefficients du développement de la fonction sont des données de la question et on pourra toujours vérifier s’il y a entre de ces expressions une ou deux relations.

Généralement, on constatera qu’il n’y en a pas une seule et on en conclura qu’il n’existe pas d’intégrale analytique et uniforme autre que

Qu’arriverait-il cependant s’il n’en était pas ainsi ? Pour pouvoir énoncer le résultat d’une manière complète et rigoureuse, je vais me servir d’une terminologie analogue à celle du numéro précédent. Je dirai qu’une classe est ordinaire s’il n’y a pas de relation entre des expressions (14) formées avec les coefficients de cette classe, qu’elle est singulière du premier ordre s’il y en a une, singulière du second ordre s’il y en a deux, etc. Plus généralement, une classe sera singulière d’ordre s’il y a relations entre quelconques des quantités

Soit δ un domaine quelconque comprenant une infinité de systèmes de valeurs de des et des

Si l’on peut trouver dans le domaine δ des valeurs de et satisfaisant à la condition (12 bis), je dirai que la classe appartient à ce domaine. J’ai dit des valeurs de et de et non des valeurs de des et des parce que le premier membre de (12 bis) ne dépend que de et de

Je pourrai alors énoncer le résultat suivant :

Je désignerai par D un domaine comprenant une infinité de systèmes de valeurs de , des et des

Si, dans tout domaine δ faisant partie de D, on peut trouver une infinité de classes ordinaires, on pourra être certain qu’il n’existe pas en dehors de d’autre intégrale qui soit analytique et uniforme par rapport aux aux aux et aux et de plus périodique par rapport à et à et qui reste telle pour toutes les valeurs réelles de et de pour les valeurs suffisamment petites de et pour les valeurs de des et des qui appartiennent au domaine D.

Si, dans tout domaine δ faisant partie de D, on peut trouver une infinité de classes singulières du ième ordre, il ne pourra pas exister plus de intégrales uniformes distinctes, en y comprenant

Application au problème des trois Corps.

85.Je vais m’occuper maintenant d’appliquer les notions qui précèdent aux divers cas du problème des trois Corps.

Commençons par le cas particulier défini au no 9. Dans ce cas, nous avons 2 degrés de liberté seulement et quatre variables

(cf. no 9) ; on a d’ailleurs

Le hessien de est nul, mais on peut, par l’artifice du no 43, ramener le problème au cas où ce hessien n’est pas nul.

Si donc il existait une intégrale uniforme, il faudrait que, dans le développement de (qui est la fonction perturbatrice des astronomes), suivant les sinus et les cosinus des multiples de et tous les coefficients s’annulent au moment où ils deviennent séculaires.

L’examen du développement bien connu de la fonction perturbatrice montre qu’il n’en est pas ainsi.

Nous devons donc conclure que, dans ce cas particulier du problème des trois Corps, il n’y a pas d’intégrale uniforme distincte de

Dans mon Mémoire des Acta mathematica (t. XIII), je me suis servi pour établir le même point de l’existence des solutions périodiques et du fait que les exposants caractéristiques ne sont pas nuls. La démonstration que je donne ici ne diffère de celle des Acta que par la forme, mais elle se prête mieux à la généralisation qui va suivre.

Considérons maintenant un cas un peu plus général du problème des trois Corps, celui où le mouvement se passe dans un plan, el supposons qu’on ait réduit le nombre des degrés de liberté à 3, ainsi qu’on l’a dit au no 15.

Nous avons alors six variables conjuguées, à savoir

Supposons que l’on développe la fonction perturbatrice de la manière suivante

les coefficients seront fonctions de et

Soient et deux entiers quelconques premiers entre eux ; formons les expressions

(14)

Donnons à et à des valeurs satisfaisant à la condition (12 bis), c’est-à-dire telles que le rapport des moyens mouvements soit égal a

Pour que le problème admît une intégrale uniforme autre que l’intégrale des forces vives, il faudrait qu’il y eût une relation entre deux quelconques d’entre elles ( ), c’est-à-dire que toutes ces expressions (14) fussent des fonctions de c’est-à-dire de la partie séculaire de la fonction perturbatrice. Or l’examen du développement bien connu de cette fonction montre qu’il n’en est pas ainsi.

Nous devons donc conclure que, en dehors de l’intégrale des forces vives, le problème n’admet pas d’intégrale uniforme de la forme suivante

périodique en et

Mais cela ne nous suffit pas, il nous faut encore démontrer que le problème n’admet pas d’intégrale de la forme suivante

où la fonction dépend d’une manière quelconque de et de au lieu de dépendre seulement de la différence

Pour cela il faut prendre le problème avec 4 degrés de liberté, ainsi que nous l’avons fait au no 16.

Nous aurons alors huit variables conjuguées

Les coefficients et les expressions (14) dépendent alors de et Quand on aura donné à et à des valeurs constantes telles que le rapport des moyens mouvements soit égal à les expressions (14) ne dépendront plus que des quatre variables et

Pour qu’il y ait une intégrale uniforme autre que celle des forces vives, il faut que l’on ait une relation entre quatre quelconques ( ) des expressions (14) ; c’est ce qui arrive puisque toutes ces expressions sont fonctions seulement des trois variables et

Rien ne s’oppose donc à ce qu’il existe une intégrale autre que celle des forces vives, et il en existe une en effet, à savoir l’intégrale des aires.

Pour qu’il y eût deux intégrales, il faudrait qu’il y eût une relation entre trois quelconques de ces expressions ; c’est-à-dire que toutes ces expressions dépendissent seulement de deux d’entre elles. Il n’en est pas ainsi.

Donc, en dehors de l’intégrale des forces vives et de celle des aires, le problème n’admet pas d’autre intégrale uniforme.

Passons enfin au cas le plus général du problème des trois Corps, et posons le problème comme au no 11, c’est-à-dire avec 6 degrés de liberté et avec les douze variables :

Les expressions (14), après qu’on a donné à et à des valeurs constantes convenables choisies comme plus haut, dépendent encore des huit variables

Pour qu’il y eût intégrales uniformes distinctes de il faudrait qu’il y eût une relation entre quelconques des expressions (14).

Il est aisé de vérifier que ces expressions dépendent seulement de cinq variables, à savoir de

et de l’angle des plans des deux orbites osculatrices.

Il y a donc une relation entre quelconques des expressions (14).

Rien ne s’oppose donc à l’existence de trois intégrales nouvelles et elles existent effectivement : ce sont les intégrales des aires. Mais il n’y a pas de relation entre quelconques des expressions (14).

Donc, le problème des trois Corps n’admet pas d’autre intégrale uniforme que celles des forces vives et des aires.

Je me suis borné, pour ne pas interrompre le raisonnement, à affirmer qu’il n’existe pas de relations entre les expressions (14) ; je reviendrai plus loin sur cette question.

On sait que M. Bruns a démontré (Acta mathematica, t. II) que le problème des trois Corps n’admet pas de nouvelle intégrale algébrique, en dehors des intégrales déjà connues.

Le théorème qui précède est plus général en un sens que celui de M. Bruns, puisque je démontre non seulement qu’il n’existe pas d’intégrale algébrique, mais qu’il n’existe même pas d’intégrale transcendante uniforme, et non seulement qu’une intégrale ne peut pas être uniforme pour toutes les valeurs des variables, mais qu’elle ne peut même pas demeurer uniforme dans un domaine restreint défini plus haut.

Mais, en un autre sens, le théorème de M. Bruns est plus général que le mien ; j’établis seulement, en effet, qu’il ne peut pas exister d’intégrale algébrique pour toutes les valeurs suffisamment petites des masses ; et M. Bruns démontre qu’il n’en existe pour aucun système de valeurs des masses.

Problèmes de Dynamique où il existe une intégrale uniforme.

86.Il y a des problèmes où l’on connaît l’existence d’une intégrale uniforme et où l’on peut se proposer de vérifier que les conditions énoncées dans les numéros qui précèdent sont effectivement remplies.

Prenons comme exemple le problème du mouvement d’un point mobile M, attiré par deux centres fixes A et B.

Je supposerai, pour simplifier, que le mouvement se passe dans un plan ; je supposerai de plus que la masse de A est grande, tandis que celle de B est égale à une quantité très petite de telle façon que l’on puisse regarder l’attraction de B comme une force perturbatrice.

Nous définirons alors la situation du point M par les éléments osculateurs de son orbite autour de A et nous désignerons ces éléments par les lettres et comme au no 10. Nous aurons alors

d’où

pourra se développer sous la forme suivante

Les coefficients dépendent alors de et et, pour qu’il existe une intégrale, il faut qu’il y ait une relation entre deux quelconques des coefficients d’une même classe ( je dis au lieu de parce que dépend, non plus de deux variables et comme aux nos 84 et 85, mais d’une seule variable) quand on donne à une valeur satisfaisant à la relation (12 bis).

Mais ici tous les coefficients (qui n’ont plus qu’un seul indice) appartiennent à une même classe et une relation (12 bis) s’écrit simplement

ou Il ne pourrait donc y avoir de difficulté que pour les valeurs infinies de Si donc nous reprenons le langage abrégé des numéros précédents, et si l’on appelle D un domaine quelconque formé par une infinité de systèmes de valeurs de et mais tel que, pour tous ces systèmes, la valeur de soit finie, la classe dont font partie tous ces coefficients n’appartiendra pas au domaine D ; rien ne s’opposera donc à l’existence d’une intégrale qui reste uniforme dans ce domaine D.

Passons à un autre problème ; celui du mouvement d’un corps pesant autour d’un point fixe.

Ce problème a été intégré dans trois cas particuliers différents par Euler, par Lagrange et par Mme de Kowalevski (cf. Acta mathematica, 12). Je crois savoir que Mme de Kowalevski a découvert encore de nouveaux cas d’intégrabilité.

On peut donc se demander si, dans ce problème, les considérations exposées dans ce Chapitre s’opposent à l’existence d’une intégrale uniforme autre que celles des forces vives et des aires.

Je supposerai que le produit du poids du corps par la distance du centre de gravité au point de suspension est très petite, de telle façon que l’on puisse écrire les équations du problème sous la forme

Les et les forment trois couples de variables conjuguées ; désigne l’énergie totale du système ; est sa demi-force vive ; est une quantité très petite et représente le produit du poids du corps par la distance du centre de gravité à un plan horizontal passant par le point de suspension.

Dans le cas où est nul (c’est-à-dire où le centre de gravité coïncide avec le point de suspension), le mouvement du corps solide se réduit à un mouvement à la Poinsot. Comme nous supposons très petit, c’est ce mouvement à la Poinsot qui va nous servir de première approximation, à la façon du mouvement képlérien dans l’étude du problème des trois Corps par les approximations successives.

Je dois, avant d’aller plus loin, définir deux quantités et que j’appellerai les deux moyens mouvements et qui joueront un rôle important dans ce qui va suivre. Dans le mouvement à la Poinsot, l’ellipsoïde d’inertie roule sur un plan fixe : soit P le pied de la perpendiculaire abaissée du point de suspension sur ce plan fixe et Q le point de contact. Ce point de contact appartient à une courbe fixe par rapport à l’ellipsoïde et appelée polhodie. Au bout d’un certain temps le même point de la polhodie reviendra en Q′ en contact avec le plan fixe. Soit l’angle QPQ′. Nous poserons

et et seront les deux moyens mouvements.

Cela posé, les équations du mouvement à la Poinsot pourront s’écrire de la manière suivante.

Soient et les coordonnées d’un point quelconque du corps solide en prenant l’origine des coordonnées au point de suspension et l’axe des vertical.

Posons

et étant deux constantes d’intégration.

Soient et trois fonctions de et périodiques de période en (ces fonctions, comme on le sait, dépendent des fonctions elliptiques) ; soient et deux nouvelles constantes d’intégration ; on aura

Si l’on suppose que le point est le centre de gravité du corps solide, se réduit à un facteur constant près à de sorte que nous pourrons écrire

les coefficients dépendant seulement de de et de

Lorsqu’on donnera à et à des valeurs constantes satisfaisant à la condition (12 bis), les ne dépendront plus que de de sorte qu’il y aura une relation entre deux quelconques d’entre eux.

Les ne dépendront que de et de en posant, comme dans les numéros précédents,

Il y aura donc une relation entre quelconques des Toute classe sera donc singulière du premier ordre.

Rien ne s’oppose donc à l’existence d’une intégrale uniforme distincte de celle des forces vives et nous savons, en effet, qu’il en existe une, à savoir celle des aires.

Mais la question est de savoir s’il peut en exister une troisième.

À cet effet, cherchons quelles sont les classes qui sont singulières du deuxième ordre. Il faut pour cela et il suffit qu’il y ait entre trois quelconques des deux relations et, par conséquent, que tous les soient fonctions d’un seul d’entre eux. Nous serons ainsi conduits à distinguer plusieurs sortes de classes :

1o La classe qui contient tous les coefficients Celle-ci est singulière du deuxième ordre. On a en effet

ne dépendant que de et de et devant, par conséquent, être regardé comme une constante, puisqu’on a supposé qu’on donnait à et à des valeurs constantes. On a alors

Pour que les soient fonctions d’un seul d’entre eux, il faut que tous les s’annulent, à l’exception d’un seul d’entre eux, ou que la fonction se réduise à une exponentielle

Mais, pour satisfaire à la condition (12 bis), il faut donner à la valeur 0 ; quel est donc le mouvement à la Poinsot pour lequel  ? Un peu d’attention montre que c’est celui qui correspond à la rotation uniforme autour de l’un des axes d’inertie. Dans un pareil mouvement, la fonction est une constante indépendante de Cela prouve que tous les sont nuls pour ces valeurs particulières de et de à l’exception de

La classe est donc singulière du deuxième ordre.

2o Les classes de la forme qui ne contiennent que trois coefficients

Ces classes ne peuvent être singulières du deuxième ordre que si

ou, ce qui revient au même, si dans le développement de et de suivant les puissances positives et négatives de il n’y a pas de terme en (en supposant et réels).

Cela n’arrivera pas, en général, quand l’ellipsoïde d’inertie ne sera pas de révolution ; mais, si cet ellipsoïde est de révolution, on aura

étant des constantes. Il en résulte que l’on aura

à moins que ou

Toutes les classes seront alors singulières du deuxième ordre, à l’exception des classes et

3o Toutes les autres classes se réduisant au seul coefficient seront singulières du deuxième ordre.

En résumé, si l’ellipsoïde est de révolution, toutes les classes sont singulières du deuxième ordre, à l’exception des classes et

Rien ne s’oppose donc à ce qu’il existe une troisième intégrale uniforme et même à ce qu’elle soit algébrique, pourvu que le jacobien des trois intégrales s’annule quand on fait ou (Cette dernière condition n’est pas nécessaire dans le cas de Lagrange, c’est-à-dire si le point de suspension est sur l’axe de révolution, parce qu’alors et se réduisent à des constantes.)

Si, au contraire, l’ellipsoïde n’est pas de révolution, il y a une infinité de classes qui ne sont pas singulières du deuxième ordre, à savoir des classes mais envisageons un domaine D comprenant une infinité de systèmes de valeurs de et et supposons que, pour aucun de ces systèmes, ne soit multiple de aucune des classes n’appartiendra à ce domaine. Rien ne s’oppose donc encore à ce qu’il existe une troisième intégrale uniforme, pourvu que le jacobien des trois intégrales s’annule dès que est multiple de d’où il résulte que cette troisième intégrale ne peut, en général, être algébrique.

Les conditions énoncées dans ce Chapitre étant nécessaires, mais non suffisantes, rien ne prouve que cette troisième intégrale existe ; il convient, avant de se prononcer, d’attendre la publication complète des résultats de Mme de Kowalevski[1].

Intégrales non holomorphes en

87.Jusqu’ici nous avons supposé que notre intégrale uniforme était développable suivant les puissances entières de Il est facile d’étendre le résultat au cas où l’on renoncerait à cette hypothèse.

Supposons, par exemple, que soit développable suivant les puissances entières de nous pourrons écrire

et étant développables suivant les puissances entières de

Si est une intégrale, on devra avoir identiquement

Comme et sont développables suivant les puissances entières de on devra avoir séparément

Donc et doivent être toutes deux des intégrales.

Si donc on a démontré qu’il ne peut pas exister d’intégrale uniforme développable suivant les puissances entières de on aura démontré qu’il ne peut pas exister non plus d’intégrale uniforme développable suivant les puissances entières de

Plus généralement, soient

(1)

fonctions quelconques de

Supposons que soit de la forme

(2)

les étant des fonctions des et des indépendantes de

Nous pouvons toujours supposer qu’il n’y a pas entre les fonctions (1) de relations de la forme

(3)

étant développables suivant les puissances de S’il en était ainsi en effet, l’une des fonctions ne contiendra pas en facteur ; car, si toutes ces fonctions contenaient en facteur, le premier membre de (3) serait divisible par et l’on effectuerait la division.

Supposons, par exemple, que ne s’annule pas avec on pourra résoudre l’équation (3) par rapport à et on aura

seront développables suivant les puissances de et si l’on remplace par cette valeur dans l’expression (2), on aura réduit d’une unité le nombre des fonctions (1).

Supposons donc que ces fonctions ne soient pas liées par une relation de la forme (3).

Nous pourrons écrire

étant développables suivant les puissances de Si est une intégrale, on aura

(4)

Je dis qu’on aura séparément

(5)

Car, s’il n’en était pas ainsi, comme les quantités sont développables suivant les puissances de la relation (4) serait de la forme (3), ce qui est contraire à l’hypothèse que nous venons de faire.

Donc les relations (5) ont lieu.

Donc sont des intégrales.

Si donc on a démontré qu’il ne peut pas y avoir d’intégrale uniforme développable suivant les puissances de on aura démontré qu’il n’y a pas non plus d’intégrale uniforme de la forme (2).

J’ajouterai que le raisonnement s’applique quand les fonctions (1) sont en nombre infini.

Discussion des expressions (14).

88.Je reviens sur le sujet que j’avais réservé plus haut, à savoir sur la démonstration de ce fait qu’il n’existe pas de relation entre quelconques des expressions (14) dans le cas du problème des trois Corps.

Nous avons, pour définir les expressions (14), supposé que la fonction perturbatrice avait été développée sous la forme suivante

(1)

les coefficients étant des fonctions des autres variables

ou

Ce n’est pas sous cette forme qu’on développe d’ordinaire la fonction perturbatrice dans les traités de Mécanique céleste.

On prend comme variables :

Les grands axes, les excentricités, les inclinaisons, les longitudes moyennes et les longitudes des périhélies et des nœuds.

Mais il est aisé de voir que cela revient au même.

Si nous posons

il viendra
(2)

Le facteur exponentiel ne dépend que des longitudes moyennes

et le facteur ne dépend que des autres variables, grands axes, excentricités, inclinaisons, longitudes des périhélies et des nœuds. Nous retomberons donc ainsi sur le développement habituel de la fonction perturbatrice.

Les expressions (14) peuvent alors s’écrire

Pour qu’il y ait une intégrale uniforme, il faut donc qu’il y ait une relation entre quelconques ( dans le plan, dans l’espace) des expressions

(14 bis)

formées à l’aide des coefficients du développement (2).

Ainsi, pour appliquer les principes du présent Chapitre, il n’est pas nécessaire d’effectuer un nouveau développement de la fonction perturbatrice à l’aide de nouvelles variables, tel que serait le développement (1). On peut se servir du développement déjà usité par les astronomes, c’est-à-dire du développement (2).

Les coefficients sont développables suivant les puissances croissantes des excentricités et des inclinaisons. Considérons donc le développement de l’un de ces coefficients suivant les puissances des excentricités et des inclinaisons. On sait (cf. no 12) que tous les termes de ce développement seront de degré au moins par rapport à ces quantités et, si leur degré diffère de la différence est un nombre pair.

Nous pourrons donc écrire

représentant l’ensemble des termes du développement qui sont de degré

par rapport aux excentricités et aux inclinaisons.

Nous dirons que est le terme principal de et que les autres termes en sont les termes secondaires.

Il y aura exception pour le coefficient dans ce cas,

ne dépend que des grands axes ; si ces grands axes sont regardés momentanément comme des constantes, ainsi que nous l’avons fait dans les numéros précédents [c’est, en effet, en supposant les grands axes constants que l’existence d’une intégrale uniforme entraîne celle d’une relation entre expressions (14)] ; si donc les grands axes sont des constantes, sera aussi une constante qui ne jouera aucun rôle dans le calcul.

C’est donc qui est du second degré par rapport aux excentricités et aux inclinaisons que nous conviendrons d’appeler le terme principal de

Si alors nous remplaçons le développement (2) par le suivant

(3)

nous dirons que nous avons écrit le développement de la fonction perturbatrice réduite à ses termes principaux.

Cela posé, quelle est la condition pour qu’il y ait une relation entre quelconques des expressions

(14)

Formons un tableau composé d’une infinité de lignes formées comme il suit :

Les différentes lignes correspondront aux diverses valeurs entières de l’indice positives, négatives ou nulles.

Le premier élément de la ligne d’indice sera

les autres seront les dérivées de par rapport aux diverses variables

c’est-à-dire par rapport aux excentricités, aux longitudes des périhélies, aux inclinaisons et aux longitudes des nœuds.

Eh bien, la condition nécessaire et suffisante pour que l’on ait une relation entre ( dans l’espace) des expressions (14), c’est que tous les déterminants formés en prenant dans ce tableau neuf lignes quelconques soient nuls.

Inutile d’ajouter que, dans les cas plus simples, par exemple lorsque les trois Corps se meuvent dans un plan, le nombre des colonnes et des lignes de ces déterminants est plus petit que 9.

Nous avons vu que tous les termes du développement de sont de degré au moins. Donc, parmi les éléments de la ligne d’indice (que je suppose développés suivant les puissances des excentricités et des inclinaisons), le premier commence par des termes de degré

II en est de même des dérivées de par rapport aux et aux tandis que les dérivées de par rapport aux et aux commenceront par des termes de degré

Pour la ligne d’indice 0, le premier terme se réduit à 0 ; les développements de dérivées de par rapport aux et aux commenceront par des termes du second degré, et ceux des dérivées de ar rapport aux et aux commenceront par des termes du premier degré.

Nos déterminants sont à leur tour susceptibles d’être développés suivant les puissances des et des Si un déterminant est formé par les lignes d’indices

tous les termes de son développement seront alors au moins de degré

Je pose cette quantité égale à

Il y a exception dans le cas où tous les termes sont alors au moins de degré

Je poserai encore cette quantité égale à

Le déterminant devant être identiquement nul, l’ensemble des termes de degré devra aussi être identiquement nul. Or on obtiendra ces termes de degré en remplaçant dans le déterminant chacun des coefficients par son terme principal (ou si ).

Le déterminant ainsi obtenu devra donc être identiquement nul ; or que signifie cette condition

Formons les expressions

(14 bis)

obtenues en remplaçant, dans les expressions (14), chacun des coefficients par son terme principal.

Si, dans l’expression (14), nous faisons cette expression se réduit à

dont le terme principal est

Nous adjoindrons au tableau des expressions (14 bis) l’expression qui est un polynôme entier du second degré par rapport aux et aux

Eh bien, la condition signifie qu’il y a une relation entre huit quelconques des expressions (14 bis) contenues dans le tableau ainsi complété.

Ainsi, pour qu’il y ait une intégrale uniforme, il faut qu’il y ait une relation entre huit quelconques de ces expressions (14 bis).

Les coefficients étaient des séries infinies, et les expressions (14) se présentaient sous la forme du quotient de deux pareilles séries.

Au contraire, les expressions (14 bis) sont rationnelles par rapport aux aux aux sinus et cosinus des et des

La vérification est donc facilitée par la substitution aux coefficients de leurs termes principaux.

Elle devient même aisée pour les petites valeurs des deux entiers et

Quand on a constaté ainsi que les déterminants correspondant aux petites valeurs des entiers et ne sont pas nuls, il devient difficile de conserver l’illusion que les déterminants correspondant aux grandes valeurs des mêmes entiers puissent s’annuler et permettre ainsi l’existence d’une intégrale uniforme.

Un doute pourrait néanmoins encore subsister.

On pourrait supposer, quelque invraisemblable que cela puisse paraître, que, parmi les classes (pour parler le langage du no 84), il y en a un nombre fini qui sont ordinaires et que ce sont précisément celles sur lesquelles la vérification a porté ; mais qu’il y en a une infinité qui sont singulières.

Pour lever complètement ce dernier doute, il faudrait avoir une expression générale des fonctions (14) ou (14 bis) pour toutes les valeurs des entiers et et cette expression ne pourrait être qu’extrêmement compliquée.

Heureusement M. Flamme, dans une Thèse récente[2], a donné l’expression approchée des termes de rang élevé dans le développement de la fonction perturbatrice et cette expression approchée, beaucoup plus simple que l’expression complète, peut suffire pour notre objet.

Toutefois, la forme que lui a donnée M. Flamme n’est pas la plus convenable pour le problème qui nous occupe ; nous serons obligé de compléter ses résultats et de les transformer considérablement.

Je reviendrai donc sur ce sujet dans le prochain Chapitre, après avoir traité du calcul approché des divers termes de la fonction perturbatrice, car, bien que les considérations précédentes soient de nature à convaincre les plus sceptiques, elles ne constituent pas cependant une démonstration mathématique rigoureuse.

89.Une dernière remarque peut faciliter dans une certaine mesure la vérification.

Reprenons la relation (13) du no 84 qui s’écrit

En faisant dans cette relation j’obtiendrai une relation particulière que j’appellerai (13 bis) ; en y faisant j’obtiendrai une autre relation particulière que j’appellerai (13 ter).

Soit ensuite

sera l’une des expressions (14) qui ont joué un si grand rôle dans les numéros précédents.

Multiplions (13 bis) et (13 ter) respectivement par

et ajoutons ; il viendra

ou, en adoptant la notation des crochets de Jacobi,

ou bien

Si donc et sont deux expressions (14) appartenant à la même classe, on devra avoir

ou, en vertu du théorème de Poisson,

d’où l’on peut conclure que est une fonction de

des expressions (14).

Il ne faut pas oublier que les crochets doivent être calculés en considérant et (c’est-à-dire dans le cas du problème des trois Corps, et ) comme des constantes.

Séparateur

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, le monde savant a eu à déplorer la mort prématurée de Mme de Kowalevski. Les notes qu’on a retrouvées chez elle sont malheureusement insuffisantes pour permettre de reconstituer ses démonstrations et ses calculs.
  2. Paris, Gauthier-Villars, 1887.