Les invisibles de Paris (Aimard)/IV/XV

Roy et Geffroy (p. 727-736).
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XV

MOUCHETTE SE DESSINE

Dans la soirée, l’unique salle de l’auberge de la Limace présentait un aspect inaccoutumé.

Une quinzaine d’individus, vêtus plus ou moins comme des matelots en disponibilité, étaient assis autour de deux ou trois tables placées bout à bout.

Ils achevaient de faire disparaître les victuailles qui garnissaient ces mêmes tables.

D’énormes tranches de bœuf, des gigots, des jambons, n’offraient plus que le spectacle attristant de leurs squelettes déchiquetés ; les pichets de cidre circulaient à la ronde avec un entrain témoignant de la soif inextinguible des convives.

Seulement, les conversations se tenaient à mi-voix.

Jamais un mot plus haut que l’autre.

Aucun de ces individus, marin ou non, n’était ivre.

C’était l’ordre dans le désordre.

Ce repas pantagruélique, mal éclairé par quelques chandelles fumeuses, était présidé par un homme tout jeune encore.

Cet homme, aux manières distinguées, contrastant avec les grossières habitudes de ses compagnons, avait le visage d’une pâleur cadavérique.

Au dehors, les ténèbres les plus épaisses.

Les volets du cabaret, hermétiquement fermés, ne laissaient filtrer aucune ligne lumineuse.

Le vent soufflait en foudre.

Dans l’espace, les nuages couraient avec la rapidité que pourraient avoir des escadrons débandés, dans la déroute d’une armée prise de panique.

Par intervalles, de larges gouttes de pluie tombaient en claquant sur la terre gelée.

Une tempête se préparait.

Çà et là apparaissaient des masses noirâtres, serrées contre les arbres, ou blotties dans les fossés du chemin.

Ces masses noires étaient des sentinelles, veillant au salut des hôtes de l’aubergiste.

Les hommes réunis dans la salle commune de la Limace faisaient partie de l’association des Invisibles.

Le personnage placé au haut bout de la table, le jeune homme aux traits nobles et pâles, était le vicomte René de Luz.

Le vicomte souffrait encore de ses blessures, quoiqu’il eût soutenu le contraire au colonel Martial Renaud.

Mais la conscience du devoir sacré qu’il allait remplir lui rendait ses forces.

Aucun de ses compagnons ne mettait en doute qu’il lui fût possible de mener son entreprise à bonne fin, tant il rayonnait d’éclairs dans ses regards, tant il y avait la marque d’une indomptable volonté sur ses traits pâles et amaigris.

La demie après neuf heures sonna au coucou placé dans un angle de la salle.

René de Luz sortit de sa rêverie.

Il frappa un coup sur la table avec le couteau qu’il tenait à la main.

Le silence le plus absolu se fit immédiatement.

Sur un signe du vicomte, le cabaretier ouvrit la porte.

Mouchette entra.


La première chose qu’il aperçut fut l’enseigne.

Le jeune ami de la Cigale semblait transfiguré. Il avait grandi. Il se sentait homme.

Cette nature essentiellement primesautière, cette intelligence inculte qui végétait, champignon malsain, sur le pavé boueux de Paris, éparpillant les saillies, fusées inutiles, aux angles de tous les carrefours, avait enfin trouvé sa voie.

En le mettant en contact avec ces hommes voués au bien, le hasard avait fait vibrer dans le cœur du gamin ces cordes généreuses dont il ne soupçonnait pas l’existence.

Son horizon s’était agrandi tout à coup.

L’enfant avait vu dérouler subitement, devant ses yeux éblouis, comme dans un magique kaléidoscope, ces grandes théories du devoir, de l’abnégation et du dévouement.

Théories humanitaires, rêves sociaux qui, à une heure donnée, font du pâle voyou parisien, tant décrié, de cet être multiple, hâve, cynique, produit autochtone de la plus grande capitale européenne, le héros échevelé, insouciant, convaincu et barricadeur de nos révolutions.

Aujourd’hui Mouchette se sentait vivre.

Il venait d’être piqué par l’aiguillon du dévouement.

La tête haute, le nez au vent, il commençait fièrement cette terrible bataille de la vie, lutte implacable où la créature est toujours vaincue par le créateur, représenté par la mort, mais où l’on suit fatalement deux guidons, celui de la gloire ou celui de l’infamie.

Mouchette, autant que possible, s’était promis de ne jamais démériter dans la personne qu’il prisait le plus au monde.

Et cette personne, c’était celle de Mouchette lui-même.

Il aimait sa mère adoptive, la Pacline, mais il s’estimait plus qu’elle.

Le gamin s’approcha du vicomte, le salua aussi convenablement qu’il le put, puis se tint immobile, attendant qu’on l’interrogeât.

— Tu viens tard, lui dit le chef des Invisibles réunis dans le cabaret d’Anthime Guichard.

— On vient quand on peut, pas quand on veut. Je suis en retard, c’est vrai.

— Je te connais. Tu ne nous as pas fait attendre sans raison.

— C’est encore vrai.

— Qu’y a-t-il ?

— Les paroissiens d’à côté sont muets comme des poissons et immobiles comme des souches. Rien ne bruit, rien ne bouge.

— Alors, pourquoi ce retard ?

— Ah ! voilà ! répliqua le gamin, tournant et retournant sa casquette entre ses doigts.

— Explique-toi.

Mouchette jeta autour de lui un regard qui signifiait : Vous voulez que je m’explique devant tout ce monde-là ?

Le vicomte le comprit et lui réitéra l’ordre de parler.

L’enfant s’inclina en signe d’obéissance.

— Vous m’aviez envoyé en reconnaissance, n’est-ce pas, maître ?

— Oui.

— Eh bien ! en route, je me suis dit comme ça : pour reconnaître une chose, avant tout, il faut la connaître.

— Après ?

— Pour la connaître, il faut la voir.

— Voir la ferme… du dehors !

— Ça n’aurait pas été bien malin, répondit assez irrespectueusement le gamin de Paris, qui, de temps en temps, ne pouvait s’empêcher de se laisser aller à sa nature railleuse.

— Tu as voulu entrer ?

— Je suis entré, fit-il avec une simplicité héroïque.

— Imprudent… Tu auras donné l’éveil.

— Ah ! ouiche ! le plus souvent. J’ai été élevé sur le carreau des halles. Il n’y pousse pas des calinos.

La réputation de Calino était à peine à son aurore, et Mouchette la connaissait !

— Voyons !

— C’est ce que je me suis dit : Voyons, et j’ai vu.

— Hâte-toi.

— Voilà, voilà, mon maître. Ne craignez rien, vous ne jetez pas votre temps par l’œil de bœuf du père Anthime, en écoutant mes renseignements.

Tous les compagnons écoutaient le gamin avec plaisir.

Son babil, son air déluré les intéressaient.

Mouchette reprit :

— Pour lors je ruminais mon affaire… au milieu des ruminants qui se gobergeaient sur les vastes et vertes pelouses des environs. Des bœufs et des vaches, ça ne m’avançait guère. Je tourne la tête, et qu’est-ce que j’aperçois ? Un cheval, une belle bête, ma foi, qui tondait le vert à pleine bouche, dans le clos voisin. Bon, j’y suis. Il n’y avait personne là ; j’entre dans le clos, et je fais sortir la bête.

— Alors ?

— C’est intelligent, un cheval ! continua le gamin de Paris, qui, comme les grands orateurs, ne daignait jamais accorder la moindre attention aux interruptions ; le mien avait compris mon idée tout de suite. Faut dire que je lui chatouillais un peu la croupe avec un paquet d’orties… Il ruait, il ruait comme un Turc causant amicalement avec un Russe.

Ce misérable Mouchette faisait même de la politique !

Une fois par an, il parcourait le premier-Paris d’une feuille égarée.

Attendant que les rires de son auditoire se fussent calmés, il continua :

— Je me garais des ruades… Mon animal, voyant qu’il n’y avait rien à frire avec Moumou… Il se met à se secouer, à danser, à faire de la haute école, puis, en fin de compte, le v’là qui prend sa course, et v’lan ! Il ne manque pas le coche, il entre ventre à terre dans la ferme.

— La porte en était donc ouverte ?

— On venait de l’ouvrir pour laisser passer une charrette. Bon, ça y était ! j’arrive à mon tour, un bout de longe à la main. « Qu’est-ce que tu veux, petit ? me demanda un grand serin, bête comme une oie. — Je veux qu’on me laisse reprendre Cocotte, qui vient de s’échapper… » Je lui réponds ça en pleurnichant… Mon grand serin appelle trois ou quatre grands gaillards qui me regardent, se chuchotent des bêtises à l’oreille, et me reçoivent comme un caniche dans un jeu de cochonnet.

— Pauvre Mouchette !

— Je ne me décourage pas. J’insiste… Pendant ce temps-là, le cheval, comme s’il avait eu le mot, faisait une vie de polichinelle dans la cour.

— Enfin ?

— Enfin, tout le monde était en l’air pour mettre la main dessus. Bernique ! Voyant ça, mes quatre argousins s’en mêlent… Mon grand serin me colle une bourrade et me pousse dans la cour en me disant : « Rattrape ta bête, animal ! » Je ne me le fais pas chanter deux fois, et j’entre. Ouf !

— Qu’as-tu vu ?

— Tout ce qu’il y avait à voir : ceci, cela, et tout le tremblement !

— Tu as eu le temps ?

— Je le crois bien. Mon cheval, le malin singe, prenait plaisir à se moquer de nous… ce dont les autres bisquaient comme des ânes, et moi je riais… en dedans. Il a fallu plus d’un grand quart d’heure pour l’empoigner.

— Bien.

Mouchette salua en remerciement de ce court éloge de son adresse, et après un temps il reprit :

— Mon maître, il faudra changer votre plan de campagne.

— Tu le connais donc ? demanda René un peu ironiquement.

— Faut croire.

— Et pourquoi le changer ?

— Parce qu’il ne vaut pas une’chique.

— Voyons.

— Vous allez voir. Questionnez-moi ?

— Combien sont-ils dans la ferme ?

— Vingt-sept.

— Hein ! fit le vicomte étonné.

— Ah ! voilà ! ça vous épate. Je vous avais prévenu.

— Vingt-sept hommes ?

— Non.

— Alors, que me chantes-tu ?

— Vingt-sept personnes, tant du sexe masculin que du sexe féminin. Quoi ! les femmes, ça ne compte donc plus en Normandie, à l’heure qu’il est ?

— Combien de femmes ?

— Huit ou dix.

— Ah ! c’est toujours cela de moins, dit René.

— Comptez toujours sur une dix-huitaine de gaillards qui se portent bien.

— Ensuite ?

— Quoi ?

— Le capitaine, qu’en ont-ils fait ?

— Oh ! ils ne l’ont pas mangé. Ils le traitent comme un coq en pâte. Seulement je crois qu’ils tiennent bigrement… pardon ! diablement à le garder.

— Où l’ont-ils logé ? dans le principal corps de bâtiment ?

— Non pas.

— Tu es sûr de ce que tu avances là ?

— Pardi ! je l’ai vu.

— Comment cela ?

— À travers sa fenêtre. Le tapage l’a fait approcher. Il a regardé. Il doit m’avoir reconnu.

— Et puis ? demanda vivement le vicomte.

— Et puis, on lui aura enjoint de ne pas rester au carreau… car je lui ai vu faire un geste de mauvaise humeur… et il a disparu de la fenêtre.

— Où l’a-t-on placé ?

— Dans une espèce de pavillon qui se trouve juste au milieu de la cour.

— Un pavillon sans communications avec l’extérieur ?

— C’est ça. Le rez-de-chaussée en est occupé par des étables.

— Diable ! fit le vicomte d’un air soucieux.

— Oui… c’est dur… mais ce n’est pas tout.

— Quoi encore ?

— Le pavillon a quatre fenêtres et une porte à deux battants.

— Eh bien ! qu’importe ?

— Au bas de chaque fenêtre, il y a un factionnaire.

— Et devant la porte ?

— Deux. En tout, six.

— Qu’ils en mettent vingt s’ils le veulent…

— C’est ce que j’ai pensé, dit Mouchette avec philosophie… À la grande rigueur, je trouve qu’ils n’en ont pas mis assez. Maintenant, il faut vous dire…

— Autre chose ?

— Sans doute. Sous une espèce de hangar, sans portes, ni volets, qui sert à remiser des charrettes, il y a un grand réservoir avec une cuve en pierre devant.

— Va… va…

— Va… va… vous avez l’air de cracher sur mon réservoir et sur ma cuve… vous avez tort.

— De quelle utilité peuvent-ils nous être ?

— Attendez, vous verrez… dit sentencieusement le gamin… Au bas de la cuve coule un ruisselet.

— Ah ?

— Ce ruisselet, au lieu de serpenter dans la cour, fait un coude, et par un trou percé dans le mur, au pied du hangar, il lâche son eau dans la campagne.

— Bon ! s’écria le vicomte, qui entrevoyait où allait en arriver l’enfant.

— Cette partie du hangar se trouve tellement encombrée d’ustensiles de travail qu’il devient presque impossible de le voir en plein jour… si bien que la nuit il n’y a pas de danger qu’on y fourre le nez.

— Bravo !

— J’ai voulu en avoir le cœur net.

— Qu’as-tu fait ?

— J’ai fait… d’abord le tour de la ferme… Puis, après avoir renclosé le cheval, je suis revenu au pied du mur en question.

— Tu as retrouvé le trou ?

— Il le fallait bien, répliqua Mouchette avec modestie, sans ça, ce que je vous raconte ou rien ce serait la même chansonnette ; en dehors, à cet endroit-là, le mur est dégradé. L’humidité l’a attaqué raide. Le plâtre est rongé. Les pierres ne tiennent guère. Au résumé, en quelques coups de tampon on peut donner à ce bon enfant de trou la largeur nécessaire au passage d’un homme.

— Tu es un brave garçon, Mouchette.

— Parce que j’ai trouvé le trou ! répondit le gamin de son ton innocent, bon enfant et narquois.

— Si nous réussissons ce sera grâce à toi, mon enfant.

— Oh ! nous n’y sommes pas encore, maître. Mais je n’ai pas fini ?

On se remit à l’écouter.

— La nuit tombait… Il faisait noir comme dans un four éteint. Ma foi, je me suis amusé à détacher tout doucement une vingtaine de pierres… Elles se sont laissé faire, sans regimber, si bien…

— Si bien ?

— Si bien que le trou est, à cette heure, assez aimablement disposé pour que deux hommes y passent sans peine.

— Tu as fait cela ?

— Voilà pourquoi, mon maître, je me trouve en retard d’une heure et même de plus.

Le vicomte lui tendit la main.

Mouchette la lui serra le plus délicatement qu’il lui fut possible.

Il ajouta :

— Seulement, le temps presse.

— Ont-ils des soupçons ?

— Pas l’ombre… Ils sont solides, mais idiots… Le plus drôle de la farce, c’est qu’ils m’ont interrogé au sujet des étrangers qui circulaient dans le voisinage… Je leur ai donné des renseignements aux pommes. Ils se croient à l’abri de toutes poursuites… et s’ils surveillent le capitaine, c’est par acquit de conscience, et pour l’empêcher de fuir.

— Leur surveillance est plutôt intérieure ?

— Oui. Ils ne gardent pas les abords de la ferme.

— Le trou dont tu parles est-il éloigné de la brèche que nous avons découverte ?

— Sous la haie du jardin ? fit le gamin.

— Oui.

— Passablement.

— À combien de pas, environ ?

— Une centaine.

Le chef des Invisibles réfléchit quelques minutes.

Durant ce temps, on respecta tellement le travail qui se faisait dans son cerveau, qu’au milieu de tous ces hommes aux mœurs violentes, au langage bruyant, on eût entendu voler une mouche.

Enfin le jeune homme se leva.

L’attention redoubla.

Chacun comprit que l’heure approchait où l’on allait tenter de prendre la revanche de la défaite de Belleville.

Ils s’attendaient à ce que le vicomte de Luz allait leur développer le plan qu’il venait de mûrir.

Il n’en fut rien.

Leur chef appela le gigantesque ami du jeune… nous n’osons pas dire du jeune Mouchette, depuis l’importance homérique qu’il venait de prendre, aux yeux de ses compagnons d’aventure.

La Cigale, qui était justement en train de féliciter ce dernier, le força à répéter son appel.

À la seconde reprise, il se dirigea vers le vicomte.

Celui-ci parla longuement.

Le géant l’écoutait sans répondre un mot.

Ses instructions données et bien comprises par la Cigale, René de Luz dit aux Invisibles placés sous ses ordres directs :

— Mes amis, nous allons nous séparer en deux troupes. La première sera commandée par la Cigale et guidée par Mouchette.

La Cigale baissa les yeux timidement.

Mouchette se passa la main dans les cheveux et fit jabot.

Le vicomte continua :

— Je me mettrai moi-même à la tête de la seconde. Je vous recommande d’obéir à notre ami et compagnon la Cigale comme vous m’obéissez. Avec des hommes comme vous, je n’ai pas besoin de donner d’encouragements… Vous ferez tous votre devoir, et si, comme je l’espère, tout marche d’après mes prévisions, avant peu notre cher Passe-Partout sera parmi nous.

« Armez-vous et soyez prêts. Nous partons dans quelques minutes.

Ce fut tout.

Le vicomte avait expliqué ses intentions à la Cigale.

Celui-ci les communiqua au seul Mouchette.

Mouchette les garda pour lui.

Les autres s’apprêtèrent à marcher de confiance.

Le vicomte paya le cabaretier en lui recommandant, à leur sujet, le silence le plus absolu.

Puis il lui dit :

— Aussitôt après notre départ, vous sellerez les deux coureurs qui se trouvent dans votre écurie, et vous les conduirez au carrefour de l’Arbre-Vert.

— Et là ?

— Vous attendrez et vous ne répondrez qu’à quiconque vous donnera notre signe de reconnaissance et de ralliement.

— J’obéirai.

Les Invisibles étaient prêts.

Ils sortirent de l’auberge, glissant comme des ombres.

Ceux qui faisaient sentinelle vinrent les rejoindre, les rallier.

Alors, se séparant en deux troupes égales, ils prirent deux chemins différents, qui tous deux, après de longs circuits, aboutissaient à la ferme.

Les ténèbres s’épaississaient tellement, qu’on ne distinguait rien à deux pas devant soi.

Le vent soufflait avec une horrible violence.

La pluie tombait à torrents.

Les deux troupes disparurent dans l’obscurité.

Et peu après l’aubergiste, qui n’entendait plus le bruit de leurs pas rapides, se dirigea vers le réduit qui lui tenait lieu d’écurie, se signant dévotement et murmurant :

— Que Dieu les protège !

Puis changeant de ton :

— La soirée est bonne pour moi, ajouta-t-il en se frottant les mains. Tâchons de ne la pas mal finir. Pourvu que Mme Guichard ne vienne pas me demander ce que je vais faire en pleins champs, à cette heure et par cette eau !

Mais il fut rassuré en mettant le pied dans l’écurie.

Devant l’écurie, il y avait un mauvais hangar, servant de remise à une charrette démantibulée.

Dans la charrette, il y avait sa femme.

Et sa femme dormait d’un sommeil agité, qui sentait le cidre et l’eau-de-vie à cinq mètres à la ronde.

Pour la première fois de sa vie, maître Anthime Guichard fut enchanté d’avoir épousé une Normande qui aimait tant le cidre et qui lui vidait si souvent ses carafons d’eau-de-vie.