Les impôts en France/Chapitre 2

L. Prévaudeau
Henri Gautier (p. 7-18).

CHAPITRE II


les impôts directs. — l’impôt foncier. — le cadastre. — l’impôt foncier des propriétés non bâties. — l’impôt foncier des propriétés bâties. — l’impôt personnel et mobilier. — la contribution des portes et fenêtres et la loi du 18 juillet 1892. — les patentes. — les taxes assimilées aux contributions directes


Impôt foncier. — L’Assemblée constituante, après une enquête relative aux impôts que payait chaque province, fixa à 240 millions le principal de la contribution foncière ; à ce principal, on ajouta 60 millions de centimes additionnels. Pour arriver à établir une répartition proportionnelle entre tous les contribuables, la Constituante décida qu’il serait fait un cadastre ; mais cette décision resta lettre morte.

Un arrêté du 12 brumaire an XI prescrivit l’arpentage par#### masses de culture de 1,800 communes disséminées sur le territoire; on se proposait d'établir par analogie le revenu des autres communes.

Ce travail ne donna pas de résultat satisfaisant et la loi du 15 septembre 1807 prescrivit la confection d’un cadastre. Nous allons examiner sommairement les diverses opérations cadastrales.

Cadastre. — L'établissement du cadastre comprend trois sortes d'opérations : les opérations d’art, l'expertise et les opérations administratives.

Avant tout, il faut déterminer les limites du territoire de la commune; on divise ce territoire en sections pour faciliter la confection du plan. On procède ensuite à la triangulation; cette opération consiste à couvrir de triangles le territoire de la commune; les géomètres peuvent ainsi vérifier facilement l’arpentage qui a été fait au point de vue de la contenance; ils dressent alors un plan parcellaire de la commune. Ce sont là les opérations d'art.

L'expertise a pour but d’évaluer le revenu imposable des propriétés comprises dans la commune; elle comprend la classification, le classement et Le tarif d'évaluation.

La classification a pour objet de déterminer en combien de classes chaque nature de propriété sera divisée; le nombre de classes ne peut pas être supérieur à cinq. La classification est opérée par cinq propriétaires nommés par le conseil municipal; deux des classificateurs, si possible, sont domiciliés hors de la commune.

Le classement consiste à ranger chaque parcelle de terrain dans l’une ou l’autre classe. Le classement est fait par trois au moins des classificateurs ou par trois des suppléants, en présence du contrôleur.

Le tarif des évaluations détermine le revenu moyen par hectare de chaque classe de terré dans chaque nature de culture : par exemple, la 1re classe de vignes est indiquée comme donnant un revenu moyen de 150 francs à l’hectare; la 2e classe, comme produisant 100 francs; la 1re classe de prés 50 francs, la 2e, 30 francs, etc. Ce tarif est arrêté par le conseil municipal; il est ensuite déposé à la mairie pour que les contribuables puissent en prendre connaissance et présenter leurs observations.

Les opérations administratives comprennent la confection des états de section et de la matrice cadastrale. Les états de section indiquent, d’après les numéros inscrits au plan parcellaire, le nom des propriétaires, la nature, la contenance et le revenu imposable de chaque parcelle. La matrice cadastrale réunit sous le nom de chaque propriétaire les différentes parcelles qui lui appartiennent dans les diverses sections. Ces opérations sont faites par l'administration des contributions directes.

La loi du 15 septembre 1807 avait posé le principe de la fixité des opérations cadastrales. A cette fixité, on voyait un double avantage : d’abord, le propriétaire, n'ayant pas à craindre une augmentation d'impôt à mesure qu'il obtenait un rendement plus grand, était incité à faire des améliorations; puis elle avait pour effet d'éviter des réclamations souvent délicates à examiner. Mais, malgré l'intérêt qu'il y avait à mettre les biens ruraux à l'abri des fluctuations de taxes, on s’aperçut bientôt que la valeur relative des propriétés foncières s'était modifiée dans des proportions telles que la fixité absolue créait de véritables injustices.

Une loi du 7 août 1850 décida qu’il pourrait être procédé à la revision du cadastre sur la demande du conseil municipal, et aux frais de la commune. Malheureusement cette charge de pourvoir aux frais d’opérations coûteuses eut pour effet d’empêcher les communes d’entreprendre le travail de revision. Une loi de 1874 atténua les mauvais effets de la fixité des évaluations en décidant que les parcelles qui figuraient autrefois au cadastre comme terres incultes et qui ont été depuis mises en valeur, devront être évaluées comme les propriétés de même nature; et que, inversement, les parcelles qui ont cessé d'être productives doivent être l’objet d’un nouveau classement.

Assiette de impôt. —Jusqu'en 1890, l'impôt foncier, pour les propriétés bâties et pour les propriétés non bâties, a eu ‘une assiette unique. La loi du 8 août 1890 a séparé nettement la contribution des propriétés bâties de l'ancien impôt foncier.

Impôt foncier sur les propriétés non bâties. — L'assiette de l'impôt foncier est, aux termes de la loi du 3 frimaire an VII, le revenu net imposable. Le revenu net des terres est ce qui reste au propriétaire, déduction faite sur le produit brut des frais de culture, semence, entretien. Le revenu imposable est le revenu net moyen calculé sur un nombre d'années déterminé.

Pour les terres labourables, les vignes, les prairies naturelles, le revenu imposable s’obtient en prenant la moyenne du produit net des quinze dernières années, déduction faite des deux plus fortes et des deux plus faibles. Les terrains enlevés à la culture pour agrément (parcs, avenues, etc.), sont évalués au taux des meilleures terres labourables de la commune. Les règles précises pour chaque nature de terrain sont énumérées dans la loi du 3 frimaire an VII.

Mais des lois spéciales ont admis un certain nombre de cas d’exemption ou de modération de taxes dans un but d'intérêt général. Ainsi, les routes, les rues, les immeubles nationaux et départementaux non productifs de revenus sont exemptés. Les semis et plantations de bois sur le sommet et sur le penchant des montagnes, sur les dunes et dans les landes, sont exempts de tout impôt pendant trente ans. Les terrains plantés ou replantés en vignes, dans les départements déclarés atteints par le phylloxera, sont exempts de l'impôt foncier pendant quatre années.

Des modérations de taxe sont accordées notamment pour les marais desséchés qui ne subissent pas d'augmentation de taxe pendant vingt-cinq années; pour les terrains en friche plantés ou semés en bois qui ne subissent pas d augmentation pendant trente années, etc.

Le produit de la contribution sur les propriétés non bâties est porté au budget de 1895 pour 103,240,000 francs. A ce chiffre il convient d'ajouter les centimes additionnels pour 13,310,000 francs. Ces centimes sont ajoutés aux contributions directes proportionnellement à chaque franc de principal. Le principal de la contribution étant de 100 francs, si l’on ajoute 10 centimes additionnels, la surtaxe sera de 100 fois 10 centimes, soit 10 francs, et le contribuable paiera 110 francs. Outre ces centimes additionnels généraux, des centimes additionnels départementaux ou communaux peuvent être établis par les conseils généraux et les conseils municipaux dans les limites fixées par les lois de finance.

Impôt foncier sur les propriétés bâties. — Depuis la loi du 8 août 1890, la contribution sur les propriétés bâties est devenue un impôt de quotité ; elle est établie d’après la valeur locative des propriétés. Cette valeur a été appréciée à la suite d’un recensement opéré par l’administration des contributions directes, qui avait été chargée de ce travail par la loi du 8 août 1885 ; de la valeur de ces propriétés, un quart pour les maisons et un tiers pour les usines doivent être déduits en considération du dépérissement et des frais d’entretien et de réparation.

On a prévu que ces évaluations faites par l’administration donneraient lieu à un grand nombre de réclamations. La loi de 1890 décidait que les propriétaires seraient admis à réclamer contre l’évaluation attribuée à leur immeuble pendant les six mois à compter de la publication du premier rôle ; ce délai a été prorogé d’une année ; la même loi reproduisait en l’appliquant à la propriété bâtie la disposition par laquelle la loi de 1850 avait (inutilement) accordé aux conseils municipaux la faculté de faire procéder à une nouvelle évaluation aux frais de la commune.

Le taux de la contribution des propriétés bâties est fixé chaque année par la loi. La loi de 1890 indiqua pour l’année 1891 un taux de 3,20 % de la valeur locative. Ce taux a été maintenu depuis.

Des exemptions permanentes de la taxe sont, comme pour la propriété foncière, accordées aux édifices appartenant à l’État, aux départements et aux communes. Les constructions nouvelles ainsi que les additions de construction ne sont sou-. mises à la contribution foncière que la troisième année après leur achèvement, à la condition que la déclaration de construction ait été faite à la mairie de la commune où le bâtiment est élevé. La troisième année, l’évaluation de ces constructions est faite par le contrôleur des contributions, assisté du maire et des répartiteurs.

Les évaluations servant de base à la contribution foncière des propriétés bâties sont revisées tous les dix ans. Le produit de la contribution foncière des propriétés bâties est évalué pour 1895 à 68,500,000 francs ; les centimes généraux sont de 10,543,820 francs.

Impôt personnel et mobilier. — En même temps qu’elle établissait la contribution foncière, la Constituante créa par la loi du 18 février 1791, en vue d'atteindre la fortune mobilière, un impôt sur le loyer, les domestiques, les chevaux et voitures, et une taxe personnelle de trois journées de travail. L'impôt personnel était distinct de l'impôt mobilier formait un impôt de quotité.

La loi du 28 fructidor an VI décida de le prix de la journée de travail devrait être estimé à 50 centimes au moins, et à 1 fr. 50 au plus. La loi du 3 nivôse an VII établit que le reste du contingent serait réparti en impôt mobilier au marc le franc de la valeur du loyer d'habitation personnelle. Les deux impôts se trouvaient ainsi réunis.

En 1831, l'impôt personnel fut séparé de l’impôt mobilier et devint impôt de quotité.

Enfin, la loi du 21 avril 1832 réunit à nouveau ces deux impôts et en fit un impôt unique de répartition.

C'est cette loi qui régit encore la matière. L'article 10 de la loi de 1832 est ainsi conçu:

« La taxe personnelle se compose de la valeur de trois journées de travail. Le conseil général, sur la proposition du préfet, détermine le prix moyen de la journée de travail, dans chaque commune, sans pouvoir néanmoins le fixer au-dessous de 50 centimes, ni au-dessus de 1 fr. 50. »

La taxe mobilière a pour base la valeur locative des habitations.

Pour établir la contribution personnelle mobilière, on procède de la manière suivante : on multiplie le nombre des contribuables de la commune par trois fois le prix de la journée de travail, tel qu'il a été fixé par le conseil général. On déduit cette somme du chiffre du contingent assigné à la commune et le reste est réparti au prorata des loyers d'habitation, de la même manière que pour l'impôt foncier.

La contribution personnelle et mobilière est due pour tout habitant, étranger ou non, qui jouit de ses droits et n’est pas réputé indigent. Jouissent de leurs droits, aux termes de la loi de 1832, les veuves et les femmes séparées de leur mari, les garçons et les filles majeurs ou mineurs, ayant des moyens d'existence suffisants soit par leur fortune personnelle, soit par la profession qu’ils exercent.

Sont réputés indigents ceux que le conseil municipal a désignés comme devant être exemptés de toute contribution, ou comme ne devant être assujettis qu'à la taxe personnelle.

L’impôt personnel et mobilier est annal. La contribution est établie pour l’année entière et l'impôt est dû à l'Etat au commencement de l’année ; ainsi, en cas de décès, les héritiers sont tenus de payer l’année entière. Cet impôt est porté au budget de 1895 pour 67,880,000 francs. Les centimes additionnels généraux sont de 21,336,719 francs.

Les villes qui ont un octroi peuvent payer tout ou partie de cet impôt sur le produit de l'octroi.

La loi du 3 juillet 1846 permet en outre aux villes d’exempter les faibles loyers de toute cotisation et d'établir un tarif gradué en raison de la progression ascendante des loyers. C'est ainsi qu’à Paris les locaux loués moins de 500 francs sont exonérés. De 500 à 599 francs, les, locaux sont imposés au taux de 6 fr. 50 % ; de 600 à 699 francs, au taux de 7 fr. 50 %, etc., jusqu'aux locaux d’une valeur locative de 1,100 francs et au-dessus, qui sont imposés à raison de 12 fr. 30 % de la valeur locative. Cette exonération n'est pas applicable aux propriétaires ayant un simple pied-à-terre à Paris, ni aux propriétaires imposés au rôle foncier de Paris, dont l’indigence n’aurait pas été régulièrement constatée, ni aux patentés dont le loyer d'habitation, réuni au loyer industriel, atteint 500 francs (valeur réelle).

Contributions des portes et fenêtres. — La loi du 18 juillet 1892 avait supprimé cette contribution à partir du 1er juillet 1894 et l’avait transformée en une taxe représentative, calculée à raison de 2 fr. 40 % du revenu net de la propriété bâtie. Cette suppression était le résultat des critiques depuis longtemps adressées à cet « impôt sur l'air et la lumière ». Mais la loi du 27 juillet 1893 portant la fixation du budget des dépenses et recettes pour l'exercice 1894 a compris à nouveau les portes et fenêtres dans les recettes prévues à ce budget.

Cet impôt date du Directoire (loi du 4 frimaire an VII), il était à l’origine un impôt de quotité. La loi du 13 prairial an X en fit un impôt de répartition. La loi du 26 mars 1831 en fit à nouveau un impôt de quotité; enfin, en présence de réclamations nouvelles, la loi du 21 avril 1832 le rétablit comme impôt de répartition. Une loi du 47 mars 1832 a établi une combinaison spéciale destinée dans la pensée du législateur à rendre cet impôt moins onéreux pour la ville de Paris ; cette combinaison tient compte à la fois du nombre d'ouvertures des maisons et de la valeur locative. Diverses lois ont étendu le bénéfice de cet ingénieux système aux grandes villes: Lyon, Bordeaux, etc. Cet impôt est dû par le propriétaire, sauf recours contre les locataires. Le budget de 1895 prévoit pour les portes et fenêtres une recette de 44,600,000 francs auxquels doivent être ajoutés 13,192,705 francs de centimes généraux.

Patentes. — L'impôt des patentes a toujours été un impôt de quotité. L'Assemblée constituante supprima les maîtrises et les jurandes, mais soumit à la patente quiconque voulait exercer un commerce ou une profession ; l’impôt fut assis sur la valeur locative des locaux servant soit à l'habitation, soit à l'exercice de la profession.

Cet impôt, supprimé en 1793, rétabli par la loi du 4 thermidor an III, fut réglementé à nouveau par la loi du 25 avril 1844. Enfin, la loi du 15 juillet 1880 a revisé la législation antérieure en modifiant les tarifs et les classifications des patentables. C’est cette loi qui régit aujourd’hui la matière.

Cet impôt a pour but d'atteindre les bénéfices de tout travail lucratif : son nom vient de l’acte délivré au contribuable par l’administration des contributions directes.

Tout individu, français ou étranger, qui exerce en France une industrie ou une profession non comprise dans les exceptions déterminées par la loi, est assujetti à la patente.

Les exceptions s’appliquent notamment: aux fonctionnaires et employés salariés par l'Etat, les départements et les communes, aux artistes, professeurs, instituteurs publics; aux sages-femmes, éditeurs de feuilles périodiques, aux laboureurs et cultivateurs, aux commis et à toutes personnes travaillant à gages, aux ouvriers travaillant sans compagnon ni apprenti ou avec un apprenti de moins de 16 ans; à ceux qui vendent en ambulance dans les rues des fruits, fleurs, légumes; aux savetiers, gardes-malades, etc. L'article 17 de la loi de 1880 énumère limitativement ces exceptions.

La contribution des patentes se compose de deux droits : un droit fixe et un droit proportionnel.

Les diverses professions sont réparties dans trois tableaux annexés à la loi et qui, par chaque profession, déterminent le droit fixe. Le droit proportionnel est établi d’après la valeur locative tant de la maison d'habitation que des magasins, boutiques, usines, chantiers, etc., qui servent à l'exercice de la profession.

Les commerces, industries et professions non dénommés dans les tableaux annexés à la loi n’en sont pas moins soumis à la patente; les droits auxquels ils sont assujettis sont réglés par analogie avec les commerces ou industries de même importance, suivant arrêté spécial du préfet rendu sur la proposition du directeur des contributions directes, après avis du maire.

Certaines professions sont soumises au droit fixe seulement: ce sont, en général, les petites industries ; d'autres sont soumises seulement au droit proportionnel : ce sont les professions libérales.

Dans les sociétés en nom collectif, tous les associés figurant en nom et étant personnellement et solidairement responsables, tous sont soumis à la patente. Quant au droit fixe, l'associé principal seul paye un droit entier. Les associés secondaires paient une part de droit fixe proportionnelle au nombre des associés. En vue de favoriser les associations ouvrières, l’article 20 de la loi de 1880 ajoute : « Néanmoins, pour les associés habituellement employés comme simples ouvriers dans les travaux de l'association, cette part ne doit pas dépasser le vingtième du droit fixe imposable au nom de l'associé principal. »

Le droit proportionnel est établi sur la maison d'habitation de l'associé principal et sur tous les locaux servant à la société: mais la maison d'habitation de chacun des associés secondaires est affranchie du droit proportionnel, à moins qu’elle ne serve à l’exercice de l’industrie sociale.

Dans les sociétés anonymes, aucun associé ne figurant en nom et n'étant personnellement responsable, aucun d'eux n’est assujetti à la patente. C’est la société qui est imposée pour chacun de ses établissements à un seul droit fixe, sous la désignation de l’objet de l’entreprise, sans préjudice du droit proportionnel.

Dans les sociétés en commandite, les gérants et associés solidaires qui seuls figurent en nom et ont une responsabilité personnelle, sont assimilés aux associés en nom collectif. Les commanditaires qui sont de simples bailleurs de fonds ne sont, pas soumis à la patente.

L'impôt des patentes est annal, c’est-à-dire qu'il est dû pour l’année entière par ceux qui, le 1er janvier, exerçaient une profession soumise à la patente. En cas de cession d’établissement, la patente est, sur la demande du cédant ou du cessionnaire, transférée à ce dernier, pourvu que la demande ait été faite dans les trois mois de la cession. Ceux qui entreprennent dans le cours de l’année une profession sujette à la patente ne doivent la contribution qu'à partir du 1er du mois dans lequel ils ont commencé à exercer, à moins que, par sa nature, la profession ne puisse être exercée pendant toute l’année; dans ce cas, la contribution est due pour l’année entière. Enfin, les marchands forains, colporteurs et autres patentables dont la profession n’est pas exercée à domicile fixe, sont tenus d’acquitter le montant total de leur cote au moment où la patente leur est délivrée, bien qu’en principe les contributions directes soient payables par douzième. Le produit de l'impôt des patentes est évalué en 1895 à 80,700,000 francs, plus 44,258,642 francs de centimes généraux.

Les taxes assimilées aux contributions directes. — Un très grand nombre de taxes établies par des lois spéciales sont assimilées aux contributions directes, quant à leur mode de recouvrement ; les unes sont perçues au profit de l'Etat, d’autres au profit des départements et des communes. Nous énumérerons seulement les plus importantes.

1° La taxe des biens de mainmorte a été établie par la loi du 20 février 1849 sur les biens immeubles passibles de la contribution foncière, appartenant aux départements, communes, hospices, séminaires, fabriques, congrégations religieuses et tous établissements publics légalement autorisés. Cette taxe est destinée à remplacer les droits de mutation pour les personnes morales, qui ne meurent pas et n’aliènent leurs biens que très rarement. Elle est fixée à 0 fr. 70 par franc du principal de la contribution foncière. La loi du 14 décembre 1875 a exempté de cette taxe les sociétés anonymes ayant pour objet l’achat et la vente d'immeubles. Le produit de cette taxe est de 7 millions environ;

2° La taxe sur les chiens, perçue au profit des communes, a été créée par la loi du 2 mai 1855;

3° La taxe sur les chevaux et voitures, créée en 1862, supprimée en 1865, rétablie par la loi du 16 septembre 1871, et modifiée par les lois des 23 juillet 1872 et 22 septembre 1879;

4° La taxe sur Les cercles, sociétés et lieux de réunion, établie par la loi du 16 septembre 1871 et modifiée par la loi du 16 septembre 1890;

5° La taxe sur les billards, créée par la loi du 46 septembre 1871;

6° La redevance annuelle sur les mines, établie par la loi du 24 avril 1810;

7° Les droits de vérification des poids et mesures créés par l’ordonnance du 17 avril 1839;

8° Les droits pour frais de vente chez les pharmaciens, droguistes et épiciers, créés par la loi du 45 mai 1818;

9° La taxe militaire établie par la loi du 46 juillet 1889; produit évalué pour 1895 : 3,244,500 francs ;

10° La taxe sur les vélocipèdes, créée par la loi du 28 avril 1893. Produit : environ 2 millions.

Enfin, diverses taxes syndicales établies pour travaux de défense contre la mer et les fleuves, reconstruction de canaux, dessèchement de marais, etc.

Si longue et si fastidieuse qu’elle puisse paraître, cette énumération et cette nomenclature historique des impôts directs nous ont paru nécessaires pour bien montrer le chemin parcouru dans cet ordre d'idées depuis le moment où la Constituante, imbue des théories des physiocrates, restreignait les impôts à l'impôt foncier et à l’impôt mobilier.

Il nous reste à indiquer maintenant le mode de recouvrement de ces impôts dans la législation actuelle.

Recouvrement des contributions directes. — Le recouvrement des contributions directes est opéré par les percepteurs. Les rôles des contributions, rendus exécutoires par le préfet, sont publiés par le maire. Ils sont payables par douzièmes.

Le percepteur envoie à chaque contribuable un avertissement lui indiquant la somme qu’il doit payer dans les dix jours. Si le contribuable n’a pas payé dans ce délai, le percepteur peut commencer les poursuites. Ces poursuites comprennent d’abord une sommation sans frais, qui, si elle est restée sans effet, est suivie d’une contrainte générale délivrée par le receveur particulier des finances. La contrainte est un acte exécutoire assimilé à un jugement et elle autorise les poursuites judiciaires.

Nous avons vu en étudiant les impôts sous l’ancien régime, que l’on envoyait aux contribuables en retard un garnisaire qui s’implantait chez eux et était payé par eux jusqu’à ce qu’ils se fussent acquittés à l’égard du fisc. Cette garnison n’a cessé d’exister en France que depuis la loi du 9 février 1877 ; elle a été remplacée par la sommation avec frais qui peut intervenir huit jours après la sommation sans frais.

Si la sommation avec frais reste sans effet, les poursuites judiciaires peuvent commencer. Elles comprennent : 1° le commandement, qui peut être fait trois jours après la contrainte générale ; 2° la saisie et la vente des meubles, précédées d’une contrainte individuelle et nominative ; 3° la saisie immobilière avec autorisation du ministre des finances.

Le Trésor a un privilège : pour l’impôt foncier de l’année échue et de l’année courante sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des immeubles ; pour les autres impôts de l’année échue et de l’année courante, sur les objets mobiliers appartenant au contribuable poursuivi, en quelque lieu que se trouvent ces objets.