Les heures de Paphos, contes moraux/10

(Un sacrificateur de Venus)
(p. Fig.-58).
Le Dévoïement
Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Figure p-57
Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Figure p-57

Le Dévoïement



Deux Cordeliers du grand couvent,
Pour égayer leur solitude
Avaient contracté l’habitude
De vivre conjugalement.
On sent bien que le mariage
Ne se consommait pas par devant ;
Mais chés les Moines c’est l’usage ;
Et ce n’est pas sans fondement ;
Puisque la regle leur déffend
D’introduire chés eux des femmes.
Ce n’est pas qu’au fond de leurs ames
Plusieurs n’aimassent tout autant,
Pour chatouiller leur allumelle ;
Le réservoir d’une femelle.
Mais où l’on interdit Vénus :
Il faut recourir à l’anus.
On a bien vû quelques faux frêres
Déshonorer les monastéres
Conservant un cœur libertin
Rempli de l’amour féminin.
Même ils avaient la renommée

D’etre de vigoureux f..teurs.
Mais l’église formalisée,
Déffend ces coupables erreurs :
Qui n’étaient pas moins dangereuses,
Que profanes et scandaleuses :
Des femmes venaient au couvent,
Un moine fesait un enfant ;
Un autre avec un Mousquetaire
Dans un B..del se rencontrait ;
Le trop indiscret militaire
Allait divulgant le secret.
Mille anecdottes imprimées,
Et parmi le peuple semées
Diffamaient la religion :
Et bientôt la dévotion,
Diminuait avec l’estime,
Adieu les aumônes, les dons,
Les vœux, les messes, les pardons :
Et tout l’Ordre eût été victime
Des fautes des particuliers :
Plus de pain pour les Cordeliers.
On a donc fait une réforme.
Un grand chapitre, en bonne forme

Pour toujours a déliberé,
Que dans chaque Communauté
Cinquante deux fois par année,
Savoir, chaque semaine un jour,
Toute la bande rassemblée,
Se soulagerait tour à tour :
Laissant à chacun la licence
De choisir pour sa jouissance
L’objet qui lui fera plaisir :
Et pour que l’on puisse à l’oisir,
Vacquer aux besoins de nature,
Qu’augmente une ample nourriture ;
Et qu’irrite encore le desir ;
Voici comme la loi s’explique.
» Outre cette fête publique,
» Nos peres pouront deux à deux
» S’amuser à de petits jeux. »
Rien n’est plus clair. Nos jeunes drilles ;
Qui brûlaient dessous leurs mandilles,
De la plus Sodomique ardeur,
Vivaient donc comme époux et femmes,
Et suivaient la loi de bon cœur.
Un Jour qu’à leur indigne flamme,

Ils se livraient tout à gogo ;
Celui qu’on baisait à tergo ;
Dit à l’autre : ma bonne amie
Retire toi, je sens envie
D’aller au pot… bon ! dans l’instant,
Répond le B… en enfonçant ;
Voila mon affaire finie :
J’aurai le tems… et non ; je crois
Que comme j’ai mangé des pois
A dîner, cela me tracasse…
Hé bien tant mieux, je les entasse…
Et va toujours… dans le moment,
L’air comprimé trop fortement ;
Se dilatte avec violence :
Et pousse l’agent au plancher.
Où, tandis qu’il reste accroché :
Par le rectum, l’autre lui lance
Un jet de pois mal digerés.
F..... dit-il, bouchant son nés,
Quelle infection est la vôtre !
— Ce n’est rien, un clou chasse l’autre.