Les anciens couvents de Lyon/09. Capucins

Emmanuel Vitte (p. 181--).

LES CAPUCINS



LE séraphique saint François d’Assise, dont nous dirons un mot plus tard (Vid. Cordeliers), fut le père de plusieurs familles spirituelles : les Cordeliers, les Observants, les Déchaussés, les Réformés, les Récollets, les Conventuels et les Capucins. À Lyon, les enfants de saint François eurent six couvents : les Cordeliers à Saint-Bonaventure, les Observants à Bourgneuf, les Récollets à la montée Saint-Barthélémy, les religieux de Picpus à la Guillotière, et les Capucins, qui avaient deux résidences, l’une sur le versant oriental de la colline de Fourvière, au lieu appelé Montauban, et l’autre en bas de la colline de Saint-Sébastien et de la Grande-Côte, au lieu dit le Petit-Foreys.

Le P. Mathieu, surnommé de Bassi, à cause du lieu de sa naissance, dans le duché d’Urbin, en Italie, fut l’auteur de la réforme des Capucins. Il appartenait au couvent de Montefalcone ; mais ayant entendu dire que l’habit des Observants n’était pas le véritable habit de l’ordre, il chercha à savoir comment saint François était vêtu. Il apprit que le saint patriarche portait un habit auquel était attaché un capuce fort long et pointu, appelé dans les écrits de l’ordre, carré et pyramidal. Il prit la résolution d’en porter un semblable ; puis, quand il eut exécuté son dessein (1525), il sortit furtivement du couvent, et alla droit à Rome demander au pape Clément VII l’autorisation de porter le véritable habit de saint François. Le pape la lui accorda et lui permit de prêcher partout, à la condition toutefois de se présenter, une fois tous les ans, au ministre provincial des frères mineurs de l’Observance, dans leur chapitre, en quelque endroit du monde qu’il fût assemblé.

L’histoire de la fondation des Capucins est très mouvementée ; on dirait la narration d’une bataille où vainqueurs et vaincus ne manquent pas. Mathieu de Bassi eut pour premier compagnon François de Cartocette, qui mourut l’année suivante (1526). Louis de Fossembrun prit sa place ; il appartenait, lui aussi, à la famille des Observants et, comme Mathieu de Bassi, il s’échappa de son couvent, quand il vit qu’on lui refusait formellement de suivre le P. Mathieu dans son obédience. Louis de Fossembrun avait un frère du nom de Raphaël, qui était religieux laïque dans le même couvent que lui ; ils partirent tous les deux.

Ces désertions, on le comprendra sans peine, furent pénibles aux Observants. Ils réclamèrent auprès du pape, et poursuivirent ceux qu’ils considéraient comme des apostats ; de leur côté, ceux-ci réclamèrent aussi à Rome, et se mirent sous la protection puissante de la duchesse Catherine Cibo, duchesse de Camerino, nièce du pape Clément VII. Après bien des péripéties, la victoire resta aux Capucins, qui se séparèrent des Observants pour s’unir aux Conventuels. Le 13 juillet 1528, une bulle pontificale approuva cette union et permit aux Capucins de porter un capuce carré, de recevoir des disciples, de porter la barbe longue, etc.

L’ordre, dès lors, alla grandissant, les disciples arrivèrent nombreux, et l’on fut obligé de fonder plusieurs couvents ; bientôt on assembla le premier Chapitre, et Mathieu de Bassi y fut élu vicaire général, relevant du supérieur des Conventuels ; ce n’est qu’en 1619 que les Capucins eurent un général de leur obédience.

Mathieu de Bassi, pendant les deux mois qu’il exerça sa charge, dressa les Constitutions du nouvel ordre. Ces Constitutions, étendues en 1536 et en 1575, respirent l’austérité la plus sévère et la plus grande pauvreté ; on ne devait avoir à table qu’une sorte de viande avec le potage ; il était défendu de quêter de la viande, des œufs et du fromage ; toute provision était interdite ; la pauvreté s’étendait jusqu’aux ornements d’église ; l’or, l’argent, la soie était bannis ; le calice devait être d’étain et les pavillons de laine.

capucin

On aurait tout lieu de penser que dès lors cet ordre ne fit que prospérer. Il n’en fut rien ; de rudes épreuves lui étaient réservées.

Le P. Mathieu de Bassi donna sa démission de vicaire général par amour de l’indépendance et de la liberté ; son successeur, Louis de Fossembrun, après avoir exercé pendant sept ans les fonctions de vicaire général, fut forcé par le pape de convoquer un Chapitre général. N’ayant pas été réélu, il ne voulut pas reconnaître l’autorité du nouveau vicaire général, Bernardin d’Asti, et fut chassé de l’ordre. Bernardin d’Asti fut remplacé à son tour par Bernardin Ochin, qui, infatué de ses succès oratoires et de la vénération que lui accordaient ses frères, aspira aux plus hautes dignités de l’Église. Déçu dans ses espérances, il apostasia. Ce fut l’occasion pour l’ordre de nouvelles épreuves, dont la grâce de Dieu le fit triompher cependant.

En revanche les saints et les illustrations n’ont pas manqué à l’ordre des Capucins. Citons Félix de Cantalice, canonisé en 1712 ; le cardinal Barberini, frère du pape Urbain VIII ; le père Joseph Le Clerc du Tremblay, le fondateur des religieuses du Calvaire, employé plusieurs fois par Louis XIII pour des négociations importantes, et si connu sous le nom d’Éminence grise ; le cardinal Cassini ; le frère Jean-Baptiste, qui s’appelait dans le monde Alphonse d’Este, duc de Modène et de Reggio ; le frère Ange, qui n’était autre que le brillant duc de Joyeuse ; le P. Yves, qui fut un habile avocat du Parlement de Paris ; le P. de Pecquigny, célèbre par ses beaux commentaires sur les épîtres de saint Paul ; le P. Athanase Molé, frère du président Mathieu Molé, etc.

Cette congrégation fut, pendant un demi-siècle, confinée en Italie ; le pape Paul III avait défendu aux Capucins de s’établir au delà des monts et d’y bâtir des couvents. Mais, en 1573, sur la demande de Charles IX, roi de France, Grégoire XIII révoqua le décret de Paul III, et permit à ces religieux de s’établir en France. Ils demeurèrent d’abord à Meudon, puis à Paris, dans la rue Saint-Honoré.

Leur second couvent en France fut celui de Lyon. Le R. P. de Montifiore, général de cet ordre, envoya en France, en qualité de commissaire général, le P. Pacifique, qui lui-même envoya à Lyon, vers 1574, le P. Jérôme de Milan. Comme Italien et comme membre de l’illustre famille des Cernuschi, le P. Jérôme eut par ses prédications un grand succès, surtout auprès de ses compatriotes, qui étaient nombreux et considérés dans notre ville. Jeannet de Lecchi et un riche banquier, Pompée Porro, tous deux ses compatriotes, favorisèrent, autant qu’ils le purent, de leur influence et de leur fortune, le dessein, conçu par le religieux capucin, de fonder à Lyon un couvent de son ordre. Ils achetèrent à cet effet à Guillaume de Gadagne une propriété qu’il possédait sur le coteau de Fourvière ; on en fit un couvent. Le côté du bâtiment qui regardait la rivière, et sa plateforme au-dessus d’un précipice très escarpé, bordé de murailles fort épaisses, reposaient sur des rochers : c’était le soutien de la plateforme. L’air y est très bon et l’aspect agréable ; l’eau de deux fontaines, très pure et très bonne, coulait sur ce terrain. (P. de Saint-Aubin : Hist. de Lyon, p. 360.)

La croix y fut solennellement plantée, le 14 septembre 1575, par le révérendissime archevêque de Lyon, Pierre d’Epinac, assisté de Mgr de Mandelot, gouverneur de la ville. L’église qui s’éleva plus tard, sous le patronage de saint François, fut due aux libéralités des Mutio et des Coste. Le roi Henri III lui-même, par lettres patentes datées de Paris, juillet 1576, prit les religieux Capucins sous sa protection et sauvegarde spéciales.

Ces hautes protections indiquent assez de quelle popularité jouissait, dans notre ville, l’ordre des Capucins, et cette popularité explique la création du second couvent de cette famille religieuse. Au pied de la colline Saint-Sébastien et de la Grande-Côte, existait une propriété appelée le Petit-Foreys, parce qu’elle avait appartenu au quatorzième siècle à Jean de Foreys, riche habitant de Lyon ; elle était passée dans la suite aux Thomassin. C’est cette maison et cette propriété qui furent achetées pour le second couvent par André Coste, banquier génois, en 1622. La reine Anne d’Autriche assista, cette année-là, à la pose de la première pierre de l’église, qu’elle fit construire à ses frais, et qui fut consacrée en 1635. Elle était placée sous le vocable de saint André, patron du bienfaiteur insigne, André Coste. Dès lors, la première résidence des Capucins s’appela maison de Saint-François ou le Grand-Couvent, et cette dernière maison, de Saint-André ou le Petit-Foreys. Les religieuses Ursulines, voisines de cette dernière communauté, firent bien quelque opposition à cet établissement ; mais, en 1626, une transaction survint, par laquelle il fut remis aux Ursulines deux bicherées et demie du jardin acquis par André Coste, et le conflit cessa.

Six ans après cette dernière installation, en 1628, un épouvantable fléau, la peste, exerça ses ravages dans notre cité. Il faut lire dans le P. Michel Ange, définiteur des Capucins de la province de Lyon : Brevis enarratio luctuosi status, etc., ou dans le P. Grillot : Lyon affligé de contagion, les émouvants et horribles détails de cette lamentable histoire, qui se termine par le vœu des échevins à Notre-Dame de Fourvière (1643). Les deux couvents rivalisèrent de courage et se dévouèrent à soigner les pestiférés. « Le clergé, dit Montfalcon, se montra, comme à l’ordinaire, dans ces grandes crises, d’une abnégation admirable : prêtres réguliers, vicaires, curés, jésuites et capucins surtout, répartirent entre eux le service des infirmeries et les visites des malades à domicile. Ces congrégations religieuses acceptèrent avec empressement un service, qui devait être pour beaucoup de leurs membres une sentence de mort ; ces hommes pieux portaient souvent le dévouement jusqu’à toucher les bubons pestiférés pour rassurer l’imagination frappée du peuple ; ils ne recherchaient pas les louanges pour des actions qu’ils trouvaient fort simples, leur récompense étant ailleurs. »

Les religieux du Grand-Couvent perdirent un grand nombre de leurs collègues, mais le couvent lui-même fut exempt de la contagion. Il n’en fut pas de même pour la maison de Saint-André. Le quartier du Petit-Foreys fut un de ceux qui furent le plus éprouvés par le fléau : la peste pénétra dans le couvent et fit de nombreuses victimes. Longtemps on a cru qu’elle s’arrêta à la hauteur de la rue Neyret, où, sur la façade d’une modeste maison, on voyait autrefois une petite statue de la sainte Vierge avec cette inscription : Ejus proesidio non ultra pestis, 1628 ; longtemps on crut qu’il n’y eut pas de pestiférés à la Croix-Rousse. Mais en étudiant les Augustins réformés, nous avons vu que c’était une erreur.

Les Capucins ont joui longtemps d’une grande faveur auprès du peuple. Leur simplicité, leur pauvreté, leur dévouement les approchaient de lui et les faisaient aimer. Un détail très important, et trop ignoré, de leur vie religieuse et sociale doit être ici mis en lumière : les Capucins furent les pompiers des temps passés. L’organisation actuelle pour l’extinction des incendies est relativement récente. Elle ne date, pour Paris, que des années qui précédèrent la Révolution (1770 à 1780), et pour le reste de la France, des années qui suivirent. Auparavant les secours étaient portés dans les incendies par les Capucins ; ils possédèrent les premières pompes, ils les conduisaient eux-mêmes sur le lieu de l’incendie, montaient sur les toits, cherchaient à sauver les mobiliers menacés, à arracher des flammes les individus sur le point de périr. Il y aurait quelque ingratitude à oublier d’aussi précieux dévouements.

Les religieux des deux couvents, dans leur vie solitaire et pauvre, arrivèrent sans bruit jusqu’aux jours de la Révolution. On ne trouve en effet à leur sujet aucun document historique. Mais au début de la Révolution, nos deux couvents reçurent la visite des officiers municipaux chargés de s’assurer de la liberté des religieux et de dresser un inventaire général.

Cette visite eut lieu au couvent du Petit-Foreys le 27 mai 1790. Les officiers municipaux qui instrumentent sont Fulchiron, Faure et Vidalin. Le procès-verbal constate la présence de dix-huit pères et de sept frères convers. Sur ces dix-huit pères, cinq déclarent vouloir profiter de leur liberté, et des papiers annexes-nous apprennent qu’au mois de février suivant sept autres pères reviennent sur leur détermination de continuer la vie commune. Il ne faut pas trop s’en étonner, l’horizon politique était si sombre, l’avenir si incertain, la catastrophe si imminente, que les découragements ne sont pas improbables. Un autre détail du procès-verbal nous indique quelle était l’importance du Petit-Foreys : outre les cuisine, office, réfectoire, salle commune ; outre les dix-huit chambres des pères et les sept chambres des frères, il y avait soixante-cinq chambres vides.

Au Grand-Couvent, les officiers municipaux Joseph Fulchiron, Luc Candy et Jean-Pierre Granier, se présentent le 4 juin 1790 ; ils constatent la présence de treize prêtres, d’un frère clerc et de cinq frères lais. Quatre pères déclarent vouloir rester dans leur ordre, et encore, sur ces quatre pères, trois se dédiront l’année suivante ; deux autres déclarent vouloir reprendre leur liberté ; les autres adoptent une formule : je me réserve de m’expliquer, lorsque le régime des communautés sera positivement établi, ou lorsque l’Assemblée nationale aura définitivement déterminé le sort des communautés religieuses. — Ce même procès-verbal nous fait connaître la distribution de l’immeuble : en bas, il y a réfectoire, cuisine et décharge ; salon sans meuble, diverses chambres pour bûchers et provisions ; au premier étage, une salle pour le noviciat, études, et vingt-cinq chambres, dont dix-neuf occupées et six vides ; au deuxième étage, vingt-cinq chambres, dont quatre servent pour les infirmeries, sept autres sont occupées, soit par un père, soit par le domestique de la maison ; les autres chambres sont vides.

M. Paul Saint-Olive, dont l’érudition est ordinairement si sûre, dit dans son livre : Vieux Souvenirs, que les archives départementales ne contiennent pas les actes de vente de ces couvents comme biens nationaux. C’est-une erreur bien pardonnable à M. Saint-Olive, car autrefois, aux Archives, il n’était pas facile de s’y retrouver, mais ces actes existent. Le 12 décembre 1791, on vend le Grand-Couvent qu’on appelle le Grand-Foreys (carton 8, pièce 280), et le 2 thermidor an IV, on vend le Petit-Foreys. Cette vente, cependant ne fut que partielle, car nous voyons, le 2 vendémiaire an V, Drivet, membre de l’administration municipale, faire une visite à la maison du Petit-Foreys. Il y trouve une bibliothèque de trois mille cinq cents à quatre mille volumes, composée presque exclusivement de livres de théologie ; il y trouve aussi les débris d’une machine électrique, une grande table en bois de noyer, deux bancs et sept mauvaises chaires d’église, probablement des stalles.

Que reste-t-il de ces deux couvents ? Pour ce qui regarde la maison Saint-François, si, en haut de la montée actuelle des Carmes-Déchaussés, vous pénétrez sous le passage portant le numéro 22, vous verrez un grand arc à plein cintre, noyé dans la muraille ; c’est un reste du portail de l’église ; la partie latérale de l’église a été démolie pour élargir la montée. Quant au bâtiment du Grand-Couvent, il n’a pas entièrement disparu : les sœurs de l’Espérance, l’orphelinat de Bethléem et une salle d’asile se partagent ce vaste local.

Au Petit-Foreys, la Révolution fit son œuvre plus largement. Après la Terreur se réveilla le goût des plaisirs si longtemps comprimé. On multiplia les salles de spectacle ; l’église du Petit-Foreys devint le Théâtre des jeunes artistes. Puis dans le jardin des religieux on perça des rues, on y construisit des maisons ; les magasins de soieries vinrent s’y établir. Une loi du 9 décembre 1807 ordonna l’acquisition de différentes parties de terrain dépendant du jardin des Capucins, et la construction, sur ce local, d’un bâtiment spécialement destiné à la Condition des soies[1]. L’année suivante, le 18 novembre 1808, une nouvelle loi autorise le préfet du Rhône à faire, pour la Chambre de commerce, et moyennant la somme de 4.080 francs, l’acquisition de 80 mètres de terrain dépendant de l’enclos des ci-devant Capucins de Lyon, et appartenant à Joseph Pavy… lesquels 80 mètres de terrain seront réunis au terrain déjà acheté en vertu de la loi de 1807, et devront servir à la construction du bâtiment dans lequel doit être placée la Condition des soies. Tout ce qui reste aujourd’hui du Petit-Foreys, c’est la trace d’une croisée à plein cintre que l’on peut remarquer dans le mur élevé qui fait face à l’escalier des Capucins ; c’est une croisée de l’ancienne église.

Expulsés et bannis en 1791, les Capucins rentrèrent plus tard en France. Le P. Eugène, du couvent de Valence en Espagne, protégé par Mgr de Beausset, archevêque d’Aix, aidé par des laïques zélés, réussit à établir à Aix un couvent de son ordre. Plus tard les Capucins furent appelés à desservir un pèlerinage dans le diocèse de Grenoble ; plus tard encore ils furent demandés à Lyon.

En 1793, les Lyonnais soutinrent un siège mémorable contre les troupes de la Convention. Ils confièrent le commandement de leurs troupes au général Louis-François Perrin, comte de Précy, homme d’un jugement sain, d’une volonté ferme, d’un courage froid et d’une valeur à toute épreuve. Lyon bombardé se défendit avec héroïsme : ils n’étaient que huit mille soldats, mais la valeur suppléait au nombre. La Duchère, le cimetière de Cuire, les avant-postes de Sainte-Foy, la Croix-Rousse furent les théâtres de leur indomptable courage et de leur virile énergie. Dubois-Crancé avait cent mille hommes pour assiéger la ville ; les Lyonnais durent céder au nombre, mais ils ne se rendirent pas. Ils décidèrent une dernière sortie, ils étaient alors quinze cents combattants ; ils furent poursuivis et massacrés du côté de Tarare ; une centaine seulement s’échappa.

Quand les conventionnels furent maîtres de Lyon, la Terreur y régna. On rechercha les suspects, et on les mena dans la plaine des Brotteaux. Là, entre deux fossés bordés de dragons, étaient placées les victimes ; on braquait le canon contre ces infortunés et une horrible décharge dispersait leurs membres ; les soldats achevaient ensuite, à coups de sabre ou de baïonnette, ceux qui n’étaient pas morts sur le coup.

Après la Terreur, un jour fut choisi, le 29 mai 1795, pour rendre les honneurs funèbres aux malheureuses victimes de la tyrannie. Un cénotaphe provisoire fut bâti en leur honneur, mais on le brûla pendant une nuit. Ce n’est que plus tard qu’on pensa à leur élever un monument durable. Une souscription fut ouverte le 20 septembre 1814 ; le 21 octobre suivant, le comte d’Artois posa la première pierre du monument expiatoire, et le 29 mai 1819, on y célébra la première messe. Ce monument est un assemblage bizarre : la porte est romane, les colonnes sont grecques, le reste présente l’aspect d’une pyramide égyptienne. L’église possède un modeste tombeau du général de Précy ; dans un vestibule latéral de l’église sont affichés les noms des victimes de la Convention ; dans les caveaux souterrains ont été réunis leurs ossements.

Cette chapelle expiatoire est desservie par les RR. PP. Capucins. Ils passent là leur vie dans le jeûne et la prière. Depuis 1871, ils ont un couvent au-dessous de Fourvière, à la montée Saint-Barthélémy ; un peu plus tard, ils ont ouvert, sur la paroisse de Cuire, une école apostolique, et tout récemment ils ont élevé, entre Saint-Just et Saint-Irénée, une grande maison, où est établie la procure des Missions. Les PP. Capucins, malgré les troubles de nos temps, ont conservé beaucoup de popularité.

SOURCES :

Dictionnaire des Ordres religieux du P. Héliot et de l’abbé Maillaguet.

Almanachs de Lyon de 1745, 1755, 1834.

Le P. Saint-Aubin : Histoire de Lyon.

Paul Saint-Olive : Vieux Souvenirs, ou Revue du Lyonnais, 1874, tome XVII.

Lyon ancien et moderne : deux articles sur la Condition des soies, l’un de Flachéron, l’autre de Parisel.

Archives municipales.

Meifred : La Guillotière.

Archives du Rhône, tome IX, page 3.




  1. La Condition est un établissement public où la soie moulinée, avant d’être livrée au fabricant, séjourne un jour ou deux. Pendant ce temps elle est soumise à une dessication plus ou moins grande, qui, en excluant l’humidité dont cette soie peut être chargée, en fixe le poids et la valeur exacte.
    On estime qu’à Lyon seulement la Condition prévient un préjudice annuel de plus d’un million.