Les Voleurs (Vidocq)/dico1/R

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R

** RABAT, s. m. — Manteau.

* RABATEUX ou DOUBLEUX DE SORGUE, s. m. — Ancien voleur de nuit.

RABOIN, s. m. — Diable.

RABOULER, v. a. — Revenir.

RACCOURCISSEUSE, s. f. — (Voir Grinchir.)

RADE ou RADEAU, s. m. — Tiroir de comptoir.

RADIN, s. m. — Gousset.

RAFFALE, s. f. — Misère.

RAFFALÉ, s. m. — Misérable.

RAFFALEMENT, s. m. — Abaissement.

RAFFURER, v. a. — Regagner.

RAILLE, s. m. — Agent de police.

RAILLEUX, s. m. — Agent de police.

RAISINÉ, s. m. — Sang.

RAMASTIQUE ou RAMASTIQUEUR, s.— Les Ramastiques, comme beaucoup d’autres fripons, ne doivent leurs succès qu’à la cupidité des dupes.

Ce qui suit est un petit drame qui, malgré les avertissemens répétés de la Gazette des Tribunaux, se joue encore tous les jours dans la capitale, tant il est vrai que rien n’est plus facile que de tromper les hommes lorsque l’on caresse la passion qui les domine tous : la soif de l’or.

La scène se passe sur la place publique. Les acteurs principaux examinent avec soin les allans et venans. Enfin apparaît sur l’horison l’individu qu’ils attendent ; sa physionomie, son costume, décélent un quidam aussi crédule qu’intéressé. L’un des observateurs l’aborde et lui adresse quelques-unes de ces questions dont la réponse doit révéler à l’interrogateur l’état des finances de l’interrogé. Si les renseignemens obtenus lui paraissent favorables, il fait un signe, alors l’un de ses compagnons prend les devans et laisse tomber de sa poche une petite botte ou un petit paquet, de manière cependant à ce que l’étranger ne puisse faire autrement que de remarquer l’objet, quel qu’il soit, c’est ce qui arrive en effet ; et au moment où il se baisse pour ramasser la boite ou le petit paquet, sa nouvelle connaissance s’écrie : « Part à deux.» On s’empresse d’ouvrir le paquet ou la boite ; à la grande joie du Sinve, on y trouve ou une bague, ou une épingle magnifique ; un écrit accompagne l’objet, et cet écrit est la facture d’un marchand joaillier qui reconnaît avoir reçu d’un domestique une somme assez forte pour le prix de l’objet qu’il envoie à M. le marquis ou à M. le comte un tel. « Nous ne rendrons pas cela, dit le fripon ; un marquis, un comte, a bien le moyen de perdre quelque chose, et nous serions de bien grands mais si nous ne profitions pas de la bonne aubaine que le ciel nous envoie.» Le Sinve ne pense pas autrement ; il ne reste donc plus qu’à vendre l’objet, voilà le difficile. Le Ramastique fait observer que cela ne serait peut-être pas prudent ; que l’objet, sans doute, est déjà signalé aux marchands joailliers. Comment faire ? « Écoutez, dit enfin le fripon, vous me paraissez un honnête garçon, et je vais vous donner une marque de confiance dont vous vous montrerez digne, je l’espère. Je vais laisser l’objet entre vos mains ; mais comme j’ai absolument besoin d’argent, vous me ferez l’avance de quelques centaines de francs, mais j’exige que vous me donniez votre adresse.» Le Sinve, qui déjà est déterminé à garder pour lui seul toute la valeur de l’objet trouvé, s’empresse d’accepter la proposition, et dans son for intérieur il se moque de la simplicité de son compagnon ; il ne cesse de rire à ses dépens que lorsqu’il a fait estimer la trouvaille par un joaillier qui lui apprend que le bijou qu’il possède vaut tout au plus 45 ou 20 francs.

Les Ramastiques sont presque tous des juifs. Chacun d’eux est vetu d’un costume propre au rôle qu’il doit jouer. Celui qui accoste est presque toujours vêtu comme un ouvrier ; le perdant se distingue par la largeur de son pantalon, dont une des jambes sert de conducteur à l’objet pour le faire arriver jusqu’à terre. Quelques femmes exercent ce genre d’industrie, mais comme il est facile de le présumer, elles ne s’adressent qu’à des personnes de leur sexe.

Sur vingt individus trompés par les Ramastiques, dix-huit au moins donnent un faux nom et une fausse adresse. S’il est vrai que l’intention doive être punie comme le fait, je demande s’il ne serait pas juste d’infliger aux Sinves une punition capable de leur servir de leçon.

Ne soyez jamais assez sot pour vouloir partager avec un homme qui trouve un objet quelconque, surtout si pour cela il faut dénouer les cordons de votre bourse.

RAPIAT, s. m. — Auvergnat, Savoyard.

RAPIOT (Le grand), s. — Première visite faite sur les condamnés après leur sortie de Bicêtre, pour aller au bagne.

RAPIOTER, v. a. — Visiter les condamnés en route pour le bagne.

RAPLIQUER, v. a. — Revenir.

RAT (Courir le), v. a. — Voler la nuit dans l’intérieur d’une auberge ou maison garnie.

Ce genre de vol se commet ordinairement dans les auberges où logent les marchands forains et les rouliers, et de préférence les jours de marché et de foire.

Les Rats sont habituellement deux et quelquefois trois. Ils exercent ostensiblement la profession de marchand forain ; leurs papiers sont toujours parfaitement en règle, ils peuvent donc exhiber, à la première réquisition, passeport, factures, patente, etc. Ils sont sobres, et leur politesse est extrême.

Les Rats logent plusieurs fois dans une auberge avant d’y commettre un vol. Ils arrivent toujours séparément et d’un lieu opposé, et s’arrangent de manière à ne point coucher dans la même chambre.

On sait qu’il y a toujours cinq ou six lits dans chacune des chambres d’auberges où logent habituellement les rouliers et marchands forains. Les Rats se couchent toujours les premiers, et lorsque ceux qui doivent partager avec eux la chambre qu’ils occupent arrivent, ils paraissent profondément endormis ; mais, comme les chats, ils ne dorment que d’un œil, et ils ont soin d’allumer celui qui place sous son traversin, ou sa ceinture ou sa culotte.

A l’heure convenue entre eux, ils se lèvent chacun de leur côté, ils se retrouvent et se rendent mutuellement compte de leurs observations. La position des lits occupés par ceux qu’ils veulent dévaliser est exactement indiquée, et chacun d’eux alors opère dans la chambre de son camarade, les ceintures et les culottes sont enlevées, et, après avoir placé le chopin en lieu de sûreté, chaque Rat retourne à son lit.

Les Rats n’emportent jamais avec eux ce qu’ils ont volé, ce n’est que quelques jours après la consommation du vol, et en revenant prendre gîte, qu’ils enlèvent leur butin.

Quelques Rats ont un complice au dehors auquel ils remettent instantanément l’objet volé. Il est très-rare que ces voleurs soient pris sur le fait. Aussi, les marchands forains et les rouliers qui boivent sec, et qui, par conséquent, n’ont pas le sommeil léger, devraient placer ce qu’ils possèdent sous leurs matelas, et non pas sous leur traversin. Ce serait le seul moyen de ne pas craindre la visite des Rats.

J’étais, le 5 novembre dernier, occupé à rédiger cet articie, lorsque je reçus la visite d’un propriétaire de Charonne près Paris, qui venait d’être la victime d’un Rat.

Le voleur s’était introduit furtivement dans la maison où logeait le propriétaire, et s’était caché sous un lit placé dans la chambre voisine de celle qu’il occupait. Lorsque le voleur eut acquis la certitude que le propriétaire était profondément endormi, il s’introduisit dans sa chambre, enleva sa ceinture, qui contenait 24,000 francs en billets de banque, et se sauva en escaladant les murs de la maison. Je mis de suite en campagne une partie des agens attachés à mon établissement, et, à six heures du soir, le Rat fut saisi encore nanti de la somme volée, qui fut de suite restituée à son propriétaire.

RATON, s. m. — Petit voleur de dix à douze ans que les grands voleurs font entrer le soir dans les boutiques pour voler l’argent du comptoir, ou pour leur ouvrir la porte.

Les marchands devront, lorsque leurs boutiques ou magasins seront définitivement fermés, ordonner une visite scrupuleuse, afin d’acquérir la certitude que personne n’est caché chez eux. Ces visites devront être faites avec le plus grand soin, car les Ratons savent se blottir dans le lieu le moins apparent ; et de manière à n’être vus que difficilement.

En 1845, un enfant de huit ans seulement, d’une constitution très-délicate, s’était caché dans une manne qui fut déposée chez un distillateur de la rue Boucher. Lorsque les propriétaires de l’établissement furent couchés, il ouvrit les portes aux nommés Pétroux, Villatte et Dinocourt. Ces voleurs émérites furent assez hardis pour ouvrir la boutique et allumer les quinquets. Ils ne bornèrent pas leurs exploits à cette fanfaronnade, ils ne laissèrent absolument rien dans la boutique de l’infortuné distillateur.

Beaucoup de marchands ferment l’entrée de leur boutique par une porte à claire-voie à laquelle est attachée une sonnette qui tinte chaque fois qu’un étranger entre dans la boutique. Des voleurs passent un enfant, bien dressé au métier de Raton, par-dessus cette porte, qui est ordinairement très-basse. L’enfant marche à quatre pattes, se blottit sous le comptoir, et saisit le moment opportun pour enlever le tiroir, qu’il passe à son maître. Si, par hasard, la clé n’est pas au tiroir, il cherche à l’ouvrir, et s’il ne peut y parvenir, il passe à son compagnon, en marchant toujours à quatre pattes, ce qu’il trouve à sa portée et à sa convenance. Des Ratons ont volé ainsi des valeurs considérables à des orfèvres et bijoutiers qui n’avaient pas contracté la bonne habitude de fermer à la clé leurs montres et vitrines.

Comme nous avons pu le voir au commencement de cet article, des Ratons restent leur propriétaire, lorsqu’il leur demande le montant des loyers échus. Si le prêtre doit vivre de l’autel, le propriétaire doit vivre de sa maison. « Eh ! chacrebleu, che n’ai pas ici que nous avons affaire. — Je te dis que c’est ici, lui répond un autre, che reconnais bien l’escalier. — Et non. — Et si.» Grande dispute. Le portier met la tête à son carreau et demande aux commissionnaires ce qu’ils désirent. « N’est-ce pas ici le n° 32, lui demande l’un d’eux. — C’est ici le n° 30, répond le portier. — Mille pardons, Monsieur, nous nous étions trompés de numéro, voilà tout.»

RÉCHAUFFANTE, s. m. — Perruque.

* RÉCHAUFFER, v. a. — Ennuyer.

RECONOBRER, v. a. — Reconnaître.

RECORDER, v. a. — Prévenir quelqu’un de ce qui doit lui arriver.

redam, s. f. — Grâce. la plus belle prérogative du chef de l’état est, certes, celle de pouvoir faire grâce à celui que la loi a frappé ; il doit éprouver une émotion à la fois bien vive et bien douce, celui qui peut, d’un mot, briser les fers du malheureux qui languit dans une prison, ou arracher une victime au bourreau ; aussi, n’est-ce point le droit de faire grâce que je veux attaquer, mais seulement la manière dont on use de ce droit.

Si le législateur n’a pas conservé le code de Dracon, code qui condamnait à la mort celui qui avait commis la plus légère faute ; s’il a proportionné les peines aux crimes et aux délits, et admis des peines temporaires, c’est que sans doute il avait la conviction intime que les plus grands coupables pouvaient être ramenés au bien ; il a donc voulu que la grâce fût une prime d’encouragement offerte à la bonne conduite et au repentir, et que chaque condamné, quels que fussent d’ailleurs sa position sociale et ses antécédents, pût acquérir le droit d’y prétendre.

Je crois que je m’explique assez clairement, ce n’est qu’à la bonne conduite et au repentir que des grâces doivent être accordées ; car si l’égalité doit exister quelque part, c’est évidemment en prison. Il ne doit donc y avoir, parmi des hommes tous coupables, ou présumés tels, d’autre aristocratie que celle du repentir ; et je ne crois pas que l’on doive accorder au fils d’un pair de France ce que l’on refuserait au fils d’un ouvrier ou d’un cultivateur, si le fils du pair de France s’en montrait moins digne que ces derniers ; cependant ce ne sont pas toujours les plus dignes qui obtiennent leur grâce, et cela s’explique : la désignation des condamnés graciables est, en quelque sorte, laissée à l’arbitraire


condamnés une influence salutaire ? d’hommes recommandables aurait seul le droit de désigner les condamnés à la clémence du gouvernement.

Les condamnés savent se rendre justice, et discerner celui d’entre eux qui mérite l’indulgence de la société ; aussi il résulterait un grand bien de l’adoption des mesures que je propose ; les prisonniers applaudiraient toujours à la mise en liberté de celui d’entre eux qui aurait obtenu sa grâce ; ils ne diraient plus : il est heureux, mais, il est digne ; et ils chercheraient probablement à faire comme lui et à se rendre dignes à leur tour.

Pour que l’exemple fût toujours présent à tous les yeux, rien n’empêcherait qu’un chiffre indicateur de la durée de la peine infligée au condamné, fût marqué sur une des manches de sa veste, et celui des remises sur l’autre ; les individus qui ne regardent que la superficie des choses, et qui ne prennent jamais la peine d’examiner une question sous toutes ses faces, trouveront peut-être ce projet plus que bizarre ; rien, cependant, n’en empêche l’exécution. Maintenant, les condamnés ont la conviction que les grâces sont accordées seulement à la faveur ; c’est cette conviction qu’il faut absolument détruire, et détruire par des faits et non par des raisonnemens ; car tous les hommes, quelles que minces que soient leurs capacités, peuvent apprécier des faits, et tous ne sont pas aptes à comprendre des raisonnemens.

Le caractère du condamné qui voit sortir, lorsqu’il reste en prison, un individu moins digne que lui, s’aigrit ; cet homme méconnu se prend à penser qu’il est inutile de se bien conduire ; il se décourage, et s’il ne cherche pas à devoir à la ruse et à l’hypocrisie, ce que d’abord il n’avait demandé qu’à la droiture, il se laisse corrompre par les scélérats avec lesquels il vit, et lorsqu’il rentre dans la société il l’épouvante par ses crimes.

On ne doit, lorsqu’il s’agit de faire le bien, reculer devant aucune tentative. Méditez donc, législateurs ! je ne parle que de ce que je connais bien.

REDIN, s. f. — Bourse.

REDOUBLEMENT DE FIÈVRE, s. f. — Accusation nouvelle, nouvelle charge.

RÉDUIT, s. f. - Bourse.

REFAITE, s. m. — Repas.

REFAITE DU MATOIS, s. m. — Déjeuner.

REFAITE DE JORNE, s. m. — Dîner.

REFAITE DE SORGUE, s. m. — Souper.

REFAITE DE CONI, s. — Viatique, extrême-onction.

REFROIDI, s. f. — Mort.

REFROIDIR, v. a. — Tuer.

REGOUT (Faire du), v. — Manquer de précaution.

RELUIT, s. m. — Œil.

RELUIT, s. m. — Jour.

REMAQUILLER, v. a. — Refaire.

REMBROCABLE, adj. — Reconnaissable.

REMBROCAGE DE PARRAIN, s. f.— Confrontation.

REMBROQUER, v. a. — Reconnaître.

remoucher, v. a. — Regarder.

RENAUDER, v. a. — Bisquer.

RENDÈVE. s. m. — Rendez-vous.

RENDEZ-MOI (Vol au), s. — Le vol au Rendez-moi, qui n’est guères commis que par des voleurs de la Basse-Pègre, se commet de cette manière.

Un individu entre dans la boutique d’un distillateur ou d’un marchand de vin, consomme pour un ou deux sous de liquide, change une pièce de cinq francs pour payer sa dépense, et sort lorsqu’il a reçu sa monnaie. Quelques instans après sa sortie, un autre individu entre, consomme, et après avoir attendu peu de temps, il s’adresse au maître ou à la maîtresse de la maison : « Voulez-vous avoir la bonté de me remettre la monnaie de ma pièce ? dit-il. — De quelle pièce ? demande le marchand, qui n’a pas seulement reçu le prix du verre de vin ou d’eau-de-vie avalé par le quidam. — Eh ! parbleu, de ma pièce de cinq francs. — Vous ne m’avez rien donné ; vous plaisantez ? sans doute. — Non, vraiment.» Le marchand se fâche ; le quidam insiste. « Ma pièce, dit-il, que j’ai remarquée par hasard, était marquée de telle et telle manière.» Le marchand, bien certain de n’avoir rien reçu, examine les unes après les autres toutes les pièces que renferme son comptoir, et, à sa grande surprise, il trouve celle désignée par l’individu avec lequel il vient de se disputer.

Cette pièce est celle que lui a donné le compère du voleur au Rendez-moi. Il ne faut jamais se laisser intimider par les clameurs de celui qui réclame la monnaie d’une pièce qu’il n’a pas donnée, si l’on ne veut pas être exploité par ces audacieux fripons.

RENGRACIABLE, s. — Convertissable.

RENGRACIÉ—ée, s. — Converti, convertie.

RENGRACIEMENT, s. f. — Abdication.

RENGRACIER, v. a. — Finir, cesser. On dit : un tel a rengracié, (a cessé d’être voleur, est devenu honnête homme.)

RESOLIR, v. a. — Revendre.

REPAUMER, v. a. — Reprendre.

REPÉSIGNER, v. a. — Arrêter de nouveau.

RETAPPE (Faire le), v. — Aller se promener sur la place. Terme des filles publiques.

REVENDRE, v. a. — Répéter ce qu’on a appris d’une personne.

RICHOMMER, v. a. — Rire.

RIEN, s. m. — Garde chiourme, argousin.

rif, s. m. — Feu.

RIFFAUDANTE, s. f. — Flamme.

RIFFAUDATE, s. m. — Incendie.

RIFFAUDER, v. a.[1] — Brûler, chauffer.

RIFFAUDEURS, s. m. — Chauffeurs, voleurs qui brûlaient les pieds des individus chez lesquels ils s’étaient introduits, pour les forcer à indiquer l’endroit où ils avaient caché leur argent. (Voir Suageurs.)

RIFLARD, s. m. — Riche.

RIGNE, s. f. — Rigueur.

RIGOLADE, s. f. — Risée.

RIGOLER, v. a. - Rire.

RINCER, v. a. — Voler.

RIOLE, s. f. — Joie, divertissement.

RIVANCHER, v. a. — Action du coît.

RIVETTE, s. m. — Jeune sodomite. Les voleurs de province donnent ce nom aux filles publiques.

ROANT, s. m. — Porc.

ROBE. — Vêtement des forçats. Ce terme est celui des argousins.

ROBER, v. a. — Dépouiller quelqu’un de tous ses vêtemens après l’avoir volé.

ROBIGNOLE ou COCANGE. — (Voir Cocange.)

ROCHET, s. m. — Prêtre, évêque.

ROND, s. m. — Sol.

RONDELET, s. m. — Téton.

RONDIN, s. m. — Téton.

RONDINE, s. f. — Bague.

RONDINER, v. a. — Boutonner.

ROMAGNOL ou ROMAGNON, s. m. - Trésor caché.

romamichel. — Bohémien. Les Romamichels, originaires de la Basse-Égypte, forment, comme les juifs, une population errante sur toute la surface du globe, population qui a conservé le type qui la distingue, mais qui diminue tous les jours, et dont bientôt il ne restera plus rien.

Les Romamichels sont donc ces hommes à la physionomie orientale, que l’on nomme en France Bohémiens, en Allemagne Die Égyptens, en Angleterre Gypsès, en Espagne, et dans toutes les contrées du midi de l’Europe, Gitanos.

Après avoir erré long-temps dans les contrées du nord de l’Europe, une troupe nombreuse de ces hommes, auxquels on donna le nom de Bohémiens, sans doute à cause du long séjour qu’ils avaient fait en Bohème, arriva en France en 1427, commandés par un individu auquel ils donnaient le titre de roi, et qui avait pour lieutenants, des ducs et des comtes comme ils s’étaient, on ne sait comment, procuré un bref du pape qui occupait alors le trône pontifical, bref qui les autorisait à parcourir toute l’Europe, et à solliciter la charité des bonnes ames, ils furent d’abord assez bien accueillis, et on leur assigna pour résidence la chapelle Saint-Denis. Mais bientôt ils abusèrent de l’hospitalité qui leur avait été si généreusement accordée, et, en 1612, un arrêt du Parlement de Paris leur enjoignit de sortir du royaume dans un délai fixé, s’ils ne voulaient pas aller passer toute leur vie aux galères.

Les Bohémiens n’obéirent pas à cette injonction ; ils ne quittèrent pas la France, et continuèrent à prédire l’avenir aux gens crédules, et à voler lorsqu’ils en trouvaient l’occasion. Mais pour échapper aux poursuites qui alors étaient dirigées contre eux, ils furent forcés de se disperser ; c’est alors qu’ils prirent le nom de Romamichels, nom qui leur est resté, et qui est passé dans le jargon des voleurs.

Il n’y a plus en France, au moment où nous sommes arrivés, beaucoup de Bohémiens, cependant on en rencontre encore quelques-uns, principalement dans nos provinces du nord. Comme jadis, ils n’ont pas de domicile fixe, ils errent continuellement d’un village à l’autre, et les professions qu’ils exercent ostensiblement sont celles de marchands de chevaux, de brocanteurs ou de charlatans. Les Romamichels connaissent beaucoup de simples propres à rendre malades les animaux domestiques, ils savent se procurer les moyens de leur en administrer une certaine dose, ensuite ils viennent offrir leurs services au propriétaire de l’étable dont ils ont empoisonné les habitans, et ils se font payer fort cher les guérisons qu’ils opèrent.

Les Romamichels ont inventé, ou du moins ont exercé avec beaucoup d’habileté le vol à la Care, dont il a été parlé dans le premier volume de cet ouvrage, et qu’ils nomment Cariben.

Lorsque les Romamichels ne volent pas eux-mêmes, ils servent d’éclaireurs aux voleurs. Les chauffeurs qui, de l’an IV à l’an VI de la République, infestèrent la Belgique, une partie de la Hollande, et la plupart des provinces du nord de la France, avaient des Romamichels dans leurs bandes.

Les Marquises (les Romamichels nomment ainsi leurs femmes) étaient ordinairement chargées d’examiner la position, les alentours, et les moyens de défense des Gernafles ou des Pipés qui devaient être attaqués, ce qu’elles faisaient en examinant la main d’une jeune fille à laquelle elles ne manquaient pas de prédire un sort brillant, et qui souvent devait s’endormir le soir même pour ne plus se réveiller. R0’l’—ROU 69 ROTI nr SALADE. - Fouet et marque. »

  • ROTIN, s. m. — Sol. "
  • ROUASTBE, s. m. — Lard. ·

" ROUAUX, s. m. -Archer. ROUBLARD, s. m. - Laid, défectueux. ROUE, s. m. - Juge d’instruction. ROUE DE DERRIERE, DE DEVANT, s. m. - Pièce de 5 fr., de 2 fr. ’ ROUEN (Annan A). —~ Se ruiner. ROUGET, s. m. — Cuivre.. ROULAN T, s. m. ·— Fiacre. ROULEMENT DE TAMBOUR, s. m.-Ahoiement de chien. ·

  • ROULIN, s. m. — Prévôt des marchands.

ROUILLARDE ou ROUILLE, s. — Bouteille, flacon. ROULOTAGE (Gnnvenm Au). — Voler dans l’intérieur des maisons de roulage. Uexpérience a prouvé que. tous les jours des ballets de marchandises sont volés dans l’intérieur des maisons de roulage ; il serait cependant facile de remédier à ce grave inconvénient ; il ne faudrait, pour cela, que posséder un concierge vigilant, dont Tunique occupation serait d’examiner avec attention les entrans et sortans.

Il faudrait aussi qu’une marque très-apparente fût apposée sur chaque ballet, malle ou paquet, au moment de la sortie, et que la consigne du concierge fût de ne laisser sortir que les objets ainsi marqués.

Les petits ballets qui ne seraient pas enfermés devraient au moins être enchainés.

Toutes les maisons de roulage d’une certaine importance devraient s’attacher un inspecteur de cour, et cette place ne devrait être accordée qu’à un homme intelligent, sobre, sédentaire, et d’une moralité éprouvée.

Souvent on vole les négocians qui sont forcés de déposer sous leurs portes cochères et dans leurs allées ; il est très-facile d’empêcher que ces vols ne soient commis.

Il ne faut pour cela que réunir les ballots ou paquets d’un petit volume, en les attachant avec une chaîne de fer dont je donnerai le modèle en indiquant la manière de s’en servir.

ROULOTTE, s. — Charrette, camion.

ROULOTTE EN SALADE (Grinchir une). — Voler tout ou partie des marchandises que contiennent les ballots placés sur une voiture, en coupant l’enveloppe, et sans même défaire les baches.

roulottier. — Les Roulottiers sont ceux qui volent les malles, baches, valises, ou tous autres objets placés ou attaches sur les voitures. Les Roulottiers appartiennent presque tous aux dernières classes du peuple, et leur costume est presque toujours semblable à celui des commissionnaires ou des rouliers. Ils travaillent toujours plusieurs ensemble. Lorsqu’ils ont remarqué sur une voiture un objet qui parait valoir la peine d’être volé, l’un d’eux aborde le conducteur et le retient à la tête de ses chevaux, tandis que les autres débâchent la voiture et font tomber les ballots.

En général, les Roulottiers procèdent avec une audace vraiment extraordinaire. Il est arrivé plusieurs fois à un Roulottier fameux, le nommé Goupi, de monter en plein jour, et dans le quartier des halles, sur l’impériale d’une diligence, et d’en descendre une malle comme si elle lui appartenait.

Pour se mettre à l’abri des entreprises des Roulottiers, il ne faut attacher les ballots derrière les voitures en poste ou à petites journées, ni avec des cordes, ni avec des courroies, mais avec des chaînettes de fer qui ne pourraient être touchées sans qu’une sonnette placée dans l’intérieur de la voiture donnât l’éveil aux voyageurs.

Que les rouliers aient un chien sur leur camion, le plus méchant qu’ils pourront trouver sera le meilleur ; qu’ils renoncent surtout à la détestable habitude d’aller boire un canon avec le premier individu qu’ils rencontrent.

Que les gardiens de voitures de blanchisseuses ne dorment plus sur leurs paquets de linge sale, et l’industrie des Roulottiers sera bientôt mise aux abois.

Les plus fameux Roulottiers étaient jadis les France, les Mouchottes, les Dorés, les Cadet Hervier, les César Vioque. Ces individus, et surtout le dernier nommé, étaient capables de suivre une chaise de poste pendant plusieurs lieues ; Ces individus ont presque tous achevé leur existence dans les bagnes et dans les prisons.

ROULOTTIN, s. m. — Charretier, roulier.

ROUPIE, s. f — Punaise.

ROUPILLER, v. a. — Dormir.

rouspant. — Ils font chanter les pédérastes qu’ils soutiennent ; ce sont les macs de ces monstres.

ROUSSE, s. m. — Agent de police.

ROUSSIN, s. m. — Agent de police.

ROUSTIR, v. a. — Tromper.

* rupin, s. m. — Gentilhomme.

* RUSQUIN, s. m. — Écu.

rutière. — Les Rutières sont des filles publiques d’un genre tout particulier, que la police appelle Filles isolées. Elles sont toutes voleuses, et exercent dans les rues qui avoisinent le Palais-Royal, et les rues désertes.

La mise des Rutières, qui marchent toujours deux de compagnie, est semi-bourgeoise. Elles ne font pas ce qu’en terme du métier on nomme miché, mais elles accostent sur la voie publique l’individu sur lequel elles ont jeté leur dévolu, et savent en un clin-d’œil lui enlever sa bourse, son portefeuille ou sa montre.

Les Rutières ont quelquefois commis des vols très-considérables. Dans le courant de l’année 1813, deux de ces femmes, Pauline la Vache et Louise la Blagueuse, enlevèrent 50,000 francs de billets de banque à un officier payeur qui devint presque fou de désespoir. Une autre fois, la belle Lise et Julie Petit-Jean volèrent à un marchand de blé de la Beauce une bourse contenant 8,500 francs en or.

Les amans des Rutières sont presque toujours derrière elles, et dès qu’elles ont fait un chopin (un vol), si elles sont coiffées d’un bonnet et sans châle, elles sont aussitôt affublées d’un chapeau et couvertes d’un châle que leur amant tient en réserve. Elles ne craignent donc pas d’être reconnues par la personne qu’elles ont volé, si par hasard elles rencontrent cette personne avant que le chopin soit déposé en lieu de sûreté.

Les Rutières volent rarement ailleurs que sur la voie publique, car elles connaissent l’article du Code Pénal qui punit de la réclusion les vols commis dans l’intérieur d’une maison habitée. A l’approche des grandes fêtes toutes les Rutières que l’on pouvait attraper étaient arrêtées, et on les envoyait passer quelques mois à Saint-Lazare.

Le récit d’une aventure assez comique qui arriva à un agent secret de la police de sûreté de la ville de Paris, en 1815, trouve sa place naturelle à la suite de cet article sur les Rutières.

Cet agent suivait depuis dèjà longtemps deux Rutières très-adroites, nommées Agathe Flot, dite la Comtesse, et Émélie Nanjou. Rue SaintHonoré, à la hauteur de l’hôtel d’Angleterre, ces deux femmes abordèrent un vieux monsieur auquel elles enlevèrent une bourse verte, après une conversation de quelques instans. Lorsque le vol fut commis, l’agent s’approcha des deux Rutières qui ne connaissaient pas sa qualité, et qui lui apprirent que la bourse qu’elles venaient d’enlever contenait cinquante Napoléons. L’agent, qui n’avait pas perdu de vue le vieux monsieur, quitta les Rutières après leur avoir donné rendez-vous, et alla rejoindre leur victime au café qui, à cette époque, occupait le coin des rues Richelieu et Saint-Honoré.

« Monsieur, dit-il au vieillard, lorsque vous êtes sorti de chez vous vous aviez une bourse de soie verte ? — Oui, Monsieur. — Cette bourse contenait cinquante Napoléons. — Oui Monsieur. — On vient de vous la voler. — C’est vrai, Monsieur, répondit le vieillard, après avoir fouillé dans toutes ses poches. — Eh bien ! Monsieur, si vous voulez me suivre, vous retrouverez votre bourse, et les deux femmes qui vous l’ont volée seront arrêtées. — Vous êtes mouchard, à ce qu’il parait, dit alors le vieillard. — Je suis agent de la police de sûreté, répondit son interlocuteur. — Eh bien ! monsieur-le Mouchard, je ne veux pas aller avec vous. Je veux être volé, moi ; cela me convient ; qu’avez-vous à dire à cela ? » L’agent, qui ne s’attendait pas à une pareille réception, se retira honteux comme un renard qu’une poule aurait pris.



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  1. Note Wikisource : pour l’homophone « Rifodé », voir Les Ruffez ou Rifodés en l’annexe « Pièces justificatives »