Les Vagabonds du rail/09

Traduction par Louis Postif.
Editions Edito Service (p. 241-274).

IX

LES « TAUREAUX »[1]

Si, brusquement, les vagabonds disparaissaient des États-Unis, quantité de familles tomberaient dans la misère. Le vagabondage permet à des milliers d’individus de gagner honnêtement leur pain, d’éduquer leurs enfants et de les élever dans l’amour du travail et la crainte du Seigneur. Je sais de quoi je parle. À une époque de sa vie, mon père fut constable et traquait les hoboes pour assurer notre subsistance. La société lui octroyait tant par tête de rôdeur qu’il attrapait, et aussi, je crois, des indemnités de route. Nouer les deux bouts constituait toujours chez nous un pressant problème. La viande sur la table, une paire de souliers neufs, un jour de sortie, ou le livre de classe, tout cela dépendait de la chance de mon père dans cette chasse à l’homme.

Je me souviens fort bien avec quelle impatience je désirais apprendre chaque matin les résultats de sa randonnée nocturne, le nombre de vagabonds ramassés et les condamnations dont ils étaient passibles. Lorsque plus tard, vagabond moi-même, je réussissais à éviter quelque policier famélique, je m’apitoyais malgré moi sur le sort des petits garçons et des petites filles qui attendaient à la maison le retour de leur papa. Il me semblait frustrer en quelque sorte ces enfants de certaines joies de l’existence.

Mais tout cela est dans l’ordre. Le vagabond défie la société et les chiens de garde de la société vivent du vagabond. Certains Hoboes cherchent même à se faire prendre par la police, surtout en hiver. Ils choisissent naturellement les agglomérations où la prison n’impose pas de corvées aux prisonniers et fournit une nourriture substantielle. Il y a eu, et il y a peut-être encore, des limiers qui partagent leurs primes avec les vagabonds qu’ils arrêtent. Ceux-là n’ont pas besoin de courir. Ils sifflent et le gibier leur tombe pour ainsi dire dans le bec. Il est surprenant que de pauvres diables sans le sou puissent faire vivre tant de gens !

Dans toute la région du Sud – du moins à l’époque où j’étais sur le trimard – on rencontre des camps de convicts et des plantations où les prisonniers travaillent pour les fermiers qui les paient. Mais j’ai ouï parler d’endroits, comme par exemple les carrières de Ruthland, dans le Vermont, où ces malheureux sont exploités, et l’énergie insolente de leurs corps, entretenue par la mendicité aux portes ou dans la rue, épuisée au profit de ces négriers.

Personnellement, je ne connais pas du tout les carrières de Ruthland, et je m’en flatte, car je faillis bien y être embauché. Les vagabonds se passent le mot, et je l’entendis pour la première fois un jour que je cheminais dans l’Indiana. Arrivé dans la Nouvelle-Angleterre, continuellement je fus mis en garde contre ces carrières que tous considéraient comme une infâme punition. « Ils ont besoin de main-d’œuvre aux carrières, disait le hobo en passant. Si tu te fais arrêter, tu n’y coupes pas pour au moins quatre-vingt-dix jours. » Quand je franchis le New-Hampshire, je savais parfaitement à quoi m’en tenir au sujet de ce bagne, et je me débattis, comme jamais auparavant, pour éviter les gardes-frein, la police des gares et les « taureaux ».

Un soir, je descendais dans les chantiers de la gare de la ville de Concord, quand j’aperçus un train de marchandises en partance. Je repérai un fourgon vide, ouvris la porte de côté et y grimpai… J’espérais passer la White River au matin, ce qui m’amènerait dans le Vermont, à un millier de kilomètres environ de Ruthland ; mais ensuite, comme je me dirigeais vers le Nord, la distance entre moi et le danger ne ferait qu’augmenter. À mon entrée dans le wagon, j’y trouvai un « chat gai » qui manifesta à ma vue une frayeur extraordinaire. Il me prenait pour un garde-frein. Quand il apprit qu’il avait affaire à un vagabond comme lui, il m’avoua qu’il éprouvait une peur terrible des carrières de Ruthland. C’était un jeune gars de la campagne, et il n’avait encore voyagé en fraude que sur des petites voies d’intérêt local.

Le convoi s’ébranla. Nous nous allongeâmes dans un bout de la voiture et nous nous endormîmes. Deux ou trois heures après, à un arrêt, je fus éveillé par le bruit de la porte de droite qu’on glissait doucement. Le « chat gai » continuait de dormir. Sans faire un geste, je voilai mes yeux de mes cils en laissant une petite fente à travers laquelle je pouvais voir ce qui se passait. Une lanterne apparut dans l’encadrement de la porte, puis la tête d’un garde-frein. Il nous observa un moment sans mot dire. Je m’attendais à une explosion de colère, ou à l’habituel « Descendez, chien d’ivrogne ! » À mon étonnement, il retira sa lanterne avec précaution et, lentement, très lentement, il fit glisser la porte. Je devinai dans les manières de cet homme quelque manigance extraordinaire autant que louche. Prêtant l’oreille, j’entendis le loquet extérieur tomber doucement sur son mentonnet. La porte se trouvait fermée en dehors. Impossible de l’ouvrir de l’intérieur. Nos chances de fuite étaient compromises. Diable ! l’affaire se compliquait.

J’attendis quelques secondes, rampai jusqu’à la porte de gauche et essayai de l’ouvrir. Elle n’était pas encore fermée au loquet. Je l’ouvris, me laissai tomber sur le ballast et la fermai en la glissant simplement. Me faufilant entre deux voitures, je me rendis à droite du wagon, j’ouvris la porte que le garde avait fermée, je grimpai et la refermai derrière moi. De nouveau les deux issues étaient libres et… le « chat gai » dormait toujours.

Le train se remit en marche. À l’arrêt suivant, je perçus des pas sur la voie. Puis la porte de gauche s’ouvrit bruyamment. Le « chat gai » s’éveilla et je fis semblant de l’imiter. Nous nous mîmes sur notre séant et regardâmes fixement le garde et sa lanterne. Lui ne perdit pas son temps en discours.

— Allongez trois dollars ! dit-il.

Une fois debout, nous nous approchâmes de lui pour conférer. Nous étions certes animés du désir le plus vif et le plus sincère de lui allonger ces trois dollars, mais notre sacrée déveine, à notre grand regret, nous empêchait de lui donner satisfaction. Le garde restait incrédule. Il chercha à transiger avec nous. Il descendrait à deux dollars. Hélas ! nous étions dans une purée noire. Il nous répondit par des propos peu flatteurs, nous traita de voyous et nous accabla d’autres injures du même acabit. Puis, passant aux menaces, il nous laissa comprendre que si nous ne voulions pas payer, il nous enfermerait dans le fourgon jusqu’à White River pour nous remettre aux mains des autorités. Il nous fournit de longs détails sur les carrières de Ruthland.

Ce mercenaire croyait bien avoir raison de nous. Ne gardait-il pas une des portes et n’avait-il pas fermé l’autre extérieurement, quelques minutes plus tôt ? En l’entendant parler des carrières, le chat gai, effrayé, marcha vers la porte. Le garde éclata d’un gros rire :

— Inutile de te sauver, dit-il, j’ai fermé celle-là au dernier arrêt.

Il y croyait si fermement lui-même que le ton de ses paroles ne laissait aucun doute. Le chat gai s’y laissa prendre et fut au désespoir.

Le garde nous lança son ultimatum. Ou bien nous lui remettrions deux dollars, ou il nous enfermerait et nous livrerait au constable de White-River, ce qui signifiait pour nous quatre-vingt-dix jours de travail forcé dans les carrières.

Suppose un moment, aimable lecteur, que la porte de gauche ait été fermée ; réfléchis à la précarité de le vie humaine. Faute d’un dollar, j’étais bon pour les carrières et durant trois mois j’aurais trimé comme un esclave. De même le chat gai. Ne parlons pas de moi, je savais à quoi m’en tenir. Mais songe à mon compagnon. Après ces quatre-vingt-dix jours de labeur abrutissant, il serait sorti de prison, voué à une vie criminelle. Plus tard, il aurait pu te briser le crâne, – oui, le tien ! ou celui de quelque inoffensive créature – avec une matraque, pour essayer de prendre possession de ton argent.

Mais l’autre porte n’était pas fermée et moi seul le savais. Moi et mon compagnon nous implorâmes la pitié du garde. Je joignis mes lamentations et mes supplications à celles du chat gai, sans doute par simple malignité. Je fis mieux encore : je racontai une « histoire » qui aurait fait fondre le cœur le plus dur, mais ce garde cupide demeura inflexible. Quand il fut persuadé que nous ne possédions pas un sou, il fit glisser la porte et la ferma au loquet, puis s’attarda tout de même un instant dans l’espoir que nous nous étions peut-être joués de lui et qu’à présent nous allions lui verser notre rançon.

Alors je cessai de contenir mon indignation. À mon tour je le traitai de saligaud et lui renvoyai ses propres insultes, augmentées d’injures fortes et colorées de mon cru. Je venais de l’Ouest, où les hommes savent jurer, et je n’allais pas me laisser damer le pion par ce galeux de garde-frein, crânant sur un vulgaire tortillard de la Nouvelle-Angleterre. Tout d’abord il crut me calmer en riant à gorge déployée. Puis il commit l’erreur de riposter. Je sortis alors de mes gonds et tranchai dans le vif, lui lançant des épithètes enflammées. Ma frénésie ne tenait pas entièrement du caprice et de la littérature ; je me révoltais contre cet être vil qui, faute d’un dollar, allait m’astreindre à trois mois de bagne. De plus, j’avais quelque idée qu’il touchait encore une part sur la prime du constable.

Mais je pris ma revanche. Je lui rabattis son arrogance pour une valeur de plusieurs dollars. Il voulut m’intimider en me menaçant de venir m’arracher les boyaux. En retour, je lui promis mon pied en pleine figure s’il osait monter dans la voiture. Comprenant que les avantages étaient de mon côté, il ne rouvrit pas la porte et appela à l’aide les autres employés. Je les entendis accourir vers lui sur le ballast. Pendant toute cette scène, l’autre porte était restée ouverte et ils ne s’en doutaient pas : quant au chat gai, il faillit mourir de peur.

Oh ! je fus un héros, avec ma retraite assurée derrière moi. Je continuai à insulter le garde et ses compagnons jusqu’à l’instant où ils ouvrirent la porte. Je vis alors leurs masques furieux à la clarté des lanternes. L’affaire était si simple pour eux ! Ils nous tenaient là coincés dans la voiture où ils allaient monter en nombre pour nous passer à tabac. Ils grimpaient déjà… Je ne lançai mon pied à la figure de personne. D’une secousse j’ouvris la porte opposée et le chat gai et moi nous sautâmes sur la voie. L’équipe se mit à notre poursuite.

Si j’ai bonne mémoire, nous escaladâmes un mur de pierre. Mais je n’ai aucun doute sur l’endroit où nous atterrîmes. Dans l’obscurité je butai sur une pierre tombale. Le chat gai alla s’étaler sur une autre. Puis ce fut une course effrénée dans ce cimetière.

Les esprits des morts ont dû croire que nous étions des diables déchaînés. Ce dut être également l’opinion de nos poursuivants, car lorsque nous sortîmes de ce lieu sinistre pour traverser une route et nous enfoncer dans un bois sombre, ils abandonnèrent la chasse et retournèrent à leur train.

Un peu plus tard, cette nuit-là, le chat gai et moi nous découvrîmes par hasard le puits d’une ferme. Quelle aubaine ! Nous voulions justement boire un coup d’eau. Une corde mince descendait d’un côté du puits. Nous tirâmes dessus et au bout nous trouvâmes un grand pot d’au moins cinq litres rempli de crème.

Voilà comment j’ai bien manqué d’aller aux carrières de Ruthland, dans le Vermont.

Lorsque des frères vagabonds vous avertissent que dans telle ou telle ville les « taureaux sont rosses », évitez ces villes, ou si vous devez les traverser, tenez-vous sur vos gardes ; on ne saurait prendre trop de précautions. La ville de Cheyenne, par exemple, sur la ligne de l’Union Pacific a cette mauvaise réputation dans tout le pays. Et cela grâce au zèle indiscret d’un nommé Jeff Carr. Ce Jeff Carr jaugeait son hobo du premier coup d’œil. Jamais il n’entrait en discussion avec lui. Il le toisait, et, l’instant d’après, il cognait dessus des deux poings, avec une matraque, ou n’importe quel ustensile à portée de sa main. Une fois son bonhomme maté, il le conduisait hors de la ville, en lui promettant pis encore si jamais il retombait sous ses griffes. Jeff Carr connaissait admirablement son métier. Au Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest, jusqu’aux confins les plus reculés des États-Unis (le Canada et le Mexique y compris), les vagabonds ainsi brutalisés recommandaient à leurs congénères d’éviter Cheyenne comme la peste. Heureusement pour moi, je n’ai jamais rencontré Jeff Carr. J’ai traversé Cheyenne durant une tourmente de neige, en compagnie de quatre-vingts autres vagabonds. La force du nombre nous rendait indifférents à beaucoup de dangers, mais la crainte de Jeff Carr engourdissait notre imagination, émasculait notre virilité. La bande entière était terrorisée à l’idée de le voir surgir au coin d’une rue.

En bien des cas il est inutile de parlementer avec les policiers lorsque leurs têtes ne vous reviennent pas. Fuir à toutes jambes, voilà la seule tactique à adopter. Je fus assez long à le comprendre. C’est un « taureau » de New York qui paracheva mon éducation sur ce point. Depuis, dès qu’un de ces gaillards-là se dirige vers moi, automatiquement je déguerpis. Cet acte m’est devenu si naturel que je n’arriverai jamais à m’en débarrasser. On dirait un ressort monté à fond et prêt à se détendre au moment voulu. Vieillard de quatre-vingts ans, clopinant dans la rue sur des béquilles, j’enverrais les béquilles au diable et filerais comme un zèbre, si soudain un policeman essayait de mettre la main sur ma personne.

Ceci se passait un jour d’été à New York, durant une vague de chaleur qui dura une semaine. J’avais pris l’habitude de mendier le matin et de passer l’après-midi dans un petit parc non loin de Newspaper Row et de l’Hôtel de Ville. Dans ces parages je pouvais acheter, sur de petites voitures, moyennant quelques cents, des livres nouveaux soldés pour défauts de fabrication ou de reliure. Dans le parc même se dressaient des petites baraques où l’on se procurait du lait stérilisé et délicieusement glacé, et du lait écrémé, à un cent le verre. Chaque après-midi, j’allais m’asseoir sur un banc pour lire et m’adonnais à une véritable débauche de lait. J’en buvais de cinq à dix verres par jour. Il est vrai qu’il faisait une chaleur torride.

Me voilà donc vagabond studieux, paisible et buveur de lait. Mais… attendez la suite. Un après-midi, je me dirige vers le parc, un livre sous le bras, avec une terrible soif quand, au milieu de la rue, en face de l’Hôtel de Ville, je remarque un rassemblement, à l’endroit même où je dois traverser la chaussée. Je m’arrête par curiosité. Tout d’abord, je ne vois rien. Quelques bribes de conversation et un coup d’œil que je parvins à glisser m’apprirent que c’était une bande de gamins qui jouaient aux billes, jeu interdit dans les rues de New York. Je l’ignorais alors, mais je ne tardai pas à le savoir. Je m’étais arrêté peut-être trente secondes, lorsqu’un gosse se mit à crier : « Les flics ! » Ces gamins étaient d’habiles tacticiens : ils prirent leurs jambes à leurs cous. Moi pas.

Immédiatement la foule se dispersa et gagna les deux trottoirs. Je me dirigeai vers le trottoir du côté du parc, avec une cinquantaine d’autres badauds, éparpillés çà et là. Je vis le policeman, un fort gaillard vêtu d’un uniforme gris, avancer au milieu de la chaussée, sans se presser, presque en se dandinant. Par hasard, je remarquai qu’il avançait obliquement vers le point où je me rendais en ligne droite. Nous allions fatalement nous croiser, mais je me sentais si innocent, qu’en dépit de mon expérience sur les procédés des « taureaux », je ne redoutais rien de cet homme dont j’étais à cent lieues de deviner les intentions. Par respect pour l’autorité, j’étais tout disposé à m’arrêter pour lui céder le pas. Je m’arrêtai en effet, mais involontairement : ce fut une halte à reculons. Sans avertissement, ce « taureau » s’était soudain précipité sur moi et ses deux poings s’abattaient sur ma poitrine, tandis qu’il déversait un flot d’injures sur ma généalogie.

Mon sang d’Américain libre ne fit qu’un tour dans mes veines. Tous mes ancêtres assoiffés d’indépendance se révoltaient en moi. « Que me voulez-vous ? » demandai-je. Remarquez-le bien : je désirais une explication. Il me l’octroya. Bang ! Sa matraque descendit sur le sommet de mon crâne. Je vacillai comme un ivrogne, les visages des spectateurs montaient et descendaient autour de moi comme les vagues de la mer, mon précieux livre tomba dans la boue et le flic s’apprêtait à m’administrer un autre coup. Dans cet instant d’étourdissement, j’eus une vision : cette matraque s’abattait plusieurs fois sur ma tête ; je comparaissais, sanglant et humilié, devant un tribunal, accusé d’insubordination, d’insultes à un gardien de l’ordre et de quelques autres méfaits, lus par un greffier. Je me vis aussi exilé à l’île Blackwell. Oh ! je savais ce qui m’attendait. Je ne m’inquiétai plus de recevoir des explications. Je ne pris même pas la peine de ramasser mon livre et tournai les talons. Je m’enfuis, à toutes jambes, encore que je fusse mal en point.

Jusqu’au jour de ma mort je me mettrai à courir dès qu’un « taureau » voudra parlementer avec moi à coups de matraque.

Longtemps après mes jours de vagabondage, à l’époque où j’étudiais à l’Université de Californie, un soir j’allai au cirque. Après la représentation, je m’attardai à suivre le déménagement de ce grand cirque et qui s’en allait cette nuit-là même. Près d’un feu de joie, je tombai au milieu d’une vingtaine de gamins qui projetaient de partir avec les roulottes. Mais les saltimbanques ne voulaient pas s’encombrer de cette bande de gosses. Un coup de téléphone au commissariat amena dix policiers sur les lieux, afin de procéder à l’arrestation de cette marmaille, pour violation de la loi sur le couvre-feu de neuf heures. Les « taureaux » entourèrent le brasier et s’en approchèrent à la faveur de l’obscurité. À un signal donné, ils se précipitèrent tous sur les gamins et les empoignèrent avec la même célérité qu’ils auraient déployée devant un panier grouillant d’anguilles essayant de se sauver.

Or, j’ignorais totalement la présence de la police. Devant cette soudaine irruption d’uniformes à boutons de cuivre, toutes les forces de mon être furent ébranlées. Je n’avais qu’une seule ressource : fuir. Et je me mis à courir. C’était, comme je l’ai déjà dit, un geste instinctif. Je n’avais aucune raison de me sauver. Je n’étais pas un vagabond, mais un citoyen, étudiant dans l’Université de ma ville natale. On ne pouvait me reprocher aucun méfait. Mon nom avait même paru dans les journaux et je portais d’excellents vêtements dans lesquels je n’avais jamais dormi. Et pourtant je détalai aveuglément, éperdument, comme un cerf aux abois. Ayant dépassé un pâté de maisons, je me rendis compte que je courais. Il me fallut un effort positif de volonté pour immobiliser mes jambes.

Non ! Jamais je ne me corrigerai de cette habitude, plus forte que moi. Lorsqu’un « taureau » s’approche de moi, hop ! me voilà parti. De plus, je possède une facilité déplorable à me faire mettre en prison. J’ai été coffré plus souvent depuis que je mène une vie normale que du temps où je brûlais le dur. Un dimanche matin, je me promène à bicyclette, accompagné d’une jeune fille. Avant que nous ayons franchi les limites de la ville, nous voilà arrêtés pour avoir bousculé un piéton sur le trottoir.

Je prends la résolution de me tenir désormais sur mes gardes. Un soir, la lampe à acétylène de ma bicyclette ne fonctionne pas bien. Je soigne cette flamme souffreteuse avec mille précautions pour ne point contrevenir à l’ordonnance de police. Je suis très pressé, mais j’avance comme un escargot afin de ne pas éteindre ma lanterne. Dès que je dépasse les limites de la juridiction municipale, je pédale à toute vitesse pour rattraper le temps perdu. Huit cents mètres plus loin, un « taureau » me pince et le lendemain matin je dois payer une amende au bureau de police. La cité avait traîtreusement reculé ses portes d’un kilomètre dans la campagne et je l’ignorais, voilà tout !

Usant de mon droit inaliénable de parler librement au milieu de gens paisibles, je monte un jour sur une caisse à savon et laisse échapper les abeilles qui bourdonnent sous mon chapeau, lorsqu’un « taureau » me fait descendre et me conduit en prison, d’où je ne sortis qu’après avoir déposé une caution. Toutes mes précautions ne servent à rien. En Corée, je me faisais ramasser à peu près tous les deux jours. De même en Mandchourie. Pendant mon dernier séjour au Japon, je fus jeté en prison sous l’inculpation d’espionnage. Je parvins à me justifier, mais on me mit tout de même à l’ombre. Ma situation est sans issue. Je suis voué au sort du prisonnier de Chillon. La fatalité me poursuit.

Une fois, j’ai hypnotisé un « taureau » à Boston. Il était passé minuit et l’homme allait certainement me posséder, mais à ma grande surprise il m’allongea une pièce d’argent et me donna l’adresse d’un restaurant ouvert toute la nuit.

À Bristol, dans le New-Jersey, un « taureau » m’arrêta et dut me relâcher aussitôt. Dieu seul sait pourtant si je l’avais provoqué ! Je le cognai si fort qu’il n’avait sans doute jamais reçu pareille raclée. Voici comment les choses se passèrent. Vers minuit, j’attrapai un train qui arrivait de Philadelphie. Les gardes-frein me jetèrent au fossé au moment où le convoi sortait du labyrinthe des rails. Je grimpai de nouveau ; de nouveau on me débarqua. Sachez que je devais voyager à l’extérieur du train, toutes les issues étant fermées au verrou et scellées.

La deuxième fois que je fus descendu, le garde me fit un petit sermon. Selon lui, je risquais ma vie à vouloir monter sur ce rapide. Je lui répondis que cela ne me faisait pas peur, mais il ne voulut rien entendre, et me prévint qu’il ne me permettrait pas de me suicider. Je me laissai donc tomber sur le ballast. Une troisième fois je m’installai sur les tampons entre deux voitures. Je ne veux pas parler des vrais tampons de fer rapprochés par une chaîne d’accouplement, qui s’appuient et frottent en grinçant l’un contre l’autre ; je fais allusion aux taquets placés directement au-dessus des tampons. Le vagabond se tient debout, un pied sur chacun des taquets, les tampons entre ses pieds juste au-dessous de lui.

Mais les taquets sur lesquels je voyageais n’étaient pas larges et spacieux comme ceux qu’on trouvait ordinairement à cette époque aux extrémités des fourgons. Au contraire, ils étaient très étroits, à peine un pouce et demi de large. Je ne pouvais y poser plus de la moitié de la semelle de mes chaussures et je n’avais rien pour me retenir à l’aide des mains. En réalité, je n’aurais pu utiliser les angles des deux fourgons, ces surfaces glissantes n’offrant aucune prise. Je pouvais seulement appuyer mes paumes contre les côtés plats des voitures. Cela eût suffi si les taquets où reposaient mes pieds avaient été de largeur raisonnable.

En sortant de la gare de Philadelphie, le convoi commença à prendre de la vitesse. Alors je compris les avertissements du garde-frein. Le train marchait de plus en plus rapidement. Cette ligne de Pensylvanie comprenait quatre voies parallèles et mon train se dirigeant vers l’Est n’avait pas à redouter ceux qui allaient à l’Ouest. La voie qu’il suivait lui était réservée. Je me trouvais dans une situation précaire : debout, les bords de mes semelles appuyés sur les étroites saillies, les paumes de mes mains pressées désespérément contre les parois des voitures secouées de haut en bas, en avant et en arrière.

Avez-vous jamais vu une écuyère de cirque en équilibre sur deux chevaux au galop, posant un pied sur le dos de chaque animal ? Eh bien, voilà quelle était ma position, avec quelques variantes, cependant. L’écuyère se sert des guides pour se retenir, moi je ne me raccrochais à rien ; elle se tient sur ses larges semelles, et je m’appuyais avec difficulté sur le bord des miennes. Elle ploie gracieusement ses jambes et son corps, s’arc-boute et acquiert ainsi plus de stabilité et de force en abaissant son centre de gravité, tandis que moi je devais me tenir tout droit et raidir les jambes ; l’écuyère regarde la tête de son cheval, et mon visage était tourné de profil ; en outre, si elle tombe, elle roule tout bonnement dans de la sciure, et moi, en pareil cas, j’aurais été écrabouillé sous les roues du train.

Et je vous prie de croire que ce train marchait à belle allure ! Il rugissait, grinçait, se balançait comme un fou dans les courbes, passait sur les ponts suspendus avec un grondement de tonnerre ; une voiture bondissait en l’air et l’autre descendait ou était secouée vers la droite à l’instant même où l’autre faisait une embardée à gauche. Pendant tout ce temps je priais pour que le train s’arrêtât. Mon souhait ne fut pas exaucé de sitôt. Le train était direct. Cette fois-là j’eus tout mon soûl de ce genre de voyage. Abandonnant les tampons, je réussis à gagner une échelle de côté ; ce n’était pas une mince besogne, car jamais je n’ai vu de wagon aussi avare d’endroits où se raccrocher.

Au premier coup de sifflet de la locomotive, je me rendis compte que le train diminuait peu à peu de vitesse. Il n’allait pas s’arrêter, mais j’étais résolu à risquer ma chance s’il ralentissait un tant soit peu. À ce point du parcours il franchissait une courbe, puis devait passer sur un pont au-dessus d’un canal et traverser la ville de Bristol. Je m’agrippai à l’échelle et attendis les événements.

À tout prix, je voulais descendre. Je m’efforçais de distinguer dans l’obscurité un endroit où je pourrais atterrir. Je me trouvais plutôt à l’arrière du train et avant que ma voiture entrât dans la ville, la locomotive avait déjà dépassé la gare et reprenait de la vitesse.

Alors j’aperçus une rue. Il faisait trop sombre pour que je pusse me rendre compte de sa largeur ou de ce qu’il y avait en face de moi. Or, il me fallait toute la largeur de la rue si je voulais toucher terre en retombant sur mes pieds. Arrivé à l’angle des maisons, je sautai du wagon, exercice qui paraît facile, mais voici exactement en quoi consiste ce véritable tour d’acrobatie : tout d’abord, debout sur l’échelle, je penchai mon corps aussi loin que possible dans la direction du train pour me permettre de reculer en prenant mon élan. Ensuite je me balançai dans le vide en me rejetant en arrière de toutes mes forces, comme si je voulais frapper le sol du derrière de ma tête… puis je lâchai tout. Tous ces efforts avaient pour but de neutraliser le mouvement en avant imprimé à mon corps par le train. Quand mes pieds touchèrent la terre, mon corps formait avec la chaussée un angle de quarante-cinq degrés. J’avais réussi à réduire quelque peu la poussée en avant et je ne tombai pas immédiatement la face sur le pavé. En réalité je conservais une certaine force d’impulsion dans le buste tandis que mes pieds l’avaient perdue entièrement par leur contact avec le sol. Je devais y suppléer en les soulevant rapidement et en courant coûte que coûte, faute de quoi j’allais piquer une tête en avant et m’endommager sérieusement la figure.

Projectile involontaire, je me tourmentais pour savoir ce qu’il y avait de l’autre côté de la rue, espérant que ce ne fût pas un mur de pierre ou un poteau télégraphique. En ce même instant, je heurtais quelque chose. Horreur ! Je l’aperçus juste avant la catastrophe, un « taureau » debout là dans les ténèbres. Nous roulâmes à terre l’un sur l’autre, et chez cet être vil la réaction fut si instinctive qu’au moment de la chute il m’attrapa et me serra sans vouloir me lâcher. Nous étions tous deux « knocked out », et lorsqu’il se remit de son émotion, il tenait toujours dans ses bras un vagabond doux comme un agneau.

Si ce taureau avait été doué de quelque imagination, il m’aurait pris pour un voyageur tombant des nues, débarquant directement de la planète Mars, car dans la nuit il ne m’avait pas vu sauter du train.

— D’où viens-tu ? me demanda-t-il. Puis, sans me donner le temps de répondre : J’ai bien envie de te fourrer au violon.

Cette dernière phrase, j’en suis convaincu, lui était venue tout naturellement. Au fond, c’était un brave taureau ; lorsque je lui eus raconté une histoire de mon cru et l’eus aidé à secouer la poussière de son uniforme, il m’ordonna de quitter la ville au passage du prochain train de marchandises. Je stipulai deux conditions : d’abord, que le train allât vers l’Est, et ensuite, qu’il ne fût pas direct, avec toutes portes fermées et scellées. Le policier acquiesça à mon désir, et voilà comment, aux termes du traité de Bristol, j’échappai à la prison.

Je me souviens d’une nuit, dans cette même partie du pays, où je faillis tomber sur un autre taureau. Si je l’avais touché, je l’aurais littéralement télescopé, car je m’étais lancé de très haut avec quelques policiers à deux pas derrière moi.

À cette époque, je logeais dans une écurie de remise à Washington. Pour moi seul je disposais d’un box et d’un nombre incalculable de couvertures. En paiement d’un logement aussi confortable, je soignais chaque matin une file de canassons. J’y serais sans doute encore, n’eussent été les taureaux.

Un soir, vers neuf heures, je rentrais me coucher. C’était jour de marché, les nègres avaient de l’argent et s’occupaient ferme à jouer aux dés.

L’écurie donnait sur deux rues. J’entrai par la porte de devant, traversai le bureau et arrivai entre deux rangées de stalles dans le passage qui longeait le bâtiment et débouchait sur l’autre rue. À mi-chemin, sous un bec de gaz, une quarantaine de nègres s’étaient rassemblés. Je me joignis à leur groupe en simple spectateur. J’étais sans le sou et ne pouvais participer au jeu. Un nègre faisait des martingales et laissait s’accumuler ses gains. La chance le favorisait, il voyait à chaque coup doubler la mise totale. Les pièces de monnaie jonchaient le sol, et l’émotion était à son comble. À chaque partie le nombre des enjeux augmentait. Alors un craquement formidable ébranla les grosses portes donnant sur la rue de derrière.

Quelques-uns des nègres se précipitèrent dans la direction opposée. Je m’arrêtai un instant pour rafler ce que je pus des pièces de monnaie répandues à terre. Ce n’était pas du vol, mais simplement une coutume : tous ceux qui n’avaient pas fui avaient le droit de ramasser l’argent. Avec fracas, les portes s’ouvrirent toutes grandes, et les policiers firent irruption. Nous nous sauvâmes de l’autre côté. Il faisait noir dans le bureau et l’étroite porte ne nous permit pas à tous de sortir ensemble dans la rue. Un engorgement s’ensuivit. Un nègre passa par une fenêtre, d’autres l’imitèrent, décongestionnant ainsi l’entrée. Derrière nous, les taureaux faisaient des prisonniers. Un énorme noir et moi nous nous ruâmes en même temps vers la porte. Comme il était le plus grand de nous deux, il me fit pivoter et sortit le premier. L’instant d’après, une matraque s’abattait sur sa tête et l’envoyait rouler comme une bête assommée. Une autre escouade de policiers nous attendait au-dehors. Sachant pertinemment qu’ils ne parviendraient pas à enrayer autrement notre fuite, ils assénaient à tour de bras de grands coups de matraques. Je tombai sur cet escogriffe de nègre, j’évitai un coup en me baissant et me glissai entre les jambes d’un flic. Enfin, me voilà libre ! Alors je pris la poudre d’escampette. Devant moi courait un petit mulâtre ; je le suivis, car il connaissait la ville mieux que moi et où il irait je serais en sûreté. Mais lui, me prenant pour un taureau à ses trousses, ne détourna pas une fois la tête. J’avais bon souffle et je courus si bien que je le fis crever à la course. Enfin il trébucha sur ses genoux et se rendit. Lorsqu’il s’aperçut que je n’étais pas un policier, il m’aurait tué sur place s’il n’eût été à bout de forces. Voilà pourquoi j’ai quitté Washington, non à cause du mulâtre, mais pour éviter les taureaux.

Je me dirigeai vers la gare et pris le premier wagon postal de l’express de Pensylvanie. Une fois le train bien en marche, sa vitesse m’inquiéta. La ligne avait quatre voies, et les locomotives prenaient leur eau à la volée. Des vagabonds m’avaient mis en garde contre le premier wagon de ces trains-là. Laissez-moi m’expliquer : entre les rails sont aménagées des auges de métal étroites ; lorsque la locomotive, en pleine vitesse, passe au-dessus, une sorte de tuyau traîne dans l’auge et aspire l’eau qui va remplir le tender.

Quelque part, entre Washington et Baltimore, alors que j’étais assis sur la plateforme du wagon postal, je vis une sorte de léger crachin remplir l’air. Cela ne paraissait nullement dangereux. Ah ! ah ! pensai-je, quelle bonne blague ! En quoi cette prise d’eau en marche peut-elle être redoutable au vagabond installé sur le premier wagon ? Ce petit brouillard n’a pas l’air bien méchant. Puis, je m’émerveillai de ce système d’alimentation hydraulique du tender. Voilà le vrai progrès ! Qu’on ne me parle plus de ces primitifs chemins de fer de l’Ouest ! À ce moment, le tender se remplit jusqu’au bord sans avoir entièrement épuisé l’auge.

Une trombe d’eau se déversa par-dessus le bord du tender et m’inonda. Je fus trempé jusqu’aux os.

Le train pénétra en gare de Baltimore. Selon la coutume dans les grandes villes de l’Est, les voies ferrées sont situées à un niveau inférieur à celui des rues. Comme le convoi entrait dans la station pleine de lumières, je m’aplatis autant que possible contre le toit du wagon postal. Mais un flic de service m’avait vu et me donna la chasse ; deux autres le rejoignirent. Une fois sorti de la gare, je descendis sur la voie. Je me trouvais pris dans une sorte de piège. De chaque côté s’élevaient des murs à pic. Si j’essayais de les grimper et si je manquais mon coup, je tomberais infailliblement dans les griffes des policiers. Je me mis à courir, cherchant sur les murailles un endroit favorable pour monter. Enfin, après avoir passé un pont, je découvris ce que je cherchais. Je gravis la pente raide en m’aidant des pieds et des mains, les trois policiers au-dessous de moi.

Arrivé au sommet, je me trouvai dans un terrain vague séparé de la rue par un petit mur. Je n’avais guère le temps de réfléchir.

Je m’approchai du mur et sautai par-dessus. À ce moment, j’éprouvai la plus grande surprise de ma vie : habituellement un mur a la même hauteur de chaque côté, mais celui-ci faisait exception à la règle, et le terrain vague était à un niveau beaucoup plus élevé que la rue. Il me sembla tomber au fond d’un précipice. Au-dessous de moi, sur le trottoir, éclairé par la lumière d’un réverbère, se tenait un taureau. Je crus atterrir sur lui ; mes habits le frôlèrent au moment où mes pieds résonnaient sur le sol. Je m’étonne qu’il ne soit pas mort de frayeur, car il ne m’avait pas entendu venir et, une fois encore, je ressemblais à l’homme qui tombe de Mars. Le flic sursauta, se gara de moi comme un cheval d’une automobile, puis me courut après. Je ne m’arrêtai pas pour lui fournir des explications, laissant ce soin à mes poursuivants qui dégringolaient sur la muraille avec mille précautions. Mais on me talonna tout de même. Je montai une rue, en descendis une autre, me cachai aux tournants et enfin échappai à la poursuite.

Après avoir dépensé une partie de l’argent ramassé au jeu de dés et m’être baladé pendant une heure, je retournai aux approches de la gare, en dehors des lumières, et attendis le passage d’un train. Mon sang, échauffé par la course, s’était calmé, mais je grelottais misérablement sous mes vêtements mouillés par la trombe du tender. Enfin un train arriva dans la gare. Tapi dans l’obscurité, je réussis à l’attraper ; mais je pris bien soin, cette fois, de monter sur le deuxième wagon postal. Plus d’eau à la volée pour moi ! Le train couvrit soixante kilomètres avant le premier arrêt. Je descendis dans une gare qui me parut étrangement familière : J’étais de retour à Washington ! Dans l’émotion de ma fuite à Baltimore, après avoir dévalé dans des rues inconnues, fait mille tours et détours pour dépister mes poursuivants, j’étais revenu à l’autre bout de la gare. J’avais pris un train qui allait dans une direction contraire. J’avais perdu une nuit de sommeil, j’étais trempé comme une soupe, et j’avais dû courir pour sauver ma peau. En récompense de toutes ces peines, je me retrouvais au point de départ.

Oh, non ! croyez-moi, tout n’est pas rose dans la vie des Vagabonds du Rail ! Toujours est-il que jamais plus je ne retournai à l’écurie de remise. J’avais ramassé un joli butin et ne tenais pas à rendre des comptes aux moricauds. J’attrapai donc le train suivant et déjeunai à Baltimore.

  1. anglais : agents de police, constables, dans l’argot des vagabonds américains. (N. D. T.)