Calmann Lévy (p. 25-26).
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XV


La nuit était venue. Ils prirent au hasard une rue tortueuse qui montait, et une sensation de sombre et d’inattendu tout à coup les saisit. Ils étaient entrés dans la vieille ville arabe, et brusquement autour d’eux tout venait de changer.

On n’entendait plus rien, et il faisait noir. Le bruit de leurs voix les gênait au milieu de ce silence, et leur chanson mourut dans un saisissement de peur.

Leur gaieté s’était glacée, et ils regardaient. Ils touchaient aussi, comme pour les vérifier, ces vieux murs, ces vieilles petites portes bardées de fer, les deux parois si rapprochées de cette rue, qui se resserraient encore par le haut sur leurs têtes, comme pour les presser dans un piège ; et puis ils tâtaient ces grands hommes drapés de blanc, qu’on n’entendait pas marcher avec leurs babouches, et qui se plaquaient aux murailles, sans rien dire, pour les laisser passer.

À travers leur ignorance et les fumées de leur ivresse, ils voyaient tout cela trouble. Alors ils se croyaient tombés dans le pays des légendes et des fantômes, et ils cherchaient à ressaisir leurs idées, se demandant comment cela leur était arrivé.