Calmann Lévy (p. 27-28).
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XVI


Pour tout de bon la peur les prit, et ils dirent : « Où allons-nous nous perdre ? Tâchons de retourner sur nos pas. »

Ils essayèrent de revenir en arrière. Mais on ne sort pas facilement des rues de la Kasbah, quand on y est entré pour la première fois étant gris, et ils se trompèrent de route.

Alors ils se mirent à errer à la file, dans ce labyrinthe où ils étaient venus se perdre.

Ils n’avaient plus peur, seulement ils s’ennuyaient ; après s’être tant amusés, cette journée finissait mal.

Ils reprenaient en sourdine la chanson du Joli baleinier, ou bien ils se mettaient tous ensemble à pousser des cris pour se distraire.

Et les petites rues montaient, descendaient, avec des pentes aussi raides que des glissières, avec des échelons ardus, des grimpades de chèvres ; elles se contournaient, se croisaient, s’enchevêtraient, comme dans un cauchemar dont on ne peut sortir. Étroites, étroites, toujours, tellement qu’ils marchaient tous les six en se tenant, à la queue leu-leu, par le dos.

Souvent elles étaient voûtées, ces petites rues, alors il y faisait plus noir que chez le diable ; ou bien, de temps en temps, on apercevait en haut une trouée claire, un coin de ciel avec des étoiles.

Il vous arrivait des odeurs de moisissure et de bête pourrie, ou bien des parfums suaves d’orangers en fleurs.