Les Syrtes/Musique lointaine

Premières Poésies : 1883-1886Société du Mercure de FranceLes Syrtes. Les Cantilènes (p. 85-86).


MUSIQUE LOINTAINE


La voix, songeuse voix de lèvres devinées,
Éparse dans les sons aigus de l’instrument,
A travers les murs sourds filtre implacablement,
Irritant des désirs et des langueurs fanées.

Alors, comme sous la baguette d’un sorcier,
Dans mon esprit flottant la vision se calque :
Blanche avec des cheveux plus noirs qu’un catafalque,
Frêle avec des rondeurs plus lisses que l’acier.


Dans le jade se meurt la branche de verveine.
Les tapis sont profonds et le vitrail profond.
Les coussins sont profonds et profond le plafond.
Nul baiser attristant, nulle caresse vaine.

La voix, songeuse voix de lèvres devinées,
Éparse dans les sons aigus de l’instrument,
A travers les murs sourds filtre implacablement,
Irritant des désirs et des langueurs fanées.