Les Stratagèmes (Frontin)/Trad. Bailly, 1848/Livre III/Chapitre XVII


Texte édité et traduit par Charles Bailly, 1848.
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XVII. Des sorties.

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1. Les Romains qui tenaient garnison à Palerme, lorsque Asdrubal s’avançait pour assiéger cette ville, ne placèrent, à dessein, qu’un petit nombre de soldats sur les remparts. Asdrubal, enhardi par cette apparente faiblesse, s’approcha, témérairement, et son armée fut taillée en pièces dans une sortie que firent les assiégés.

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2. Émilius Paullus, attaqué dans son camp, à l’improviste par toute l’armée des Liguriens, retint longtemps ses troupes, comme par crainte ; ensuite, quand il vit les ennemis fatigués, il fondit sur eux par les quatre portes du camp, les défit, et en prit un grand nombre.

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3. Velius, qui commandait la garnison romaine dans la citadelle de Tarente, ville assiégée par Asdrubal, envoya vers celui-ci des députés pour lui demander la vie sauve et la retraite libre. Tandis que, trompés par cette feinte, les ennemis se tenaient peu sur leurs gardes, Velius fit tout à coup une sortie, et les tailla en pièces.

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4. Cn. Pompée, investi dans son camp près de Dyrrachium, non-seulement dégagea son armée, mais encore, dans une sortie pour laquelle il avait bien choisi le temps et le lieu, enveloppa César, au moment où celui-ci livrait une impétueuse attaque à un fort que défendait un double retranchement ; en sorte que, placé entre ceux qu’il attaquait et ceux qui étaient venus l’enfermer, César courut un grand danger, et perdit beaucoup de monde.

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5. Flavius Fimbria, fortifiant son camp près du Rhyndacus, en Asie, contre le fils de Mithridate, fit tirer des tranchées le long des flancs et vers la tête de ses retranchements, au dedans desquels il tint ses troupes immobiles, jusqu’à ce que la cavalerie des ennemis se fût engagée dans les intervalles étroits de ses fortifications ; alors il fit une sortie, et leur tua six mille hommes.

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6. Pendant la guerre des Gaules, C. César, informé, de la part de Q. Cicéron, que les lieutenants Titurius Sabinus et Cotta avaient été battus par Ambiorix, et que celui-ci le tenait lui-même assiégé, marcha à son secours avec deux légions. Après avoir d’abord attiré l’ennemi contre lui seul, il feignit de craindre, et retint ses soldats dans son camp, auquel il avait donné, à dessein, moins d’étendue qu’à l’ordinaire. Les Gaulois, qui comptaient déjà sur la victoire, et en voulaient au butin, se mirent à combler le fossé, et arrachèrent les palissades. Aussitôt le combat commença ; et les troupes de César, tombant sur eux de tous côtés, en firent un grand carnage.

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7. Titurius Sabinus, ayant en tête une nombreuse armée de Gaulois, retint la sienne dans ses retranchements, pour faire croire aux ennemis qu’il avait peur ; et, afin de le leur persuader, il envoya au milieu d’eux un faux transfuge, qui leur affirma que les Romains, réduits au désespoir, se disposaient à fuir. Les barbares, excités par l’espérance de la victoire, se chargèrent de bois et de fascines pour combler les fossés, et se dirigèrent à pas de course vers notre camp, qui était situé sur une colline. Alors toutes les troupes de Titurius s’élancèrent à la fois sur eux, en tuèrent un grand nombre, et firent beaucoup de prisonniers.

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8. Les habitants d’Asculum, que Pompée allait assiéger, ne firent paraître sur leurs murailles qu’un petit nombre de vieillards infirmes ; et, après avoir par là inspiré de la sécurité aux Romains, ils sortirent tout à coup, et les mirent en fuite.

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9. Les Numantins, au lieu de déployer leur armée sur les remparts, lorsqu’ils furent assiégés par Popillius Lénas, se tinrent renfermés dans l’intérieur de la ville, afin d’amener l’ennemi à tenter l’escalade. Popillius, qui ne trouva pas même de résistance sur les murailles, soupçonna quelque piége ; et, au moment où il donnait le signal de la retraite, les assiégés firent une sortie, et tombèrent sur ses troupes, qui descendaient des remparts et prenaient déjà la fuite.


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73. Stravit cepitque Ligures. Frontin s’écarte un peu du récit de Tite-Live, liv. xl, ch. 25-27.

74. Velius. Tite-Live, qui fait un récit long et bien circonstancié du siége de Tarente, ne parle ni de ce Velius, ni de l’événement que rapporte ici Frontin. Au lieu de Velius, il faut sans doute lire Livius, nom qui est bien celui du défenseur de la citadelle de Tarente. Cette erreur est de la nature de celles qu’on ne peut raisonnablement attribuer qu’aux copistes. Cf. Tite-Live, liv. xxiv, ch. 20 ; liv. xxv, ch. 10 et 11 ; liv. xxvi, ch. 39.

75. Castellum. Ce fort n’était autre chose qu’un petit camp fortifié, et enfermé dans un plus grand, dont César était déjà maître quand Pompée survint. Voyez César, Guerre civile, liv. iii, ch. 66-70.

« Les manœuvres de César à Dyrrachium sont extrêmement téméraires : aussi en fut-il puni. Comment pouvait-il espérer de se maintenir avec avantage le long d’une ligne de contrevallation de six lieues, entourant une armée qui avait l’avantage d’être maîtresse de la mer, et d’occuper une position centrale ? Après des travaux immenses, il échoua, fut battu, perdit l’élite de ses troupes, et fut contraint de quitter ce champ de bataille. Il avait deux lignes de contrevallation, une de six lieues contre le camp de Pompée, et une autre contre Dyrrachium. Pompée se contenta d’opposer une ligne de circonvallation à la contrevallation de César : effectivement, pouvait-il faire autre chose, ne voulant pas livrer bataille ? Mais il eût dû tirer un plus grand avantage du combat de Dyrrachium ; ce jour-là il eût pu faire triompher la république. » (Napoléon.)

76. Apud Rhyndacum. Petite rivière de l’Asie Mineure, appelée aussi Lycus. Le traducteur de 1772 a pris ce nom pour celui d’une ville.

77. C. Cæsar in Gallia. Cf. César, Guerre des Gaules, liv. v, ch. 49-51.

« Cicéron a défendu pendant plus d’un mois avec cinq mille hommes, contre une armée dix fois plus forte, un camp retranché qu’il occupait depuis quinze jours : serait-il possible aujourd’hui d’obtenir un pareil résultat ? Les bras de nos soldats ont autant de force et de vigueur que ceux des anciens Romains ; nos outils de pionniers sont les mêmes ; nous avons un agent de plus, la poudre. Nous pouvons donc élever des remparts, creuser des fossés, couper des bois, bâtir des tours en aussi peu de temps et aussi bien qu’eux ; mais les armes offensives des modernes ont une tout autre puissance, et agissent d’une manière toute différente que les armes offensives des anciens.

« Si on disait aujourd’hui à un général : Vous aurez comme Cicéron, sous vos ordres, 5,000 hommes ; de plus, 16 pièces de canon, 5,000 outils de pionniers, 5,000 sacs à terre ; vous serez à portée d’une forêt, dans un terrain ordinaire ; dans quinze jours vous serez attaqué par une armée de 60,000 hommes, ayant 120 pièces de canon ; vous ne serez secouru que quatre-vingts ou quatre-vingt-seize heures après avoir été attaqué : quels sont les ouvrages, quels sont les tracés, quels sont les profils que l’art lui prescrit ? l’art de l’ingénieur a-t-il des secrets qui puissent satisfaire à ce problème ? » (Napoléon.)

78. Plurimos in deditionem accepit.Voyez le récit de César, Guerre des Gaules, liv. iii, ch. 17-19.


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