Les Stratagèmes (Frontin)/Trad. Bailly, 1848/Livre I/Chapitre X


Texte édité et traduit par Charles Bailly, 1848.
◄  Préface Livre Premier Livre Second  ►
◄  Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI  ►
loading la:Index:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu...
X. Comment on refuse le combat aux soldats, quand ils le demandent intempestivement.

loading la:Index:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu...

1. Q. Sertorius, sachant par expérience qu’il ne pouvait résister aux forces réunies des Romains, et voulant le prouver aux barbares ses alliés, qui demandaient témérairement le combat, fit amener en leur présence deux chevaux, l’un plein de vigueur, l’autre extrêmement faible, auprès desquels il plaça deux jeunes gens qui offraient le même contraste, l’un robuste, l’autre chétif ; et il ordonna au premier d’arracher d’un seul coup la queue entière du cheval faible, au second de tirer un à un les crins du cheval vigoureux. Le jeune homme chétif s’étant acquitté de sa tâche, tandis que l’autre s’épuisait à force de tirer la queue du cheval faible : « Soldats, s’écrie Sertorius, je vous ai montré par cet exemple ce que sont les légions romaines ; invincibles quand on les prend en masse, elles seront bientôt affaiblies et taillées en pièces, si elles sont attaquées séparément. »

loading la:Index:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu...

2. Ce même chef, à qui les soldats demandaient inconsidérément le combat, craignant qu’ils n’enfreignissent ses ordres, s’il refusait plus longtemps, permit, à un détachement de cavalerie d’aller attaquer l’ennemi ; et, quand il vit cette troupe plier, il en envoya successivement d’autres pour la soutenir, puis il les fit rentrer toutes dans le camp. Alors il montra à l’armée entière, sans avoir essuyé de perte, quel pouvait être le résultat de la bataille qu’elle avait demandée. Elle eut désormais pour lui la plus grande soumission.

loading la:Index:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu...

3. Agésilas, roi de Lacédémone, dont le camp était placé sur le bord d’une rivière, en face de celui des Thébains, s’étant aperçu que l’armée ennemie était beaucoup plus nombreuse que la sienne, et voulant ôter à ses soldats le désir de livrer bataille, leur annonça que les réponses des dieux lui ordonnaient de combattre sur les hauteurs. Alors il laissa une faible troupe vers le fleuve, et gagna la colline. Les Thébains, prenant cette manœuvre pour un effet de la crainte, traversent la rivière, mettent facilement en fuite ceux qui en défendaient le passage ; mais, s’étant élancés avec trop d’ardeur vers le reste de l’armée, ils ont le désavantage du terrain, et sont défaits par des troupes inférieures en nombre.

loading la:Index:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu...

4. Scorylon, général des Daces, sachant bien qu’une guerre civile divisait les Romains, mais ne jugeant pas à propos de les attaquer, parce qu’une guerre étrangère pouvait rétablir la concorde entre les citoyens, mit aux prises deux chiens en présence de ses compatriotes ; et, tandis que ces animaux se battaient avec le plus d’acharnement, il leur montra un loup, sur lequel ils se jetèrent aussitôt, déposant leur animosité réciproque. Par cet apologue, il dissuada les barbares d’opérer une attaque qui aurait tourné au profit des Romains.


◄  Chapitre IX Notes Chapitre XI  ►


76. Ut barbaros quoque… doceret. C’étaient des Espagnols et des Lusitaniens. Le fait est rapporté par Plutarque (Vie de Sertorius, ch. xvi) et par Valère Maxime (liv. vii, ch. 3, § 6).


◄  Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI  ►