Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589/Je vi, puis que j’espere, helas ! non je me meurs


LXII.



Je vi, puis que j'espere, helas ! non je me meurs,
Mais je respire encor, non, plus je ne respire,
Ce battement n'est rien que l'air qui se retire
De mes poumons qui ont souspiré mes douleurs.

Mais je me sens mouvoir, non ce sont les horreurs
Dont par mon dernier sort mon esprit se martire,
Ha ! je ne me meurs pas : car encores j'aspire
Le doux air amoureux cause de mes malheurs.

Non l'amour est perdu, rien plus que la fumee
Du feu qui me consomme encores enfermee,
En moy ja tout esteint de moy veut eschapper :

Mais je ne suis pas mort, non non, puis que ma flame
En moy mesme a changé, & mon corps & mon ame,
Je vis donq' & encor j'ay pouvoir d'esperer.