Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589/Cependant qu’eslongné de vos yeux je souspire


LVII.


Cependant qu'eslongné de vos yeux je souspire
Sans faveur de secours, d'esperance & de port,
J'appelle en mes regrets la bien-heureuse mort,
Qui peut seule avancer la fin de mon martyre.

Car comme sur la mer est poussé le navire,
Mon cœur est agitté par mon injuste sort,
Et l'horreur de mon mal d'un eternel effort
Entre cent mille escueils d'heure à heure m'attire :

Las ! presque je peris & contant je le veux,
Mais quand je voy la mort je fais mille humbles vœux
A la divinité pour m'estre favorable.

Ainsi je veux mourir absent de vos beaux yeux,
Et puis pour les revoir je supplie les cieux
De me prester encor ma vie miserable.