Éditions des Cahiers vaudois (p. 239-241).

32

Clinchant, lui aussi, est sorti de l’ombre (pas encore très bien ;) il a été repeint en brun contre du brun, et l’homme qui était accoudé se désaccoude.

L’homme se tourna vers où était Clinchant, et là était ce portrait de Clinchant, pareil à un très vieux portrait, quand le vernis a noirci ; il lui a dit :

— Eh bien, toi ?

Il lui a dit :

— Vieux fou, menteur, ivrogne, bon à rien !

Parce que Clinchant lui a fait peur.

— Inutile, faiseur de mal, fainéant, décourageur de monde…

Le portrait reste le portrait ; Clinchant ne dit pas un mot.

— C’est que tu serais embarrassé, hein ? Tu fais bien de tenir ta langue !

Et il recommence :

— Menteur, saoulaud, bon à rien, vieux fou !…

L’électricité se rallume.

Elle était partie, elle revient : c’est comme si on lavait le tableau, un coup d’éponge et de mordant ; Clinchant est le Clinchant d’avant (ses trois décis de goutte, son petit verre, son bonnet de poil de lapin, sa pipe, sa barbe qui fume.)

Il regarda l’homme sans le regarder, regardant simplement devant lui ; et c’est plutôt que l’autre par hasard était entré dans son regard.

Mais aussi les bouteilles ont été repeintes, kirsch, anisette, blanches, jaunes, vertes, les unes avec, les autres sans étiquettes, celles qui ont un collier avec une plaque, là où ça bombe, celles qui n’en ont point ; et Joffre montre cette bonne grosse figure pour qui tout le monde a de l’affection, et : « Respect ! on dit, celui-là, j’ôte mon chapeau devant. »