Vingt-quatrième

Salazienne.


A Mr. W. F…..
EN REPONSE A SES VERS.
Alorsque de Colomb la barque courageuse,
Déployant sur les flots son aile aventureuse,
Allait braver l’abime et l’onde et le trépas ;
Redoutant pour sa nef la tourmente et l’orage,
Des amis alarmés déploraient son courage ;
Mais lui… ne les écouta pas !

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Du Dieu qui l’inspirait suivant la noble trace,
Le snecès coroana si gen reuse audace.
Son este fin due un magique univers,
Ei tout à coup, debont sur la vague enchainée,
Il surgit aux regards de l’Europe étonnie,
Maitre d’un monde et roi des mers.
Mais je n’ai pas tenté sa sublime conquèie,
Que peux-tu done, ami, redouter pour ma tête ?
Que me fom après tout ces flots où tu me vois !
Ah ! je vondraistomber, mais semblablea
eautonnerre,
En laissant dans ma chúte, au ciel et sur la terre,
L’auguste clameur de ma voix.
Je l’avorrai : revant d’une illustre mémoire,
Mon àme ardente et jeane a courtisé la gloire ;
Mais ma faiblesse, hlas ! a trompé mon essor :
Pour braver les autans mon aile est trop fragile ;
Le ciel ne donna point au ben, ali débile
Level superbe du Condor.

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Formant l’oreille aux vœux d’une jeunesse avide,
Humble et soumis je marche où le destin me guide.
Dieu, quidonneauxuns l’ombre, aux autres lessplendeurs,
Fit l’aigle pour planer dans un ciel de lumière,
Le soleil pour complir es brilante carrière,
en
Et moi pour chanter mes douleurs.
Mes douleurs !… noble enfant de la Calédonie,
Où la brise murmure une austère harmonie,
Tu n’as jamais comum ma sombre passion,
Car tu n’as pas gémi sous un bras qui t’opprime,
Carta p’as pas mandit, impuissante victime,
Une implacable oppression.
D’un lait fécond l’étude a nourri ta jeunesse ;
Les bardes immortels de Rome et de la Grèce
Ont passé devant toi dans leur sublimité ;
Et sur les monts brumeux de l’Ecosse orgueilleuse,
Égarant à pas lents ton enfance rêveuse,

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Moi, dès mes premiers jours de vie et de souffrance,
L’œil voile du bandeau d’une épaisse ignorance,
J’ai langui dans la nuit d’un joug injurieux ;
Et, pliant sous le poids de ses chaines mortelles,
Mon àme, à qui la muse avait donné des ailes,
N’a pu s’élancer vers les cieux.
Je ne te dirai pas mes nuits noires et lentes,
Le sommeil éveillé de mes heures brulantes,
Mes doutes, mes désirs de tombe et de cercueil,
Mes blasphèmes sans fin, mes désespoirs sans nombre
Et dans mon sein en feu l’ébullition sombre
De la colère et de l’orgueil.
Mais, touché de ma longue et cruelle agonie,
Vers moi j’ai vu descendre un ange d’harmonic :
Calme et beau, triste et doux, je crois le voir encor ;
Ses yeux d’un feu divin tout à coup s’animérent,
Et sa voix était grave, et ces strophes tombèrent
Des cordes de sa harpe d’or :

» Enfant que le Seigneur a placé sous ma garde,
» Ce Dieu dont tu te plains il t’écoute et regarde,
» Cesse donc, insensé, tes coupables clameurs !
» Celui qui, dévoilant sa sagesse intinie,
De la terre et des cieux ordonna l’harmonie,
A-t-il pu vouloir tes malheurs ?
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Tu ne peux le comprendre et ta bouche blasphème :
» Porte moins haut l’audace et connais-toitoi même !
» Le mal est fils de l’homme et de sa volonté.
Cet arbre aux fruits amers ombragea la nature,
Du jour où l’éternel fit à sa créature
» Le présent de la liberté.
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L’homme en a mal usé : voilà quel est son crime. » Du superbe ei du fort, du faible qu’on opprime, » Un jour Dieu jugera l’orgueil et les douleurs. Humble, à tes malheurs mème il faut donc te soumettre, Toi qui dois rendre compte à ton souverain maitre Du trésor amer de tes pleurs.

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» Qu’as tulaši detes pleurs ? usleurs gouttes divines
Ton ame au lieu de fleurs a germé des épines ;
» Ei ta bonche, indocile aux célestes transports,
Nexhalant qu’en secrei une plainte importune,
Pour instruire ou charmer tes frères d’infortune
Reste mette et sans accords.
2)
))

Contre un joug que le ciel ne voit qu’avec courroux » Tonne !.. Puis, appaisant la sainte frénésie, Même à tesop presseurs verse la poésie » A flots plus calmes et plus doux. }} D’un coupable sommeil révelle-toi, poète ! Chante la vérité sans craindre la tempète. Apparais à leurs yeux des sommets de la lyre ! Quel que soit son orgueil, l’homme subit l’empire » Et des mâles talents et des nobles vertus. Qne ton luth soit une âme à la fibre sonore, (1) Et qu’il soit plus vengeur et plus terrible encore » Quele glaive d’Harmodius !

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» Dans tes fers étonnés jeite un accent sublime !
Dieu, qui bénit ta cause et l’espoir qui t’anime,
» Parlera par ta bouche et soutiendra ton cœur ;
» Et ton esprit, ouvrant ses ailes de lumière,
Tu pourras de ta nuit de fange et de poussière
Sortir rayonnant et vainqueur.

Et moi, prétant l’oreille à ce meutor auguste, Dès lors, contre le mal et son empire injuste, J’ai fait vibrer le lathqui chantait sous mes doigts ; Je n’ai pas reculé devant ma noble tache, Et, volant à mon but sans crainte et sans relâche, Dans l’air j’airépandu ma voix. 207 Honte à vous, dont l’orgueil est fécond en misères, » Vous qui foulez aux pieds la tête de vos frères ! D’un spectacle pareil le ciel est révolté ! Plus d’amour fraternel, plus de cœur magnanime ; » Partout la main des juifs, partout la main du crime Crucifiant l’humanité ! >) }} }}

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>)
Honte à vous qui versez sur les humbles paupières
>)
La nuit au lieu du jour, l’ombre au lieu des lumières ;
))
» A vous qui redoutez le pur éclat des cieux ;
» Avous qui, vous drapant de vos manteaux funèbres,
» Venez comme la nuit dérouler vos ténèbres
» Entre les astres et nos yeux !
» Et nous, hommes déchus, infortunés esclaves,
Nous qui baisons les mains qui nous chargent d’entraves,
Honte à nous ! -Dieu qui fit pour les oiseaux les airs,
» Le soleil radieux pour éclairer la foule,

Et le vent pour qu’il vole et le flot pour qu’il roule, » Nous fit-il pour porter des fers ? » Oh ! que ne suis-je né dans cette Grèce antique Où la vie était libre et la tombe héroïque ! Où la patrie, armant ses sacrés défenseurs, Roulait sur les tyrans une invincible armée ; Ca de la liberté la main n’était armée Que pour frapper les oppresseurs !

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Où la brise des mers et le vent des collines
N’apportaient leurs parfums qu’à de nobles poitrines ;
Où, versant aux mortels de sublimes ardeurs,
L’astre de la lumière et l’astre de la gloire,
Pour éclairer ces lieux qu’habitait la victoire,
Mélaient leurs rivales splendeurs.
Mais ces jours ne sont plus. 1. Europe abàtardie
Dans un sommeil de plomis dort et meurt engourdie ;
Le despotisme aveugle a détrôné les lois ;
Et, des mers de Borée aux mers de Salamine,
Sur cette terre esclave et de gloire orpheline,
L’œil peut voir pulluler les rois.
O toi, poète ami, dont l’humble et doux génie
Épanche à flots si purs sa réveuse harmonie,
Fidèle aux jours mauvais ainsi qu’aux jours meilleurs,
Toi qui connais mon cœur et qui pesas ses peines,
Puisqu’en tous lieux, hélas ! l’homme porte des chaînes,
Viens done vivre et mourir ailleurs !

Je sais dans l’Occan une ile ou la nature
Peut au moins dérouler une page encor pure.
Le soleil est son père, et ce roi des climats,
Illuminant d’amour la splendide créole,
De son front couronné d’une immense auréole
Écarta les sombres frimas.
C’est une ile au ciel riche, à l’air tiède, où la femme
A des venx de colombe et des baisers de flamme ;
Oùlecomes abandonneaux penchants les plus doux,
Où la vague en mourant vient chanter sur les grèves,
Où la terre a des fleurs, où la vierge a des rèves
Dont l’ange au ciel même est jaloux.
Là, cotume ailleurs, helas ! regne la servitude.
Mais au sein des forêts cherchant la solitude,
Nous fuirons sur les monts un tablean douloure x ;
Ei les nuages blancs qui montent du rivage,
Déploieront sons nos pieds pour racher l’esclavage
I

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Nous verrons la cascade, à la bouche ecumante,
Épancher dans les airs une cau blanche et fumante ;
Sous d’antiques palmiers nous irons nous asseoir :
Ils verserout sur nous l’ombre de leurs feuillages,
Où les sylphes des bois et les oiseaux sauvages
Dorment bercés des vents du soir.
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a nature pour nous de saldimes mysteres
Peuplera les rochers, les torrents et les bois :
Et ce vaste piten que l’ouragan assiège,
Au ciel portant sa tête et ses siècles de neige,
Abritera nos huambles toits.
L’illusion, Despear, Lamont, ia
poesie,
Feront de notre cour leur ret ite choisie.
Dans les splendeurs du jour, dans le calme des nuits,
Avec le vent qui ple re, avec Fonde qui coule,
Avec l’oiseau plaintif qui gomitt roteonle,
A Dieu nous dirons nos ennuis.

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Et loin du souffle impur des cités de la terre,
Nous faisant des vertus un culte solitaire,
D’espérance et d’amour nous rêverons encor ;
Et quand la mort viendra pour affranchir nos ailes,
Vers les cieux étoilés nos âmes fraternelles
Ensemble prendront leuressor.