Vingt-cinquième

Salazienne.


Le Piton des neiges.
A MON AMI A. LIONNET.
Océan, Océan, quand tes vagues fumantes
Lèvent en mugissant leurs tètes écuumantes,
Un flot majestueux, se dressant dans les airs,
Semble toucher le ciel de sa crète sublime ;
Comme un vaste cratère on voi fumer sa cime ;
Et de sa masse norme il domine les mers !

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Les ondulations que son volume écrase,
Viennent avec fureur se briser sur sa base ;
L’onde monte et bondit vers son front orgueilleux ;
Mais lui--voyez ! -semblableau Dien de la tempète,
D’écume et de vapeurs il couronne sa tête
Et semble maitriser l’élément furieux.
Tel, de ces lieux que tu domines,
Superbe mont Salazien,
Tel, de ces montagnes voisines
Jaillit ton front aérien !
Immense, éternel, immmobile,
Du centre élevé de mon ile,
Ton sommet auguste el tranquille
Impose et commande aux regards ;
Un hiver éternel y siège,
Et ton front que le vent assiège,
Se couvre de glace et de neige

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L’œil qui du sein des mers profondes
Aperçoit ta mále beauté,
Sur la verte fille des ondes
Aime ta noble vétusté.
Et tu sembles dans ton silence,
Du doux zephyr qui se balance
Ou de l’aquilon qui s’élance,
Écouter le bruit dans les cieux ;
Ou comme un géant solitaire,
Sur les ondes et sur la terre
Fixant un regard centenaire,
Rever grave et silencieux !
Lorsque le jour expire et que l’ombre est venue,
Quand la lune se lève au-dessus de la nue,
L’Océan à tes pieds brille comme un miroir ;
Des cieux, l’astre des nuits blanchit les vastes domes
Et tu vois les vaisseaux comme de blancs fantômes,
Glisser à Thorizon sous les vapeurs du soir

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Et le pauvre pécheur dont la barque rapide
Bondit légèrement sur la plaine liquide,
Et l’oisean que la nuit a surpris sur les mers,
Dans un vague lointain apercevant ta eime,
Dirigent leur essor vers ton sommet sublime
Et s’avancent bercés par le souffle des airs.
Et de loin sur la mer immense.
L’avil étonné du voyageur
Te contemple dans le silence,
Aux rayons de l’astre rêvear.
Le nuage errant qui s’arrète,
Parait s’agiter sur la crète,
Comme on voit flotter sur leur tête
Les blancs panaches des héros ;
Et ta masse antique et profonde
Qu’une douce lumière inonde,
Semble le bleu spectre de Fonde
Debout sur Fabime des flots !

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Ah ! devant la face ridée
Combien de siècles ont passé ?
Mais sur ta cime saccadée
Le pas du temps s’est elface.
Que de jours de calme et d’orage,
Et de soleil et de naage,
Et de tourmente et de naufrage,
Pour ton meil séculaire ont lui ?
Tempète, ombre, aquilon lumière,
Tout rentra dans la nuii première ;
Mais toi, dans ta stature altière,
Tu tus alors comme aujourd’hui !
Alors, comme aujourd’hui, la matinale aurore,
Ei le rayon mourant du jour qui s’évapore,
Sur ta tête azurée ont répandu leurs feux ;
Et quand l’auheou la nuit vint sourire à la terre,
Dans l’empire éthéré tu brillas solitaire,
Comme un phare aux reflets doux et silencieux.

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Alors, comme aujourd’hui, de tes rochers arides
Tu versas dans nos champs les flots pars et limpides ;
Et, défiant toujours l’ouragan destructeur,
Et drapant tes flancs nus du manteau des nuages,
Comme un génie assis sur le trône des áges,
Tu levas dans les cieux ton front dominateur.
Pyramides de la nature,
Pitons, sommets, vaste hanteur,
Dont la gigantesque structure
Parle à l’homme de son auteur ;
Monts altiers, masse indéfinie,
Profondeurs et désharmonie,
Qu’un propice ou fatal génie
Sema dans ces lieux écartés ;
Eclairs sanglants, sombre nuage,
Nid aérien d’où l’orage
S’élance en bondissant de rage
Au sein des airs épouvantés ;

Gouffres, flots, océan, tempête,
Emportez-moi dans vos horreurs !
Car j’aime à sentir sur ma tête
Passer le vent de vos fureurs !
J’aime à contempler vos abîmes,
À mesurer vos hautes cimes,
À suivre vos ondes sublimes,
À me remplir de votre effroi ;
Aux vagues, aux vents, à la flamme,
Je veux toujours mêler mon âme,
Car mon cœur s’exhalte et s’enflamme
Et tout alors grandit en moi !…