Huitième

Salazienne.


AMOUR.
Amour, présent du ciel, félicité suprême,
Que ne puis-je exhaler sur la lyre que j’aime,
Dans la chaste douceur des plus tendres accents,
L’ineffable délire où tu ravis mes sens !

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Mais ma voix est débile, et ma bouche glacée
Je te sens
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Ne peut trouver des mots pour peindre ma pensée,
et mes yeux se remplissent de pleurs.
Il faut pour t’exprimer le langage des fleurs,
Le souffle harmonieux de l’amoureux zéphyre,
Ou les accords plaintifs de l’onde qui soupire.
Amour, qui fus toujours mon rêve et mon bonheur,
Amour, toi qu’en mon âme un ange du Seigneur
A mis, dans sa pitié, pour m’aider sur la terre
A porter mon fardeau d’ennuis et de misère ;
Adoucis chaque jour ma peine et ma douleur,
Épanche, ô fleur du ciel, tes parfums dans : non cœur.
Ta présence ici-bas, c’est la douce rosée
Qui répand la fraicheur sur la vie épuisée,
Le seul éclair de joie et la goutte de miel
Qui de nos jours amers adoucissent le fiel.
Jamais le malheureux ne résiste à tes charmes ;
Sous sa morne paupière il sent tarir ses larmes,
Quand, de ta douce main caressant ses douleurs,
Ta lèvre vient baiser ses yeux mouillés de pleurs.

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La gloire, vain écho que notre orgueil adore,
L’ambition plus vaine et plus frivole encore,
Des biens et des honneurs la triste vanité,
Valent-ils un regard de la jeune beauté ;
Quand, semblable à la fleur quis’entr’ouvre au zéphyre,
Sa lèvre épanouie exhale son sourire ?
Amour, céleste amour, le seul bonheur c’est toi !
Sois done mon seul désir, régne à jamais sur moi !
Enivre-moi toujours des baisers de ta bouche,
Que ton sein à mon front serve à jamais de couche,
Et, captivant mon âme à ta molle langueur,
Que mon dernier soupir s’exhale sur ton cœur !
Aux autres, des trésors la splendide opulence !
Mais à moi, dont le cœur, s’ouvrant à l’espérance,
Dans un désir plus doux s’est toujours renfermé,
L’angélique bonheur d’aimer et d’ètre aimé !
Du chêne au large faite, à l’orgueilleux feuillage,
Je ne recherche pas la fraicheur et l’ombrage ;
Sous l’humble citronnier, sous le jeune arbrisseau,
Sur la rive où serpente un limpide ruisseau,

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Sur les bords gazonnés où la fraicheur repose,
Oiseau faible et sans nom, c’est là que je me pose
Pour chanter mes amours, belles comme les fleurs,
Douces comme un parfum, pures comme les pleurs
Qui brillent dans les yeux de la naissante aurore.
O Dicu ! Dieu trois fois bon, toi que mon âme adore,
Toi qui prêtes l’oreille à nos faibles accents,
Reçois du haut du ciel mes vœux et mon encens !
Ta bonté paternelle ombrage la nature,
Tu suspends à nos bois leur luxe de verdure,
Tu donnes à nos champs et de l’ombre et des eaux,
De la mousse et des nids aux petits des oiseaux,
Aux gazons altérés des gouttes de rosée,
La fraicheur de la nuit à la terre embrasée,
Au matin jeune et frais de brillantes couleurs,
Des larmes aux remords et des parfums aux fleurs ;
Tu donnes au printemps de suaves corbeilles,
Des ailes à la brise et du miel aux abeilles ;
A mon cœur donne aussi son beau songe d’amour,
Ce doux et vague objet qu’il rève nuit et jour !
Ah ! j’ai besoin d’aimer ! mon âme aimante et tendre,
Dans une autre soi-même aspire à se répandre !

Toi qui vois mes secrets et qui lis dans mes vœux,
Toi qui connais, mon Dieu, l’épouse que je veux
À mon cœur donne enfin son rêve poétique,
Cette idéalité d’une grâce pudique,
Cet être plus aimé, plus tendre qu’une sœur,
Cet ange de beauté, d’amour et de douceur.
Oui, souris, ô Dieu bon ! à ma jeune espérance,
Et ma voix bénira mon heureuse existence ;
Et jusqu’à son déclin j’en charmerai le cours,
En vivant pour aimer et chanter mes amours !