Eusèbe Sénécal & Cie (p. 59-84).

IV

JOURNAL DE MADELEINE

Le lendemain du bal chez le seigneur de Rouville, Madeleine s’était levée souriante, un petit pli de satisfaction aux lèvres.

Et seule, tout en peignant ses cheveux, ajustant ses pantouffles, parfumant son mouchoir, dans le va et vient de sa toilette, elle repasse les divers incidents de la soirée.

Elle se surprend parfois le regard fixé comme devant un visage qu’elle épie ; ou l’oreille tendue à une interrogation qui ne vient pas et subitement saisie d’une joie gamine elle lance au plafond sa brosse à dent ; une serviette qu’elle rattrape en sautillant.

Elle s’amuse, se complaît dans ses propres distractions, les prolonge à plaisir et met un temps infini à relever simplement une mèche rebelle de cheveux.

Elle entend bien une voix intérieure qui lui dit : mais vite… oh ! donc, Madeleine, es-tu folle ce matin que tu ne te hâtes point de descendre prendre ton café avec ce bon vieux père que tu adores si fort et qui t’attend sans doute ?… Et en même temps, une réplique ajoute : Mais non, va doucement Madeleine ; c’est si gai ces idées qui te trottinent dans la tête, c’est si joli ce petit motif de valse que tu chantonnes, c’est si gentil ce bout de moustachette en croc, si agaçant aussi ;… va doucement Madeleine, tout doucement…

— J’entendais avec étonnement mon vieux François, pendant qu’il attelait à la charrette l’autre jour, qui disait du père Latreille : « Il parle au diable. » — Je commence à croire que, réellement, il y a des hommes qui parlent au diable… — Gaston, par exemple. Qu’est-ce qui le fait ainsi lire à travers mon cœur ?… Car c’est vrai que j’étais d’abord rêveuse et ennuyée à ce bal… Pour un rien je me serais mise à bouder… Si j’avais eu neuf ans, ça y était, mais à dix-huit… Je l’aime bien pourtant, Gaston ; il est si dévoué, si bon, mais voilà, il est trop curieux et puis il me regarde toujours avec un si drôle d’air dans ces réunions-là !… — Il me devine trop, ça m’agace… Je suis certaine qu’il connaît tous mes secrets, ce garçon-là.

Madeleine se parle ainsi, seule, et tout en faisant ces réflexions, tapote un oreiller, pousse du pied sous le lit un bout de savate qui pointe, enlève un flacon qu’elle remet distraite à la même place, un instant après, se surprend aux mains une jupe quelconque dont elle ne sait que faire.

Et toujours la petite voix suggestive qui lui souffle : doucement, Madeleine, va lentement, bien lentement… et lui jette en terminant des fragments de phrases : « vous rappelez-vous… commandement… parade militaire… 17 mai. »

À ce dernier souvenir, Madeleine, peut-être pour qu’il ne s’échappe point et continue à bourdonner agréablement dans son esprit, va pousser hermétiquement la porte de sa chambre ; elle prend une petite clef brillante à cordon rose et blanc, ouvre un vieux secrétaire, en tire quelques liasses jaunes de journaux cassés aux pliures, des romans, et en dessous le dernier, un gros cahier de parchemin qui s’ouvrit de lui-même, à une certaine page comme par ressort, tant la place en était bien marquée.

D’abord employé à la tenue des comptes du docteur, on y lisait dans les premières feuilles des noms de patients morts ou encore vivants, suivis de chiffres… des louis, des francs… entremêlés d’expressions pharmaceutiques ou médicales. Puis, abandonné je ne sais pourquoi, Madeleine lui avait à son tour confié ses pensées les plus cachées en en faisant son journal.

Il s’était ouvert à la date du deux novembre 1835. Mais novembre, c’est si triste, que Madeleine glissa par dessus les feuillets pour s’arrêter à la date du 17 mai. Elle relut :

17 mai 1836.

Comme tu es lourd, aujourd’hui, mon gros cahier jaune. Est-ce les idées que je trace qui te donnent ce poids ? Est-ce ma force plutôt qui décroît ? Non, ce ne sont pas là les raisons, n’est-ce pas ? je n’ai pas su te prendre, voilà tout, dans ma hâte de te parler, je suppose.

C’est que j’ai un joli secret à t’apprendre ; j’ai vu les soldats du Fort : tu sais ces grands soldats qui traînent des carabines, des baïonnettes, des sabres, ils font peur de loin ;… de près, ils sont gentils, jolis garçons, les uns blonds, les autres bruns. Et habillés comme ça en costume rouge, dans l’uniformité régulière de la marche, ils vous ont un petit air pimpant et fier très agréable.

Ils paradaient en corps aujourd’hui à travers les rues ; ils tournaient à gauche, à droite, avec un cliquetis de baïonnettes, sous les commandements du capitaine : forward… shoulder arms… right about turn…

C’est ça qui m’a le plus effrayée, les commandements. — Brrr… si ce n’eût été la jolie moustache du capitaine, sa voix ferme et sonore, ses éperons qui tintinnabulaient sur les cailloux du chemin — je me serais enfuie… — Mais, je ne me suis pas enfuie.

Je voudrais bien connaître son nom, au capitaine…

Un moment j’ai eu envie de le lui demander ; je n’avais qu’à ouvrir la bouche et lui dire : Beau capitaine, va, si tu savais comme je te trouve charmant, tu m’apprendrais bien ton nom ; car il s’est trouvé à quatre pas de moi.

Je suppose même qu’il a eu envie, lui aussi, de me le dire, car en s’en allant derrière sa compagnie, il s’est retourné deux fois, et je suis certaine qu’il m’a regardée.

Tu ris de ça, toi, mon gros parchemin, et tu secoues tes feuilles épaisses pour que je ne parle pas de pareilles balivernes… mais je t’en conterai bien d’autres, va, j’y compte bien aussi, car que veux-tu que je te dise autre chose ?… je ne te parlerai toujours pas d’histoire de France.

J’ai raconté ça à papa, ma promenade et ma rencontre des soldats anglais ; je lui ai dit combien je les avais trouvés gentils, pas effrayants du tout. Mais papa est trop sérieux, lui ; et mes histoires ne l’ont pas amusé du tout… D’ailleurs, il les a vus tant de fois, ces soldats.


2 juillet, 1836.

J’arrive du cimetière, où je suis allée répandre des fleurs, des prières et des larmes sur les deux tombes qui y dorment pieusement et qui contiennent ce que nous avions de plus cher au monde. Mon père, en triplant son amour, sa protection, sa tendresse, remplace maintenant pour moi ces deux disparus.

Pauvre père, lui qui m’accompagnait pour que je sois forte, pour essuyer mes larmes, il a bien pleuré et c’est moi qui l’ai consolé.

Je vais ainsi en pèlerinage avec lui, chaque année, à pareille date. C’est l’anniversaire du triste accident qui a emporté notre cher Gabriel. Ni l’un ni l’autre, nous ne l’oublions. Je prépare deux bouquets, l’un de pensées, l’autre de myosotis, et nous allons.

Quatre ans, c’est déjà loin, et, dans ma jeunesse, bien des choses, mal retenues ou incomprises, ont pris une forme indécise et vague ; mais aujourd’hui, par cette matinée sans soleil, l’image de Gabriel, son image de jeune homme beau et vigoureux, m’est apparue aussi vivante et aussi nette que lorsqu’il me portait dans ses bras, me tenait son regard si doux sur le mien… oh ! mais si vivante que jamais je ne l’avais vue ainsi, même la veille de sa mort, où il m’avait si longuement conté son bonheur et ses ambitions naissantes.

J’ai revu son expression de figure d’une infinie tendresse ; j’ai reconnu le charme de sa voix, et les inflexions intimes, familières, enfantines aussi qu’il prenait parfois, sont venues bruire doucement à mon oreille. J’ai bien entendu qu’il me chuchotait tout bas : Sois bonne, Madeleine, prie souvent devant le portrait de notre mère pour que tu viennes la retrouver, toi aussi, et, surtout… et sa voix prit ici un timbre de petit enfant, doux et tendre, comme pour me faire une caresse,… et surtout, ne fais jamais de peine à papa.

Je me suis retournée vers mon père, pour voir s’il l’entendait, lui aussi, cette voix… il était à genoux, à quelques pas plus loin, à côté de l’abbé Michaudin.

Il est bien bon, notre vieux curé, et comme papa, je l’estime et je l’aime. L’an dernier, à pareil jour, il est aussi venu nous rejoindre ; il a versé sa part de larmes, apporté sa part de fleurs, et sa part de prières a peut-être été la meilleure.

 

Dors en paix, Gabriel, ta petite Madeleine t’a bien entendu et t’obéira, va !


25 Novembre, 1836.

C’est déjà l’hiver.

— Oui, l’hiver pour sûr, mademoiselle, m’a dit notre fidèle François, ce matin, pendant qu’il se frottait les doigts au-dessus des fourneaux de la cuisine,… ça pince.

— Carillon n’est pas gelé, je suppose, dans son écurie ; ni Séné, ni Jalap ?

— Oh ! non, mademoiselle, si vous les voyiez… ils ont plus chaud que moi.

Carillon, c’est mon vieux cheval. Papa l’appelle ainsi en souvenir d’un combat célèbre, — j’ai déjà vu ça dans mon histoire — où les Anglais ont battu les Français, à moins que ça ne soit les Français qui aient rossé les Anglais, je ne sais plus. Quant à Séné et Jalap, mes deux chiens, c’est moi qui les ai baptisés ainsi en l’honneur du métier de médecin… métier de chien ! comme dit souvent papa, quand il part au loin pour des courses épouvantables, dans la boue, la neige, les tempêtes affreuses.

Si l’on n’avait pas notre vieux curé et Gaston pour faire une partie de cartes au coin du feu, ce serait bien monotone, nos veillées d’hiver. Mais quand le poêle ronronne en lançant ses pétillantes fusées, et que nous sommes installés tous les quatre autour de la table, quelles délicieuses petites soirées nous passons. Mon vieux curé joue partenaire de mon père ; il s’assied dans son fauteuil, toujours le même, sa tabatière à gauche, son mouchoir à droite Et comme son petit œil fin clignote, surtout quand il a de l’atout ; comme il s’épanouit, le menton sursautant, les boutons de sa soutane en feu sous les bons coups qu’il fait.

Moi, je joue avec Gaston ; puisqu’il me devine si bien, je suppose qu’il doit aussi deviner mon jeu. Ça n’y paraît pas, cependant, car nous perdons presque toujours.

 

C’est la Sainte-Catherine, aujourd’hui, la fête des vieilles filles de mon pays. Sapristi ! j’ai failli faire une bêtise.

En entrant, ce soir, pour sa partie habituelle, Gaston, avec son petit regard fouilleur qui me rentre dans l’âme et me fait avouer justement tout ce que je voudrais cacher, m’a attaquée comme ça :

— Dis, Madelon, ce n’est pas encore ta fête aujourd’hui ?…

— Ma fête ?… mais je n’ai que dix-huit ans… Suis-je déjà vieille fille ?

— Non, pas encore, mais ça viendra. Qu’en dites-vous, monsieur le curé ?

L’abbé reprit en riant :

— Madeleine, vieille fille ?… Faudrait donc que tous les petits Canayens des environs aient perdu la tête ou soient aveugles… C’est bon pour vous, Gaston, parce que vous êtes son cousin et que la dispense coûte si cher, acheva-t-il en éclatant de rire tout à fait.

Je repris moi-même, un peu rouge et fâchée du ton gouailleur de Gaston :

— Des petits Canayens, comme vous dites, monsieur le curé, si vous saviez combien j’en pourrais avoir… Et une buée de sabres, de galons dorés, d’éperons, avec un beau capitaine au milieu, voltigea devant mes yeux.

Gaston la devina, la vit flotter, sans doute, cette buée imperceptible, car il ajouta avec une arrière-pensée prête à s’échapper de ses lèvres :

— On ne peut pas tous être des officiers en habits rouges, vois-tu. Et il prit en même temps une expression de figure si étrange, si navrée, si triste à voir que tous nous en ressentîmes le contre-coup et la partie de bézigue, d’ordinaire si gaie, se traîna péniblement entre le ton songeur de mon père et l’air distrait du curé.

Je crois que j’ai été méchante.


28 Novembre, 36.

Ce sont les Français qui ont battu les Anglais, à Carillon. Je l’ai demandé à mon père, au dîner.

— Saperlotte ! m’a-t-il dit, crois-tu que sans ça j’appellerais mon cheval Carillon ? Et du geste indigné dont il voulait appuyer sa conviction, il a renversé sa tasse de café.


7 Janvier, 37.

Je connais son nom, maintenant, à mon capitaine. Il s’appelle Percival Smith. C’est par un pur hasard que je l’ai appris.

Je suis allée rendre visite à madame de Montizambert, et la bonne vieille, qui a quelque peu la manie des projets de mariage, m’a parlé d’une foule de jeunes gens… Ça lui vaut même une certaine vogue ; à cette chère dame, auprès de quelques-unes de mes amies.

En la questionnant, je l’ai si bien embrouillée, que j’ai découvert que mon capitaine s’appelait Percival Smith… Quel joli nom !

Elle avait l’air narquois, en me le disant. Serait-elle assez maligne pour soupçonner les émotions de mon cœur ?

Elle a ajouté : Il vous connaît, lui ; il sait qu’on vous nomme Madeleine…

Tiens, je ferme mon journal ; je voudrais bien rêver un peu……


14 Février, 37.

Tu as dix-huit ans, m’a dit mon père, aujourd’hui, dans un de ces moments d’entretien enjoué, presqu’enfantin, que nous avons souvent à cette heure délicieuse où ce n’est plus le jour et où ce n’est pas encore la nuit.

À cette heure-là, j’irais souffler les bougies jusque chez le voisin, tant je trouve charmant de voir danser dans les coins, cinquante ombres, cinquante visions fantastiques et, tout en jasant familièrement, de mettre des visages aimés dans chacun des vieux cadres qui ornementent… est-ce bien le mot ?… les murs de mon boudoir.

Papa m’a prise dans ses bras ; il m’a bercée longuement, comme à mes dix ans, me roulant dans ses caresses les cheveux autour de ses gros doigts, et nous avons causé… causé.

J’ai bientôt compris qu’il désirait surtout savoir ce qu’ils me conseillaient, mes dix-huit ans.

— Pas grand chose, mon Dieu ! lui ai-je dit, dont je puisse rendre compte… excepté, peut-être… mais bah ! ça ne vaut pas la peine d’en parler.

Et comme il paraissait y tenir, me disait des phrases folles pour m’encourager, multipliait ses calineries de père pour m’amener à vider mon cœur devant lui, j’ai cédé…

Le contenu n’en était pas gros, pas lourd, non plus… tu le sais bien, toi, mon gros cahier, qui le cache tout entier sur un petit coin grand comme ça de tes pages. Papa s’est d’abord mis à rire, puis il est devenu sérieux, si profondément sérieux et songeur que, m’enveloppant dans un regard d’une affection infinie, il resta comme perdu dans un monde de souvenirs lointains.

Ce sont mes dix-huit ans qui lui ont sans doute fait peur ; la crainte qu’un jour il ne me suffise plus. Mais c’est donc vrai qu’un autre amour puisse germer dans mon cœur à côté de celui que j’éprouve pour lui !

Mon Dieu ! j’en ressens cette secousse glacée qui nous saisit en face d’immenses abîmes entrevus sous les pieds.

 

Madeleine en eut les yeux pleins d’eau de cette lecture, qui l’entraînait de page en page, dans tous les petits recoins, chaque tréfonds oublié de son âme, de cette lecture où elle plongeait un regard craintif et recueilli comme si elle eut soulevé la dalle d’une tombe. Chaque point et chaque lettre lui apparaissaient maintenant grossis, et tout l’inexprimé qui était resté en suspens entre les lignes, suivant les indécisions de sa jeunesse, et, plus tard, dans sa gêne même de confier au papier ses si intimes sentiments, s’éveilla doucement dans son esprit.

Elle demeura longtemps immobile, distinguant, dans une reculée lointaine, les grands ormes du Fort, un petit canot à voile blanche balancé sur le Bassin ; en face, un lourd chariot attelé de bœufs qui roulait sans bruit sur le chemin rocailleux, comme sur de la ouate. Silence au dehors, silence au dedans, plus rien, le vide.

Et elle revint de loin, d’infiniment loin, quand elle se leva pour glisser son rideau de fenêtre au-devant de ce grand soleil chaud de printemps, dont les rayons brillants jouaient depuis longtemps sur son front et lui éblouissaient les yeux sans qu’elle s’en aperçut.

Elle se rassit, pourtant, prit sa plume et, à son journal encore ouvert devant elle elle ajouta une page.

5 Juin 37.

Percival Smith… Percival… Smith… Per…ci…val… Smith.

Moi, je l’appellerai ; Percy, tout court… plus tard. Des noms, ça s’abrège… Peut-être qu’il m’appellera Madelon, lui…

Bah ! suis-je folle un peu, voyons. Voilà un pauvre garçon que j’ai vu trois fois, à qui j’ai parlé une fois et pour qui je me tourne la cervelle sans plus de façon ; car c’est se tourner la cervelle, n’est-ce pas, ce que je fais là ?

Je les ai tous repassés, ou à peu près, les jeunes gens de ma connaissance. Pas un n’a eu ce sourire si bon, si loyal qui a accompagné le respectueux salut qu’il m’a fait en me tendant la main… — une main sans rudesse, polie au contact de son épée et qui doit si bien protéger, il semble.

Tous les autres m’ont répété comme ça : « Enchanté de faire votre connaissance… » « charmé de vous rencontrer… » « très heureux de vous voir… » et un tas de banalités niaises et plates bégayées par Adam au paradis terrestre, quand Dieu lui présenta cette pauvre mère Ève, et réchauffées depuis par tous les nigauds de tous les temps et de tous les pays.

Lui, rien de ces fadaises, mais une jolie phrase sans prétention, pleine de cordiale sincérité et si douce.

Comme il a gardé souvenir de tous les détails de notre première rencontre de l’an passé, c’est singulier ; je les ai retenus, moi, parce que je les avais écrits, mais lui…

Ça m’a fait bien plaisir de danser avec papa ; ça lui arrive si rarement de s’abandonner aussi complètement à la joie !… Un vrai regain de vie et de gaieté l’a repris au bal hier soir, lui a redonné ses vingt ans, effacé ses rides, rendu la souplesse de ses jambes et me l’a fait voir tel que je me le représente parfois à son âge d’amour et de jeunesse. Mais ça m’a bien fait au peu de peine de quitter le capitaine Smith.

Quand le reverrai-je maintenant ? Si encore……

Oh ! la paresseuse fille
Qui s’habille
Si tard un jour de moisson.

C’était une fin d’ode de Victor Hugo que le vieux docteur venait de lire en reproduction sur Le Libéral et que, d’en bas, du pied de l’escalier, il adressait ironiquement à Madeleine.

Celle-ci ferma son cahier, l’enfouit précipitamment dans son secrétaire dont le tiroir poussé en hâte fit toc… et son cœur fit toc aussi à Madeleine.

Puis quand elle eut tout fermé, cœur, cahier et secrétaire, la paupière encore gonflée de sommeil tirant un bras engourdi, Madeleine descendit dire bonjour à son père.