Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I/L’arrosoir de larmes
L’ARROSOIR DE LARMES
À quelle fontaine as-tu rempli cet arrosoir, ô Dame en deuil qui viens du saule ?
Le saule d’où je viens est ma très ample chevelure et j’ai rempli cet arrosoir à ma fontaine de douleur.
Cette pluie fine de tes yeux où la portes-tu donc, ô Dame en deuil qui marches légitime au mitan des cyprès ?
La porte tout là-bas sur le jardin maigre du brun Chevalier de la Veille qui mourut de m’avoir trop aimée.
Crois-tu que tout là-bas, en sa demeure de silence, il le saura celui brun qui mourut de t’avoir trop aimée ?
Certes ! goutte à goutte il écoutera cette pluie fine de mes yeux et puis me répondra des fleurs belles qui seront les plus vives du monde.
Que feras-tu de ces réponses belles qui seront les plus vives du monde ?
M’en parerai la joue, les doigts, la ceinture, la gorge ; et deviendra, la Dame en deuil, étrange et précieuse infiniment.
Pourquoi t’ainsi parer la joue, les doigts, la ceinture, la gorge, et devenir, ô Dame en deuil, étrange et précieuse infiniment ?
Afin de plaire au Chevalier du Lendemain qui blond m’espère au seuil du cimetière, en habit de faisan !