Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I/Coqs

Édition du Mercure de France (Tome premierp. 29-33).


COQS


À Pierre Veber.


Amitié : muraille qui s’écroule devant une fanfare de coqs ! girouette obéissant au moindre vent de deniers qui passe !
Les Saisons Humaines.

Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.

Dans l’aube mauve, parmi ces coqs cambrés sur les brancards et les charrues des cours ainsi que des tambours-majors sur des affûts de forts, je songe à la victime que je fus de la Crèche à Jérusalem.

Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.

À ma bouche, sevrée des mamelles de Nazareth et des margelles de Galilée, revient le goût des éponges de fiel : l’âme perse de mes familiers, l’apostasie discipulaire, l’ingrate digestion de mes pains multipliés, la grimace des mains de qui j’avais sorti la ronce, et la fleur feinte que tant de fois mes dents cueillirent sur la joue peinte de l’amante à l’œil grand comme un judas.

Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.

Mais dans l’aube mauve, parmi ces coqs cambrés sur les brancards et les charrues des cours ainsi que des tambours-majors sur des affûts de forts, je songe encore au bourreau que je fus de la Crèche à Jérusalem.

Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.

En le musée d’horreurs de ma mémoire se réveillent alors mes matinées de miel fiancées à mes soirs d’aiguillon, les vipères nouées sous mon hôte rêvant de brebis et de poules, mes tiares de renégat, et l’épine que ma lèvre frivole tant de fois insinua dans la joue fidèle de l’amante aux yeux grands comme deux hirondelles.

Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.