Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I/Liminaire

Édition du Mercure de France (Tome premierp. 1-28).



LIMINAIRE
DES
REPOSOIRS DE LA PROCESSION




Pèlerin magnifique en palmes de mémoire
(Ô tes pieds nus sur le blasphème des rouliers !)
Néglige les crachats épars dans le grimoire
Injuste des crapauds qui te sont des souliers.

Enlinceulant ta rose horloge d’existence,
Évoque ton fantôme à la table des fols
Et partage son aigle aux ailes de distance
Afin d’apprivoiser la foi des tournesols.

De là, miséricorde aux bons plis de chaumière
Avec un front de treille et la bouche trémière,
Adopte les vieux loups qui bêlent par les champs

Et régénère leur prunelle douloureuse
Au diamant qui rit dans la houille des temps
Comme l’agate en fleur d’une chatte amoureuse.


(Message au poëte adolescent.)


LIMINAIRE
DES
REPOSOIRS DE LA PROCESSION

Le pas de ma vie — la vie, ce pèlerinage de la mort ! — s’avance vers l’Idée à travers la Nature, et mon âme en extase d’aube ou de soleil ou de nuit s’arrête à la moindre occasion dont Celle-ci pare Celle-là.

L’Idée, naïve ou merveilleuse ou triste, j’en courtise toute signification d’apparence et, l’heure mûre, je la fais Mienne, malgré cette épanouie vigilance des choses qui fascine, éblouit, distrait, fige l’audace corporelle mais que sait outrepasser la témérité spirituelle.

Que je dise, d’abord :

Le monde des choses, hormis telles concessions générales de primitivité, me semble l’enseigne inadéquate du monde des idées ; l’homme me paraît n’habiter qu’une féerie d’indices vagues, de légers prétextes, de provocations timides, d’affinités lointaines, d’énigmes.

Croyant à des idées subtiles sinon avares qu’un déguisement protège, je vois le saisissable en miséricordieux et joli mensonge de la Beauté, vérité première.

Cette formidable Isis, dont la soudaine intensité ferait mourir, s’édulcore par d’innocents reliefs et dégage d’enfantins phénomènes à l’usage de la poussive aperception et du malingre entendement de l’homme peureux, — et voici l’univers sensible : bénigne aumône de l’apocalypse latente[1].

Vivre, c’est donc assister à la Comédie des Secrets représentée dans l’incommensurable décor de la Pitié.

Spectacle acroamatique dont il sied de hardiment rechercher les clefs, car ses personnages aux gestes de vent, de fleuve, de foule, jouent sous un masque épais comme la montagne ou menu comme le parfum de fleur, car il est ésotérique ce spectacle traité d’exotérique par la quiète ignorance des Simples.

Sans taxer de paradoxe le quotidien spectacle et le définir par l’inverse exclusivement, il sera sage de n’y voir qu’un prologue aussi bref qu’un appel de trompette.

Partant de ce principe que la nature a l’intermédiaire mission d’uniquement nous mettre sur la voie d’entraînement, dès lors il nous faudra pour aboutir ne compter que sur nos personnelles ressources.

Toutes les sciences incubant en nous à l’état potentiel et divinatoire, nous pouvons savoir tout par nous-même, — par l’élémentaire raison que le Trésor virtualise en l’hypothèse de l’homme et que c’est à l’homme de le reconnaître et de l’émanciper.

Les commentateurs de l’hypostase disaient de Jésus[2] que sa personne contenait les natures humaine et divine, nous dirons du poëte que son âme a deux sexes : elle produira si elle se cultive.

Se mirer : perpétuelle occupation de la Beauté.

Ses miroirs : les hommes.

La Beauté reste la même, mais les miroirs diffèrent.

Aussi variée que ses miroirs inconscients ou conscients, l’une Beauté est conséquemment plusieurs, puisqu’une idée singulière d’elle hante chaque homme.

L’émotion du miroir est le vagissement de l’œuvre[3].

Plasticiser son reflet constitue l’œuvre[4].

Le domaine de ces beautés individuelles, expressions diverses de l’originelle Beauté, a nom l’Art ; la supériorité de l’une d’elles s’appelle chef-d’œuvre[5].

N’imputons pas à l’inspiratrice Beauté les défauts d’une œuvre, mais au poëte.

Il y a des miroirs plus ou moins purs.

La cigale au miroir vierge chante clair ; celle au miroir terni chante trouble ; d’autres ne chantent point, le mal ayant passé qui creva les miroirs.

Ainsi des poëtes.

On honore justement la victoire d’un génie, néanmoins conseiller la dictature de tel chef-d’œuvre et l’ériger en exemple obligatoire et dogmatique constituerait une erreur d’esclave, ce serait nier l’homme au profit d’un homme, ce serait glorifier Procuste, ce serait encore (car les miroirs se polissent de mieux en mieux et s’autorisent de plus en plus) entraver le Voyage vers le Mieux — qui doit durer toujours.

Maintenant, si nous considérons la Beauté comme le pseudonyme physique et jovial de Dieu, nous conclurons que croire en soi c’est croire en Dieu et réciproquement.

L’homme et Dieu sont solidaires au point de se confondre[6].

La Beauté ne peut rien sans nous, nous ne pouvons rien sans elle.

Que si même tous nos miroirs se fanaient ou se cassaient à la fois, la Beauté mise dans l’impossibilité de se mirer qui est toute sa raison d’être cesserait d’exister : la vie divine est à la merci de la vie humaine.

L’Art nôtre, on le voit, est par-dessus tout l’Art de l’homme.

Art de l’avènement de toutes les intelligences ! art d’initiative et de spontanéité ! art ipséiste par excellence ! idéalanarchie ! religion prométhéenne !

Il suffit à l’esprit humain de secouer les chaînes de la crainte et d’avoir fermement conscience de sa valeur.

L’orgueil de l’homme est sans doute pour les pusillanimes traditionnaires la fin de la sagesse, mais pour nous il est à coup sûr le commencement du génie[7].

Les curieux regards de l’universelle Beauté convergeant vers tout miroir vivant, il résulte que chaque être est durant sa vie le centre de l’Éternité. Personnage auguste et grand que celui-là ! Simple réceptacle de la Beauté s’il est inconscient, l’homme devient, s’il est conscient, la Beauté elle-même, et nous devons alors considérer ce pèlerin d’ici-bas comme Dieu en personne voyageant incognito.

Ainsi donc approprions notre miroir et croyons en nous.

Au surplus, qu’est-ce que Dieu, sinon l’homme levant éminemment le front, sinon la plus haute expression de l’humanité, sinon le meilleur de nous-mêmes, sinon l’homme des hommes[8] ?

L’inconnu, ce connaissable, varie suivant ses explorateurs. L’absolu se personnalise, l’universel s’individualise.

Un même problème se pose à tous les esprits, mais chaque esprit peut trouver une solution particulière en accord parfait avec les données générales.

L’entière fortune de l’Art tient dans cet élémentaire article de foi. Qui n’y croit pas restera citoyen de l’assimilation ; qui ne le pratique pas s’émascule d’originalité, ne sera jamais un créateur.

Jusqu’à l’objet et le phénomène, centres de départ, tous les hommes, à quelques détails près, sentent identiquement, mais ensuite des rayons divers les mènent vers le circonférentiel domaine qui s’étend à l’infini[9] : panorama régnant autour de chaque chose, et d’une virginité sans cesse renouvelée. Cet intégral panorama qui plonge dans l’éternité et dont il est un pétale intégrant, le poëte, dès qu’il y pénètre, s’en institue le premier occupant, le législateur, le roi.

Ce panorama, c’est Dieu qui l’offre, mais c’est l’individualité qui le provoque et le transforme à son goût. Est-ce assez dire qu’il émane de l’Éternité que nous portons en nous, absorbée, et que, à franc parler, nous ne faisons qu’objectiver notre amour de savoir ?

Le panorama dépendant d’une chose est marqué aux transitoires armes de l’individu tout le temps qu’y passe celui-ci. Notre esprit peut le défricher, le féconder, le moissonner comme il l’entend[10].

Les hommes sont copropriétaires de l’empire immanent, chacun est à son tour l’époux de la Beauté, époux certain d’une légitime descendance.

Que l’un après l’autre et dans les délais naturels plusieurs mâles fécondent la même femelle, chaque mâle en obtiendra un rejeton à son image.

De même pour la Beauté, le Poëte, l’Œuvre.

Mon vœu premier fut, écartant le relatif, de dévisager l’absolu[11].

Mainte fois, hélas ! succomba ma hardiesse qui s’acharnait à préciser l’imprécis, à définir l’infini narquois derrière les vitraux du fini.

S’il advint que mon « roseau pensant » se complut aux superficialités de l’idole, c’est que les bagatelles de la morphe[12] parurent suffisantes au roseau de telle heure oisive, c’est encore que la prudence conseillait au pâle pensant de s’en tenir au seuil de tel monstre.

Non pas que je récuse le service des matériaux affranchis et purs[13] !

Il sied de les fuir à la saison du rêve, mais, pour valoir, l’œuvre exige que l’explorateur au faix léger d’abstractions revienne au clocher natal des éléments pour y acclimater ses captives après les avoir (cristallisant leur être d’absence en être de présence) affublées de vraisemblable vie, pour enfin s’acquitter de sa tâche qui est d’humaniser le surhumain, de possibiliser le divin, — bref d’organiser et de définitiver ici-bas la larve ravie à la chrysalide obscure de l’éternité, et d’ainsi résoudre le miracle de l’œuvre.

La règle première du poëte est de dématérialiser le sensible pour pénétrer l’intelligible et percevoir l’idée ; la règle seconde est, cette essence une fois connue, d’en immatérialiser, au gré de son idiosyncrasie[14], les concepts. Ce renouvellement intégral ou partiel de la face du monde caractérise l’œuvre du poëte : par la forme il s’affirme démiurge et davantage, car par la ciselure dont il revêt l’or sublime le poëte corrige Dieu.

Osons le reconnaître, le « fini » infériorise.

En vérité la fée Métaphysique s’accommode mal d’une chaîne de lignes, et la draperie matérielle avec laquelle nous la valabilisons amoindrit son initiale nudité. L’œuvre, même excellente, n’est que le souvenir imparfait d’un instant parfait ; toute création s’avoue nécessairement inférieure à la conception, entre celle-ci et celle-là se plaçant une regrettable période d’usure et d’oubli[15].

D’où il appert que se confiner dans la jouissante contemplation, ne point réaliser, serait la meilleure conduite et la plus sûre manière : le supergénie.

Qu’il suffise au poète de faire acte de génie !

Or le génie[16] ne s’avère que par le témoignage, c’est pourquoi le Dieu des Bonnes Gens comme preuve de son existence offre l’Univers.

Notre existence, poètes, est à la merci de notre œuvre ; puisse-t-elle nous acquérir des siècles !

Par la forme elle a le privilège d’une durabilité profitable à tous[17].

(La charité condamne cette prétention de haut orgueil où l’égoïsme se complaît. À celui-ci de daigner le devoir d’ouvrier, nous réservant néanmoins le droit de narguer le monde des préjugés et d’engendrer selon notre conscience.)

Le poète continue Dieu, et la poésie n’est que le renouveau de l’archaïque pensée divine[18]. Additionnées ces paroles aux déjà dites, on obtient : tout poète nouveau est une nouvelle édition corrigée et augmentée de Dieu. Les Renaissances sont les apothéoses de l’Idée parmi les contingences, ce sont les sources de jouvence où se retrempe la Beauté souillée par nos tares et nos apostasies.

Je le répète : au poète de condescendre !

Si moindrement que soit réalisée la pensée, cette réalisation sera toujours supérieure à la réalité[19]. Il aura donc fait mieux, en tout cas il aura fait soi : ce qui est le propre de la divinité.

Et qu’à l’avenir soient reniés les avortons des conventionnaires dynasties du lâche panurgisme ! faisons des enfants avec la vérité, directement.

C’est de la vie nouvelle que produit le poète, chaque effort de son individualité vaut une jeune étincelle à la vieille terre qui se refroidit.

La poésie est, de par elle-même, l’action première, et tout le reste est comptabilité. Bien plus, le poète signifie le véritable, l’unique vivant, — les autres ne sont que des cadavres grimés de vie.

Je m’arrêterais si le scrupule d’avoir offensé les Choses ne m’obligeait à leur faire une amende honorable.

N’ai-je pas du moins l’atténuant repentir anticipé de les avoir mieux traitées en d’autres occurrences ?

Et n’est-ce pas le mérite du poète de posséder une âme multiple, protéenne, d’envisager diversement, selon l’angle de l’occasion, de varier aussi fréquemment que la mer et que la femme, d’être le héros des sept couleurs de l’arc-en-ciel ?

Toutes les opinions éparses m’habitent tour à tour, auberge sur la route de la vie. Je m’avoue légion comme les religions et les hérésies, et volontiers je laisse à l’âne des Sorbonnes les têtus panonceaux de son immuable opinion. Convaincu de ma faillibilité, je me trahis le plus souvent possible : c’est encore le meilleur moyen d’effleurer une fois, et sans le savoir peut-être, la matrice glorieuse de la Beauté.

Susceptible du faîte comme de l’abîme, passible de la palme et du billot, sorte de bouc émissaire sur qui sont allés toutes les vertus et tous les vices du monde, le poète figure l’entière humanité dans un seul homme : synthèse humaine que ce centre de l’éternité.[20]

Aussi bien, Choses, de la miséricorde !

Ô mes presque victimes d’aujourd’hui, rappelez-vous les fleurs passées de votre bourreau, Choses qui, un matin de naïve foi, me parûtes des pensées tombées de l’Intelligence à l’aube originelle et solidifiées par les époques ?

Une autre fois je vous crus formées des reliques de tous les morts des âges révolus : fleurs-yeux, fruits-cœurs, terres-cendres, pierres-crânes, montagnes-osselets…

Puis vous m’avez semblé des tout alluviens construits avec d’innombrables rien apportés par une myriade de nécessités en gésine, — alors je songeais aux nids d’hirondelles si solides et pourtant accomplis avec des becquées.

Hier ne disais-je pas ?

— Chaque massivité sensible est l’agrégat d’un nombreux désir humain ou bien la cristallisation d’une intention de Dieu.

Ô Choses : corolles closes sur les essences,

Ô Choses : branches drapées sur les festins,

Ô Choses : agrafes de cil sur les lumières,

Ô Choses : murailles dressées devant les vestales d’harmonie,

Ô Choses : toiles baissées devant les gestes nus,

Ô Choses : pierres tumulaires des fantômes d’éternité[21],

Ô Choses : éphémères palais des héros immanents,

Ô Choses : étables hospitalières aux caravanes de mystère,

Ô Choses jeunes, vieilles, petites, grandes, minces, grosses, légères, lourdes, opaques, diaphanes, terrestres, aériennes, marines, mâles, femelles, saintes, profanes, laides, belles, douces, terribles, — pardonnez au poète qui parmi vous passa ravi, ô Choses, et recevez l’encens, la myrrhe et l’or de sa reconnaissance !

Les Reposoirs De La Procession.

Les livres relevant de ce titre collectif réunissent les tablettes où sont consignées les variées impressions de la route étrange[22].

Sorte de Mémoires des sens, du cœur et de l’esprit, ces miscellanées sans date où j’ai commenté l’intimité de Dieu, les mobiles des spectacles inertes et les drames de la chair et de l’âme.

J’espère, d’ores et déjà, qu’on pardonnera à certaines confessions leur sincérité.

La louable ambition du poète est de faire œuvre de dieu par le front mais on ne peut le mépriser de rester homme par le pied.

Ma récompense serait que cette orchestration de litanies et de lamentations, d’heurs et de tourments, d’humilités et d’orgueils, de réticences et d’aveux, mît en clair relief mon âme, — ma pauvre âme inquiète de meilleur.

S-P-R.
Juin 1893.



  1. L’Univers est une catastrophe tranquille ; le poëte démêle, cherche ce qui respire à peine sous les décombres et le ramène à la surface de vie.
  2. D’aucuns nous bernent de parfois citer Jésus. Ne fut-il pas compagnon de sagesse et poëte de charme ? Il devrait être licite de le préférer à Rougonmacquart.
  3. L’émotion, ce sillon du vrai (De l’Idéoréalisme.)
  4. Εἰδωλοποίησις.
  5. Les chefs-d’œuvre sont des lois de la Beauté concrétisées. (De l’Idéoréalisme.)
  6. La ligue de l’homme et de Dieu produit le poëte.
  7. Avez-vous observé que le moindre chapitre de l’Histoire prouve par hôpital + prison que le génie est une sorte d’abomination ?
  8. Dieu, figure sublime de ses créatures !
    Dieu, vigne de nos désirs !
    Dieu, chêne de nos espérances !
    Dieu, résultat de nos volontés !
    Dieu, synthèse de nos idées !
    Dieu, nom parfait de la science humaine !

    (Rôle de Magnus : litanies de Dieu.)
  9. Tout chemin mène à Dieu.
  10. L’Inconnu, seul vrai domaine de la création.
  11. « Imagination du relatif », « luxe de la nature », ainsi fut une fois défini par mon changeant esprit l’Absolu qu’en plus je disais ultérieur aux contingences. J’ai encore pensé que la métaphysique est le songe de la physique, et j’ai aussi considéré l’idéalisme comme l’extraordinaire floraison de la matière. L’homme primitif aurait imaginé cet Absolu à la lumière des astres neufs, dans son épouvanté besoin d’accorder une cause sage aux phénomènes vagabonds. Pris au piège de sa fantaisie (telle une femme s’englue à son mensonge) l’homme s’efforcerait ensuite d’analyser l’invention qu’il ne se rappellerait avoir édifiée en des temps d’enfance ; par l’art, dès la civilisation, et passées les neuf époques d’imagination, il veut enfin voir et toucher ses idées, connaître les hôtes-fils de son cerveau, admirer son rêve sculpté, jouir de la végétation luxuriante de sa belle folie. À ce compte l’homme apparaîtrait son propre parasite. L’homme vierge ayant la prescience de ses vertus et de ses vices futurs et suspendant lui-même sur son avenir l’espérance et le remords, la récompense et le supplice, serait-ce pas un fait de sagace vision, une politique de haute sauvegarde ? Ô cet immense code du mystère menaçant notre conscience avertie ! Et puis c’est si bon de se donner l’illusion de n’être pas seulement l’éphémère pèlerin des routes humaines et qu’on transfugera quelque jour dans un monde chimérique — devenu vrai, qui sait ? par la force séculaire de notre foi. Au surplus que le Mystère sorte de nous ou que nous sortions de lui, peu importe ! Il existe, et cela seul intéresse.
  12. La forme est fleur, le fond est fruit (Cœcilian).
  13. Le monde, galimatias d’une palette ou d’un chantier de construction : reste à faire l’édifice ou le tableau.

    Les objets, lettres d’alphabet servant à rendre notre mystère compréhensible.

    Les choses sont au poëte ce que les notes de musique sont au musicien.

  14. Sortir l’idée de sa gangue et l’élucider. Mais, si on ne la retenait, l’idée s’envolerait ! Il est donc prudent de lui jeter notre chasuble d’art sur les épaules ou de l’enclore en le globe de vitrail de notre culte, tant pour lui concilier la faveur de l’homme au moyen de ces intermédiaires de facture humaine que pour garantir sa nudité des crachats d’un public impénitent et sauver de toute alarme sa pudeur exposée. (De l’Art Magnifique.)
  15. La création est un diminutif de la conception.
  16. Certains nous font un grief de ce vocable employé couramment, je les renvoie sans plus à son étymologie.
  17. La forme, la plastique, c’est l’œil, la joue, le sein, la cuisse, la chevelure, l’heure, l’âge, l’armoirie, le climat, la patrie, le cœur, l’âme, la vie de l’Idée. (De l’Art Magnifique.)
  18. Les poëtes, étalons de la race divine. (Lazare).
  19. J’entends la réalité vaine que conçoit la foule ; ne pas la confondre avec la réalité suprême de l’Idée.
  20. Le Théâtre est l’entière manifestation d’art, — Protée, ce miroir prismatique, y pouvant agir sous toutes ses facettes.
  21. L’univers est la pierre tumulaire du fantôme de l’Éternité (Cœcilian).
  22. Le seul ordre donné à ces courtes exégèses est celui de la journée. Chaque tome commence avec l’aube, suit le cours du soleil et s’achève aux étoiles, que ce soleil et ces étoiles soient apparents ou suggérés par la couleur des pages : témoin ce tome I dont les Coqs (sages-femmes de la lumière) sont l’alpha et le Paon (firmament en miniature) l’oméga.